ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec: SORECONI
ENTRE : MANON GAUTHIER & PATRICK ST-PIERRE
(ci-après les « Bénéficiaires »)
ET : CORPORATION IMMOBILIÈRE DOMICIL INC.
(ci-après l’ « Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE QUALITÉ HABITATION
(ci-après l’« Administrateur »)
Dossier SORECONI : 180803001
DÉCISION
Arbitre : Me Jacinthe Savoie
Pour les Bénéficiaires : Madame Manon Gauthier
Monsieur Patrick St-Pierre
Pour l’Entrepreneur : Me Charles E. Bertrand (pour les deux premiers jours d’audition)
Monsieur François Barnabé (pour la troisième journée d’audition)
Pour l’Administrateur : Me François-Olivier Godin
Dates de l’audition : 20, 21 février 2019 et 13 juin 2019
Date de la Décision : 12 décembre 2019
Identification complète des parties
Bénéficiaires : Madame Manon Gauthier
Monsieur Patrick St-Pierre
[...]
Longueuil (Québec) [...]
Entrepreneur: Corporation Immobilière Domicil inc.
Monsieur François Barnabé
Monsieur Luc Robitaille
1000, montée des Pionniers, bureau 228
Terrebonne (Québec) J6V 1S8
Et son procureur :
Me Charles E. Bertrand (pour les deux premières jours d’audition)
Administrateur : La Garantie Qualité Habitation
9200, boul. Métropolitain Est
Anjou (Québec) H1K 4L2
Et son procureur :
Me François-Olivier Godin
Mandat
L’Arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 16 mars 2018.
Historique du dossier
08-03-2018 Réception de la demande d’arbitrage par le greffe de SORECONI
23-03-2018 Réception de la confirmation du paiement de la provision pour frais
12-04-2018 Transmission du cahier de pièces de l’Administrateur
08-05-2018 Conférence téléphonique tenant lieu et place de conférence préparatoire
19-05-2018 Réception d’un courriel de la Bénéficiaire demandant la confirmation que la dénonciation du vice est survenue le 30 octobre 2015
22-05-2018 Émission du procès-verbal de la conférence du 8 mai 2018 comprenant l’avis de convocation pour enquête et audition
23-05-2018 Réception d’un courriel du procureur de l’Administrateur confirmant le 30 octobre 2015 comme étant la date de dénonciation du vice allégué
01-06-2018 Audition quant aux moyens préliminaires
19-07-2018 Décision sur les moyens préliminaires
12-10-2018 Conférence téléphonique tenant lieu et place de conférence préparatoire
14-10-2018 Transmission par les Bénéficiaires du rapport de Scott Vitus
17-10-2018 Émission du procès-verbal de la conférence téléphonique du 12 octobre 2018
29-10-2018 Transmission par les Bénéficiaires du rapport de Patrice Lévesque et d’un complément au rapport de monsieur Vitus
29-10-2018 Avis de convocation pour l’enquête et audition
10-01-2019 Transmission par Me Bertrand du rapport de René Rocheleau, du rapport de Gokcin Yetisgen et d’une facture
08-02-2019 Transmission par les Bénéficiaires d’un avis technique de Pascal Cabana et de quatre (4) documents supplémentaires contenant des échanges entre les Bénéficiaires et l’Entrepreneur
20-02-2019 Visite des lieux
20-02-2019 Première journée de l’enquête et audition au Sandman Hôtel Montréal - Longueuil
21-02-2019 Deuxième journée de l’enquête et audition au Sandman Hôtel Montréal - Longueuil
07-03-2019 Avis de convocation pour la troisième journée de l’enquête et audition
13-06-2019 Troisième journée de l’enquête et audition aux bureaux de Savoie Cloutier, avocats, sans la présence de Me Bertrand
12-12-2019 Décision
Admissions
[1] Il s’agit d’une maison non détenue en copropriété divise et située au [...] à Longueuil (Bâtiment).
[2] Le revêtement de bois a été installé du 14 au 21 août 2014 au rez-de-chaussée et à l’étage du Bâtiment.
[3] La réception du Bâtiment est intervenue le 29 août 2014.
[4] Les Bénéficiaires ont pris possession du Bâtiment le 30 août 2014.
[5] L’Entrepreneur a requis l’intervention de l’Administrateur le 30 octobre 2015 pour la déformation des planchers.
[6] Afin d’émettre sa décision, l’Administrateur par l’entremise de son conciliateur, monsieur Michel Labelle, a procédé à trois inspections du Bâtiment et a conclu que :
- le parquet de bois a subi un stress relié à un taux d’humidité élevé, pouvant expliquer la déformation concave des lattes sur l’ensemble des deux planchers et le craquement excessif;
- les dommages constatés au parquet de bois n’ont aucun lien avec la mise en œuvre du plancher, déficience ou pas;
- cela étant dit, refaire la mise en œuvre du parquet sans maintenir un taux d’humidité relative intérieur prescrit par l’industrie ne servirait à rien;
- le maintien du taux d’humidité relative intérieur relève de la responsabilité des occupants.
[7] En conséquence, l’Administrateur a émis une décision en date 8 février 2018, laquelle rejetait le point 1 intitulé «revêtement de plancher : parquet de bois endommagé», et ce, pour deux motifs, soit :
[7.1] il s’est écoulé un délai d’environ douze (12) mois entre les premières manifestations à l’été 2014 et la date de la demande d’intervention du 30 octobre 2015; et
[7.2] l’exclusion prévue à l’article 12.3 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[1] (Règlement), soit « les réparations rendues nécessaires par une faute du bénéficiaire tels l’entretien inadéquat, la mauvaise utilisation du bâtiment ainsi que celles qui résultent de suppressions, modifications ou ajouts réalisés par le bénéficiaire ».
[8] Les Bénéficiaires ont porté la décision en arbitrage le 8 mars 2018.
[9] Dans un souci d’efficacité, il a été convenu de scinder l’audition de la présente affaire. Ainsi, une première décision arbitrale a été rendue afin de déterminer si le point 1 du rapport de l’Administrateur a été dénoncé conformément à l’article 10 alinéa 3 du Règlement.
[10] En date du 17 juillet 2019, l’Arbitre a émis une décision qui tranchait cette première question de la façon suivante :
« RECONNAÎT que le point 1 du rapport de l’Administrateur a été dénoncé conformément à l’article 10 alinéa 3 du Règlement;
MAINTIENT sa juridiction concernant le deuxième motif de refus de l’Administrateur quant au point 1 de la décision de celui-ci. »
[11] La question du respect des délais de dénonciation ayant été évacuée quant au point 1, l’Arbitre verra à se prononcer sur le fond de cette affaire.
Valeur en litige
[12] La valeur en litige est supérieure à 60 000 $.
Visite des lieux et audition
[13] Les parties, les procureurs de l’Entrepreneur et de l’Administrateur, les experts ainsi que l’Arbitre ont procédé à la visite des lieux le 20 février 2019.
[14] L’audition de la présente affaire s’est déroulée les 20 et 21 février 2019 ainsi que le 13 juin 2019.
[15] Étaient présents lors de l’audition:
Pour les Bénéficiaires : Madame Manon Gauthier
Monsieur Patrick St-Pierre
Monsieur Scott Vitus, inspecteur certifié N.W.F.A.
Monsieur Patrice Lévesque, ingénieur en mécanique du bâtiment, de la firme Novamech
Monsieur Pascal Cabana, de la firme Legault-Dubois
Pour l’Entrepreneur : Monsieur François Barnabé, représentant de l’Entrepreneur
Monsieur Luc Robitaille, représentant de l’Entrepreneur
Monsieur René Rocheleau, inspecteur certifié N.W.F.A., de la firme Planchers Rochebois inc.
Monsieur Gokcin Yetisgen, ingénieur de la firme Building Consultants S.E.N.C.
Me Charles E. Bertrand, les 20 et 21 février 2019
Pour l’Administrateur : Monsieur Michel Labelle, conciliateur
Me François-Olivier Godin
AUDITION
[16] Lors de la première journée d’audition, tant le procureur de l’Entrepreneur que celui de l’Administrateur ont réitéré que ce sont les planchers qui sont en litige dans la présente affaire et non le système de ventilation, lequel n’a jamais été dénoncé par les Bénéficiaires.
PLANCHERS
Scott Vitus
[17] Le premier témoin entendu est monsieur Scott Vitus, inspecteur certifié de la « National Wood Flooring Association » (N.W.F.A.), mandaté par les Bénéficiaires.
