ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec:
SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS (SORECONI)
ENTRE : Syndicat des copropriétaires Lofts Chevrier 5 220 980
Bénéficiaire
c.
9238-5814 Québec Inc.
L’Entrepreneur
Et :
Garantie Qualité Habitation
L’Administrateur
No dossier 151808001
DÉCISION ARBITRALE
Arbitre : Me Roland-Yves Gagné
Pour le Bénéficiaire : Monsieur Armand D’Argenzio
Pour l’Administrateur : Me François Olivier Godin
Pour l’Entrepreneur : Me Christine Gosselin
Madame Marie-Pier Racine
Madame Catherine Fontaine
Monsieur Steve-Maurice Dion
Date d’audition : 27 octobre 2017
Date de la décision : 3 novembre 2017
Description des parties
Bénéficiaire:
Syndicat des copropriétaires Lofts Chevrier 5 220 980
a/s Monsieur Armand D'Argenzio
[...]
Brossard, Qc.
[...]
et
9238-5814 Québec Inc.
a/s Me Christine Gosselin
1981 Bernard Pilon
Beloeil, Qc.
J3G 4S5
et
La Garantie Qualité Habitation
a/s Me François Olivier Godin
Belanger Paradis
9200 Métropolitain Est
Montréal, Qc.
H1K 4L2
PIÈCES
Lors de l’audience, l’Administrateur a produit les pièces suivantes :
A-1 : Notification de l’arbitrage;
A-2 : Demande d’arbitrage;
A-3 : Rapport de conciliation daté du 10 juillet 2015;
A-4 : Avis de fin de travaux des parties communes;
A-5 : Procès-verbal de l’assemblée de transmission du syndicat des copropriétaires;
A-6 : Réclamation écrite du bénéficiaire;
A-7 : Bons de travail;
A-8 : Correspondance de Plomberie JL datée du 22 mai 2015.
Le Bénéficiaire a produit les pièces suivantes :
B-1 : Chauffe eau 1 : Facture 14 décembre 2013;
B-2 : Chauffe eau 2 : Courriel 23 décembre 2013;
B-3 : Chauffe eau 3 : Calculs achat d’un nouveau chauffe-eau;
B-4 : Chauffe eau 4 : Lettre du 16 décembre 2015;
B-5 : Chquffe eau 4 : Météo Média hiver le plus froid 2013-2014;
B-6 : Chauffe eau 5 : Procès-Verbal de l’assemblée du 28 octobre 2015.
L’Entrepreneur a produit les pièces suivantes :
E-1 : Courriel du 23 octobre 2016;
E-2 : Contrat d’entretien chauffe-eau;
E-3 : Contrat service Gaz Metro;
E-4 : Contrat vente tempérament;
E-5 : Facture Gaz Métro 2016-06-09;
E-6 : 2016-10-25 André Dugas;
E-7 : AL 19 716 265 image 001 (contrat du 30 janvier 2013);
E-8 : AL 19 119570 image 001 (contrat du 29 mai 2012);
E-9 : Soumission Plomberie JL.
MANDAT ET JURIDICTION
[1] Le Tribunal d’arbitrage est initialement saisi du dossier suite à une demande d’arbitrage par le Bénéficiaire, reçue par SORECONI le 18 août 2015 et par la nomination de l’arbitre soussigné en substitution d’un autre arbitre, en date du 10 juillet 2017.
[2] Lors de la conférence préparatoire, les parties ont unanimement :
[2.1] admis que le chauffe-eau actuellement sur les lieux, a remplacé celui qui était présent lors de la décision de l’Administrateur rendue le 10 juillet 2015;
[2.2] donné au Tribunal d’arbitrage soussigné, la compétence juridictionnelle pour trancher le fond du différend, soit la couverture par le plan de garantie géré par l’Administrateur de la réclamation du Bénéficiaire, incluant le montant d’argent réclamé, quant au chauffe-eau (tel que déjà proposé aux parties par le premier arbitre au dossier[1]),
le Tribunal d’arbitrage confirme par la présente avoir la compétence juridictionnelle pour déterminer en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs s’il y a couverture par le plan de garantie géré par l’Administrateur de la réclamation du Bénéficiaire, incluant le montant d’argent réclamé, quant au chauffe-eau.
LE DROIT
[3] Le Bénéficiaire a produit une demande d’arbitrage en vertu de l’Article 35 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après nommé le Règlement) :
Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur à moins que le bénéficiaire et l'entrepreneur ne s'entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d'en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l'arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation.
[4] La Cour d’appel du Québec, dans trois arrêts, a jugé que ce Règlement était d’ordre public:
[4.1] en 2013 dans Consortium M.R. Canada Ltée c. Office municipal d’habitation de Montréal[2]:
[17] La juge avait raison de souligner les différences de vocation entre les recours arbitral et de droit commun.
[18] La procédure d'arbitrage expéditive prévue au Règlement pour réparer rapidement les malfaçons est, comme le note la juge, un complément aux garanties contre les vices cachés du Code civil. Régime d’ordre public[5], le Règlement vise notamment à obliger que les réparations des bâtiments résidentiels neufs soient effectuées rapidement par l'entrepreneur ou prises en charge par l'administrateur de la garantie.
[4.2] en 2011 dans Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. MYL[3]:
[13] Le Règlement est d'ordre public. Il détermine notamment les dispositions essentielles du contrat de garantie en faveur des tiers. Le contrat doit de plus être approuvé par la Régie du bâtiment (art. 76);
[4.3] en 2004 dans La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause[4]
[11] Le Règlement est d’ordre public. Il pose les conditions applicables aux personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés.
[12] L’appelante est autorisée par la Régie du bâtiment du Québec (la Régie) à agir comme administrateur d’un plan de garantie approuvé. Elle s’oblige, dès lors, à cautionner les obligations légales et contractuelles des entrepreneurs généraux qui adhèrent à son plan de garantie.
[13] Toutefois, cette obligation de caution n’est ni illimitée ni inconditionnelle. Elle variera selon les circonstances factuelles […];
[15] La réclamation d’un bénéficiaire est soumise à une procédure impérative.
