TRIBUNAL D’ARBITRAGE
Sous l’égide du
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL
(CCAC)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment
ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Canada
Province de Québec
Dossiers no: S20-062501-NP/ S20-062502-NP/ S20-081901-NP
BENJAMIN MORYOUSSEF ET REBECCA VALÉRIE MOLINA
(« Bénéficiaires »)
c.
9264-8476 QUÉBEC Inc. f/a/s GROUPE BSR
a/s LITWIN Boyadjian Inc.,
ÈS qualité de SYNDIC DE FAILLITE DE 9264-8476 québec inc.
(« Syndic »)
et
GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR)
(« Administrateur »)
DÉCISION ARBITRALE
intérimaire
Arbitre :
Me Jean Philippe Ewart
Pour les Bénéficiaires :
Me Stéphane Paquette
Crochetière, Pétrin sencrl
Pour l’Entrepreneur:
M. Arthur Blumer
Litwin Boyadjian Inc., ès qualité de Syndic de Faillite
Pour l’Administrateur :
Me Pierre-Marc Boyer
La Garantie Construction Résidentielle (GCR)
M. Yvan Gadbois
Inspecteur conciliateur
Date de la décision : 30 décembre 2021
Identification des Parties
BÉNÉFICIAIRES : BENJAMIN MORYOUSSEF
REBECCA VALÉRIE MOLINA
Attention : Me Stéphane Paquette
5800, Louis-H.-Lafontaine
Montréal (Québec) H1M 1S7
SYNDIC : LITWIN Boyadjian Inc., ÈS qualité de SYNDIC DE FAILLITE DE L’ENTREPRENEUR 9264-8476 québec inc.
Attention: M. Arthur Blumer
1411, rue Peel, suite 602
Montréal (Québec) H3A 2S5
ADMINISTRATEUR : GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR)
Attention: Me Pierre-Marc Boyer
4101, rue Molson, 3e étage
Montréal (Québec) H1Y 3L1
Introduction
[1] La résidence des Bénéficiaires est une maison unifamiliale isolée située à Ville de Côte-Saint-Luc, Québec (le « Bâtiment » ou la « Résidence »);
Mandat et Juridiction
[2] Le Tribunal agit sous nominations du soussigné en dates du 22 juin 2020, 2 juillet 2020 et 20 août 2020 respectivement, en conformité du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r.08) (le «Règlement») adopté en vertu de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1.1), le tout suite à réclamation pour couverture sous le plan de garantie au Règlement visé par les présentes (la « Garantie » ou « Plan »), relativement à une demande d’arbitrage des Bénéficiaires en date du 22 juin 2020.
[3] Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n’a été soulevée par les Parties et juridiction du Tribunal a donc été confirmée.
Litige et Contexte
[4] L’Entrepreneur était 9264-8476 Québec Inc. (« Entrepreneur »), maintenant failli, inter alia faisant affaire sous ‘Groupe BSR – BSR Group’ dont la présidente était Judith Basal et Ronan Basal le secrétaire et dont l’actionnaire majoritaire était 8976457 Canada Inc., dont l’actionnaire majoritaire et unique administrateur est Baruch Basal.
[5] L’Entrepreneur a déposé en octobre 2018 un avis d’intention en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (L.R.C. 1985, ch. B-3 ) (« Loi sur la Faillite ») après quoi s’en est suivi faillite de l’Entrepreneur en mars 2019, et conséquente nomination de Litwin Boyadjian Inc. (A. Blumer) ès qualité de syndic à la faillite de l’Entrepreneur (le « Syndic »).
[6] Le présent litige découle de trois décisions de l’Administrateur et entre autres des positions de l’Administrateur à celles-ci – plus particulièrement explicité à la première décision émise au dossier, Déc Adm1 (définie ci-dessous) :
(i) qu’il n’y a pas eu de ‘réception’ du bâtiment au sens du Règlement quoique sous contrat préliminaire et contrat de garantie avec un entrepreneur alors accrédité – ce qui emporte uniquement remboursement d’acompte jusqu’à la limite monétaire au Règlement (et non parachèvement des travaux demandés par les Bénéficiaires), et
(ii) que le Bâtiment a été par la suite acquis par les Bénéficiaires d’un syndic et non d’un entrepreneur accrédité, et qu’alors, comme la vente du Bâtiment n’a pas été faite par un entrepreneur accrédité, la couverture de la Garantie ne trouve plus application.
Pièces
[7] Les Pièces contenues au Cahier de l’Administrateur ou déposées au dossier par la suite sont identifiées comme A- avec numérotation équivalente à l’onglet applicable au Cahier visé ou par la suite à l’Instruction en suivi des cotes. Les Pièces des Bénéficiaires sont identifiées sous cote B-. L’Entrepreneur n’a déposé aucune pièce au dossier.
[8] Il y a confirmation d’acceptation respective des Pièces pour fins de l’origine du document et l’intégrité de l’information que le document porte.
Chronologie de l’Arbitrage
[9] Un bref sommaire de certains éléments de chronologie aux présents dossiers :
2015.09.14 Signature du contrat préliminaire par les Bénéficiaires (Pièce A-1).
2015.09.14 Signature du contrat de garantie par les Bénéficiaires (Pièce A-2).
2017.07.01 Livraison initiale prévue de la Résidence.
2017.12.15 Emménagement initial dans la Résidence par les Bénéficiaires.
2018.06.12 Entente intervenue entre les Bénéficiaires et l’Entrepreneur concernant entre autre le retard de livraison de la Résidence (« Entente »).
2018.08.23 Livraison prévue de la Résidence suite à l’Entente.
2018.10.03 Avis d’intention par l’Entrepreneur (Loi sur la faillite).
2019.03.18 Faillite de l’Entrepreneur.
2019.09.18 Ordonnance de dévolution de la Cour Supérieure (Pièce B-2).
2019.11.07 Transfert de propriété de la Résidence aux Bénéficiaires par le Syndic. (Pièce A-3).
2019.11.07 Dénonciation des Bénéficiaires (date reçue - Administrateur) (Pièce A-4).
2019.12.02 Formulaire de réclamation (date reçue – Administrateur) (Pièce A-8).
2020.02 Dénonciation des Bénéficiaires (Pièce A-5).
2020.03.02 - Dénonciation des Bénéficiaires (date reçue - Administrateur) (Pièce A-6).
2020.03.20 - Dénonciation des Bénéficiaires (date reçue - Administrateur) (Pièce A-7).
2020.06.04 Décision de l’Administrateur (« Décision Adm1 ») (Pièce A-19).
2020.06.04 Décision de l’Administrateur (« Décision Adm 3829») (Pièce A-20).
2020.06.22 Demande d’arbitrage des Bénéficiaires (Pièce A-22).
2020.06.22 Nomination arbitre S20-062501-NP (Décision Adm 3829)
2020.07.02 Nomination de l’Arbitre S20-062502-NP (Décision Adm1)
2020.08.14 Décision rectifiée de Décision Adm 3829 («Décision Adm R/3829)
2020.08.19 Demande d’arbitrage (Décision Adm R/3829)
2020.08.20 Nomination arbitre S20-081901-NP (Décision Adm R/3829)
2020.09.17 Réception du Cahier de l’Administrateur (198 pp.).
2020.10.14 Conférence préparatoire.
2020.10.27 Instruction
2020.11.02 Argumentation écrite de l’Administrateur (art. 2, al. 1, para 3 Règlement)
2002.11.04 Argumentation écrite des Bénéficiaires (art. 2, al. 1, para 3 Règlement).
Éléments procéduraux et Décisions Administrateur
[10] Le présent litige découle de trois (3) décisions de l’Administrateur, des motifs et conclusions qui se veulent identiques, soit :
- décision de l’Administrateur no. 125636-3469 date du 4 juin 2020
(« Déc Adm1 »;
- décision de l’Administrateur no. 125636-3829 datée du 4 juin 2020
(« Déc Adm 3829 »);
- décision rectifiée de la décision de l’Administrateur no. 125636-3829, datée du 14 août 2020 (« Déc Adm R/3829 »).
Faits pertinents
[12] Les Bénéficiaires et l’Entrepreneur ont signé un contrat préliminaire de vente (« Contrat préliminaire ») et un contrat de garantie le 14 septembre 2015 pour un montant de 1 379 700$ incluant taxes et devant être livrée le 1er juillet 2017 selon les clauses du contrat (Pièces A-1 et A-2).
[13] Bien que la livraison était prévue au 1er juillet 2017, les Bénéficiaires emménagent dans la Résidence le 15 décembre 2017, à l’insistance de l’Entrepreneur tel que souligné par l’Administrateur à la Décision Adm1 (du 14 juin 2020) qui ajoute alors que c’est malgré le fait que de nombreux travaux prévus au Contrat préliminaire restent à être parachevés.