[18] Personne n’ayant contesté son statut d’expert, il est reconnu comme tel par le Tribunal. Monsieur Vitus a émis un rapport en date du 19 octobre 2018 sur l’état des planchers de bois du Bâtiment.
[19] Le témoignage et le rapport de ce dernier se résument ainsi :
Inspection
[19.1] Il a inspecté les planchers le 8 avril 2018. Lors de ladite inspection, il a remarqué que:
a) les planchers émettaient des bruits de craquements généralisés et bougeaient lorsqu’il marchait. Ces mouvements étaient plus prononcés au périmètre des pièces;
b) le taux d’humidité à l’intérieur du Bâtiment et dans les planchers se situait dans les normes;
c) le positionnement des agrafes était à l’extérieur des normes applicables, et ce, de manière généralisée;
d) il y avait des vallonnements dans les planchers, lesquels suivaient le sens des solives. Ces vallonnements étaient perceptibles à l’œil et également avec les pieds;
e) il n’y avait pas de papier sous-couche installé sous les planches;
f) le sous-plancher était composé de panneaux de particules d’une épaisseur de 5/8 po. Il a pu constater cette situation, tant devant la porte donnant sur le garage où une section du plancher avait été retirée qu’aux endroits où sont situées les trappes de ventilation;
g) les planches ont été installées parallèlement aux solives.
Manque d’ancrage
[19.2] Les agrafes doivent être installées de 1 à 3 po de l’extrémité d’une planche et à une distance de 6 à 8 po pour le reste de la planche. De plus, il doit y avoir au minimum deux (2) agrafes par planche. Il base cette affirmation sur les normes de la N.W.F.A. pour des planches de 3/4 po X 3 po ou plus large, soit:
« Blind fastener spacing along the lengths of the strips, minimum two fasteners per piece near the ends (1’’- 3’’). In addition, every 6’’- 8’’ apart for blind nailing, 10’’- 12’’ for face nailing. To assist the nailing schedule, option is to apply adhesive.[2] »
[19.3] Ces standards n’ont pas été respectés dans la présente affaire. Il a même remarqué certaines agrafes à 7 po de l’extrémité des planches.
Support de revêtement de sol inadéquat
[19.4] Dans la mesure où les planches sont installées dans le même sens que les solives, le sous-plancher doit être composé de deux (2) couches de matériel. En conséquence, l’Entrepreneur aurait dû ajouter du contreplaqué de ½ po d’épaisseur sur les panneaux de particules de 5/8 po, le tout afin d’éviter les vallonnements.
[19.5] Son opinion reflète la norme de la N.W.F.A. qui se lit comme suit :
« C. When ¾’’ solid strip and solid plank flooring is laid parallel with the floor joists, follow one of these two steps below:
1. Add a layer of minimum ½’’ (15/32’’) CD Exposur 1 (CDX) plywood underlayment to the existing subfloor (as previously recommended).
2. Or brace between truss/joints in accordance with the truss/joist manufacturer’s recommendations and with local building codes. Some truss/joist systems cannot be cross-braced and still maintain stability. »
Contre-interrogatoire
[19.6] En contre-interrogatoire, monsieur Vitus admet que:
a) il n’a pas vu de vallonnement lors de la visite des lieux le 20 février 2019;
b) il n’a pas vérifié le sens de la pose des panneaux de particules sous les lames des planchers;
c) deux (2) théories s’affrontent en ce qui a trait au sens de la pose des lames, soit la théorie de la N.W.F.A. et la théorie du Code national du bâtiment - Canada 2010 (CNB);
d) en effet, le tableau 9.23.15.5.-A prévoit que l’on peut utiliser des panneaux de particules de 5/8 po pour un espacement maximal de 16 po des appuis. Il faut lire ce tableau avec les paragraphes 1 et 2 de l’article 9.30.3.2 du CNB, qui édictent:
« Orientation et joints d’about
1) Les lames d’un parquet ne doivent pas être orientées parallèlement aux éléments d’un support de revêtement de sol en bois en construction, sauf si une couche de pose a été installée.
2) En l’absence de support de revêtement de sol, les lames d’un parquet doivent être mises en œuvre perpendiculairement aux solives; leurs joints d’about doivent être décalés et effectués au droit d’un support ou être bouvetés. »
e) ce sont les gens qui habitent dans le Bâtiment qui en contrôlent l’humidité.
Source du problème
[19.7] Il explique que les planchers ont bougé en raison du changement d’humidité, et ce, pour deux (2) raisons, soit le manque d’ancrage et l’installation des planches dans le sens des solives alors que le sous-plancher n’a que 5/8 po d’épaisseur.
Correctifs suggérés
[19.8] Afin de corriger les ancrages déficients et le sous-plancher, les planchers doivent être refaits au complet.
[19.9] Il ajoute que dans la mesure où les correctifs sont effectués et qu’ensuite le taux d’humidité relative ne se situe pas entre le 30% et le 50% recommandés, effectivement en cas extrême, il pourra y avoir du fendillement du bois, de l’espacement entre les planches ou un coffrage. Il ajoute que c’est théorique.
[19.10] Il affirme que même si le taux d’humidité avait toujours été situé entre 30% et 50%, il y aurait quand même eu de la déformation convexe (en tente) et des craquements, moins prononcés mais tout de même là.
[20] En résumé, monsieur Vitus conclut que :
« The noise areas and movement in the floor are due to multiple factors. The floor appears to have expanded post-installation and this expansion, combined with installation and job-site preparation deficiencies, has created stress on the flooring system. This combined set of factors contributes to the loose planks and noise in the floor system.
Subfloor deficiencies play a significant role in the deflection and noise spots found throughout the home. The subfloor throughout the home is 5/8” (15mm) installed over 16” on center joists. The Silhouette install instructions and the NWFA standards both state the minimum acceptable OSB sheathing thickness requirement for 16” o.c. joists is 23/32” (nominal 3/4”). The 5/8” subfloor over 16” o.c. will deflect when walked on, the continual flex in the subfloor will eventually work the fasteners loose, creating noise spots. In addition to this, the flooring installed parallel to the joists, directly over 5/8” OSB sheathing on the 16” o.c. joists. Silhouette and the NWFA both recommend adding an additional sheathing (overlapping the seams) when installing the hardwood flooring parallel to the joists. This means the subfloor on the main level should have a subfloor of a total minimum of 1-1/8” thickness (3/4” + 3/8”) where the floor is installed parallel to the joists. The current subfloor will continue to flex and risks eventually creating ruts between the joists as the subfloor begins to sag.
The inconsistent fastener schedule is another contributing factor for the noise and deflection spots in the floor. The NWFA standard for fastener schedule for 3” and wider planks of solid hardwood is a fastener blind nailed every 6” to 8” (1” to 3” from the ends). The fastener schedule measured in multiple areas ranged between 8” to 20” between fasteners and 3” to 7” from the ends. This irregular and insufficient nailing pattern creates weak spots in the floor system as it reacts to seasonal humidity changes. These weak spots will stress the limited number of fasteners and will eventually work them loose, causing deflection and noise. It should also be noted that the installer did not respect the end joint spacing requirements of the flooring manufacturer (4” minimum for 3-1/4” wide flooring) in numerous areas, creating additional weak spots in the floor. Finally, there is a lack of adequate fasteners (both in number and gauge) around the perimeter of the rooms causing these perimeter boards to work loose from the subfloor. These job-site preparation and installation deficiencies have combined to create the issues with the floor. »
« Without prejudice and based solely on the observations and testing at the time of the inspection, the deflection, loose planks and noise in the floor is due to improper jobsite preparation and improper installation method.
René Rocheleau
[21] Monsieur René Rocheleau, inspecteur certifié N.W.F.A. et mandaté par l’Entrepreneur, témoigne par la suite.
[22] Personne n’ayant contesté son statut d’expert, il est reconnu comme tel par le Tribunal. Monsieur Rocheleau a émis un rapport en date du 3 octobre 2018 sur les planchers du Bâtiment. Suite à son témoignage devant le Tribunal, il a rédigé un avenant à son rapport.
[23] Le témoignage et les rapports de ce dernier se résument ainsi :
Inspection
[23.1] Il a procédé à une inspection du Bâtiment en date du 25 septembre 2018 et a remarqué que:
a) l’ensemble des planchettes laissent voir des déformations de concavité (en forme de « u ») légères et visibles, mais impossibles à mesurer;
b) des bruits de craquement importants se font entendre lorsqu’il marche. Toutefois, il n’a pas ressenti de flexions structurales;
c) ces bruits sont beaucoup plus importants aux murs de terminaison de pose. À ces endroits, les planches laissent voir des mouvements de flexion importants;
Enclouage des planches au substrat
[23.2] La N.W.F.A. établit les normes applicables en ce qui a trait à la disposition des points d’ancrage de la façon suivante :
« Pour les planchers de 3 1/4” de large sur 3/4” en épaisseur, il faut disposer les points d’ancrage à tous les 10” à 12”, préférablement de 8” à 10”. De plus, il faut un minimum de deux (2) points d’ancrage sur les pièces courtes. Il est aussi très important que les points d’ancrage en bouts [sic] de pièces soient positionnés entre 1” et 3” des extrémités.[3] »
[23.3] Il a remarqué un laxisme généralisé pour les espacements des ancrages.
