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CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTRÉAL

 

 

 

 

ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998, c. B-1.1, r.0.2, Loi sur le bâtiment, Lois refondues du Québec (L.R.Q.), c. B-1.1, Canada)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

______________________________________________________________________

 

Entre

Syndicat de Copropriété Le Bourg de la Rive

Bénéficiaire

Et

Bourg de la Rive Inc.

Entrepreneur

Et

La Garantie Qualité Habitation

Administrateur

 

 

No dossier Garantie :

5645-1

No dossier GAMM :

2007-12-016

No dossier Arbitre :

13 185-34

 

______________________________________________________________________

 

SENTENCE ARBITRALE

______________________________________________________________________

 

Arbitre :

Me Jeffrey Edwards

 

 

Pour la Bénéficiaire :

Me Catia Larose 

(Bélanger Sauvé)

 

 

Pour l’Entrepreneur :

Monsieur Mark Gelber 

(Bourg de la Rive Inc.)

 

 

Pour l’Administrateur :

Me Avelino de Andrade  

(La Garantie Qualité Habitation)

 

Date de la visite des lieux :

22 octobre 2008

 

 

Adresse des lieux :

11 825, av. Norwood

Montréal, Québec

 

 

Date de l’audience :

5 novembre 2008

 

 

Délai accordé pour rendre la décision :

27 décembre 2008

 

 

Lieux de l’audience :

1080, Côte du Beaver Hall, bureau 600, Montréal, Québec

 

 

Date de la décision :

19 décembre 2008

______________________________________________________________________

 

APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DES PROCÉDURES, visitÉ les lieux, ENTENDU LA PREUVE ET Les ARGUMENTS DES parties, le Tribunal d’arbitrage rend la dÉcision suivante:

 

1.            LES FAITS

[1]    Le Tribunal d’arbitrage est saisi d’une demande d’arbitrage (Pièce A-1) du Bénéficiaire à l’endroit de sept (7) points de la décision rendue par l’Administrateur en date du 25 septembre 2007 (« Décision ») (Pièce A-2).

[2]    Le Tribunal d’arbitrage a visité les lieux et a examiné les éléments matériels et a permis à toutes les parties et à leurs témoins experts ou ordinaires de faire part, par témoignage, de leurs observations et commentaires.

[3]    Par la suite, l’audition a repris aux bureaux de l’arbitre où la preuve des témoins ordinaires et des témoins experts et les plaidoiries ont été complétées.

[4]    Les points contestés sont les suivants :

1.      Joint de scellant (point 5 de la Décision);

2.      Écoulement d’eau des balcons des unités 321-322-323 (point 6 de la Décision);

3.      Infiltration d’eau dans les unités 422-423-118 (point 7 de la Décision);

4.      Solins sous les pierres d’assise des fenêtres (point 10 de la Décision);

5.      Pierre de couronnement des balcons (point 12 de la Décision);

6.      Balcons des unités 201-321-322-323-423 (point 16 de la Décision);

7.      Fenêtres (point 18 de la Décision).

 

2.            Question en litige

[5]    Est-ce que la Décision de l’Administrateur est bien fondée par rapport aux points mentionnés.

 

3.         analyse et conclusions des POINTS EN LITIGE

Point 5 :  Joints de scellant

[6]    Il paraît que des travaux antérieurs ont été réalisés par l’Entrepreneur par rapport à ce problème. Suite à la réclamation du Bénéficiaire, après la Décision mais avant l’audition, le Bénéficiaire a cependant accordé à un autre entrepreneur le contrat d’effectuer les travaux pour régler ce point.  En effet, lors de la visite des lieux, le Bénéficiaire n’avait aucune preuve à offrir par rapport à ce point.

[7]    Dans les circonstances, c’est-à-dire que les travaux demandés sont déjà réalisés, la demande d’arbitrage sur ce point devient sans objet et le Tribunal d’arbitrage n’intervient pas.

Point 6 :  Écoulement d’eau des balcons des unités 321-322-323

[8]    Le Bénéficiaire se plaint en somme que les balcons sont à contre pente, ce qui entraîne la stagnation de l’eau sur les balcons mentionnés.  Cela mène à l’écoulement d’eau vers l’intérieur, ce qui peut entraîner de l’écoulement d’eau vers le bas, ce qui se manifeste par de l’égouttement au « plafond » du balcon pour l’unité en dessous.

 

 

[9]    La preuve offerte à ce sujet est fort sommaire et celle n’est pas convaincante.