[14] Une entente est intervenue le 12 juin 2018 intitulée ‘ Extras, Undertakings and Guarantee Agreement’ concernant entre autre le retard de livraison (Annexe B de la Décision Adm1 Pièce A-19 en liasse) (« Entente ») laquelle est à l’effet que l’Entrepreneur s’engageait à compléter la construction du Bâtiment et des Extras (dont paiement d’un montant additionnel de 400 000$ taxes incl., dont versement d’un montant de 150 000$ à la signature de l’Entente) et à transférer les titres de la Résidence, le tout au plus tard au 23 août 2018.
[15] La preuve documentaire non contredite (Pièce A-17) confirme versements (en juin, septembre et décembre 2015) et paiement d’un montant au total de 225 000$ qui sont qualifiés d’acomptes au Contrat Préliminaire et à des correspondances de l’Administrateur, et d’un montant de 150 000$ (composante du montant additionnel de 400 000$) selon l’Entente.
[16] L’Entente prévoit que les Bénéficiaires avaient le droit d’occuper la Résidence sans frais jusqu’au transfert des titres de la propriété.
[17] L’Entente est intervenue entre les Bénéficiaires et l’Entrepreneur, ainsi que Judith Basal, Ronan Basal et Baruch Basal à titres de garants des obligations de l’Entrepreneur.
[18] Le transfert des titres de propriété n’a pas eu lieu le ou avant le 23 août 2018 tel que stipulé dans l’Entente.
[19] Le 3 octobre 2018, l’Entrepreneur a déposé un avis d’intention en vertu de la Loi sur la Faillite après quoi s’en est suivi faillite de l’Entrepreneur le 18 mars 2019.
[20] Le Syndic a transféré, suite à une entente du 3 septembre 2019 (Pièce B-1), les titres de propriété en suivi d’un jugement de la Cour Supérieure (Pièce B-2) aux Bénéficiaires le 7 novembre 2019, et un avis de dénonciation écrit (Pièce A-4) fût reçu par l’Administrateur le jour même (estampille de l’Administrateur) pour les travaux à parachever ou à corriger (21 Points) (« Dén21P »).
Prétentions des Parties
[21] Les Bénéficiaires réclament le parachèvement des travaux de la Résidence tels que prévus au Contrat préliminaire identifiés sous la Dén21P, la correction de vices dénoncés (soit les 12 et 16 de la Dén21P) et des Points 1, 1 et 2 et 1 des dénonciations subséquentes de février et de mars 2020 (Pièce A-5, A-6 et A-7 respectivement) ainsi que le remboursement des hypothèques légales payées pour obtenir les titres de propriété de la Résidence.
[22] Selon l’Administrateur, il n’y aurait pas eu réception du Bâtiment par les Bénéficiaires telle que définie à l’article 8 du Règlement et conséquemment, seule s’appliquerait la couverture avant réception du bâtiment visée au paragraphe 1 a) de l’article 9 du Règlement qui prévoit le remboursement des acomptes dans une limite maximale de 50 000$.
[23] De plus, selon l’interprétation de l’Administrateur des paragraphes 1 a) et 3 de l’article 2 du Règlement, seuls des bâtiments acquis d’un syndic par un entrepreneur seraient alors couverts par la Garantie, et donc selon l’approche de l’Administrateur en plaidoirie que ce paragraphe 3 ne crée aucune exclusion. Nous y reviendrons plus particulièrement.
[24] Selon les Bénéficiaires, la réception de la Résidence a eu lieu par le biais de l’Entente.
[25] Étant donné que les Bénéficiaires ont pu emménager dans la Résidence, selon eux, la Résidence était en état de servir à l’usage auquel on le destine telle que définie à l’article 8 du Règlement.
[26] L’Administrateur considère que l’Entente ne constitue pas réception mais plutôt une annexe au contrat initial.
[27] Les Bénéficiaires avancent d’autre part que les paragraphes 1 a) et 3 de l’article 2 du Règlement ont pour effet d’assujettir certains bâtiments n’ayant aucune garantie légale comme ceux acquis par un entrepreneur d’un syndic de faillite à la garantie du Règlement et conséquemment, n’ont pas pour effet d’exclure une vente d’un syndic aux Bénéficiaires.
Le Règlement
[28] Le Règlement est d’ordre public tel que confirmé à diverses reprises par notre Cour d’appel[1]. Nous y reviendrons pour les fins des présentes.
[29] Le Règlement prévoit d’autre part que toute disposition d’un plan de garantie qui est inconciliable avec le Règlement est nulle[2] et conséquemment, le Tribunal se réfère aux articles du Règlement lorsque requis sans rechercher la clause correspondante au contrat de garantie, s’il en est.
[30] La décision arbitrale est finale et sans appel et lie les parties dès qu’elle est rendue [3].
Questions sous étude
[31] Le Tribunal devra donc dans un premier temps déterminer si la réception du Bâtiment a eu lieu dans le cadre du Règlement (art. 8 du Règlement) puis, si requis, statuer si la couverture du Plan est applicable lorsque le Bâtiment est acquis par les Bénéficiaires d’un syndic de faillite, ici le Syndic, et non d’un entrepreneur accrédité (art.2 du Règlement).
[32] Par la suite, si applicable, une revue de la couverture de la Garantie, s’il en est, des réclamations des Bénéficiaires et de la procédure devant être suivie dans les présentes circumstances, s’il en est.
Règles et Principes d’interprétation
[33] Se devant d’adjuger sur la définition de ‘réception du bâtiment’ dans les circonstances des présentes et sur l’application de l’article 2 para. 3 du Règlement, il est nécessaire d’analyser divers principes, méthodes, règles et présomptions d’interprétation juridique que ce soit de textes législatifs ou règlementaires.
[34] On reprendra brièvement les méthodes d’interprétation, et certains principes, règles et présomptions d’interprétation pour nos fins [4].
[35] Mais en primauté de ces méthodes, une première balise se retrouve à la Loi d’interprétation (Québec) (« L.I. ») [5]:
« 41. Toute disposition d’une loi est réputée avoir pour objet de reconnaître des droits, d’imposer des obligations ou de favoriser l’exercice des droits, ou encore de remédier à quelque abus ou de procurer quelque avantage.
Une telle loi reçoit une interprétation large, libérale, qui assure l’accomplissement de son objet et l’exécution de ses prescriptions suivant leurs véritables sens, esprit et fin.
S. R. 1964, c. 1, a. 41; 1992, c. 57, a. 602. (nos soulignés)
Et d’intérêt :
« 41.1. Les dispositions d’une loi s’interprètent les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l’ensemble et qui lui donne effet. »
[36] Notons déjà ce que la Pre Lauzière confirme :
« La première règle qui se profile est celle de l’unité du texte, selon laquelle la loi forme un tout, dont l’unité se dégage à partir de plusieurs éléments du texte.
[…]
C’est aussi en vertu de cette règle [ndlr art. 41.1 L.I.] que l’emploi du même mot à plusieurs reprises dans le texte de loi fait présumer que le législateur a voulu lui donner partout la même signification et, a contrario, que l’emploi de mots différents fait présumer que le législateur a voulu leur donner des significations différentes. »[6]
[37] Diverses méthodes d’interprétation ont été retenues par la Cour Suprême du Canada, et alors que la Cour est d’avis que le compendium du modern principle (ci-dessous) exprimé initialement par le Pr. Elmer A. Driedger est celui maintenant retenu, diverse causes de la Cour Suprême reprennent ou placent une emphase particulière sur une ou l’autre des méthodes d’interprétation selon les circonstances. Cette règle moderne se compose d’éléments de diverses méthodes d’interprétation qu’il est d’intérêt de résumer pour mieux saisir l’analyse aux présentes.
[38] Les méthodes :
littérale / grammaticale: une analyse du vocabulaire utilisé, des règles de grammaire, et de structure syntaxique, soit, en sommaire, que le législateur s’exprime correctement, selon les règles ordinaires du langage;
systématique : qui adresse la cohérence de la loi : soit interpréter toute loi en tenant compte de l’ensemble de ses parties;
historique: fait l’objet de nombreuses critiques; un recours aux travaux préparatoires, à l’historique de la législation;
téléologique : consiste à interpréter la loi en fonction de son but, son objet ou sa finalité. On retrouve celle-ci entre autre sous l’art. 41 de la Loi d’interprétation dans le cadre de l’accomplissement de l’objet, soit d’identifier l’objet ou la finalité de la loi, et ce, à la lumière de son texte et du contexte global et par la suite de l’interpréter de façon à permettre la pleine réalisation de cet objet. [7].
contextuelle : est inhérente à toute forme d’interprétation juridique et on la retrouve dans chacun des différents procédés d’interprétation.
pragmatique : soit les conséquences de chacune des interprétations possibles de la loi, une conception pratique et dynamique de l’interprétation. L’objectif n’est pas tant de découvrir l’intention du législateur que d’apporter une solution appropriée au litige qui donne lieu à l’interprétation de la loi.