[23.4] Pour l’ensemble des planches courtes, il y a un seul point d’ancrage.
[23.5] Le centre des pièces est généralement bien cloué. Il a fait trois (3) tests au centre et l’enclouage était « so ». L’espacement dépassait parfois le 10 - 12 po, mais est tout de même acceptable.
[23.6] Il manque d’ancrage au mur de terminaison de pose et de départ de pose. Normalement, les installateurs doivent mettre de la colle au mur de terminaison de pose puisqu’il est plus difficile d’installer des agrafes à cet endroit. Dans le cas qui nous occupe, il n’y a pas de colle.
[23.7] Il y a un manque d’agrafes chronique plus près des murs où il y a plus de craquements, puisque les agrafes sont très espacées ou inexistantes.
[23.8] Un niveau d’humidité plus élevé crée une pression sur les planchers, lesquels prennent de l’expansion. Au mur de terminaison de pose, cette expansion a tiré sur les agrafes. Cette situation est directement à l’origine des déplacements et des bruits de craquement vus et entendus sur ces sols. Il s’agit d’un cisaillement de métal sur le bois. Dans les faits, la jambe de l’ancrage se promène dans le bois.
Taux de siccité du recouvrement de sol
[23.9] Le taux de siccité est le niveau d’humidité dans le plancher. Il explique que la plage de sécurité de ce taux se situe entre 6% et 9%. La moyenne des relevés pris dans le Bâtiment est de 8.6% et la lecture la plus élevée est à 9.2%. De son côté la N.W.F.A. indique que « dans les conditions normales d’humidité et de température de 21°C et à un taux d’hygrométrie de 40%, la moyenne d’humidité d’une planche en stabilité sera de 7.7%. C’est ce que l’on appelle la parité de stabilité dimensionnelle. [4]»
[23.10] Les déformations de concavité sont directement reliées à un déséquilibre du taux de siccité entre la face et le revers des planches d’un sol. En tenant compte de l’historique de la présente situation, il note que les Bénéficiaires se sont plaints des déformations de concavité et des bruits de craquement un (1) an après l’occupation du Bâtiment. Durant ce laps de temps, les planches de ces sols ont gagné en humidité. Lentement, les déformations en concavité sont apparues, les planches se sont déplacées et les bruits de craquement se sont fait entendre.
Taux d’humidité relative
[23.11] La très grande majorité des fabricants de planchers de bois recommandent une plage hygrométrique se situant entre 40% et 50%. C’est d’ailleurs ce que recommande la N.W.F.A., soit : « un plancher de bois franc donnera un rendement optimal si l’environnement dans lequel il est installé demeure dans une plage idéale de 40 % à 50 % […]. [5]»
[23.12] Ce qui cause des problèmes dans le présent dossier, ce sont les dépassements importants de la plage de sécurité hygrométrique et, surtout, les prolongements de période de haute hygrométrie.
[23.13] Contrairement à la position de monsieur Vitus, monsieur Rocheleau est d’avis que ce plancher, avec un taux de siccité à 7.25% et un taux d’humidité relative à 45%, n’aurait eu aucun mouvement et aucun correctif n’aurait été requis, et ce, malgré un ancrage inadéquat.
[23.14] S’il y a des craquements aux murs de terminaison de pose, on doit enlever les planches et les reposer.
Sens de la pose des planches
[23.15] La N.W.F.A. est très claire au sujet du sens de la pose des planches, soit :
« Note : toujours suivre les procédures d’installation du manufacturier; elles ont préséance sur les procédures N.W.F.A. »
« Les recouvrements de sol en solide, qu’ils soient finis en usine ou à être finis sur place doivent dans tous les cas être installés en perpendiculaire par rapport à l’orientation des solives. (Exception faite des sous-planchers faits de pièces de bois solides et installés en diagonale par rapport aux solives.[6] »
[23.16] Dans la mesure où il y aurait un affaissement inter-solives, on verrait une déformation convexe (en tente) aux 16 po. Or, il n’y avait aucune déformation de ce type lors de son inspection en septembre 2018 et lors de la visite des lieux en février 2019.
N.W.F.A.
[23.17] Les normes édictées par cet organisme sont la base. Il s’agit de règles de bonnes pratiques. La N.W.F.A. existe depuis 70 ans et met à jour lesdites règles régulièrement.
[23.18] Si des normes locales existent, elles prévalent. Toutefois, Il n’y a pas de pendant législatif québécois. Dans les faits, les normes québécoises ne représentent pas la réalité.
[23.19] Monsieur Vitus et lui-même utilisent les mêmes normes, soit celles de la N.W.F.A.
Conclusions
[23.20] Monsieur Rocheleau a modifié les conclusions de son rapport en apprenant, lors de l’audition, qu’une section du plancher situé devant la porte donnant accès au garage avait été retirée par monsieur Cabana.
[23.21] En conclusion, monsieur Rocheleau précise que :
« En résumé d’observation, il est très évident que les déformations de concavité sont strictement dues à une reprise d’humidité de la structure de ces revêtements.
Les bruits de craquement, eux, sont le résultat d’une reprise en humidité et d’un enclouage inadéquat. »
« Cause de la situation
Enclouages inadéquats aux murs de terminaisons et de départs de pose. - Ceci est la responsabilité du parqueteur.
Taux hygrométriques mal contrôlés. - Ceci est la responsabilité des utilisateurs. »
[24] En contre-interrogatoire, monsieur Rocheleau précise :
[24.1] L’humidité est une cause importante des problématiques, mais l’enclouage déficient également.
[24.2] Monsieur Vitus et lui-même ont « pas mal le même point de vue » quant à l’humidité et aux ancrages. Le seul bémol est au niveau des déformations convexes (en tente). Il a essayé d’en voir aux 16 po, mais n’en a pas vues.
[24.3] Les ondulations dans le plancher n’ont pas de lien avec les solives.
[24.4] Les craquements étaient moins prononcés lors de la visite du 20 février 2019 qu’à sa première visite le 25 septembre 2018.
[24.5] La flexion des planchettes est le résultat de la fixation déficiente à son substrat.
[24.6] Il ne se rappelle pas avoir dit en présence de madame Gauthier que c’était un travail bâclé et que ça représentait tout ce qu’il ne faut pas faire en matière d’installation de planchers de bois. En effet, il procède à plus de cent soixante-quinze (175) expertises par an.
Pascal Cabana
[25] Les Bénéficiaires font ensuite entendre monsieur Pascal Cabana de la firme Legault Dubois. Ce dernier témoignera à titre de témoin de faits.
[26] Monsieur Cabana a émis un avis technique le 13 septembre 2017 suite à une inspection du Bâtiment. Lors de ladite inspection, il a fait les constats suivants :
[26.1] le ventilateur/récupérateur (VCR) était en mode échange à haut débit.
[26.2] L’humidité relative s’élevait à 70% à l’extérieur, entre 55.4% à 56 % au rez-de-chaussée et à 59% au sous-sol.
[26.3] Il a entendu des craquements importants aux planchers.
[28.4] Il a mesuré une distance de plus de 16 po entre les ancrages à différents endroits dans le Bâtiment et, plus fréquemment, le long des murs. Il a également vu des planches de 12 po avec un (1) seul ancrage. Ces constatations ont été effectuées à l’aide de billes aimantées.
[26.5] Lors du retrait d’une section de planches devant la porte donnant accès au garage, les planches se détachaient facilement.
[26.6] Les planches sont installées parallèlement aux solives.
VENTILATION
Patrice Lévesque
[27] Monsieur Patrice Lévesque, ingénieur de la firme Novamech et mandaté par les Bénéficiaires, est entendu.
[28] Personne n’ayant contesté son statut d’expert, il est reconnu comme tel par le Tribunal. Monsieur Lévesque a émis un rapport en date du 19 octobre 2018 sur la ventilation du Bâtiment. .
[29] Le témoignage et le rapport de ce dernier se résument ainsi :
[29.1] Lors de sa première inspection du Bâtiment le 22 mai 2018, l’humidité relative s’élevait à 45.8%.