[10]     Il n’y a aucune preuve d’infiltration d'eau à l’intérieur des unités.  Le Tribunal d’arbitrage a constaté que les écoulements en question constituent au plus des inconvénients non majeurs.

[11]     Selon la preuve administrée, la plainte du Bénéficiaire a été reçue après les trois (3) ans de réception et seule la responsabilité de cinq (5) ans pour un vice au sens de l’article 2118 du Code civil du Québec  est encore en vigueur selon le plan de garantie applicable, soit celui en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[1].

[12]     L’inspecteur conciliateur a rejeté ce point dans sa décision au motif qu’il ne pouvait pas conclure à un vice au sens de cet article.   Selon la preuve entendue, nous ne voyons pas de justification à intervenir à ce sujet.

Point 7 :         Infiltration d’eau dans les unités 422-423-118

[13]     Les parties s’entendent à l’effet que le problème pour l’unité 118 est réglé.  Nous avons visité l’unité 422 et il n’y avait aucun problème à constater à ce sujet.  Cependant, à l’unité 423, le propriétaire a témoigné sous serment et a clairement décrit que de l’eau entre régulièrement, lors de la conjonction des pluies et des vents forts.  Il doit l’essuyer complètement à chaque fois.  Le procureur de l’Administrateur s’interroge en plaidoirie sur la véracité de cette déclaration en raison de l’absence de dommage et de signes d’infiltration d'eau.

[14]     En évaluant la crédibilité de ce témoin, le Tribunal d’arbitrage croit que ce témoin dit vrai et que de l’eau entre dans l’unité dans les conditions décrites.  De plus, le Tribunal d’arbitrage a examiné à l’extérieur sur le balcon l’endroit approximatif où l’eau s’infiltre, soit en dessous du cadre d’une grande fenêtre faisant face à la Rivière-des-Prairies.  Le témoin décrit que certains travaux ont été faits par l’Entrepreneur pour sceller cet endroit mais qu’un endroit a été laissé ouvert parce que trop loin du balcon.  Le Tribunal d’arbitrage a pu constater la présence de cet endroit non scellé.

[15]     Il nous paraît clair qu’il n’est pas ici question d’entretien car l’endroit en question n’a jamais été scellé par l’Entrepreneur et ce, même à l’origine.

[16]     L’inspecteur-conciliateur a rejeté cette réclamation au motif qu’elle ne satisfaisait pas à la condition du vice au sens de l’article 2118 du Code civil du Québec  et que cette protection légale était la seule encore disponible en vertu du plan de garantie.  Avec égard pour l’avis contraire, le Tribunal d’arbitrage considère que le vice satisfait ici aux conditions requises, à savoir qu’il entraînera en l'absence de réparation une perte partielle probable.

[17]     En effet, l’infiltration d’eau à cet endroit dans ces circonstances entraînera inévitablement et graduellement le pourrissement et la détérioration des matériaux de construction affectés continuellement par de l’eau.  Les briques se détacheront et tomberont.  L’Entrepreneur devra donc réaliser les travaux requis selon les règles de l’art pour éliminer cette source d’infiltration d’eau affectant l’unité 423.

Point 10 :       Solins sous les pierres d’assise des fenêtres

[18]     Le Bénéficiaire se plaint de l’absence de solins sous les pierres d’assise des fenêtres.  L’expert du Bénéficiaire, Gilles Beauchamp, architecte, affirme de manière catégorique que suite à son examen des pierres d’assise, il n’y a pas de solin installé, et ce, en violation des normes de la maçonnerie, notamment CSA-A371 de l’Association de la maçonnerie du Québec.  La preuve de l’Entrepreneur sur ce point est faible.  Il y a eu un écart d’une semaine entre la visite des lieux et l’audition.  Lors de la visite des lieux, l’Entrepreneur affirmait qu’il croyait qu’un solin était installé.  L’arbitre a invité l’Entrepreneur à rejoindre le maçon ayant fait le travail, à le faire témoigner à l’audition ou à produire les plans pertinents.  Lors de l’audition, le représentant de l’Entrepreneur n’a fait ni l’un ni l'autre.  Selon le Tribunal d’arbitrage, la prépondérance de la preuve penche en faveur de l'absence des solins à ces endroits et donc à la violation des règles de l’art.

[19]     Également, à la lumière de la preuve, cette malfaçon peut avoir des conséquences importantes.  Selon la preuve faite, l’absence d’un solin à d’autres endroits semblables a effectivement engendré un problème de pourrissement et de détérioration.