On doit alors retenir une interprétation conduisant à un résultat juste et raisonnable. À l’inverse, il faut éviter de donner à la loi un sens qui produise des effets absurdes, ridicules, futiles, déraisonnables, inéquitables ou illogiques.
[39] Les principes et règles d’interprétation n’ont qu’une valeur supplétive. Le Pr P.A. Côté dans Interprétation des lois considère que celles-ci ne se présentent pas sous forme de règles impératives, suggérant d’utiliser le terme ‘principes’ et qu’elles ne sont pas absolues mais constituent plutôt des guides et des arguments [8].
[40] En parallèle aux méthodes, principes et règles d’interprétation législatives, nos tribunaux ont élaboré des règles d’origine jurisprudentielle et la doctrine nous permet d’autre part de bénéficier d’une analyse de cet ensemble.
[41] La Cour Suprême du Canada a maintes fois repris l’application du modern principle énoncé par le professeur Driedger, qui fait consensus en tant que méthode d’interprétation législative depuis l’arrêt Stubart Investments Ltd. rendu en 1984 :
« Bien que les remarques E.A. Driedger dans son ouvrage Construction of Statutes (2e éd. 1983), à la p. 87, ne visent pas uniquement les lois fiscales, il y énonce la règle moderne de façon brève:
[TRADUCTION] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur. » [9]
[42] Dans l’affaire Notre-Dame de Bon-Secours en 1994, la Cour Suprême [10]:
« Notre Cour y a établi, sous la plume du juge Estey, à la p. 578, que l'on devait s'écarter de la règle de l'interprétation stricte au profit d'une interprétation selon les règles ordinaires, de manière à donner effet à l'esprit de la loi et au but du législateur:
[…] Dans La Reine c. Golden, 1986 CanLII 50 (CSC), [1986] 1 R.C.S. 209, aux pp. 214 et 215, le juge Estey pour la majorité explique l'arrêt Stubart en ces termes:
[. . .] la règle applicable ne se limite pas à une interprétation de la loi littérale et presque dépourvue de sens lorsque, selon une interprétation plus large, les mots permettent d'arriver à une conclusion réalisable et compatible avec les objectifs évidents de la loi en cause. »
(nos soulignés)
Commentant Driedger (précité), dont l’énoncé est maintenant ancré, la Cour Suprême ajoute :
« Primauté devrait donc être accordée à la recherche de la finalité de la loi, que ce soit dans son ensemble ou à l'égard d'une disposition précise de celle-ci. »
[43] D’abondant, la Cour Suprême en 1998, commentant d’autres auteurs sur le sujet, reprend le leitmotiv et cite :
« Elmer Driedger dans son ouvrage intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983) résume le mieux la méthode que je privilégie. Il reconnaît que l’interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi. » [11]
[44] Cette approche est d’ailleurs demeurée le fer de lance de l’interprétation des lois depuis l’affaire Stubart dans de nombreuses décisions de la Cour Suprême, et même très récemment en Décembre 2021 [12] dans une affaire d’interprétation de l’expression ‘entreprise’ au sens des lois fiscales sous la plume de Hon. Suzanne Côté (décision unanime, banc de 7) qui écrit d’emblée :
[3] […] Ces mots doivent être interprétés en suivant leur sens ordinaire et grammatical et de manière à s’harmoniser avec leur contexte global et les objets de la LIR. » (ndlr : LIR : Loi de l’Impôt sur le Revenu).
(nos soulignés)
[45] Tant sous la disposition législative (art. 41 L.I., précité) que sous la règle moderne doctrinale que sous la jurisprudence charnière sur le sujet, on se doit inter alia d’harmoniser l’objet de la loi avec son contexte global afin de permettre de supporter son esprit, l’intention du législateur, sa ratio legis :
« Toute loi a un objet qu’elle entend réaliser et les dispositions de la loi sont censées concourir à son accomplissement. L’objet de la loi constitue la ratio legis, soit la raison d’être de la loi. » [13]
[46] Une brève note. Certains voudront s’adresser à la maxime expressio unius est exclusio alterius que l’on peut saisir comme la mention de l’un est l’exclusion de l’autre, qui n’est pas toujours indiquée. On comprends que cette maxime n’impose pas de conclusions [14] et que l’on doit se fonder (même dans des cas où la maxime pourrait s’appliquer) entre autre sur l’objet de la loi et cette interprétation ne peut réduire la protection des personnes appelées à en bénéficier [15].
[47] Donc en sommaire, pour interpréter le Règlement, une application de la ‘modern principle’ / règle moderne de Driedger, soit le contexte global législatif et règlementaire, en suivant le sens ordinaire et grammatical des mots harmonisé avec l'objet et l'esprit de la loi et l'intention du législateur, le tout permettant une emphase sur une ou plusieurs des méthodes d’interprétation selon les circonstances.
Le Règlement - Ordre public de protection
[48] La Cour d’appel confirme dès 2004 que le Règlement est d’ordre public de protection [16]
[49] La Cour d’appel reprend la même approche en 2011 sous la plume de l’Hon. Rochon
« [13] Le Règlement est d'ordre public. Il détermine notamment les dispositions essentielles du contrat de garantie en faveur des tiers. »
et qui ajoute :
« En l'espèce, ce plan de garantie est au bénéfice des personnes qui ont conclu un contrat avec un entrepreneur pour la construction d'un bâtiment résidentiel neuf. »[17] (nos soulignés)
[50] Le Règlement est soumis et adopté par la Régie du Bâtiment en conformité de la Loi sur le Bâtiment [18] et celle-ci souligne d’entrée :
« Le 1er janvier 2015, l’organisme a effectué une refonte de ce règlement pour mieux protéger les acheteurs de résidences neuves […] »[19]
[51] La Cour Suprême a analysé l’ordre public de protection à diverses reprises (entre afin de le distinguer de l’ordre public de direction) et s’attarde à la possibilité de renonciation dans un cadre d’ordre public de protection [20] (qui permet de renoncer à la protection offerte par la loi une fois le droit acquis (pp.528-530)).
[52] Ce constat relatif à la renonciation permet de saisir que lorsqu’un texte législatif ou règlementaire prévoit expressément une disposition prévenant une renonciation, tel le Règlement, ceci renforce le caractère de protection, élément que relève la Cour d’appel sous Desindes (précitée) lorsqu’elle qualifie le Règlement d’ordre public et réfère aux articles 105 et 140 du Règlement[21].
[53] Tant les auteurs que la jurisprudence identifient les personnes pour lesquelles un ordre public de protection s‘applique comme qualifiées de ‘vulnérables’, tels le Pr Côté (précité) :
« 931. D'autres lois peuvent, à première vue, paraître avoir été édictées exclusivement à l'avantage de certains membres de la société. C'est le cas des diverses lois dites de protection, qui veulent assurer la protection des intérêts de membres de la société jugés, pour une raison ou pour une autre, particulièrement vulnérables.
ainsi entre autre le Pr Cumyn dans son ouvrage Les sanctions des lois d’ordre public:
« L’ordre public de protection désigne l’ensemble des règles du droit positif régissant de manière impérative les rapports privés dans le but spécifique de protéger une partie vulnérable. »[22]
que la jurisprudence commente, tel :
[19] Sur le plan juridique, la doctrine et la jurisprudence ont divisé l'ordre public en deux groupes : l'ordre public de direction qui a comme objectif de limiter la liberté contractuelle dans l'intérêt général de la société et l'ordre public de protection qui vise à protéger spécifiquement certains contractants qui peuvent se trouver en situation de vulnérabilité. »[23]
[55] L’Administrateur prend position que, tenant compte que le Contrat préliminaire est intervenu entre les Bénéficiaires et l’Entrepreneur, alors entrepreneur accrédité au Plan, la Garantie s’applique alors mais puisque selon l’Administrateur il n’y a pas eu réception du Bâtiment, sa seule obligation est un remboursement d’acomptes.
[56] En vertu de la définition à l’article 8 du Règlement, la « réception du bâtiment » correspond à :
« l’acte par lequel le bénéficiaire déclare accepter le bâtiment qui est en état de servir à l’usage auquel on le destine et qui indique, le cas échéant, les travaux à parachever ou à corriger. »
(nos soulignés)
[57] La définition de réception prévoit donc qu’une réception a lieu d’une part lorsque le bénéficiaire déclare accepter le bâtiment et d’autre part lorsque le bâtiment est en état de servir à l’usage auquel on le destine.
[58] On se doit d’analyser chacun des éléments contenus à cette définition.