[29.2] Monsieur Lévesque a effectué un calcul de charge de refroidissement en considérant une occupation maximale de huit (8) personnes et les spécifications de certains appareils utilisés dans le Bâtiment. « La charge de refroidissement calculé donne 3,7 tonnes de refroidissement aux conditions extérieures de conception, soit quelques jours par année. »
[29.3] Il continue en indiquant que « sachant que l’unité de climatisation installée est d’une capacité de cinq (5) tonnes (groupe condenseur/compresseur) et de 4/5 tonnes (évaporateur), nous voyons ici une surcapacité de refroidissement qui handicape la déshumidification en été. Les documents du manufacturier consultés nous donnent une capacité de 4,4 tonnes avec les équipements en place (incluant fournaise). La problématique d’humidité relative élevée au-delà de 70 % en certaines circonstances en été est donc causée par le faible temps de fonctionnement de l’unité de climatisation qui ne réussit jamais à déshumidifier convenablement la résidence. Cela causera en été une humidité relative bien au-delà des 50 % (valeur idéale à atteindre et généralement suivie par l’industrie) à l’intérieur de la résidence. »
[29.4] Le temps de fonctionnement de l’appareil est trop court et ne permet pas la déshumidification correcte du Bâtiment. Ainsi, l’eau ne va pas ruisseler sur les serpentins et s’évacuer par le drain. Il est préférable d’avoir un appareil moins puissant qui fonctionne tout le temps. Dans le présent cas, il y a un problème d’évacuation à la source.
[29.5] Monsieur Lévesque souligne que monsieur Yetisgen a entré des chiffres standards dans le logiciel HAP, sans considérer la réalité du Bâtiment.
[29.6] Il explique que l’entrée d’air du VCR offre un débit requis. Toutefois, le VCR ne réussit pas à sortir la même quantité d’air vicié. En conséquence, il y a une pressurisation du Bâtiment et une partie de l’air vicié s’exfiltre au travers de l’enveloppe du Bâtiment. Ladite exfiltration n’est pas conseillée.
[29.7] En ce qui a trait aux conduits d’air neuf et d’évacuation du VCR, plusieurs raccordements ne sont pas faits correctement et l’isolant autour des tuyaux est compressé au point où de la condensation s’est formée et a dégoutté au sol.
[29.8] Lors de la deuxième visite en date du 10 octobre 2018, l’indication de 46 % d’humidité relative sur le contrôle « Platinum » du VRC était inexacte. En effet, il a mesuré 57% avec son appareil Kimo. Cet écart de 11% est suffisant pour qu’en mode « Smart », il y ait de la condensation dans les fenêtres du Bâtiment en hiver et une humidité beaucoup trop élevée en été. Le mode « Smart » est le mode automatique où l’utilisateur n’a pas besoin de faire des ajustements et que tout fonctionne seul.
[29.9] Avec le système en place, on peut atteindre facilement 60% - 70% d’humidité.
[30] En résumé, monsieur Lévesque conclut :
« […] la surcapacité de refroidissement en été cause l’augmentation de l’humidité relative dans la résidence à des niveaux inconfortables. Il faut se rappeler que la charge de refroidissement calculée sans l’utilisation du VRC l’été n’est seulement que de 2,7 tonnes, alors que les équipements installés ont une capacité de 4,4 tonnes. L’ajout de l’air neuf en provenance du VRC suggère l’utilisation d’une capacité de 3,5 tonnes. Selon l’utilisation ou non du VRC par les occupants (fenêtres fermées 365 jours par année) un bon compromis serait l’utilisation d’un groupe condenseur / compresseur à deux vitesses. Selon nos discussions avec le distributeur de Goodman / Amana, l’évaporateur, la tuyauterie ainsi que la fournaise actuelle pourrait être conservés (sujet à confirmation par l’entrepreneur) avec l’ajout d’une valve d’expansion et un contrôle de vitesse pour la fournaise. De cette façon, le temps de fonctionnement de la climatisation serait maximisé en basse vitesse la majorité du temps et de ce fait conserverait l’humidité relative plus basse en été. Une autre option serait de remplacer l’évaporateur ainsi que le groupe condenseur / compresseur par un de plus petite capacité ajustée [sic] en fonction de l’utilisation ou non du VRC l’été (avec cette option, l’utilisation de la fournaise existante reste à confirmer par l’entrepreneur). »
« Pour le VRC, celui-ci est de bonne capacité, mais du travail au niveau des conduits est à faire afin d’éviter les dégâts d’eau à cause de condensation, ainsi que les restrictions actuelles qui empêchent l’atteinte du bon débit d’évacuation. Également, l’erreur de 11 % à la lecture de l’humidité relative au contrôleur « Platinum » provoque une humidité relative trop élevée dans la résidence et cause de la condensation aux fenêtres en hiver et un surplus d’humidité en été (si le mode Smart est utilisé). »
[31] En contre-interrogatoire, monsieur Lévesque ajoute que :
[31.1] Le système installé dans le Bâtiment peut être compliqué lorsque l’on n’utilise pas le mode « Smart ».
[31.2] Lors de la visite des lieux le 20 février 2019, le taux d’humidité relative était de 38.6%.
[31.3] Lorsqu’on évalue un système, on prend le pire scénario. Dans tous les cas, le système est trop puissant.
[31.4] Il arrive, à peu de chose près, aux mêmes résultats que l’expert de l’Entrepreneur.
[31.5] En hiver, le taux d’humidité est lié à l’échangeur d’air. En été, il est lié au système de climatisation.
Gokcin Yetisgen
[32] Monsieur Gokcin Yetisgen, ingénieur de la firme Building Consultants S.E.N.C. et mandaté par l’Entrepreneur, est également entendu.
[33] Personne n’ayant contesté son statut d’expert, il est reconnu comme tel par le Tribunal. Monsieur Yetisgen a émis un rapport en date du 27 avril 2018 sur les capacités de l’unité de climatisation existante et les facteurs potentiels d’humidité du Bâtiment.
[34] Le témoignage et le rapport de ce dernier se résument ainsi :
[34.1] Sa première inspection du Bâtiment est intervenue au début de l’audition de la présente affaire, soit le 20 février 2019.
[34.2] Il a effectué les calculs de climatisation/chauffage du Bâtiment à partir des plans d’architecture reçus. Ces calculs ont été effectués pour connaître les exigences requises en climatisation, en chauffage et en air neuf pour le Bâtiment, et ce, à l’aide du logiciel HAP.
[34.3] Selon lesdits calculs, la charge requise en climatisation pour le Bâtiment serait de 4.03 tonnes, et ce, sans ajouter le facteur maximum de sécurité recommandé de 10%. Ce facteur sert à prévoir « l’occupation ». En ajoutant ce facteur, on se retrouve avec la nécessité de charges de 4.44 tonnes. Ces calculs sont effectués en considérant les pires conditions.
[34.4] Il affirme qu’un système de 3 ou 5 tonnes va fonctionner de manière intermittente.
[34.5] Il fait remarquer que sur la fiche technique du condenseur, la capacité nominale de ce dernier est de 4.71 tonnes.
[34.6] Pour ce qui est de l’échangeur d’air, la fiche démontre que ce dernier a les capacités de rencontrer le débit d’air neuf calculé.
[34.7] L’humidité contenue dans l’air d’une résidence est généralement due à la présence même des occupants et à leurs activités régulières. La source de l’humidité se situe dans le nombre de personnes qui habitent dans le Bâtiment, leurs habitudes de vie et les matériaux de construction puisqu’il s’agit d’une maison neuve. Les habitudes de vie vont au-delà du système. Il y a également des systèmes d’extraction d’humidité comme la hotte de la cuisinière et il faut que les occupants utilisent ces systèmes.
[34.8] Il admet que si l’appareil avait une capacité de 3 tonnes, ça pourrait aider le problème d’humidité mais ça en causerait un de température. Il est vrai que par un effet naturel, lorsque le système climatise, il déshumidifie en même temps.
[34.9] Il ne faut pas changer le système de 5 tonnes, lequel est conforme aux normes pour la climatisation et le chauffage. Ces mêmes normes n’exigent pas l’installation d’un déshumidificateur. Il faudrait deux systèmes, soit un pour la climatisation et le chauffage et un autre pour la déshumidification.
[34.10] Il précise qu’il y a peu de différence entre les calculs de monsieur Lévesque et les siens.