[5] La Cour supérieure affirme dans Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Dupuis[5] :
[75] Il est acquis au débat que l'arbitre doit trancher le litige suivant les règles de droit et qu'il doit tenir compte de la preuve déposée devant lui. Il doit interpréter les dispositions du Règlement et les appliquer au cas qui lui est soumis. Il peut cependant faire appel aux règles de l'équité lorsque les circonstances le justifient. Cela signifie qu'il peut suppléer au silence du règlement ou l'interpréter de manière plus favorable à une partie.
Version du Règlement applicable
[6] Puisque le bâtiment résidentiel a été construit, et la fin des travaux a eu lieu, avant le 1er janvier 2015, c’est la version du Règlement d’avant le 1er janvier 2015 qui s’applique au présent arbitrage.
[7] Cette question a déjà été tranchée par plusieurs décisions arbitrales, le tout, pour les motifs déjà exprimés par le soussigné et par d’autres arbitres dans les décisions citées au support de ces motifs dans Nazco et Milian c. 9181-5712 Québec Inc. et Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ[6] et 3093-2313 Québec c. Létourneau et Bouchard et la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ[7].
LES FAITS
[8] Le Tribunal d’arbitrage retient ce qui suit de la preuve.
[9] Le Bénéficiaire est un Syndicat de copropriétaires d’un bâtiment de 52 unités.
[10] Le bâtiment a commencé à être occupé à partir de juin 2013 - ce mois-là, l’occupation était d’environ 20%.
[11] Pendant un hiver exceptionnellement froid, le chauffe-eau de l’immeuble ne fonctionne plus dans la nuit du 13 au 14 décembre 2013.
[12] Le soussigné a vérifié pendant son délibéré[8] : il a fait -32oC cette nuit-là à Montréal.
[13] Le problème survenant un week-end (la facture produite en B-1 est datée du 14 décembre, qui était un dimanche), des préposés de Metro Sud Gaz Naturel se rendent sur les lieux.
[14] La facture produite en B-1 de Metro Sud dit « Problème avec le Power Venter probablement « dianostic insertin » (diagnostic incertain) »
[15] Le représentant du Bénéficiaire témoigne à l’audience qu’on lui a dit qu’il y avait de la glace dans les tuyaux, glace qui aurait fait brûler le moteur.
[16] Le 24 décembre 2013 à 15 :04 (pièce B-2), le Bénéficiaire envoie une réclamation à l’Entrepreneur par courriel concernant les problèmes au chauffe-eau, et demande le remboursement de 195,46$ pour l’appel d’un plombier pour réparer le tout, mais n’envoie aucun avis écrit (ni verbal) à l’Administrateur du Plan de Garantie :
Après vérifications, les employés de Gaz Métro nous ont remis un avis parce que le morceau extérieur de la prise d’air/sortie d’air du chauffe-eau était mal installé et cette mauvaise installation a fait créer de la glace qui a bloqué le tuyau. Après avoir la glace, le chauffe-eau a fonctionné correctement. Par contre, le 14 décembre en après-midi, le chauffe-eau s’est arrêté à nouveau et une odeur de gaz s’en dégageait. Nous avons donc re-contacté Gaz Métro qui a complètement coupé l’alimentation au gaz du chauffe-eau afin que nous le fassions réparer.
[17] L’Entrepreneur assume ces frais de décembre 2013.
[18] Le sous-traitant Plomberie JL informe le Bénéficiaire que la garantie pour pièces et main-d’œuvre se termine en février 2014.
[19] Un contrat d’entretien est signé avec Gaz Metro Plus en août 2014.
[20] Un préposé de Gaz Metro Plus inspecte le chauffe-eau avant cette signature et affirme que les joints (gaskets) ne sont pas étanches, qu’ils laissent fuir le gaz.
[21] Par courriel du 27 février 2015 (pièce A-6, citée dans la décision de l’Administrateur), le Bénéficiaire indique ce qui suit à l’Administrateur, dans ce qui est le premier avis écrit du Bénéficiaire à l’Administrateur :
Le chauffe-eau commun au gaz du …. à Brossard nous cause de gros problèmes. En effet, il y a à peine deux ans que les copropriétaires ont commencé à habiter l’immeuble et le chauffe-eau a déjà brisé à 4 reprises, laissant chaque fois les copropriétaires sans eau chaude pendant plusieurs jours. Je vous rappelle que notre chauffe-eau doit fournir 52 unités en eau chaude.
Voici la chronologie des bris :
14 décembre 2013 : Senteur de gaz, remise de non-conformité par Gaz métro, car la sortie / prise d’air est mal installée. Cette mauvaise installation a pour effet de créer de la glace qui a fait forcer le moteur. Changement de la tête de moteur.
8 septembre 2014 : Comme nous avons un contrat d’entretien complet (incluant pièce et main-d’œuvre) avec Gaz métro Plus, ces derniers sont venus faire l’entretien du chauffe-eau. Ils ont dû changer des baskets [note, pour gaskets], car il y avait fuite de gaz.
12 décembre 2014 : Le chauffe-eau cesse de fonctionner, il faut changer l’allumeur incandescent.
31 décembre 2014 : Le chauffe-eau cesse de fonctionner à nouveau, il faut changer l’interrupteur pneumatique.
20 février 2015 : Le chauffe-eau cesse de fonctionner à nouveau, il faut changer l’évacuateur. […]
[22] Entre septembre 2014 et septembre 2015, Gaz Metro aurait déboursé $10,000 en frais d’entretien/pièces de remplacements.
[23] Par lettre du 22 mai 2015 (pièce A-8), le sous-traitant écrit que la garantie sur les pièces et main-d’œuvre se terminait le 12 février 2014, que les normes d’installation et du code de gaz naturel ont été respectées, que Gaz Métro est passé sur les lieux pour l’inspection et démarrage du système, qui est de bonne qualité et utilisé sur plusieurs autres projets sans aucun problème.
[24] Dans sa décision du 10 juillet 2015, l’Administrateur écrit,
[…] Le syndicat est d’avis que seul le remplacement du chauffe-eau s’avère requis puisqu’il brise continuellement et que les pièces sont difficiles à se procurer. […] Jusqu’à ce jour, plus de 10 000.00$ ont été mis en frais d’entretien et réparation, et ce, pour des problèmes de différente nature.