[20]     Selon l’expert du Bénéficiaire, de telles conséquences prennent des années avant de se manifester.  À notre avis, les éléments suffisants sont établis pour conclure que nous sommes en présence d’un vice au sens de l’article 2118 du Code civil du Québec

[21]     Cependant, comment rectifier cette absence généralisée de solins?  Selon l’expert du Bénéficiaire, il serait disproportionné de requérir l’enlèvement de toutes les pierres d’assises des fenêtres et l’installation de solins partout sur le projet.  En effet, de tels travaux seraient très coûteux.  Dans son rapport, l’expert du Bénéficiaire suggère plutôt de fournir au Bénéficiaire une garantie prolongée ou un cautionnement d’entretien d’au moins dix (10) ans.  Le Tribunal d’arbitrage ne croit pas posséder la compétence d’émettre des ordonnances de cette nature.  Dans les circonstances, la procureure du Bénéficiaire suggère une compensation financière pour pallier au coût supplémentaire d’entretien afin de pallier à cette malfaçon.  En effet, différents travaux de scellage des joints entre les pierres d’assise pourraient empêcher des dommages futurs d’infiltration d’eau.  La procureure du Bénéficiaire se réfère à l’article 116 du Règlement et au pouvoir de l’arbitre de décider selon l’équité lorsque les circonstances le justifient.  La procureure du Bénéficiaire se réfère également à la cause de La Garantie Habitation du Québec c. Mainville, CSM 500-05-071027-021 (12 juin 2002).

[22]     Il est vrai qu’il serait totalement inéquitable que le Bénéficiaire n’ait aucune compensation pour cette malfaçon en raison du fait que le coût des travaux correctifs soit trop élevé. Il serait alors logique d’adopter une troisième voie au motif que d’autres travaux d’entretien, non nécessaires normalement, peuvent pallier et empêcher des dommages découlant de la malfaçon en question.  Ainsi, sur la base de l’article 116 du Règlement, le Tribunal d’arbitrage condamnera l’Entrepreneur à payer le montant de 2 500 $ au Bénéficiaire pour compenser, de manière fort partielle, les coûts du programme d’entretien anormal qu’il devra gérer à l’endroit des pierres d’assises des fenêtres et requis par l’absence de solins aux endroits indiqués. 

Point 12 :       Pierre de couronnement des balcons

[23]     Dans une décision antérieure de l’Administrateur datée du 11 juillet 2005 (pièce A-3), l’Administrateur  avait traité cette question et a ordonné à l’Entrepreneur de faire les « correctifs requis, selon les règles de l’art et l’usage courant du marché ».  L’Entrepreneur a par la suite effectué certains travaux.  Le Bénéficiaire ne les a pas considéré suffisants et a fait une nouvelle plainte à l’Entrepreneur et à l’Administrateur.

[24]     Dans sa Décision du 25 septembre 2007 (pièce A-2), l’Administrateur « maintient sa décision rendue, en stipulant que la mise en place de coupe-goutte devrait être faite ».

[25]     Il semble qu’il y ait eu un manque de communication entre les parties sur ce point, car lors de l’audition, après que les parties et leurs experts et représentants techniques se soient expliqués, l’Entrepreneur a offert de faire ce travail aux endroits requis.  Il n’y a donc pas lieu pour l’arbitre d’enquêter davantage sur ce point.  L’arbitre prend acte de l’engagement de l’Entrepreneur à cet égard et lui demandera de s’y conformer.

Point 16 :       Balcons des unités 201-321-322-323-423

[26]     Le rapport de l’expert (pièce B-1) du Bénéficiaire, Gilles Beauchamp, architecte, résume la plainte du Bénéficiaire par rapport à ce point.  À la page 2 de ce rapport, nous lisons :

« Balcon du 1er étage et marquise du Rez de chaussée:

Le balcon du 1er étage sert de marquise pour l'entrée du logement en dessous.

Ces balcons sont ceinturés d'un muret de brique de 2 épaisseurs couronné par des pierres jointoyées.

Ces pierres n'ont de larmier que sur une face.

Ces pierres n'ont pas de solin en dessous.

La structure d'acier soutenant le tout n'est pas galvanisée.

La dalle de béton n'a pas les pentes appropriées.

Le drain est souvent au mauvais endroit.

L'eau s'infiltre dans le complexe, fait rouiller la structure.

Les balcons réalisés ne respectent en rien les plans de construction initiaux de l'architecte.

Aucun entretien de la structure n'est possible pour les propriétaires.