[35] À la fin de son rapport, monsieur Yetisgen écrit : « En conclusion, plusieurs éléments peuvent entraîner un problème d’humidité élevé dans une maison. Par contre, nous sommes d’avis que le choix du système de climatisation et des autres éléments de mécanique rencontrent les normes et standards de l’industrie et ne peuvent être la source du problème d’inconfort relié au taux d’humidité élevé dans la résidence, et ce, avec ou sans le facteur de sécurité ajouté au calcul effectué. »
[36] En contre-interrogatoire, monsieur Yetisgen précise que :
[36.1] Avec le système en place, il ne devrait pas y avoir de problème d’humidité. Il faudrait vérifier sur place pour être en mesure de déterminer la source du problème.
[36.2] Lorsque les calculs indiquent la nécessité d’avoir un système de 4.4 tonnes, on peut prendre un système de 4 ou de 5 tonnes.
[36.3] Le système à deux vitesses proposé par monsieur Lévesque pourrait régler le problème, mais il n’a pas vu beaucoup de ce type d’installation dans le secteur résidentiel. Pour lui, la solution la plus simple est de trouver la source de l’humidité et d’ajouter un déshumidificateur.
BÉNÉFICIAIRES
Patrice St-Pierre
[37] Le Bénéficiaire témoigne à son tour:
[37.1] Le 29 août 2014, lors de l’inspection préréception du Bâtiment, l’Entrepreneur a fourni des explications aux Bénéficiaires quant à leur équipement de chauffage et d’échangeur d’air.
[37.2] À l’hiver 2014 - 2015, les Bénéficiaires ont remarqué de la condensation à leurs fenêtres. Monsieur Bouchard, représentant de l’Entrepreneur, les a rassurés en leur expliquant qu’une maison neuve prenait de douze (12) à dix-huit (18) mois afin de sécher. Selon ce dernier, il était normal d’avoir un taux d’humidité élevé et il leur a recommandé d’essuyer leurs fenêtres et de retirer les moustiquaires en période hivernale.
[37.3] À la fin juillet - début août 2015, en période de canicule, le taux d’humidité est monté en flèche atteignant 60% à 70%. Dès le retour des vacances de la construction, il en a avisé monsieur Bouchard.
[37.4] Monsieur Bouchard a alors fait trois (3) recommandations aux Bénéficiaires : 1) mettre en fonction le climatiseur, 2) monter le chauffage au sous-sol et 3) fermer les fenêtres en tout temps.
[37.5] Plus tard en août 2015, malgré l’application des trois (3) recommandations, le taux d’humidité était encore élevé. Monsieur Bouchard a alors recommandé d’installer un déshumidificateur au sous-sol pour « sauver les meubles ».
[37.6] Les Bénéficiaires ont suivi toutes ces recommandations, mais ont remarqué du relief dans les planchers vers la fin de l’été 2015.
[37.7] En conséquence, monsieur St-Pierre s’est penché sur le fonctionnement de l’échangeur d’air. Dès la fin du mois de septembre 2015, les Bénéficiaires ont utilisé le mode « Smart ». Ils ont conclu que l’utilisation de ce mode leur permettait de mieux contrôler le taux d’humidité.
[37.8] L’Entrepreneur leur a confirmé que les planchers pouvaient bouger, mais qu’ils devraient reprendre leur place une fois secs.
[37.9] À la demande de l’Entrepreneur, le sous-traitant en ventilation s’est présenté sur les lieux en octobre 2015 et a conclu qu’il ne s’agissait pas d’un problème avec le système. Mistral a alors recommandé de ne pas utiliser le mode « Smart » et de laisser les portes des salles de bain fermées en tout temps. Les Bénéficiaires ont suivi les recommandations de Mistral.
[37.10] En octobre 2015, les Bénéficiaires ont décidé de transmettre une lettre à l’Entrepreneur afin de résumer la situation.
[37.11] Jusque-là, personne ne leur avait dit que l’utilisation de leur Bâtiment était anormale.
[37.12] Il indique que durant le jour, il n’y a pas grand monde dans le Bâtiment. Ils ont un train de vie standard. Les adultes prennent leur douche le matin et les quatre (4) enfants le soir. Ils cuisinent un (1) repas chaud par jour. Les fenêtres sont fermées en été comme en hiver. De plus, ils ne laissent pas les portes extérieures grandes ouvertes.
[37.13] Lors de la première visite de monsieur Labelle en date du 19 novembre 2015, l’échangeur d’air était fermé conformément à la recommandation de Mistral. Monsieur Labelle a dit, quant à lui, de remettre l’échangeur d’air en fonction.
[37.14] Lors du deuxième hiver, un représentant de l’Entrepreneur a recommandé d’assécher le Bâtiment. Donc, il fallait augmenter le chauffage au sous-sol, éteindre l’échangeur d’air et ouvrir des fenêtres.
[37.15] En janvier 2016, il y avait 35% à 40% d’humidité dans le Bâtiment.
[37.16] En juillet 2017, l’Entrepreneur avisait les Bénéficiaires qu’il n’avait pas l’intention de faire de travaux correctifs et qu’il ne paierait pas pour un déshumidificateur.
[38] En contre-interrogatoire, monsieur St-Pierre ajoute que :
[38.1] Les Bénéficiaires ont installé un déshumidificateur dans la salle mécanique. Ils n’ont pas remarqué l’effet suite à l’ajout de cet équipement.
[38.2] Le taux d’humidité relative est de 60% - 70% uniquement en période estivale.
[38.3] Effectivement, il a affirmé que le système était compliqué, mais seulement après que les professionnels aient donné des avis contraires.
[38.4] À chaque fois, il suivait les recommandations données par les divers intervenants.
[38.5] À l’été 2018, la situation était « pas mal semblable aux autres étés ». En période de chauffe, les planchers se replacent, mais il y a des dommages permanents.
[38.6] Puisque les intervenants ne trouvaient pas de correctifs à la problématique, en 2016, il a soulevé l’hypothèse d’une source externe d’humidité. Il cherche encore d’où vient l’humidité.
Manon Gauthier
[39] Madame Gauthier témoigne à son tour et réitère les propos de monsieur St-Pierre.
[40] De plus, elle précise les éléments suivants :
[40.1] En période de chauffe l’hiver, le taux d’humidité se situe entre 30% et 50%.
[40.2] L’Entrepreneur leur a recommandé d’ajouter un ventilateur de salle de bain avec un déshumidificateur intégré. Monsieur Robitaille lui a précisé qu’il n’avait jamais fait installer un tel système en 25 ans.
[40.3] Madame Gauthier ne voyait pas ce qui pouvait causer une augmentation du taux d’humidité dans les habitudes de vie de sa famille. Elle a soulevé la question quant à une autre source pouvant expliquer ce taux élevé d’humidité. Monsieur Robitaille a également confirmé qu’il se posait la même question et a indiqué « tout le monde cherche et personne ne trouve ».
[40.4] Lors de la visite de monsieur Rocheleau, ce dernier a dit que la « job était bâclée » au niveau de la pose et que c’était le parfait exemple de « tout ce que l’on peut faire de croche dans la pose » d’un plancher.
ENTREPRENEUR
Luc Robitaille
[41] L’Entrepreneur fait entendre l’un de ses représentants, monsieur Luc Robitaille.
[42] Le témoignage de ce dernier se résume ainsi :
[42.1] Un problème d’humidité est apparu en 2015 dans le Bâtiment. Des tests ont été effectués afin de trouver l’origine de cette problématique. Tous les équipements sont fonctionnels et conformes. L’Entrepreneur a demandé l’aide des fournisseurs et, malgré tout, rien n’a été trouvé. Il explique que « l’on se grattait la tête, on cherchait ». Il a lui-même demandé l’aide de l’Administrateur.
[42.2] Il n’y avait aucun signe apparent d’infiltration d’eau, ni aucune fissure dans les fondations.
[42.3] Le 14 décembre 2017, la constatation a été faite d’une déformation concave dans le plancher.
[42.4] Lors d’une visite, des vallonnements sur quatre (4) pieds ont été constatés, mais non sur le sens des poutrelles.
[42.5] Il affirme que l’Entrepreneur a installé un support de revêtement de sol conformément au CNB.
[42.6] En 25 ans, il n’a jamais installé de système avec un déshumidificateur. Son mandat en tant qu’entrepreneur est d’installer du chauffage. La climatisation est optionnelle et au choix du client.
[43] En contre-interrogatoire, il précise que :
[43.1] Le Bâtiment a été construit selon les spécificités de Novo climat sans en avoir la certification. Si les clients souhaitaient la certification, ils devaient en assumer les coûts.