Le syndicat a pu bénéficier de l’assurance de Gaz Métro Plus dans l’exécution de ces travaux et pour lesquels le groupe Trigone n’a pas été sollicité.
Il semblerait que le syndicat du bâtiment voisin a également eu de nombreux problèmes […]
Lors de notre visite, nous avons pu visualiser l’ensemble des installations du chauffe-eau central. Un couvercle s’avère manquant en partie inférieure de l’appareil, une situation qui aux dires du syndicat s’avère nécessaire à défaut de quoi la composante qui s’y trouve chauffera et s’endommagera de nouveau.
Décision
Considérant que le chauffe-eau central est actuellement fonctionnel;
Considérant que l’entrepreneur n’est pas intervenu sur les travaux de réparation;
Considérant l’application de l’article 6.7.3 du contrat de garantie obligatoire de condominium et dont voici l’extrait : 6.7 Exclusions de la garantie : 6.7.3 les réparations rendues nécessaires par une faute du bénéficiaire tels l’entretien inadéquat, la mauvaise utilisation du bâtiment ainsi que celles qui résultent de suppressions, modifications ou ajoutés réalisés par le bénéficiaire;
Par conséquent, La Garantie Qualité Habitation ne peut intervenir sur ce point dans le cadre de son mandat.
[25] Le 18 août 2015, le Bénéficiaire se pourvoit en arbitrage en vertu du Règlement (pièce A-2)
[26] Le 28 octobre 2015, par assemblée extraordinaire de ses membres, le Bénéficiaire doit décider s’il va remplacer son chauffe-eau ou attendre le sort de sa demande d’arbitrage.
[27] D’une part le chauffe-eau fonctionne, mais d’autre part, Gaz Metro Plus refuse de renouveler leur contrat d’entretien.
[28] Les membres du Syndicat Bénéficiaire, même s’ils n’en font la demande à qui que ce soit d’autres, sont convaincus que personne d’autres n’acceptera de signer un contrat d’entretien avec eux et ne veulent plus de problème comme dans le passé.
[29] Le Bénéficiaire décide le 28 octobre 2015 d’acheter un nouveau chauffe-eau avant l’hiver 2016 (pièce B-6).
[30] D’après la facture produite en E-5, ce nouvel appareil est livré le 8 décembre 2015.
[31] Ce nouveau chauffe-eau est plus moderne que celui installé à l’origine, il consomme moins d’électricité (car ne chauffe l’eau qu’au besoin), et a un plus grand réservoir (125 gallons, contre 100 gallons pour l’ancien).
[32] De plus, les tuyaux d’air froid et chaud sont séparés de 6 pieds, et non concentrique comme le précédent; sur ce point, le sous-traitant témoigne à l’audience que de mettre les « tuyaux ensemble » est conforme avec le « Code du Gaz », que Gaz Metro inspecte toujours ses installations et qu’aucune mention de problème ne lui a été communiqué de la part de Gaz Metro.
[33] Par lettre datée du 16 décembre 2015 (pièce B-4) Gaz Métro Plus confirme qu’il ne peut couvrir les chauffe-eaux:
nous ne pouvons plus couvrir vos chauffe-eaux cause de problème d’installation majeurs qui nous occasionnent beaucoup trop d’appels de services.
[34] L’Administrateur n’est pas avisé qu’un nouveau chauffe-eau remplacera l’ancien en 2015 avant son installation.
[35] Le Bénéficiaire ne demande donc plus la réparation de son chauffe-eau ou son remplacement, mais le remboursement des coûts de son nouveau modèle amélioré plus les taxes plus les intérêts de la vente à tempérament de vingt-quatre mois, moins une subvention de Gaz Métro (et les intérêts équivalents) et moins 25% de dépréciation puisque le nouveau a remplacé un ancien qui avait 2 ans et demi d’utilisation, le tout pour un montant de $13,558.78 (pièce B-3).
[36] Sur la valeur de la réclamation seulement, l’Administrateur et l’Entrepreneur répondent qu’un chauffe-eau équivalent à ce qui était sur place à l’origine, qui convenait à l’immeuble selon eux, coûtait environ $5,600.00 de moins que le montant réclamé par le Bénéficiaire (sans tenir compte des taxes, subvention et dépréciation) (pièce E-9).
DÉCISION
[37] Rappelant ici que le recours du Bénéficiaire est seulement à l’encontre de l’Administrateur et ce, en vertu du Règlement, malgré toute la sympathie qu’il peut avoir pour le Bénéficiaire, le Tribunal d’arbitrage n’a d’autres choix que de rejeter sa demande envers l’Administrateur, pour les motifs qui suivent.
(1) Remboursement des coûts
[38] Le présent chapitre sur le remboursement des coûts est détaillé sous réserves du chapitre suivant portant sur le délai de dénonciation.
[39] En résumé, le Bénéficiaire a fait appel à la Garantie-qui-répare-les-vices-et-qui- rembourse-seulement-les-réparations-conservatoires-nécessaires-et-urgentes[9]-ou-les-mesures-nécessaires-demandées-avant-ou-pendant-l’arbitrage-pour-assurer-la-conservation-du-bâtiment alors même que,
[39.1] d’une part, le chauffe-eau fonctionne au moment de l’inspection de l’Administrateur;
[39.2] d’autre part, le Bénéficiaire remplace sans préavis son chauffe-eau qui fonctionne par un autre de qualité supérieure pour avoir la paix d’esprit et demande le remboursement de la valeur du nouveau chauffe-eau (moins subvention de Gaz Metro et moins la dépréciation de son ancien chauffe-eau)
ce qui est hors de la couverture du Plan de Garantie géré par l’Administrateur.
En droit
[40] Le contenu du Plan de garantie géré par l’Administrateur est soumis à un Règlement que la Cour d’appel a affirmé à trois reprises, être d’ordre public (voir ci-haut, paragraphe [4]).
[41] Le Règlement à l’article 27 stipule que « la garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir » la réparation des vices ou malfaçons :
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;
[42] Le Bénéficiaire ne demande pas au Tribunal d’arbitrage soussigné d’ordonnance de réparations.