Bénéficiaire et Définition de Contrat
[59] L’article 1 du Règlement définit un « bénéficiaire » comme étant:
« une personne physique ou morale, une société, une association, un organisme sans but lucratif ou une coopérative qui conclut avec un entrepreneur un contrat pour la vente ou la construction d’un bâtiment résidentiel neuf et, dans le cas des parties communes d’un bâtiment détenu en copropriété divise, le syndicat des copropriétaires. »
[60] Comme l’indique notre collègue Me Albert Zoltowski dans l’affaire Frenza c. Habitations Germat Inc.[24], le Tribunal est d’avis que le Contrat préliminaire que les Bénéficiaires et l’Entrepreneur ont signé le 14 septembre 2015 constitue un « contrat pour la vente ou la construction d’un bâtiment résidentiel neuf ».
[61] Le Règlement reprend cette expression de «… d’un contrat conclu avec un bénéficiaire pour la vente ou la construction» à l’art. 2 du Règlement afin de décrire le champ d’application du Plan.
[62] Les dispositions du Code civil du Québec (C.c.Q.) qui régissent les contrats d’entreprises ou de services peuvent servir pour interpréter les dispositions du Règlement.
[63] D’une part, il faut saisir que, soit contrat de vente ou d’entreprise dans les circonstances du Règlement, la Garantie prévue est applicable tant par l’effet de l’art. 1794 C.c.Q. [25] qui assujetti la vente par un entrepreneur d’un fond et immeuble d’habitation aux règles du contrat d’entreprise relatives aux garanties et qui y inclut le promoteur immobilier – de même que de l’art. 2124 C.c.Q.
[64] Une lecture attentive du Règlement (art. 9, al. 1) soulève d’autre part une distinction de couverture du Plan entre le contrat de vente et le contrat d’entreprise avant la réception du Bâtiment soulignant que le parachèvement dans un cadre de contrat de vente requiert que le Bénéficiaire soit détenteur des titres de propriété.
[65] La Décision Adm1 fait une description précise des faits pertinents et s’accompagne d’annexes qui couvrent entre autres copie de l’Entente et énumération des réclamations des Bénéficiaires (de novembre 2019).
[66] La Décision Adm1 sous sa rubrique ‘Analyse et décision’ indique (3 premiers paragraphes) (ndlr : référence à une annexe C : contenu : extraits du Règlement):
« Analyse et décision
L’analyse du dossier nous permet de constater qu’il n’y a pas eu réception du bâtiment par les bénéficiaires et l’entente intervenue le 12 juin 2018 ne constitue pas une réception du bâtiment telle que définie à l’article 8 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (voir annexe C), mais plutôt une annexe au contrat initial.
Étant donné qu’il n’y a pas eu de réception du bâtiment, seule la couverture avant réception du bâtiment visée au paragraphe 1° a) de l’article 9 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (voir annexe C) est applicable, considérant que le contrat initial fut conclu avec un entrepreneur accrédité.
La couverture de la garantie avant la réception du bâtiment dans le cas d’un contrat de vente alors que les titres de propriété n’ont pas été acquis d’un entrepreneur accrédité, prévoit le remboursement des acomptes dans une limite de 50 000$ prévu au paragraphe 1° de l’article 13 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (voir annexe C). »
[67] On note cet énoncé et admission que selon l’Administrateur l’Entente est une annexe au contrat initial, donc selon la définition pour nos fins, partie intégrante du Contrat préliminaire. Nous y reviendrons.
[68] L’Administrateur a le choix avant réception en vertu de l’article 9 du Règlement de rembourser les acomptes ou de parachever [26] alors que suite à réception, la Garantie doit couvrir selon l’art. 10 al. 1 du Règlement le parachèvement des travaux si les conditions de mise en œuvre de la garantie de parachèvement sont rencontrés, ou selon les para 2 à 5 de l’article 10 quant aux réparations.
Réception; Acceptation
[69] Quant à l’acceptation du Bâtiment par les Bénéficiaires, ces derniers avancent que celle-ci aurait eue lieu avant la faillite de l’Entrepreneur en vertu de l’Entente et que de ce fait, les Bénéficiaires auraient droit à la Garantie après réception.
[70] Reprenons pour aise de lecture la définition de réception à l’article 8 :
«réception du bâtiment»: l’acte par lequel le bénéficiaire déclare accepter le bâtiment qui est en état de servir à l’usage auquel on le destine et qui indique, le cas échéant, les travaux à parachever ou à corriger. »
[71] Quelle portée doit-on donner à ‘’l’acte’’ requis par la définition.
[72] Le Code civil apporte un premier élément à considérer, alors que le para 1 de l’article 2110 C.c.Q. adresse l’obligation du client (pour nos fins, les Bénéficiaires) de recevoir l’ouvrage à la fin des travaux, le para.2 définit la réception :
« La réception de l'ouvrage est l'acte par lequel le client déclare l'accepter, avec ou sans réserve. »
[73] Dans l’affaire D&S Decors Inc. c. Anna Mandravelos et al.[27], l’Hon juge Anne-Marie Trahan cite avec approbation le professeur Vincent Karim comme suit:
« La réception est un acte volontaire et unilatéral par lequel le client déclare accepter l’ouvrage […] Il n’est pas nécessaire de constater l’acceptation de l’ouvrage par écrit. Celle-ci peut être verbale ou résulter d’un geste ou d’un acte démontrant l’intention et la volonté du client de recevoir l’ouvrage. »
(nos soulignés)
[74] Dans l’affaire Côté c. MS Construction enr.[28], il est stipulé que :
« La réception de l’ouvrage peut être formelle ou tacite. Elle est tacite lorsqu’elle découle de la conduite des parties. »
Le Tribunal note que si une réception tacite découle de la conduite des parties, cet énoncé supporte d’abondant qu’une une entente écrite intervenue entre les parties constitue réception.
[75] On retrouve (2021) la même approche en doctrine quant à l’acte unilatéral :
« Quant à la réception, il s'agit d'un acte volontaire et unilatéral du client qui déclare accepter l'ouvrage.
Puisque le Code civil du Québec prévoit qu'il peut y avoir réception avec réserve, c'est donc que cette réception peut avoir lieu avant l'exécution parfaite des travaux. L'exécution devra être complète pour qu'il y ait fin des travaux mais la réception avec réserve est possible même si les travaux comportent des déficiences ou des malfaçons, en autant que cela ne compromette pas l'usage de l'ouvrage conformément à sa destination. » [29]
[Nos soulignés - citations omises]
[76] On se doit de constater à l’Entente que l’Entrepreneur reconnait qu’il a accepté que les Bénéficiaires résident dans la Résidence à partir de Décembre 2017, conséquemment entre autre à leur demande ou néanmoins à leur consentement. De plus, les Bénéficiaires négocient et requièrent des travaux additionnels (‘Extras’) et le libellé de l’Annex A de l’Entente – se divise en deux sections, dont la première n’a pas de sous-titre alors que la deuxième est intitulée ‘Deficiencies’.
[77] Mme Rebecca Valérie Molina, une des deux Bénéficiaires (pour fins de texte, en tout égards « Molina »), témoigne sur l’état de l’immeuble en décembre 2017 et confirme que cet état est celui qui demeure et est reflété par l’annexe A de l’Entente.
[78] Cette continuité de résider, cristallisée par l’Entente est un « acte volontaire et unilatéral », réception qui résulte « … d’un geste ou d’un acte démontrant l’intention et la volonté du client de recevoir » - voir inter alia D&S Decors précitée.
[79] Si la preuve n’est possiblement pas complète sur une réception en décembre 2017, la preuve documentaire que constitue l’Entente et la Dén21P identifiant
des points de réclamation datés de juin 2018 (Pièce A-4) convainquent d’un acte unilatéral, volontaire, qui démontre l’intention et la volonté des Bénéficiaires à cet égard.
[80] De même, on note un paiement concomitant à la signature de l’Entente d’un montant de 150 000$ pour ces ‘Extras’, élément qui subsidiairement supporte cette volonté de réception (sous réserves – que l’on identifie alors à l’Entente).
[81] Quant à l’approche de l’Administrateur que l’Entente est uniquement une annexe au contrat initial, le Tribunal ne voit pas de contradiction en ce qu’une telle annexe ne soit pas aussi un acte démontrant la volonté du ‘client’ – les Bénéficiaires – de recevoir l’ouvrage, le Bâtiment.
[82] Le Tribunal a entre autre pris connaissance de l’affaire Drapeau c 9162-5665 Québec et GCR [30] sous la plume de notre collègue l’arbitre Me R-Y Gagné [plaidée par les procureurs au présent dossier, Me Paquette alors pour l’Entrepreneur et Me Boyer pour la GCR] qui ne trouve toutefois pas application aux présentes, entre autre alors qu’elle se distingue de la présente cause, en ce que sous Drapeau il n’y a pas accord de l’Entrepreneur de procéder à une entente quelconque qui pourrait emporter réception (para 165), que selon l’Administrateur le bénéficiaire n’a pas déclaré accepter le bâtiment (para 187.1) et qu’il n’y avait pas de liste quelconque de travaux acceptés ou de ceux visés par un parachèvement (para 187.3).