[43.2] Il y a des normes différentes pour le CNB, la N.W.F.A. et le fabricant de planchers. L’Entrepreneur suit le CNB. En ce qui a trait au fabricant, il s’agit uniquement de recommandations. Pour la N.W.F.A, il s’agit de règles de l’art et les experts les utilisent. En tant qu’entrepreneur, il est régi par le Code.
[43.3] Le sens de la pose n’a pas de lien avec le problème d’humidité. Le seul impact du sens de la pose pourrait être des vallonnements et il n’en a pas vus. Selon lui, monsieur Rocheleau en a vu mais pas aux 16 po.
[43.4] Il n’y a pas de papier noir généralement installé près des murs puisqu’il y de la colle près des bouches d’aération.
[43.5] Le plancher s’est replacé. Il y a quelque chose qui a changé puisqu’il n’y a plus de déformation concave. C’est vraiment surprenant le changement entre la première et la dernière visite.
[43.6] Il réitère que l’offre soumise aux Bénéficiaires est toujours sur la table, soit de défaire les planchers le long des murs et de les refaire, mais il faut être capable de contrôler le taux d’humidité d’abord.
[43.7] En 25 ans, il n’a jamais vu ça et conclut que c’est un cas particulier.
[43.8] Il admet que le plancher n’a pas été cloué en bordure des murs et que c’est assez traumatisant. Et oui, il y a des craquements puisque le plancher est désolidarisé.
[43.9] Puisqu’il n’y a pas de problème dans les équipements et dans le Bâtiment, il ne peut s’agir que d’un problème dans l’utilisation.
François Barnabé
[44] Par la suite, monsieur François Barnabé, président de l’Entrepreneur, témoigne.
[45] En résumé, il explique :
[45.1] En 30 ans, il n’a jamais installé de déshumidificateur.
[45.2] Il est d’accord pour faire les correctifs aux planchers qui craquent. Toutefois, tant et aussi longtemps que l’humidité ne sera pas stable, il ne sert à rien de faire les correctifs.
[45.3] Il a toujours installé des « machines assez performantes » afin qu’elles ne fonctionnent pas vingt-quatre (24) heures par jour.
[45.4] Il indique que lors de la visite du 20 février 2019, les planchers étaient vraiment beaux, à l’exception des sections sur le bord des murs. Le bois est un matériel vivant et il s’est vraiment replacé.
[45.5] L’Entrepreneur a construit selon le CNB et il n’a pas obligation d’installer un déshumidificateur. La seule chose qui reste est la façon de vivre des habitants du Bâtiment.
[46] En contre-interrogatoire, il précise que :
[46.1] « On a essayé plein de choses », notamment de demander aux Bénéficiaires d’ouvrir les fenêtres le jour et la climatisation la nuit.
[46.2] Le choix de l’appareil est déterminé en fonction du nombre de pieds carrés du Bâtiment.
[46.3] Effectivement, les fondations ont été vérifiées. L’Entrepreneur est allé au bout de ses connaissances.
ADMINISTRATEUR
Michel Labelle
[47] L’Administrateur fait entendre l’inspecteur qui a rendu la décision visée.
[48] En résumé, ce dernier explique :
[48.1] Il a
visité le Bâtiment à quatre (4) reprises. Il fait un résumé desdites visites
- 19 novembre 2015 : les planchers avaient une déformation concave;
- 18 août 2016 : pire qu’en décembre 2017;
- 14 décembre 2017 : mieux;
- 20 février 2019 : plancher n’était pas levé et il n’y avait pas de déformation. C’est le plus bel état dans lequel il a vu le plancher.
[48.2] Les planchers sont faits de matière organique réagissant au taux d’humidité dans le Bâtiment. « Même en le lavant, il va se déformer : c’est comme ça ». Le système n’a pas été modifié et les planchers se sont replacés juste parce que le taux d’humidité a diminué.
[48.3] Le lien causal est le mauvais maintien du taux d’humidité dans le Bâtiment. Par la suite, il fait référence à l’exclusion prévue à l’article 12.3 du Règlement. Il indique que l’Entrepreneur « ne peut être tenu responsable pour le maintien du taux d’humidité relative intérieur trop élevé, tâche qui relève de la responsabilité des occupants ». Il explique que « si quelqu’un se fait du riz du matin au soir, on ne peut tenir l’Entrepreneur responsable ».
[48.4] Il est dans le domaine depuis 1993 et, à moins de conditions particulières, les entrepreneurs n’installent jamais de déshumidificateur.
[49] En contre-interrogatoire, monsieur Labelle précise :
[49.1] Lors de sa première visite le 19 novembre 2015, le taux humidité était de 45%, soit tout à fait acceptable. Il admet, qu’il y avait des craquements et un soulèvement du parquet près de la cuisine.
[49.2] Lors de la deuxième et de la troisième visites, le taux d’humidité était de 51%.
[49.3] Lorsque la cause de la problématique est le taux d‘humidité élevé, il faut gérer cette humidité avant de faire des correctifs aux planchers.
[49.4] En ce qui a trait au sens de la pose du plancher, monsieur Labelle admet que ce n’est pas conforme aux normes, mais il n’y a pas eu de conséquence sur les planchers.
[49.5] Il affirme qu’il ne manquait pas d’attaches aux planchers mais, un peu plus tard, il dit qu’il en manquait au bord des murs. Il explique qu’il ne l’a pas inscrit à son rapport. Il n’a pas vu de déficiences avec la pose et a conclu que les planchers étaient correctement installés.
[49.6] Il n’a pas vu de signe qui indiquerait une problématique d’infiltration d’eau expliquant le taux d’humidité élevé. Pour lui, la source majeure d’humidité est les habitudes de vie des habitants du Bâtiment. Il n’a pas eu besoin de poser de questions sur les habitudes de vie. Le Bénéficiaire lui a dit qu’il était compliqué de suivre les directives données pour faire fonctionner le système, que les enfants se baignaient, la porte devait être ouverte, il y avait un séchoir à linge dans la salle de bain, les planchers étaient lavés à l’eau. Il a écouté et a conclu que c’était suffisant pour connaître les habitudes de vie des habitants du Bâtiment.
[49.7] En ce qui a trait au sens de la pose, il est d’accord avec l’explication que le CNB permet l’installation des planches de façon parallèle aux solives dans la mesure où le sous-plancher est installé de façon perpendiculaire.
SOMMAIRE DE LA PLAIDOIRIE DES BÉNÉFICIAIRES
[50] La Bénéficiaire rappelle que la réclamation formulée faisait référence aux planchers déformés par le taux d’humidité. Le mot humidité est à l’origine du dossier et est identifié comme étant la cause du problème.
[51] Effectivement, l’humidité excessive est apparue dès le départ. Mais à partir de quand peut-on conclure à un problème si tous les intervenants et la littérature indiquent qu’il est normal d’avoir un taux d’humidité élevé dans une maison neuve.
[52] À l’exception du premier hiver, est-ce que quelqu’un est capable de dire qu’en dehors du temps où il y a de la climatisation, le taux d’humidité était trop élevé? En effet, le problème apparaît uniquement lorsque le Bâtiment est climatisé. Lors de la première canicule, l’humidité a excédé la plage de la normalité et les planchers se sont déformés.
[53] Le plancher est mal fixé à la grandeur et il ne se replacera pas tout seul. L’installation des planchers n’a pas été effectuée selon les règles de l’art. Et la solution proposée par l’Entrepreneur, soit l’ajout d’un déshumidificateur, est une solution qu’il n’a jamais utilisée en 30 ans.
[54] Dans 1 ½ mois, les planchers auront une déformation en concavité et, ensuite, ils vont se replacer. Les deux experts en planchers s’entendent pour dire que le nombre d’ancrages n’est pas suffisant et même absent près des murs.
[55] Monsieur Rocheleau, qui affirme que l’ancrage au centre des pièces est acceptable, a basé cette affirmation sur les normes de 2002, soit à tous les 10 à 12 po. La norme de 2007 parle plutôt de 6 à 8 po.
[56] Les panneaux de particules de 5/8 po ne sont pas suffisamment épais lorsque les planches sont installées de manière parallèle aux solives. La norme de la N.W.F.A. diffère de la norme du CNB. Mais monsieur Rocheleau a lui-même admis qu’en matière de planchers, le CNB est désuet.
[57] Tant monsieur Rocheleau que monsieur Vitus ont vu des vallonnements. Il n’y en a pas aux 16 po, mais ils devraient se développer à plus long terme.
[58] Il y a des craquements importants aux murs de terminaison de pose et à plus ou moins long terme, il y aura de plus en plus de craquements puisque l’ancrage est insuffisant, et ce, peu importe le taux d’humidité.