[43] Le Bénéficiaire demande plutôt, le remboursement pour l’achat d’un nouveau chauffe-eau décidé trois mois après que l’Administrateur a rendu sa décision qu’il a porté en arbitrage, mais sans aviser l’Administrateur qu’il s’apprête à acheter tel nouveau modèle, et pour tel prix.
[44] Le Tribunal d’arbitrage a spécifiquement demandé aux parties si elles lui donnaient compétence juridictionnelle pour trancher cette question, et elles ont répondu unanimement de façon positive.
[45] Le Tribunal d’arbitrage ajoute que la Cour d’appel dans La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause[10] mentionne que :
[33] Je conclus de ce qui précède que le différend n’est pas fonction de la seule réclamation des bénéficiaires; qu’il est le produit de l’insatisfaction du bénéficiaire ou de l’entrepreneur face à la décision prise par l’administrateur à la suite de son investigation du conflit entre le bénéficiaire et son entrepreneur[11], et que ce différend, s’il n’est pas résolu par entente (avec ou sans l’intervention d’un médiateur), le sera par la décision d’un arbitre qui est finale et sans appel et qui lie le bénéficiaire, son ancien entrepreneur et l’administrateur du plan de garantie[12]; enfin, que la décision arbitrale prendra en compte toutes les modalités et respectera toutes les limites et exclusions que prévoit le Règlement. (nos soulignés)
[46] En vertu du Règlement, le droit au remboursement de la part de l’Entrepreneur ou à défaut, par l’Administrateur comme caution, est régi par l’article 34 :
5° dans les 20 jours qui suivent l'inspection, l'administrateur doit produire un rapport écrit et détaillé constatant le règlement du dossier ou l'absence de règlement et en transmettre copie, par poste recommandée, aux parties impliquées. En l'absence de règlement, l'administrateur statue sur la demande de réclamation et ordonne, le cas échéant, à l'entrepreneur de rembourser au bénéficiaire le coût des réparations conservatoires nécessaires et urgentes et de parachever ou corriger les travaux dans le délai qu'il indique, convenu avec le bénéficiaire ;
6° à défaut par l'entrepreneur de rembourser le bénéficiaire, de parachever ou de corriger les travaux et en l'absence de recours à la médiation ou de contestation en arbitrage de la décision de l'administrateur par l'une des parties, l'administrateur, dans les 15 jours qui suivent l'expiration du délai convenu avec le bénéficiaire en vertu du paragraphe 5, effectue le remboursement ou prend en charge le parachèvement ou les corrections, convient pour ce faire d'un délai avec le bénéficiaire et entreprend, le cas échéant, la préparation d'un devis correctif et d'un appel d'offres, choisit des entrepreneurs et surveille les travaux;
[47] Même si le Tribunal d’arbitrage a compétence juridictionnelle pour ordonner ou non, le remboursement en vertu du Règlement, comme nous l’enseigne la Cour d’appel (voir paragraphe [45]), la décision arbitrale prendra en compte toutes les modalités et respectera toutes les limites et exclusions que prévoit le Règlement
[48] Les dépenses remboursables selon l’article 34 (5) sont « le coût des réparations conservatoires nécessaires et urgentes », qui sont les seules mentionnées dans le Règlement.
[49] De façon générale, dans l’affaire Vincenzo Pampena et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ et Habitations André Taillon[11], notre collègue Me Karine Poulain rappelle que l’arbitre peut déterminer que le bénéficiaire avait droit aux travaux correctifs, mais s’il a déjà effectué les réparations lui-même à ses frais, il n’a droit qu’au remboursement des coûts pour les réparations conservatoires, nécessaires et urgentes :
[83] Quant au dernier point, le Tribunal doit décider si les Bénéficiaires ont droit au remboursement de la dépense encourue pour le déplacement de la gouttière vers l’arrière. Pour donner suite à la demande des Bénéficiaires, le Tribunal doit décider si la dépense encourue a été faite dans un but conservatoire, nécessaire et urgent. Si la dépense encourue ne répond à ce critère, bien que les Bénéficiaires puissent par ailleurs avoir droit au correctif demandé, en vertu du plan de garantie, soit en l’occurrence le déplacement de la gouttière vers l’arrière, le Tribunal ne pourra faire droit à la demande. […]
[50] Dans l’affaire Francine Bélanger et Daniel Pelletier et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. et Réseau Viva International[12], notre collègue Me Johanne Despatis écrit :
[28] En effet, la seule disposition au Règlement traitant du remboursement de dépenses effectuées par un bénéficiaire pour des travaux réalisés par lui après la réception de son bâtiment se retrouve à l’alinéa 34(5) du Règlement. Ce dernier stipule que l’administrateur, et par conséquent l’arbitre, peut ordonner le remboursement à un bénéficiaire du coût des réparations conservatoires nécessaires et urgentes faites par lui.
[29] On peut certes concevoir que les travaux faits par monsieur Pelletier n’étaient pas superflus. Cela dit, la preuve n’a toutefois pas démontré qu’il s’agissait de réparations conservatoires nécessaires et urgentes au sens du Règlement.
[30] Monsieur Pelletier n’a d’ailleurs pas vraiment soutenu le contraire mais il invoque l’article 116 du Règlement me demandant d’agir en équité et d’ordonner en conséquence les remboursements demandés. Cette disposition stipule :
Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient.
[…] [32] L’article 116 demande à l’arbitre de statuer conformément aux règles de droit tout en lui conférant l’autorité relative d’agir en équité. Le recours à l’équité ne peut pas permettre à l’arbitre d’ajouter au Règlement une indemnité qui n’y est pas prévue et cela d’autant que ce dernier statue expressément à l’alinéa 34 (5) sur cette question du remboursement des dépenses.
[51] Cependant, et c’est aussi grosso modo la position de l’Administrateur à l’audience, si le coût de la réparation conservatoire, nécessaire et urgente équivaut (même grossièrement, dans le domaine du raisonnable) au coût de remplacement, il va de soi que le fait qu’un bénéficiaire ait remplacé un bien, au lieu de faire des frais pour le réparer, n’est pas une raison en soi pour rejeter une demande de réclamation sous l’article 34 du Règlement.