… servir à l’usage auquel on le destine
[83] Toutefois, dans un cadre de réception avec réserve ce qui est le cas aux présentes, déficiences ou malfaçons, qu’en est-il de la situation d’habitabilité, respectant la composante de la définition de ‘réception du bâtiment’ de l’art. 8 du Règlement, soit : « en état de servir à l’usage auquel on le destine » ce qui rejoint l’énoncé précité (voir note 29) « … autant que cela ne compromette pas l'usage de l'ouvrage conformément à sa destination ».
[84] Un bref rappel chronologique. Les Bénéficiaires emménagent initialement dans la Résidence vers le 15 décembre 2017 et l’Entente est en date du 18 juin 2018 et la réclamation initiale des Bénéficiaires sous leur dénonciation sur formulaire préimprimé de l’Administrateur qui, quoique de novembre 2019, identifie une première observation des points soulevés au 12 juin 2018, donc précédemment à la signature de l’Entente.
[85] Quoique non essentiel pour nos fins, il y a certains éléments de la preuve documentaire qui militent en faveur de prouver que les Bénéficiaires non seulement occupent mais qu’il pourrait être allégué que la réception du Bâtiment est de décembre 2017; en effet, la preuve est à l’effet que les Bénéficiaires assument pendant cette période les frais de Gaz Métro, Hydro-Québec et Intact, assurance habitation pour le Bâtiment (factures à l’appui. Pièce A-17 en liasse) (voir aussi Pièce A-14 relativement inter alia au paiement des taxes municipales).
[86] On remarque que l’Entente ne prévoit, après de nombreux délais (soit de plus d’un an après la date initiale de livraison prévue), qu’un délai de deux (2) mois pour compléter le transfert notarial des titres, et précédemment la construction initialement prévue et les Extras (qui représentent un montant de 25% de plus que le prix initial). Ce court délai de livraison supporte une habitabilité du Bâtiment.
[87] De nouveau, cet approche commune de l’Entrepreneur (et des ses dirigeants qui s’engagent personnellement) milite à considérer que la construction est toutefois en voie de complément (et donc une certaine inférence à son habitabilité – que les Bénéficiaires expérimentent d’ailleurs depuis alors six mois déjà).
[88] Dans l’Entente, l’article 2.01 alinéa b) prévoit que :
« The Corporation and the Guarantor furthermore hereby unconditionally and irrevocably Guarantee to the Purchaser the undertaking by the Corporation to proceed with the execution of the transfer of title of the Property to the Purchaser by notarized deed by no later than August 23, 2018, the whole strictly clear of any existing and/or future liens in relation to or resulting from any debts or legal obligations of the Corporation. » (nos soulignés)
[89] De plus, le Tribunal note à l’annexe A de l’Entente ( Annex A, de l’annexe B de la Déc. Adm 1), les travaux que les bénéficiaires et l’Entrepreneur identifient comme restant à être parachevé à cette date tel que l’exige l’article 17 du Règlement.
[90] En témoignage, sous contre-interrogatoire, Molina reprend en partie son témoignage en principal, et commente quant à l’état du Bâtiment que ce qui restait à compléter, parachever, est ce qui apparait à l’annexe de l’Entente.
[91] De même, Yvan Gadbois, T.P. inspecteur et conciliateur [pour fins de texte, en tous égards « Gadbois »)] confirme avoir discuté avec les Bénéficiaires lors de sa visite en janvier 2020 de l’état de l’immeuble en juin 2018 (date de l’Entente) et répond par l’affirmative à la question du procureur des Bénéficiaires ‘’ Est-ce que le 28 janvier 2020, votre constat est que ce bâtiment est de servir à l’état à l’usage auquel on le destine, soit une résidence unifamiliale?’’.
[92] Le Tribunal est d’avis que la signature par les Bénéficiaires de l’Entente écrite ne peut indiquer, de toute évidence, qu’une intention par les Bénéficiaires d’accepter le Bâtiment; car ni une ‘fin des travaux’ ni un transfert des titres de propriété n’est une exigence de la ‘réception du bâtiment’ (telle que définie au Règlement). Il y a donc réception du Bâtiment par les Bénéficiaires au 18 juin 2018.
Liminaire
[93] La question se pose maintenant à savoir si la couverture de la Garantie est exclue lorsque les titres de propriété du bâtiment sont acquis d’un syndic de faillite par les Bénéficiaires en vertu des paragraphes 1 a) de l’article 2 du Règlement et du 3e paragraphe de l’article 2 al.1 du Règlement (« Para3») tel que l’allègue l’Administrateur.
[94] L’article 2 (al. 1) du Règlement prévoit l’application de la Garantie :
« Le présent règlement s’applique aux plans de garantie qui garantissent l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur visées au chapitre II et résultant d’un contrat conclu avec un bénéficiaire pour la vente ou la construction:
1° des bâtiments neufs suivants destinés à des fins principalement résidentielles et non détenus en copropriété divise par le bénéficiaire de la garantie:
a) une maison unifamiliale isolée, jumelée ou en rangée;
b) un bâtiment multifamilial à partir du duplex jusqu’au quintuplex;
c) (sous-paragraphe abrogé);
2° des bâtiments neufs suivants destinés à des fins principalement résidentielles et détenus en copropriété divise par le bénéficiaire de la garantie:
a) une maison unifamiliale isolée, jumelée ou en rangée;
b) un bâtiment multifamilial comprenant au plus 4 parties privatives superposées, sans tenir compte, dans le calcul de ces 4 parties, des espaces privatifs dont la destination est le stationnement ou le rangement;
c) (sous-paragraphe abrogé);
3° des bâtiments visés aux paragraphes 1 ou 2 et acquis d’un syndic, d’une municipalité ou d’un prêteur hypothécaire par un entrepreneur.»
(nos soulignés)
[95] La version anglaise du Para3 stipule « the buildings specified in subparagraph 1 or 2 and acquired by the contractor from a syndic, municipality or mortgage lender […]. »
[96] Dans le cas présent, les Bénéficiaires ayant conclu un Contrat préliminaire pour la vente d’une maison unifamiliale neuve qui est destinée à des fins résidentielles, sont visés par l’alinéa 1a) de l’article 2.
[97] Quant au Para3, les Bénéficiaires ont plaidé qu’il doit simplement s’interpréter conformément au sens ordinaire des mots et qu’il a simplement pour effet d’assujettir au Règlement les bâtiments visés au paragraphe 1 et 2 de l’article 2 acquis par un entrepreneur d’un syndic et non entièrement construits par ce dernier.
[98] Tel que souligné ci-haut, l’Administrateur considère que la couverture de la Garantie est exclue lorsque les titres de propriété du bâtiment sont acquis d’un syndic de faillite par un bénéficiaire.
[99] On note toutefois que l’Administrateur en date du 16 décembre 2019 -- postérieurement à l’Ordonnance de dévolution de la Cour Supérieure autorisant le Syndic à la vente du Bâtiment (Pièce B-2) et plus encore au transfert de propriété de la Résidence aux Bénéficiaires par le Syndic en novembre 2019 (Pièce A-3) -- envoie à l’Entrepreneur l’avis préalable de 15 jours (Pièce A-9 en liasse) en conformité inter alia de l’art. 18 para 2 du Règlement.
[100] Cette référence à l’art 18 n’est pas un constat que l’Administrateur considère alors déjà que cet envoi de cet avis est relatif à une mise en oeuvre après réception (tenant compte du renvoi sous l’art. 17 para 2 à l’art.18 (para 2 à 6)) mais à certes un impact sur l’approche alors prise par l’Administrateur quant au transfert par le Syndic aux Bénéficiaires, à tout le moins une approche initiale de considérer les dénonciations comme valides requérant l’intervention de l’Administrateur.
[101] Et ce encore plus tenant compte de la correspondance détaillée précédente des Bénéficiaires à l’Administrateur par courrier recommandé datée du 28 novembre 2019 (Pièce A-9 en liasse) qui décrit tant les circonstances de l’absence alors d’un formulaire d’inspection pré-réception que la vente par le Syndic.
[102] L’Administrateur était déjà informé de ces circonstances et continue d’analyser les travaux pouvant être requis à tout le moins jusqu’en mars sinon avril 2020.
[103] D’entrée de jeu sur le devoir du Tribunal de modeler l’ordre public au Règlement, le Pr Baudouin considère :
« L’ordre public québécois ne se résume pas seulement aux valeurs protégées par les chartes ou par la législation ordinaire. En d’autres termes, cette notion n’est pas uniquement constituée d’un corpus législatif et ce n’est donc pas au seul législateur qu’il revient d’en définir le contenu. L’ordre public est aussi judiciaire dans sa détermination. Les tribunaux ont le devoir de le sanctionner et de le modeler en prenant en compte les valeurs fondamentales de la société, à un moment donné de son évolution. »[31]
Objet du Règlement – dans un cadre d’insolvabilité.