[59] Monsieur Rocheleau a vu une déformation en concavité après la période estivale alors que monsieur Vitus n’en a pas remarqué lors de son inspection en avril, soit après la période de chauffe.
[60] Monsieur Cabana a constaté que des agrafes avaient été installées à plus de 16 po de distance et que les planches courtes n’étaient retenues que par une (1) seule agrafe.
[61] Au départ, les deux (2) experts en planchers s’entendaient pour recommander le remplacement complet des planchers. Monsieur Rocheleau a même mentionné, pendant son inspection, qu’il s’agissait d’un travail bâclé. Toutefois, ce dernier a changé d’opinion lorsqu’il a appris qu’une section du plancher avait été retirée par monsieur Cabana. Il avait reçu le rapport de monsieur Cabana qui mentionnait ce retrait préalablement à son inspection.
[62] Elle trouve tout à fait relatif de dire que, présentement, les planchers sont « beaux ». En effet, il y a une déformation en tente le long des murs et les planchers craquent à la grandeur.
[63] Elle indique que les Bénéficiaires subissent un préjudice découlant de cette situation et affirme que leur Bâtiment subit une perte de valeur résultant de l’état des planchers.
[64] Plusieurs témoins ont affirmé qu’il était de la responsabilité des habitants de gérer l’humidité. Elle se demande comment y arriver si les appareils installés ne sont pas adéquats.
[65] En ce qui a trait à la ventilation, monsieur Lévesque conclut à l’installation d’un appareil de climatisation surdimensionnée. Cette conclusion se base sur des données prises in situ. Si les cycles de climatisation sont de plus longue durée, la déshumidification sera plus efficace.
[66] Quant à l’expert de l’Entrepreneur, il s’est basé sur des données théoriques en plus d’avoir retenu les mauvaises données en ce qui a trait aux fenêtres. En conséquence, en prenant les bonnes données, il a conclu que la capacité de l’appareil ressemble à celle déterminée par monsieur Lévesque
[67] Les habitudes de vie des Bénéficiaires ont été remis en doute mais ils mangent trois (3) repas par jour, ferment le couvercle des toilettes, ferment la porte de la salle de bain lorsqu’ils prennent une douche et se servent de manière adéquate des différents systèmes d’évacuation comme la hotte et les ventilateurs dans les salles de bain. La Bénéficiaire considère que leurs habitudes de vie et leur utilisation du Bâtiment sont « de base ». Et, dans la mesure où le système installé est déterminé uniquement en fonction du nombre de pieds carrés, de toute évidence, il n’a pas atteint le résultat escompté dans le Bâtiment.
[68] Elle devrait être capable d’utiliser le système et de maintenir un taux d’humidité acceptable tout en vivant normalement. Elle était en droit de s’attendre à ça avec une maison construite selon les spécificités de Novo climat.
[69] La Bénéficiaire souligne que le conciliateur n’a pas consigné à son rapport l’épaisseur du sous-plancher, ni le sens du positionnement des planches, ni le nombre d’agrafes, ni le mode sous lequel fonctionnait le système. Le conciliateur s’est contenté de constater que l’humidité était élevée et d’en blâmer les Bénéficiaires, sans vérifier si les normes d’installation étaient respectées.
[70] Effectivement, l’utilisation du système et de ses composantes était compliquée pour les Bénéficiaires, et ce, considérant les diverses réponses contradictoires obtenues des intervenants et la demande d’intervention formulée par l’Entrepreneur auprès de l’Administrateur.
[71] Donc, tout le monde s’entend pour dire que le plancher est mal installé et doit être changé. Tout le monde s’entend pour dire que l’humidité est en cause. Là où l’opinion des Bénéficiaires diffère de celle de l’Entrepreneur et de l’Administrateur est au niveau des habitudes de vie. Personne n’a prouvé que les habitudes de vie des Bénéficiaires étaient anormales. La seule chose qu’ils ont démontré, c’est que les Bénéficiaires ont quatre (4) enfants.
[72] Monsieur Vitus a affirmé que malgré le taux d’humidité, le plancher aurait craqué et déformé de toute façon. Donc, l’humidité est juste un catalyseur qui a accéléré l’apparition de la problématique.
[73] Elle demande donc que le sous-plancher et le plancher de bois soient refaits à neuf et que les travaux soient supervisés par monsieur Vitus. Quant à la ventilation, elle souhaite que les correctifs suggérés par monsieur Lévesque soient effectués et supervisés par ce dernier.
[74] Au soutien de ses prétentions, la Bénéficiaire soumet quatre (4) décisions arbitrales, à savoir :
[74.1] Geneviève Brien et Simon Pépin-Bergeron c. Constructions Nomade Faubourg Boisbriand S.E.N.C.et La Garantie Habitation du Québec inc[7] :
[100] De plus, selon son rapport d’expert et le témoignage de Vitus, le vice origine d’un agrafage irrégulier des planches de bois franc formant le revêtement du plancher, sur un sous-plancher trop mince, dans des conditions de pose très probablement déficientes. Ces éléments suffisent au Tribunal arbitral pour considérer par présomption de faits que le vice existait antérieurement à la vente au Bénéficiaire car il s’agit clairement d’une déficience d’installation […] »
[74.2] Nadia Vaccarello et Antonio La Rosa c. 9116-7056 Québec inc. et la Garantie Qualité Habitation[8] :
Les passages cités[9] par la Bénéficiaire traitent de la gravité du vice exigé pour donner ouverture à la garantie de qualité.
[74.3] Alexandra Lebrun et Arnaud Ngamga c. 9229-8926 Québec inc et la Garantie Abritat inc.[10]:
« [18] Je tiens ici à souligner que la présence d’humidité excessive pourrait être aussi de la responsabilité de l’Entrepreneur qui n’aurait pas mis en service le système de climatisation et échangeur d’air en temps opportun et de la présence d’eau pendant le chantier de construction.
[19] De plus, les experts concluent à l’inexistence d’un papier pare-vapeur entre le substrat et le recouvrement, ce qui est contraire à la règle de l’art. À long terme, cette absence n’a pas une grande incidence, car le transfert d’humidité du substrat se fait lors des premières années. Pa [sic] contre, il est possible que l’effet de cette absence apporte un bruit de cisaillement, bois sur bois. »
[74.4] Syndicat des copropriétaires Place Marien 6 c. Développement Lupa inc. (anciennement Développement Allogio inc.) et Raymond Chabot administrateur provisoire inc. es qualité de La Garantie Abritat inc.[11]
Les passages cités[12] font référence aux critères de solidité et de stabilité d’un bâtiment.
SOMMAIRE DE LA PLAIDOIRIE DE L’ADMINISTRATEUR
[75] Le procureur de l’Administrateur précise qu’aucune supervision n’est prévue au Règlement. La méthode corrective appartient à l’Entrepreneur, lequel a une obligation de résultat.
[76] Selon lui, il y a deux problèmes dans la présente affaire. Le premier en est un d’humidité excessive et le deuxième de planchers.
Humidité excessive
[77] Quant au problème d’humidité excessive, il était connu dès l’automne 2014, tel qu’il appert d’une lettre du 8 octobre 2015 des Bénéficiaires. Le problème d’humidité n’a pas été dénoncé dans les six (6) mois prévus au Règlement. Quant à l’application du délai de six (6) mois, il réfère à la décision arbitrale Syndicat des copropriétaires Lot 3 977 437 c. Gestion Mikalin Limitée et La Garantie Abritat inc.[13]. Dans cette affaire, l’arbitre Jean Morissette résume bien les principes qui s’appliquent à la dénonciation dans un délai raisonnable ne pouvant excéder six (6) mois.
[78] Me Godin poursuit en rappelant que la fournaise a pour fonction de chauffer et le climatiseur de climatiser. Tout le monde s’entend pour dire qu’en chauffant ou en climatisant, ça déshumidifie. Toutefois, déshumidifier n’est pas la fonction première de la fournaise ou du climatiseur. Quant à l’échangeur d’air, il fait des changements d’air parce que le Bâtiment est étanche. Il est certain que ces changements d’air ont un impact sur l’humidité en raison de l’apport d’air humide.
[79] Le seul appareil qui a pour premier rôle de déshumidifier est un déshumidificateur. L’Entrepreneur n’avait aucune obligation de fournir un déshumidificateur. Tant l’Entrepreneur que le conciliateur n’a jamais vu de situation semblable.
[80] C’est en 2016 que le plancher a été le plus laid. Il s’est replacé en 2019, et ce, sans qu’aucun appareil n’ait été remplacé.