[52] Il s’agit d’une mesure qui doit être analysée au mérite de chaque cas.
La preuve dans le présent dossier
[53] De décembre 2013 à février 2015, le chauffe-eau a eu des problèmes.
[54] En juin 2015, lors de l’inspection de l’Administrateur du Plan de garantie, il fonctionne normalement.
[55] Quant à l’état de fait au moment de l’assemblée extraordinaire du 28 octobre 2015, le représentant du Bénéficiaire a témoigné à l’audience :
le chauffe-eau n’était pas brisé, ça marchait mais on ne voulait pas de problème.
[56] Le Bénéficiaire a décidé d’acheter un nouveau chauffe-eau car les copropriétaires ont eu des problèmes dans le passé et ils n’en voulaient plus, et le Bénéficiaire était dans l’impossibilité de conclure un contrat de service.
[57] D’une façon générale, le Tribunal d’arbitrage ne peut changer le Règlement pour raisons de sympathie envers l’une ou l’autre des parties ou que la somme réclamée correspond raisonnablement bien à des services rendus.
[58] Le fait que le chauffe-eau fonctionnait depuis plusieurs mois est incompatible avec la définition du mot « urgentes » mentionné à l’article 34 du Règlement.
[59] De plus, entre la décision de l’Administrateur du 10 juillet 2015 et
[59.1] la décision du Bénéficiaire d’acheter un nouveau chauffe-eau en octobre 2015 alors que le chauffe-eau actuel fonctionne et que la situation ne correspond pas à la définition du mot « urgentes »,
[59.2] puis son achat et livraison en décembre 2015,
aucun avis ni sur le remplacement ni sur le modèle, son prix et son financement par tempérament, n’est envoyé à l’Administrateur, et il y a encore une fois, incompatibilité avec la définition du mot « urgentes ».
[60] Hors le cadre du Règlement, dans le seul cadre du Code Civil, dans l’arrêt Immeubles de l'Estuaire phase III inc. c. Syndicat des copropriétaires de l'Estuaire Condo phase III[13], la Cour d’appel affirmait (ce passage s’applique aussi au chapitre sur le délai de dénonciation, qui suit) :
[159] L'auteur [nos ajouts : Pierre-Gabriel Jobin] indique dans ce passage que l'acheteur doit donner ce préavis avant d'intenter les procédures mais, vu le but du préavis, tel qu'expliqué plus haut (voir supra, paragr. [152]), il faut comprendre que l'acheteur doit donner ce préavis avant même de procéder aux réparations : on ne peut pas, autrement, parler de dénonciation. (Nos soulignés)
[164] L'absence de la dénonciation requise par l'article 1738 C.c.Q. est donc opposable au Syndicat et fatale à sa réclamation.
[61] Pour ces motifs, le Tribunal d’arbitrage ne peut faire droit à la réclamation du Bénéficiaire auprès de l’Administrateur pour les frais du nouveau chauffe-eau.
[62] Pour être complet, le Tribunal d’arbitrage ajoute de façon accessoire
[62.1] que les dispositions de l’article 111 du Règlement[14] n’ont pas été mentionnées[15], fait l’objet d’une preuve ou plaidées lors de l’arbitrage, qui, en théorie et sans émettre d’opinion sur le fond à cet égard, d’ailleurs il n’en a aucune, aurait pu, à la rigueur, faire l’objet d’une preuve et d’un débat à supposer que cet article fût applicable au présent dossier;
[62.2] que cette question est purement académique, considérant que la réclamation du Bénéficiaire était irrecevable, car hors les délais prévus au Règlement (voir le chapitre suivant).
(2) Délai de dénonciation
[63] La preuve démontre que la réclamation du Bénéficiaire était hors les délais prescrits au Règlement, comme le soulève l’Administrateur à l’audience.
[64] Comme nous l’avons vu, le Règlement à l’article 27 stipule que « la garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir » la réparation des vices ou malfaçons :
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;
[65] La preuve montre que le Bénéficiaire a fait appel à ses autres recours avant d’envoyer une dénonciation écrite à l’Administrateur, croyant qu’il n’avait pas à aviser l’Administrateur si une autre personne assumait la responsabilité d’effectuer les réparations, et de plus, « personne ne leur avait dit » de lui envoyer une dénonciation.
[66] Malheureusement pour lui, le délai de dénonciation relatif au présent recours n’est pas reparti à zéro quand il a décidé d’y avoir recours.
[67] Tout d’abord, il envoie sa réclamation à l’Entrepreneur en décembre 2013, sans en aviser l’Administrateur, ce qui prouve qu’il avait alors, fait la « découverte du vice » allégué au chauffe-eau, au terme de l’article 27 du Règlement.
[68] Ce n’est qu’en février 2015 qu’il envoie une dénonciation écrite à l’Administrateur pour la première fois, soit quatorze mois après la découverte du vice allégué, après que des techniciens de Metro Sud, Plomberie JL et Gaz Metro Plus aient effectués des réparations sur le chauffe-eau.
[69] Comme le soussigné le rappelait dans l’affaire Abdellatif Bensari c. Les Constructions M.C. et La Garantie Qualité Habitation[16], le délai de six mois est un délai de déchéance (note : l’article 10 cité ici est l’équivalent de l’article 27 applicable au présent dossier):
[64] […] l’état du droit à cet effet est clair : le délai de six mois prévu à l’article 10 du Règlement est un délai de rigueur et de déchéance.
[65] Dans l’affaire Abderrahim Moustaine et al. c. Brunelle Entrepreneur Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de L’APCHQ (Soreconi 070424001) du 9 mai 2008, Me Jean Philippe Ewart, arbitre, écrit :
[31] Le Tribunal est d’avis […] que le délai maximum de six (6) mois prévu aux alinéas 3e, 4e et 5e respectivement de l’article 10 (…) du Règlement est de rigueur et de déchéance et ne peut conséquemment être sujet à extension.