[104] De nouveau, la Pr Cumyn dans son ouvrage La sanction des lois d’ordre public conclut dans un cadre d’une étude comparative des lois québécoises :
« 4. Les mesures qui garantissent la solvabilité du contractant
Dans les lois qui mettent en place un contrôle préalable de certaines activités, le législateur exige le plus souvent que les titulaires d’autorisations obtiennent une assurance-responsabilité ou un cautionnement afin de garantir leurs obligations envers leurs clients. La Loi sur le bâtiment instaure un plan de garantie assorti d’un processus d’arbitrage des litiges relatifs à la mise en œuvre du plan. Des règles obligeant les titulaires d’autorisations à tenir une comptabilité en fidéicommis contribuent aussi à protéger la partie protégée contre les conséquences de leur insolvabilité. […] Ces mesures renforcent l’efficacité des sanctions curatives en préservant le recours de la partie protégée.» [32] (nos soulignés)
[105] L’auteure considère après cette analyse détaillée qu’une législation telle la Loi sur le Bâtiment et conséquemment le Règlement (consacré comme règlement d’ordre public de protection) « … à protéger la partie protégée contre les conséquences de leur insolvabilité ».
[106] En sommaire, d’une part on se doit dans un cadre d’ordre public de protection « …d’ assurer la protection des intérêts de membres de la société jugés, pour une raison ou pour une autre, particulièrement vulnérables » [para 48 à 53 ci-dessus ] et dans un cadre additionnel d’insolvabilité, de protéger un bénéficiaire contre les conséquences de l’insolvabilité d’un entrepreneur.
[107] Cet objet et finalité établis, analysons le texte du 3e paragraphe de l’article 2 al.1, tant dans l’ensemble de l’article 2 et de la section 2 du Règlement dans lequel il s’inscrit sous la rubrique ‘Application’.
Article 2 – Application du Règlement – Arguments de texte
[108] La construction du Para3 se lit dans le cadre de l’ensemble de l’article 2 et du contexte de cet article dans l’ensemble du Règlement.
[109] En premier lieu, les 3 paragraphes de l’article 2 visent trois situations d’inclusion à l’application du Règlement, et que lors que les paragraphes 1 et 2 sont conjonctifs, le Para3 s’assure de qualifier ces paragraphes plus avant et les cite d’abondant, qualifiant dans un cas spécifique un bâtiment acquis d’un tiers mais spécifiquement et uniquement « … par un entrepreneur ».
[110] En effet, on peut construire que le Plan doit garantir les obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur et résultant d’un contrat (par celui-ci) et le Para3 permet d’autre part de tenir responsable un entrepreneur nonobstant qu’il n’a pas conclu ce contrat initial.
[111] Prenons l’énumération du Para3 et plus particulièrement pour nos fins, un bâtiment acquis d’un syndic : À cet effet, Doyon et Crochetière dans leur ouvrage Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs commenté[33] interprètent ce paragraphe dans son sens ordinaire:
« Un bâtiment acquis d’un syndic de faillite par un entrepreneur et revendu à un bénéficiaire pourra et devra, à la condition qu’il s’agisse d’un bâtiment neuf, faire l’objet de la garantie réglementaire. Dans une telle situation, l’entrepreneur concerné sera alors tenu à la responsabilité légale prévue au Règlement et ce, indépendamment du fait que le bâtiment en cause n’aura pas été construit par l’entrepreneur. » (nos soulignés)
Qu’en est-il de l’objet du Para3 relativement à la détention par ou propriété des acteurs visés.
[112] Reprenons le texte du Para3
3° des bâtiments visés aux paragraphes 1 ou 2 et acquis d’un syndic, d’une municipalité ou d’un prêteur hypothécaire par un entrepreneur.
et analysons brièvement le rôle et nature de chacun des acteurs de cette énumération dans un cadre de leur acquisition ou détention d’un bâtiment au sens du Règlement.
Municipalité
[113] On peut comprendre quant à une municipalité que ceci peut couvrir un transfert afin de permettre une vente pour un non-paiement de taxes municipales[34]. Notons que les lois et chartes prévoyant ce droit comprennent une option de rachat par le propriétaire d’un (1) an de la vente. Il s’agit d’un cas d’administration du bien d’autrui.
Prêteur hypothécaire
[114] Dans le cas d’un prêteur hypothécaire ceci peut couvrir le créancier hypothécaire qui exerce le droit de prendre possession des biens (2773 C.c.Q.) ou le créancier hypothécaire qui a obtenu délaissement (2768 C.c.Q.). Il s’agit aussi de cas d’administration du bien d’autrui.
Syndic
[115] Le Tribunal note le rôle du syndic de faillite dans la conclusion suivante du Approval and Vesting Order, para 12 de la Cour Supérieure (Pièce B-2):
« DÉCLARES that upon issuance of the Certificate, the Transaction shall be deemed to constitute and shall have the same effect as a sale under judicial authority as per the provisions of the Code of Civil Procedure and a forced sale as per the provisions of the Civil Code of Quebec. »
[116] La référence sous cette Ordonnance quant à la ‘Transaction’ vise le même effet que la vente sous contrôle de justice à l’article 2791 al. 1 C.c.Q.
[117] On a référé au rôle du syndic et les biens du failli comme soit un ‘fiduciaire’, soit dans d’autres circonstances (jurisprudentielles et doctrinales) un cessionnaire; la jurisprudence et la doctrine ont selon le Tribunal éclairci la question et confirmé que le propriétaire des biens, le syndic détient un droit réel sur les biens[35]. La propriété des biens d’un failli est dévolue au syndic.
[118] Alors que la finalité de la détention des biens visés, soit pour nos fins un bâtiment initialement couvert par le Plan, est différente entre d’une part une municipalité ou un prêteur, et d’autre part un syndic, la détermination des présentes ne s’adresse qu’au syndic, unique sujet du présent arbitrage.
[119] C’est l’article 71 de la Loi sur la faillite [36] [ndlr : précédemment l’article 71 (2) – amendé, 2004, ch. 25, art. 44, alors que l’article 71 (1) est abrogé et que l’art. 71 retient exactement le même texte que l’ancien art. 71 (2)] qui se lit :
« 71 Lorsqu’une ordonnance de faillite est rendue, [..] le failli cesse d’être habile à céder ou autrement aliéner ses biens qui doivent, sous réserve des autres dispositions de la présente loi et des droits des créanciers garantis, immédiatement passer et être dévolus au syndic nommé dans l’ordonnance de faillite […].»
On constate toutefois que l’article ne réfère pas expressément aux notions de ‘’propriétaire’’ ou de ‘’droit de propriété’’, mais un lecture contextuelle des art. 71 et 74 de la Loi sur la Faillite y répondent.
[120] La Cour Suprême s’est d’ailleurs exprimée dans le même sens dans l’affaire Coopérants c Dubois, sous la plume du juge Gonthier comparant certaines dispositions de la Loi sur les liquidations et celles de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, déclarait ceci, en comparaison d’un liquidateur – et soulignait que le syndic est en droit d’enregistrer à titre de propriétaire (déjà prévu à la Loi sur la Faillite, art. 74):
« … le liquidateur prend tous les biens, effets et droits incorporels de la compagnie « en sa garde ou sous son contrôle » alors que le par. 71(2) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, prévoit que les biens du failli « doivent [...] immédiatement passer et être dévolus au syndic », et le par. 74(1) de cette loi autorise le syndic à enregistrer en son nom l’ordonnance de séquestre ou la cession sur tout bien immeuble appartenant au failli. » [37]
[121] Notre Cour d’appel, par la suite dans l’affaire 3712 [38], qualifie clairement le syndic de ‘’propriétaire’’ des biens. Il n’a pas été question par la Cour d’appel de fiduciaire et aucun autre concept n’a été invoqué.
[122] Permettre à un créancier ordinaire d’obtenir l’exécution spécifique à l’encontre d’un syndic irait à l’encontre du principe voulant que les réclamations établies dans la faillite doivent être acquittées pari passu. [39] De même, notons en effet que le syndic n’est pas tenu de donner suite à une obligation de faire contractée par le failli avant la faillite [40].
[123] Alors que le Syndic est un propriétaire subséquent de l’Entrepreneur, le Tribunal considère que le principe du suivi de la Garantie à tout acquéreur subséquent (pour le terme qui demeure) milite aussi à ce que l’acquisition par la suite par les Bénéficiaires est de même effet et que ceux-ci bénéficient de la Garantie.