La pose de vraies gargouilles efficaces nécessiterait de défaire les balcons.

La structure d'acier aurait dû être galvanisée.

La détérioration est importante et affectera sans doute la valeur de revente de ces unités.  Les coûts d'entretien supplémentaire de ce balcon n'étaient pas connus au moment de la vente. »

[27]     Le témoignage de Monsieur Beauchamp a été complété par un dessin et les photos produites sous la cote B-4 (photographies pages 2 à 26).  Les photographies déposées démontrent le sérieux et l’importance de la détérioration de la structure d’acier et les conséquences répandues de rouille.

[28]     Malgré les questions des représentants de l’Entrepreneur et du procureur de l’Administrateur à Monsieur Beauchamp, la substance de ses observations et conclusions notées ci-haut n’a pas été mise en doute.

[29]     À noter que cette réclamation a été dénoncée à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans les trois (3) ans de la réception de l’immeuble.  Il en résulte que la protection contre les vices cachés en vertu du Règlement existait au moment de cette réclamation.  Or, il nous paraît que toutes les conditions d’existence d’un vice caché sont remplies ici, soit son antériorité par rapport à la vente, son caractère grave, son caractère inconnu de l'acheteur lors de la vente et son caractère objectivement non apparent (c’est seulement avec le temps qu’il se manifeste).

[30]     Des options différentes ont fait l’objet de commentaires divers des parties et leurs représentants lors de l’audition afin de proposer une solution durable selon les règles de l’art.  Le soussigné s’abstiendra d’adopter une solution quelconque.  L’Entrepreneur a le choix des méthodes de correction, tout en étant tenu à une obligation de résultat.  Le soussigné se limitera à ordonner à l’Entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs requis selon les règles de l’art.

Point 18 :       Fenêtres

[31]     Selon le Bénéficiaire, la moulure de caoutchouc entourant le verre scellé dans le cadre des fenêtres du projet immobilier dans son ensemble a, à divers degrés, rétréci anormalement.  Nous avons pu observer cette situation.  Or, le président du manufacturier et du fournisseur de fenêtres, Monsieur Pierre Beauchesne (ingénieur de formation), a déposé une lettre (pièce E-1) et a témoigné à l’audition.  Il a expliqué dans son témoignage fort convaincant que le phénomène de rétrécissement du joint de vitrage extérieur n'a pas ou peu d’influence sur la performance de la fenêtre.  Il explique que le joint de vitrage n’influence pas de façon directe l’étanchéité du produit ou son fonctionnement.  Le rôle du joint de vitrage est plutôt d’ordre cosmétique.

[32]     Malgré un contre-interrogatoire détaillé, le témoignage de Monsieur Beauchesne n'a pas été contredit de manière convaincante. Les faits vécus par les divers propriétaires des unités dans l’immeuble géré par le Bénéficiaire corroborent le témoignage de Monsieur Pierre Beauchesne, puisqu’il n’y a pas eu d’infiltration d’eau dans aucune des fenêtres du complexe immobilier depuis leur installation.  La prépondérance de la preuve est en faveur de l’Entrepreneur sur ce point et le Tribunal d’arbitrage ne modifie pas la décision de l’Administrateur sur ce point.

4.            FRAIS D’ARBITRAGE

[33]     Étant donné que le Bénéficiaire a gagné sur au moins un des points en litige, l'article 123 alinéa 2 du Règlement s’applique et les frais d’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur.


PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

            ACCUEILLE  en partie la demande d’arbitrage du Bénéficiaire;

ORDONNE à l’Entrepreneur d’effectuer les travaux décrits dans le texte de la présente sentence, y compris les travaux faisant l’objet d’une entente, et ce, selon les règles de l’art, et de payer au Bénéficiaire le montant de 2 500 $ dans les soixante (60) jours de la réception de la présente sentence;

À DÉFAUT par l’Entrepreneur de faire le paiement et d’effectuer les travaux correctifs ordonnés dans le paragraphe précédent dans le délai imparti, ORDONNE à l’Administrateur d’exécuter intégralement ces obligations dans un délai additionnel de soixante (60) jours; 

PRÉCISE que le début des délais mentionnés sont prolongés lorsque requis par les conditions climatiques jusqu’au 15 mai 2009;

ORDONNE à  l’Administrateur de payer les frais d’arbitrage.

 

 

(s) Me Jeffrey Edwards

 

Me Jeffrey Edwards, arbitre

 

 



[1]  C. B-1.1, r.0.2. Ci-après le Règlement.