[36] En résumé, la dénonciation prévue à l’article 10 du Règlement se doit d’être par écrit, est impérative et essentielle, le délai de six mois prévu au même article emporte et est un délai de déchéance, et si ce délai n’est pas respecté, le droit des Bénéficiaires à la couverture du plan de garantie visé et à le (sic!) droit à l’arbitrage qui peut en découler sont respectivement éteints, forclos et ne peuvent être exercés
[66] Baudouin explique ce qu’est un délai de déchéance[17]
Dans le cas des délais de déchéance, la créance est absolument éteinte après l'expiration du temps fixé. Le tribunal est alors tenu de suppléer d'office au moyen en résultant (art. 2878 C.c.). Dans ces cas donc, ce n'est plus seulement l'action en justice qui est éteinte, mais bien le droit lui-même.
[70] Dans l’affaire Domaine c. Construction Robert Garceau Inc. et la Garantie Qualité Habitation[18], notre collègue Me Michel A. Jeanniot écrit:
[58] Le Tribunal comprend qu’il ne s’agit pas ici de plaider sa propre turpitude mais, l’ignorance du délai de six (6) mois prévu aux articles 3.2, 3.3 et/ou 3.4 du contrat de garantie et/ou de l’article 10 du Règlement ainsi que la bonne foi des parties ne constituent pas des éléments en droit qui habilitent le décideur à faire fi d’un délai de déchéance. Tout motif, quel qu’il soit, (si noble soit-il) ne peut reposer sur un fondement juridique puisque même si la preuve révèle qu’il pouvait s’agir de l’erreur ou de la négligence d’un tiers mandataire et/ou conseiller, il s’agit ici d’un délai de déchéance; sitôt le calendrier constaté, l’arbitre est dans l’impossibilité d’agir. (nos soulignés)
[71] Le sens d’autonomie du Bénéficiaire de faire affaire avec « la » personne qu’il considère responsable pour effectuer les réparations, ne change pas les termes du Règlement quant à son obligation à cet effet envers l’Administrateur du Plan de garantie de leur bâtiment résidentiel neuf.
[72] Le Tribunal d’arbitrage ne peut pas conclure autrement suite à la preuve présentée devant lui, vu les dispositions du Règlement.
[73] Le Tribunal d’arbitrage ne peut pas faire appel à l’équité pour faire réapparaître un droit échu qui n’existe plus, il ne s’agit pas ici de suppléer au silence du Règlement ou l’interpréter de manière plus favorable à une partie, malgré toute la sympathie qu’il pourrait avoir envers les Bénéficiaires.
[74] Ce Règlement a été décrété par le Législateur pour couvrir le bâtiment du Bénéficiaire selon ses dispositions, Règlement que notre Cour d’appel a jugé comme étant d’ordre public (voir paragraphe [4] ci-haut).
[75] Le soussigné ne peut faire appel à l’équité pour y pallier; voir entre autres:
[75.1] l’affaire Kwok et Tang c. 9181-5712 Québec et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ[19] notre collègue Me Tibor Holländer, arbitre, écrit:
[134] The Beneficiaries’ failure to do so cannot be saved by the application of principles of equity or fairness that would therefore result in the Tribunal allowing their claim.
[75.2] l’affaire Castonguay et al et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ et Construction Serge Rheault Inc.[20], notre collègue Me Johanne Despatis, arbitre, écrit:
[28] Il est vrai que l’audience m’a permis de constater que le point 3 concerne un problème qui, s’il avait été dénoncé à temps, aurait pu être corrigé en conformité du Plan. Force est toutefois de constater, après analyse du Plan, qui est clair et impératif au sujet de ces questions, et à la lumière de toute la jurisprudence pertinente à la sanction de ce délai de six mois, qu’il s’agit d’un délai impératif qu’il n’est tout simplement pas possible d’ignorer ni de contourner en invoquant l’équité.
[76] Vu la preuve, le Tribunal d’arbitrage n’a d’autres choix que de conclure qu’entre la découverte de décembre 2013 la dénonciation de février 2015, s’était écoulé un délai de plus de 6 mois qui n’était pas raisonnable au sens du Règlement applicable au litige et rejeter la demande du Bénéficiaire.
(3) L’exclusion invoquée dans la décision de l’Administrateur
[77] La réclamation du Bénéficiaire n’étant pas recevable à cause des deux bases juridiques mentionnées ci-haut, ce qui suit est ajouté brièvement de façon accessoire (obiter dictum) car maintenant purement académique.
[78] La décision de l’Administrateur du 10 juillet 2015 est à l’effet de rejeter la réclamation du Bénéficiaire sur la base suivante :
6.7 Exclusions de la garantie : 6.7.3 les réparations rendues nécessaires par une faute du bénéficiaire tels l’entretien inadéquat, la mauvaise utilisation du bâtiment ainsi que celles qui résultent de suppressions, modifications ou ajoutés réalisés par le bénéficiaire;
[79] La seule base de cet argument pour l’Administrateur : des modifications ou ajouts ont été faites par des tiers, soit Metro Plus ou Gaz Metro Sud, qui ne sont pas cautionnés par lui.
[80] Le texte de l’exclusion ne dit pas cela.
[81] Le texte de l’exclusion dit « qui résultent de », donc la seule présence de modifications ou d’ajouts par des préposés de sociétés comme Metro Plus pendant un week-end où il fit -32oC ou Gaz Metro Sud n’est pas une cause d’exclusion à elle-seule, si les réparations demandées ne résultent pas de modifications ou d’ajouts réalisés par eux.
[82] De la part de l’Administrateur, aucune preuve du lien de causalité n’a été faite à ce sujet à l’audience.
[83] L’Inspecteur qui a rendu la décision n’était pas à l’audience et il n’a donc pas pu s’exprimer à ce sujet.
[84] La preuve montre toutefois qu’il était difficile pour l’Administrateur d’accueillir la réclamation car des réparations ont eu lieu à un chauffe-eau
[84.1] qui fonctionnait lors de son inspection
[84.2] alors qu’il n’a pas été avisé de la découverte d’un vice il y avait plus d’un an alors même qu’on procédait à des réparations qui se sont étalées dans le temps, et pas juste dans la nuit de samedi à dimanche 13/14 décembre 2013.