[124] Le Tribunal considère - quant au postulat de l’Administrateur requérant, en toutes telles circonstances de la propriété par un syndic, un intermédiaire entrepreneur afin de maintenir le bénéfice de la Garantie - que l’intention du législateur ne peut être d’imposer un tel changement drastique de couverture en cours d’application, et ce de plus sans l’indiquer clairement dans une des dispositions comportant des exclusions de Garantie prévues au Règlement, pour nos fins l’article 12 du Règlement, dont la lecture permet de constater que ces limites sont de différents ordres (i.e. non seulement visant des réparations).
[125] En sommaire, le Tribunal est d’avis que le sens des mots du paragraphe 3 de l’article 2, alinéa 1 du Règlement, et la structure de l’article 2 dans son ensemble, interprétées les unes par les autres, en tenant compte du contexte de l’application du Plan, de l’objet et du but du Règlement dans un cadre d’ordre public de protection, applicant une interprétation large et libérale, afin entre autre de protéger un bénéficiaire, partie considérée vulnérable, contre les conséquences de l’insolvabilité d’un entrepreneur, et d’assurer l’accomplissement de l’objet du Règlement en évitant de donner au Règlement un sens qui produise un effets illogique, ne requiert pas que les Bénéficiaires aient acquis le Bâtiment d’un entrepreneur afin de bénéficier de la couverture du Plan et de sa mise-en-œuvre.
IV. Couverture de la Garantie – Parachèvement et réparations
[126] À la sous-section I. Couverture de la garantie, le Règlement prévoit la couverture après réception soit pour parachèvement ou réparations de vices ou malfaçons.
10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
« 1° le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception. Pour la mise en oeuvre de la garantie de parachèvement des travaux du bâtiment, le bénéficiaire transmet par écrit sa réclamation à l’entrepreneur et en transmet copie à l’administrateur dans un délai raisonnable suivant la date de fin des travaux convenue lors de l’inspection préréception. »
[127] On note le même texte (2e phrase) au paragraphe 2 de l’article 10, soit :
« Pour la mise en oeuvre de la garantie de parachèvement des travaux du bâtiment, le bénéficiaire transmet par écrit sa réclamation à l’entrepreneur et en transmet copie à l’administrateur dans un délai raisonnable suivant la date de fin des travaux convenue lors de l’inspection préréception. »
[128] Ce texte est un ajout à ces deux paragraphes lors de la refonte de 2014 (effective le 1er janvier 2015)[41].
[129] Ce texte n’apparait pas aux autres paragraphes de l’art. 10 du Règlement et on comprend que cette condition ne s’adresse qu’aux éléments apparents, vices ou selon l’objet du parachèvement, celui-ci (les paragraphes suivants de l’art. 10 sont relatifs aux réparations soit de malfaçons non apparentes, vices cachés et de vices au sens de l’art. 2118 C.c.Q. – dans des délais raisonnables de leur découverte.)
[130] Il n’y a pas eu de date de fin des travaux au sens du Règlement et comprenons que selon le Tribunal l’Entente emporte inspection (reprenant les dispositions de l’art. 17 al 2 du Règlement) pour fins de mise en oeuvre de la Garantie:
« Lors de cette inspection, le bénéficiaire et l’entrepreneur identifient ce qu’il reste à parachever et les vices et malfaçons apparents qui sont à corriger. »
et tenant compte du délaissement subséquent de l’Entrepreneur dans les circonstances particulières du présent dossier, il n’y a pas matière à requérir plus avant.
[131] Qu’en est-il de la condition énoncée de même texte aux paragraphes 1 et 2 (1ère phrase), soit :
« … dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception. »
[132] Y a-t-il conflit à l’ouverture de la couverture?
[133] Dans les circonstances du présent dossier, il y a selon le Tribunal tel que mentionné plus haut dénonciation prévue aux para 1 ou 2 de l’art. 10 contenue à l’Annexe A de l’Entente ce qui respecte l’obligation des Bénéficiaires de transmettre par écrit leur réclamation à l’Entrepreneur et dans les circonstances présentes, alors de plus qu’il n’y a pas eu de date de fins des travaux, il ne semble pas nécessaire de poursuivre plus avant une détermination d’un délai raisonnable de transmission à l’Administrateur suivant une date de fin des travaux convenue lors d’une inspection préréception, deux éléments d’ailleurs connus de l’Administrateur dans le cadre des échanges selon la preuve non contredite entre l’Administrateur et les Bénéficiaires.
[134] Finalement notons qu’il y a, à tout le moins en novembre 2019, interruption de prescription (art. 18 para 1 du Règlement).
[135] En sommaire, les circonstances particulières de ce dossier permettent réclamation pour parachèvement après réception et réclamation pour vices et malfaçons selon leur caractérisations respectives.
V. Suite des procédures arbitrales
[136] À cette étape du dossier, certaines observations initiales du Tribunal quant aux réclamations des Bénéficiaires et de la procédure devant être suivie dans les présentes circumstances.
[137] Les trois décisions de l’Administrateur aux présentes sont sous la plume de Gadbois suite à des visites des lieux le 28 janvier 2020 quant à la Décision Adm1 et le 12 mars 2020 quant aux Décision Adm 3829 et Décision Adm R/3829.
[138] La réclamation sous dénonciation datée du 26 février 2020 (reçue 2 mars 2020 par l’Administrateur) vise une défectuosité à un système d’humidification défectueux avec des dommages variés – et on comprend qu’une visite des lieux a alors été effectuée par l’Administrateur (Gadbois) (et courriel subséquent du 12 mars 2020) et que la preuve documentaire subséquente comporte photos en appui et une correspondance du vendeur et installateur tiers qui indique que « la maison a été gravement endommager [sic] » (le tout, Pièce A-10 en liasse).
[139] En témoignage, Gadbois conclut que si la Garantie s’appliquerait, après réception, la réclamation à ce titre de système d’humidification défectueux serait couverte et admise par l’Administrateur.
[140] On comprend de même qu’une visite des lieux a été effectuée par l’Administrateur (Y. Gadbois) précédant une dénonciation reçue le 17 février 2020 (Pièce A-5) – fuite d’eau au grenier avec indication de drain de toiture défectueux – alors que les Bénéficiaires écrivent à Gadbois à ce sujet et confirment son avis de pourvoir à travaux pour mesures conservatoires, ce que Gadbois confirme par témoignage à l’audition.
[141] De plus, par inférence des témoignages et de la preuve documentaire (incluant correspondances entre Gadbois et les Bénéficiaires), le Tribunal comprend que l’Administrateur dans le cadre de ses visites précitées a observé et requis les informations nécessaires, sujet à adjudication additionnelle du Tribunal si requis, afin de pourvoir à Instruction devant le Tribunal des réclamations et dénonciations des Bénéficiaires aux présentes, sans renvoi du dossier à l’Administrateur ou nécessité d’une décision additionnelle de l’Administrateur dans les circonstances particulières de ce dossier.
Conclusions
[142] Le Tribunal souligne pour les fins de l’ensemble de la présente décision arbitrale les dispositions de l’article 116 du Règlement qui lui permettent de faire appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.
[143] La réception du Bâtiment est au 18 juin 2018.
[144] Les Bénéficiaires ont droit et bénéficient de la couverture du Plan et de sa mise-en-œuvre quant au Bâtiment pour les fins des présentes.
[145] Les circonstances de ce dossier permettent réclamation par les Bénéficiaires pour parachèvement après réception et réclamation pour vices et malfaçons selon leur caractérisations respectives.
[146] Les frais de cette phase de l’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur en conformité de l’article 123 du Règlement.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[147] CONFIRME que la réception du bâtiment par les Bénéficiaires a eu lieu en date du 12 juin 2018 et que les Bénéficiaires ont droit et bénéficient de la Garantie prévue au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs suite à leur acquisition du Bâtiment du Syndic.
[148] REJETTE les conclusions des décisions de l’Administrateur aux présents trois dossiers soumis au Tribunal.
[149] CONVOQUE les Parties à l’Instruction au fond à une date qui sera ultérieurement fixée par le Greffe en fonction des disponibilités des Parties.
[150] CONSERVE JURIDICTION pour fins d’Instruction au mérite et ordonnances ou décisions conséquentes.
[151] RÉSERVE à Garantie Construction Résidentielle ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur ou toute caution de celui-ci, s’il en est, selon les dispositions applicables à celles-ci, pour tous travaux, toute action et toute somme versée, incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (paragr.19 de l’annexe II du Règlement), en ses lieu et place et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement, ou auprès de toute caution de celui-ci, s’il en est, selon les dispositions applicables à celles-ci.
[152] LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage à la charge de Garantie Construction Résidentielle conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.