[85] Puisque le Bénéficiaire conteste le bien-fondé de la décision de l’Administrateur, le fardeau de la preuve repose sur lui, en vertu de l’article 2803 du Code Civil : Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
[86] Le représentant du Bénéficiaire, qui a témoigné avec franchise et qui était très crédible, a bien su convaincre le Tribunal d’arbitrage que le chauffe-eau avait une problématique.
[87] Toutefois, son recours est ici à l’encontre de l’Administrateur du Plan de Garantie, recours qui ne peut être accueilli contre l’Administrateur pour les motifs exposés ci-haut.
[88] De façon accessoire, le représentant du Bénéficiaire n’étant pas un témoin expert, il n’est pas le meilleur témoin et ne remplit pas son fardeau de la preuve en témoignant à l’effet que
[88.1] le système installé n’était pas indiqué pour les froids des hivers québécois (le représentant du sous-traitant à l’audience nie cette affirmation, disant qu’il est conforme au « Code du Gaz », que Gaz Metro inspecte ses installations et qu’il n’a jamais reçu de constat de leur part, qu’il pose ce système partout, sans problème)
[88.2] le système installé ne convenait pas à son bâtiment car les deux bâtiments voisins avaient à l’origine un système plus performant
la présente décision ne tranche pas ces deux points vu les conclusions auxquelles le soussigné en arrive sur le recours du Bénéficiaire contre l’Administrateur.
(4) Lettre du 25 octobre 2016 : syndicat horizontal et syndicat vertical
[89] Aussi de façon accessoire, vu les conclusions de la présente décision, le Tribunal d’arbitrage n’a pas à commenter les représentations faites par la procureure de l’Entrepreneur dans sa lettre du 25 octobre 2016 quant au syndicat vertical et au syndicat horizontal (pièce E-6).
RÉSERVE DES DROITS
[90] Comme le soussigné l’a dit à l’audience, en cas de rejet du recours contre l’Administrateur en vertu du Règlement, le Bénéficiaire conserve tous ses recours en vertu du Code Civil contre toute autre personne, le tout sujet aux règles de la prescription civile et du droit commun.
[91] L’article 11 de la Loi sur le bâtiment[21] stipule :
11. La présente loi n'a pas pour effet de limiter les obligations autrement imposées à une personne visée par la présente loi.
[92] Le Tribunal rappelle la décision de la Cour supérieure dans l’affaire Garantie d'habitation du Québec c. Jeanniot[22]:
[63] Il est clair des dispositions de la Loi et du Règlement que la garantie réglementaire ne remplace pas le régime légal de responsabilité de l'entrepreneur prévu au Code civil du Québec. Il est clair également que la garantie prévue à la Loi et au Règlement ne couvre pas l'ensemble des droits que possède un bénéficiaire, notamment en vertu des dispositions du Code civil du Québec et que les recours civils sont toujours disponibles aux parties au contrat.
[93] Dans la décision arbitrale Valérie Hamelin c. Groupe Sylvain Farand inc. c. La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc[23], notre collègue Me Jean Robert LeBlanc rappelle :
Enfin, le Tribunal souligne que la présente décision arbitrale est rendue uniquement et strictement dans le cadre de l’application du Règlement et qu’en conséquence elle est sans préjudice et sous toutes réserves des droits d’une Partie d’intenter tout recours approprié devant les tribunaux civils ayant compétence, sujet bien entendu, aux règles de droit commun et de prescription civile, le cas échéant.
[94] Le Tribunal d’arbitrage réserve les droits du Bénéficiaire de porter ses prétentions devant les tribunaux de droit commun contre toute personne autre que l’Administrateur du Plan de Garantie, le tout, sujet aux règles de la prescription civile et de droit commun, sans que cette affirmation puisse être interprétée dans un sens ou dans l’autre.
FRAIS
[95] L’article 37 du Règlement stipule :
Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.
[96] Chaque cas est un cas d’espèce.
[97] Vu tous les faits, vu que la demande d’arbitrage fut produite de bonne foi, vu l’article 116 du Règlement, le Tribunal départage les frais d’arbitrage de la façon suivante, soit $50.00 pour le Bénéficiaire et le solde à l’Administrateur.
[98] PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE
[99] REJETTE la demande du Bénéficiaire à l’encontre de l’Administrateur du Plan de Garantie Et RÉSERVE le droit du Bénéficiaire, à supposer qu’il ait un recours fondé, de porter devant les tribunaux de droit commun, sa prétention sur ce point ainsi que de rechercher les correctifs qu’il réclame contre toute personne autre que l’Administrateur, sujet aux règles de droit commun et de la prescription civile;
[100] ORDONNE au Bénéficiaire à payer à SORECONI la somme de $50.00 pour sa part des frais d’arbitrage.
[101] ORDONNE à l'Administrateur du Plan de Garantie à payer les frais d'arbitrage encourus dans le présent dossier moins la somme de $50.00.
Montréal, le 3 novembre 2017
__________________________
Me ROLAND-YVES GAGNÉ
ARBITRE/SORECONI
Bénéficiaire :
Armand D’Argenzio
Administrateur :
Me François Olivier Godin
Belanger Paradis
Entrepreneur :
Me Christine Gosselin
Autorités citées :
Consortium M.R. Canada Ltée c. Office municipal d’habitation de Montréal 2013 QCCA 1211.
Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. MYL, 2011 QCCA 56.
La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause 2004 CanLII 47872 (QC C.A.).
Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Dupuis 2007 QCCS 4701 (Michèle Monast, J.C.S.).
Nazco et Milian c. 9181-5712 Québec Inc. et Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ CCAC S16-011902-NP, 8 avril 2016, Me Roland-Yves Gagné, arbitre.
3093-2313 Québec c. Létourneau et Bouchard et la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ CCAC S15-022401-NP, Décision rectifiée du 12 novembre 2015, Me Roland-Yves Gagné, arbitre.
Syndicat des Copropriétaires Lot 3 977 437 c. Gestion Mikalin et La Garantie Abritat GAMM 2013-15-011, 24 avril 2015, Jean Morissette, arbitre.
Nazco et Milian c. 9181-5712 Québec Inc. et Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ CCAC S16-011902-NP, 8 avril 2016, Me Roland-Yves Gagné, arbitre.
Vincenzo Pampena et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ et Habitations André Taillon, GAMM 2013-13-001, 6 avril 2014, Me Karine Poulain, arbitre.
Francine Bélanger et Daniel Pelletier et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. et Réseau Viva International, GAMM 2009-11-011, 23 décembre 2009, Me Johanne Despatis, arbitre
Immeubles de l'Estuaire phase III inc. c. Syndicat des copropriétaires de l'Estuaire Condo phase III,2006 QCCA 781.
B. Radilescu et Groupe Axxco Inc. et La Garantie Habitation Du Québec Inc. GAMM, 20 septembre 2010, Me Jeffrey Edwards, arbitre.
Nathalie Bouchard c. Habitations André Denault et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ CCAC S14-101001-NP, 22 mai 2015, Me Lydia Milazzo, arbitre.
Abdellatif Bensari c. Les Constructions M.C. et La Garantie Qualité Habitation, SORECONI 100508001, 26 novembre 2010, Me Roland-Yves Gagné, arbitre.
Abderrahim Moustaine et al. c. Brunelle Entrepreneur Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de L’APCHQ, Soreconi 070424001 du 9 mai 2008, Me Jean Philippe Ewart, arbitre.
Jean-Louis Baudouin, La prescription civile, 7e édition, 2007, Éditions Yvon Blais, Cowansville p. 1219, I-1447.
Domaine c. Construction Robert Garceau Inc. et la Garantie Qualité Habitation, CCAC S13-091201-NP, 16 juillet 2014, Me Michel A. Jeanniot, arbitre.
Kwok et Tang c. 9181-5712 Québec et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ CCAC S14-080101-NP, 5 octobre 2015, Me Tibor Holländer, arbitre.
Castonguay et al et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ et Construction Serge Rheault Inc. GAMM 2011-12-009, 6 octobre 2011, Me Johanne Despatis, arbitre.
Garantie d'habitation du Québec c. Jeanniot 2009 QCCS 909 (Johanne Mainville, J.C.S.).
Valérie Hamelin c. Groupe Sylvain Farand inc. C La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc CCAC S13-121002-NP, 26 avril 2014, Me Jean Robert Leblanc, arbitre.
[1] Voir son courriel du 18 octobre 2016.
[2] 12 juillet 2013, Cour d’appel, 2013 QCCA 1211 Renvoi [5] : Voir art. 3, 4, 5, 18, 105, 139 et 140 du Règlement.
[3] 2011 QCCA 56.
[4] AZ-50285725, 15 décembre 2004, J.E. 2005-132 (C.A.).
[5] 2007 QCCS 4701, 26 octobre 2007, Michèle Monast, juge.
[6] CCAC S16-011902-NP, 8 avril 2016, Me Roland-Yves Gagné, arbitre, paragraphes [128] et s.
[7] CCAC S15-022401-NP Décision rectifiée du 12 novembre 2015, Me Roland-Yves Gagné, arbitre, paragraphes [446] à [467]; voir aussi, au même effet, Syndicat des Copropriétaires Lot 3 977 437 c. Gestion Mikalin et La Garantie Abritat GAMM 2013-15-011, 24 avril 2015, Jean Morissette, arbitre.
[8] http://climat.meteo.gc.ca/climate_data/hourly_data_f.html?hlyRange=2013-02-13%7C2017-10-30&dlyRange=2013-02-14%7C2017-10-30&mlyRange=%7C&StationID=51157&Prov=QC&urlExtension=_f.html&searchType=stnProv&optLimit=specDate&StartYear=1840&EndYear=2017&selRowPerPage=25&Line=131&Month=12&Day=14&lstProvince=QC&timeframe=1&Year=2013
[9] À moins que le remplacement n’entraîne des coûts équivalents à ces mêmes réparations, sous réserves des faits présents à chaque dossier.
[10] AZ-50285725, 15 décembre 2004..
[11] GAMM 2013-13-001, 6 avril 2014, Me Karine Poulain, arbitre.
[12] GAMM 2009-11-011, 23 décembre 2009, Me Johanne Despatis, arbitre.
[13] 2006 QCCA 781.
[14] « 111. Avant ou pendant la procédure arbitrale, une partie intéressée ou l’Administrateur peut demander des mesures nécessaires pour assurer la conservation du bâtiment. »; B. Radilescu et Groupe Axxco Inc. et La Garantie Habitation Du Québec Inc. GAMM, 20 septembre 2010, Me Jeffrey Edwards : « [60] La formulation de l’Article 111 n’appuie cependant pas cette interprétation. La demande visée par cet article ne se limite pas aux travaux correctifs, mais couvre bien toute mesure nécessaire pour assurer la conservation du bâtiment. À cet égard, il faut remarquer que le législateur n’a pas utilisé les mêmes mots contenus à l’Article 18, alinéa 5 du Règlement […] »; Nathalie Bouchard c. Habitations André Denault et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ CCAC S14-101001-NP, 22 mai 2015, Me Lydia Milazzo, arbitre : « 44. L’Article 111 du Règlement prévoit qu’avant ou pendant la procédure arbitrale, une partie intéressée ou l’Administrateur peut demander des mesures nécessaires pour assurer la conservation du bâtiment. Il s’agit encore une fois d’une question de fait, à savoir si les réparations effectuées dans le cas sous étude étaient nécessaires pour assurer la conservation du bâtiment; ».
[15] C’est la « paix d’esprit » qui a été citée comme base de la décision d’acheter un nouveau chauffe-eau, la conservation du bâtiment n’a pas été mentionnée.
[16] Soreconi 100508001, 26 novembre 2010, Me Roland-Yves Gagné, arbitre.
[17] La prescription civile, 7e édition, 2007, Éditions Yvon Blais, Cowansville, p. 1219, I-1447
[18] CCAC S13-091201-NP, 16 juillet 2014, Me Michel A. Jeanniot, arbitre.
[19] CCAC S14-080101-NP, 5 octobre 2015, Me Tibor Holländer, arbitre.
[20] GAMM 2011-12-009, 6 octobre 2011, Me Johanne Despatis, arbitre.
[21] B-1.1
[22] 2009 QCCS 909 (Hon. Johanne Mainville, J.C.S.).
[23] CCAC S13-121002-NP, 26 avril 2014.