DATE: 30 décembre 2020
Me Jean Philippe Ewart,
Arbitre
[1] Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ c. Desindes, 2004 CanLII 47872 (QC CA) para. 11; Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. MYL Développements 2011 QCCA 56, para. 13; Consortium MR Canada ltée c. Montréal (Office municipal d'habitation de) 2013 QCCA 1211 (para. 18), confirmant en appel un jugement de la Cour supérieure confirmant une décision arbitrale du soussigné.
[2] Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, art. 5 et 139 (L.R.Q. c. B-1.1, r.08)
[3] Id., art. 20 et 120
[4] Cette classification des procédés d’interprétation des lois est inspirée des travaux du Pr Pierre Issalys publiée par la Chaire de rédaction juridique Louis-Philippe-Pigeon. L’interprétation des textes législatifs et réglementaires, juillet à décembre 2017. https://www.redactionjuridique.chaire.ulaval.ca/procedes-dinterpretation.
[5] Loi d’interprétation L.R.Q. c. I-16
[6] Lucie LAUZIÈRE, Professeure titulaire, Faculté de droit, Université Laval, L’Interprétation des lois, Rédaction juridique, Chaire de l’Université Laval, 2012, p.9 (s. 3.1). www.redactionjuridique.chaire.ulaval.ca/sites/redactionjuridique.chaire.ulaval.ca/files/lauziere-interpretation_des_lois_2012.pdf
[7] Le Tribunal est d’avis que l’interprétation contextuelle et l’interprétation large et libérale de l’art. 41 de la Loi d’interprétation envisagées comme deux aspects d’une seule et même approche, soit la méthode téléologique.
VOIR Mélanie SAMSON, Interprétation large et libérale et interprétation contextuelle : convergence ou divergence?, (2008) 49 C. de D. 297, 318.
[8] Pierre-André CÔTÉ, avec la collab. de Stéphane BEAULAC et Mathieu DEVINAT, Interprétation des lois,4e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2009, para. 134 et 136.
[9] Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, p. 578 (j. Estey).
[10] Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre-Dame de Bon-Secours, [1994] 3 R.C.S. 3, 17.
[11] Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, par. 21. VOIR aussi au même effet, confirmant E. A. Driedger, dans un cadre autre que législation fiscale, Harvard College c. Canada (Commissaire aux brevets), 2002 CSC 76 (CanLII), [2002] 4 RCS 45, para 154.
[12] Canada c. Loblaw Financial Holdings Inc., 2021 CSC 51, Jugement rendu le 3 décembre 2021 ( j. Côté unanime).
[13] Op. cit. Lauzière, L’Interprétation des lois, p.7.
[14] Jones c. Nouveau-Brunswick (Procureur général), [1975] 2 R.C.S. 182, 195 (juge en chef Laskin).
[15] Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 R.C.S. 425, 470 (j. Wilson); Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 554, 614-615 (j. L’Heureux-Dubé);
[16] Op. cit. Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ c. Desindes, aux para. 32 et 4 respectivement. La Cour fait alors référence aux articles 3, 4, 5, 105, 139 et 140 du Règlement.
[17] Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. MYL Développement inc., 2011 QCCA 56, para 10. Rochon, j.c.a.
[18] Art. 185 Loi sur le Bâtiment, ch. B-1.1, soumis à l’approbation du gouvernement (art. 189) et requiert que le Règlement ait reçu la recommandation du ministre du Travail, dans les circonstances avec modifications.
[19] https://www.rbq.gouv.qc.ca/licence/offrir-des-garanties-financieres/plan-de-garantie/reglement-sur-le-plan-de-garantie.html
[20] Garcia Transport Ltée c. Co. Trust Royal, [1992] 2 R.C.S. 499, 522-527 et 528-530., j L’Heureux Dubé. VOIR aussi Isidore Garon ltée c. Tremblay; Fillion et Frères (1976) inc. c. Syndicat national des employés de garage du Québec inc.,[2006] 1 RCS 27, j. Deschamps.
[21] « 105. Une entente ne peut déroger aux prescriptions du présent règlement. »
« 140. Un bénéficiaire ne peut, par convention particulière, renoncer aux droits que lui confère le présent règlement. »
[22] Pr Michelle CUMYN, Les sanctions des lois d’ordre public touchant à la justice contractuelle: leurs finalités, leur efficacité. 2007 R.J.T 1, Ed. Thémis, Montréal, 2007, 87 pp. – p.18.
[23] Commission des normes du travail c. 7050020 Canada inc., 2013 QCCQ 10004, s’appuyant entre autre sur les affaires Isidore et Garcia de la Cour Suprême (précitées).
[24] Domenica Giove-Domenico Frenza c. Habitations Germat Inc. et la Garantie des bâtiment résidentiels neufs de l’APCHQ Décision NO S11-011003-NP (CCAC), 11novembre 2011 (Soquij), Me A. Zoltowski, Arbitre.
[25] 1794. La vente par un entrepreneur d’un fonds qui lui appartient, avec un immeuble à usage d’habitation bâti ou à bâtir, est assujettie aux règles du contrat d’entreprise ou de service relatives aux garanties, compte tenu des adaptations nécessaires. Les mêmes règles s’appliquent à la vente faite par un promoteur immobilier.
[26] 9266-4374 Québec Inc. c. Alain Phaneuf et Garantie de construction résidentielle (GCR), CCAC S16-022901-NP, 11 juillet 2017, Me Jean Philippe Ewart, arbitre, demande de révision judiciaire rejetée dans Garantie de construction résidentielle (GCR) c. Ewart 2019 QCCS 40 (Danielle Mayrand, j.c.s.) qui confirme la décision arbitrale.
[27] 2006 QCCS 4376, para 65.
[28] 2010 QCCQ 14415, para 22.
[29] Contrats, sûretés, publicité des droits et droit international privé, Collection de droit, Barreau du Québec, vol. 7, Titre I - Le contrat d'entreprise ou de service, Chapitre II - Les droits et les obligations des parties, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2020-2021, p.45.
Voir aussi au même effet, sur la question de réception de l’ouvrage – et d’intérêt d’autre part, sur la fin des travaux - Vincent KARIM, Contrats d’entreprises (ouvrages mobiliers et immobiliers : construction de rénovation), contrat de prestation de services (obligations et responsabilité des professionnels) et l’hypothèque légale, 4e édition, Montréal, Wilson & Lafleur, 2020, para 1244 et 1245.
[30] Drapeau c. 9162-5665 Québec inc. et Garantie Construction Résidentielle , 2020 CanLII 100508 de novembre 2020 et le dossier en suivi Drapeau et 9162-5665 Québec inc., 2021 CanLII 101100 de juillet 2021.
[31] Jean-Louis BAUDOUIN et Yvon RENAUD, Code civil du Québec annoté 2021 , 24e éd, Montréal, Wilson & Lafleur, 2021. Commentaire relatif à l’art. 9 du C.c.Q.
[32] Op. cit. Pr Michelle CUMYN, Les sanctions des lois d’ordre public touchant à la justice contractuelle: leurs finalités, leur efficacité, p.60.
[33] Gilles DOYON et Serge CROCHETIÈRE, Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs commenté, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais Inc., 1999, p. 16
[34] La vente d'un bien pour taxes municipales impayées est un recours dont peuvent se prévaloir les municipalités en vue de récupérer le montant de ces taxes impayées. Ce pouvoir est accordé à une municipalité par le Code municipal du Québec, la Loi sur les cités et villes (Québec) ou, pour une ville telle Montréal ou Québec, sa charte.
[35] VOIR entre autre J. Michel DESCHAMPS, « Le syndic : Un successeur du débiteur? Un cessionnaire? Un représentant des créanciers? », (1985) Conférences Meredith 245.
[36] (L.R.C. (1985), ch. B-3)
[37] Coopérants (Les), Société mutuelle d’assurance-vie (Liquidateur de) c. Dubois, [1996] 1 R.C.S. 900, para. 30.
« 74 (2) Lorsqu’un failli est le propriétaire enregistré d’un immeuble ou d’un bien réel ou est le détenteur enregistré d’une charge, le syndic, lors de l’enregistrement des documents mentionnés au paragraphe (1), a le droit d’être enregistré comme propriétaire de l’immeuble ou du bien réel ou détenteur de la charge, libre de toutes charges mentionnées au paragraphe 70(1). »
[38] Droit de la famille – 3712, [2000] R.D.F. 589, C.A.
[39] Op. cit. DESCHAMPS, « Le syndic : Un successeur du débiteur? Un cessionnaire? Un représentant des créanciers? », p. 249
[40] Albert BOHÉMIER et Jacques AUGER, Le statut du syndic (2003) 37 R.J.T. 59, p. 96.
[41] Règlement modifiant le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs -
Loi sur le bâtiment (chapitre B-1.1, a. 185, par. 17°, 19.3° à 19.6°, 20° et 38° et a. 192),
Décret 156-2014, 19 février 2014, Gazette Officielle du Québec, 5 mars 2014, 146e année, no 10, Partie 2, article 4.