[81] Ce que demandent les Bénéficiaires, ce n’est pas de modifier la climatisation pour qu’elle remplisse sa fonction première, mais pour qu’elle soit plus performante dans sa deuxième fonction. Ils reprochent à l’appareil de trop bien climatiser. Ils demandent de changer quelque chose qui fonctionne, alors que le problème pourrait être corrigé autrement, soit par l’achat d’un déshumidificateur au coût d’environ 3 700$.
[82] Le problème d’humidité n’est pas imputable à l’Entrepreneur. Ce n’est pas ce dernier qui gère ça.
[83] Factuellement, le système fonctionne. Il y a un problème de planchers relié au taux d’humidité élevé. En ce moment, l’état des planchers s’est amélioré. Toutefois, le Bâtiment ne s’est pas déshumidifié seul. Qu’est ce qui a changé : les habitudes de vie ou l’appareil? Le système en place est adéquat et force est d’admettre qu’il peut gérer l’humidité.
[84] En conclusion, l’humidité excessive n’a pas été dénoncée dans le délai, il n’y a plus de problème en ce moment et l’Entrepreneur n’avait pas d’obligation quant à l’installation d’un déshumidificateur.
Planchers
[85] La réclamation est soumise dans le cadre d’une malfaçon non apparente. Pour qu’il y ait malfaçon, il faut que le travail soit mal fait et qu’il y ait un minimum de perte d’usage.
[86] Il retient que les problèmes de planchers sont causés par l’humidité excessive. Même si le plancher avait été installé en respectant toutes les règles, il y aurait quand même eu des problèmes en raison de l’humidité.
[87] Il n’y a aucune autre question à se poser : le problème est dû à l’humidité et la gestion de l’humidité est la responsabilité des Bénéficiaires.
[88] Par la suite, il cite la décision Karine Fiset et Daniel Paquette c. Groupe Axxco inc. et La Garantie Habitation du Québec inc.[14] :
[182] La question qui se pose dans ce cas-ci est de déterminer si l’écartèlement des lattes de bois constitue un vice ou une malfaçon couvert par l’article 27 du « Règlement ».
[183] L’argument des Bénéficiaires est à l’effet que la cause probable de ce désordre serait une mauvaise installation du plancher.
[184] Les faits relatifs à l’absence d’humidificateur et l’inoccupation des lieux pendant les premiers mois suivant la réception de l’unité ont été mis en preuve et n’ont pas été contestés.
[185] Considérant cette situation comme aggravante, l’Administrateur argumente que la cause du problème est un manque de contrôle du taux d’humidité résultant d’une mauvaise utilisation du bâtiment de la part des Bénéficiaires.
[186] Les données d’installation contenues dans le « rapport de l’installateur » ne peuvent être retenues en preuve. Par ailleurs, aucune autre n’a été faite par les Bénéficiaires à l’effet que l’installation du plancher est déficiente. »
[89] Il n’y a pas de preuve que le substrat n’est pas adapté. Quant aux conditions d’installation, si les planches ne s’étaient pas adaptées à l’environnement avant la pose, il y aurait eu un problème d’espacement des planchers, ce qui n’est pas le cas ici.
.
[90] En conclusion, le lien causal quant à problématique de planchers est l’humidité et ce sont les Bénéficiaires qui gèrent l’humidité. En conséquence, c’est exclu de l’application du Règlement.
[91] Peut-être qu’un déshumidificateur aurait été une bonne idée, mais encore une fois, les planchers sont corrects maintenant.
Frais d’expertises
[92] En ce qui a trait aux frais d’expertises, l’Arbitre a le pouvoir de raisonnabilité. Dans la mesure où les Bénéficiaires n’ont pas gain de cause, ils n’ont pas le droit au remboursement de leurs frais d’expertises.
[93] Me Godin rappelle que monsieur Lévesque a facturé 16 400 $ pour son témoignage. Selon lui, ce montant n’est pas déraisonnable, mais indécent. En effet, c’est trois (3) fois plus que les frais pour changer l’appareil et cinq (5) fois plus que le prix d’un déshumidificateur. Quant à monsieur Vitus, ses honoraires ne sont pas déraisonnables même s’il n’est pas en accord avec ses conclusions.
[94] Si l’Arbitre en vient à la conclusion que la demande d’arbitrage est fondée, il faudra que les frais soient départagés entre les deux problèmes.
SOMMAIRE DE LA PLAIDORIE DE L’ENTREPRENEUR
[95] Monsieur Barnabé indique qu’il est d’accord avec les arguments soulevés par Me Godin.
[96] Selon, monsieur Yetisgen, le système est adéquat et il serait opportun d’ajouter un déshumidificateur, appareil pour lequel l’Entrepreneur n’avait aucune obligation, ni contractuelle ni légale.
[97] Monsieur Rocheleau a émis des conclusions claires : deux problèmes, soit les bords de mur non collés et l’humidité.
[98] En ce qui a trait au sens de la pose, ça respecte le CNB. Il n’y a pas plein de bosses dans le plancher et c’est ce qui arrive lorsque les planches ne sont pas installées dans le bon sens.
[99] Il est faux de dire que les experts ont tous les deux conclu à l’absence de papier sous les planches. En effet, il est vrai qu’il n’y en avait pas au pourtour des pièces mais personne n’a démantelé le centre des pièces pour vérifier.
[100] Les deux experts en planchers sont d’accord avec le fait que le centre des pièces est bien installé.
[101] L’Entrepreneur avait informé les Bénéficiaires de l’importance de maintenir un taux d’humidité adéquat et un guide leur a également été remis. Le problème d’humidité est de la responsabilité des Bénéficiaires mais, en bon Entrepreneur, il les a accompagnés dans une recherche de solutions.
[102] Il réitère l’offre de corriger les planchers au bord des murs, mais uniquement lorsque l’humidité sera contrôlée.
ANALYSE ET DÉCISION
Fardeau de la preuve
[103] Puisque les Bénéficiaires contestent le bien-fondé de la décision de l’Administrateur, le fardeau de la preuve repose sur leurs épaules[15]. C’est la règle de la prépondérance des probabilités qui s’applique, soit la preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence[16].
Malfaçon
[104] La décision visée se fonde sur l’article 10 alinéa 3 du Règlement, qui se lit comme suit :
«10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
(…)
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;»
[105] Me Rodrigue et Me Edward définissent la malfaçon de la façon suivante :
«Comme son nom l’indique, une «malfaçon» est un travail mal fait ou mal exécuté. Or, un travail donné est considéré «bien» ou «mal» fait selon les normes qui lui sont applicables. Deux types de normes sont couramment employées [sic] pour établir l’existence d’une malfaçon. Premièrement, ce sont les conditions contractuelles fixées, que celles-ci soient écrites ou verbales, entre les parties. Deuxièmement, en l’absence de conditions précises expressément arrêtées, recours est fait aux «règles de l’art» qui sont suivies par chaque corps de métier ou secteur pertinent. Les règles de l’art sont considérées comme intégrées par renvoi dans le contrat.[17]»
Installation des planchers
[106] Ceci étant dit, la première question que doit adresser le Tribunal est la suivante : est-ce que les planchers du Bâtiment ont été installés conformément aux normes et aux règles de l’art?
[107] Tant l’expert des Bénéficiaires que celui de l’Entrepreneur affirment que, le long des murs, les lames du plancher ne sont pas bien fixées. En effet, elles ne sont pas collées et le nombre d’agrafes est insuffisant. Par ailleurs, l’Entrepreneur est également en accord avec cette affirmation et, en conséquence, s’est engagé « à corriger cette situation une fois le problème d’humidité réglé».
[108] Mais qu’en est-il du centre des pièces?
[109] Monsieur Vitus, monsieur Rocheleau et monsieur Cabana ont constaté que les planches courtes n’ont qu’une (1) seule agrafe, ce qui est contraire aux normes applicables.
[110] En ce qui a trait aux autres planches, il appert que la distance entre les agrafes varie de 8 po à 20 po.
[111] Selon la norme de la N.W.F.A. de 2007, révisée en 2012: « Blind fastener spacing along the lengths of the strips, minimum two fasteners per piece near the ends (1’’ - 3’’). In addition, every 6’’- 8’’ apart for blind nailing, 10’’-12’’ for face nailing. To assist the nailing schedule, option is to apply adhesive.[18] ».
[112] Monsieur Rocheleau se base plutôt sur la norme de la N.W.F.A. émise en 2002, qui précise « qu’il faut disposer les points d’ancrage à tous les 10’’ à 12’’, préférablement à 8’’ à 10’’ »[19].
[113] De plus, monsieur Rocheleau a témoigné à l’effet qu’il avait remarqué un laxisme généralisé pour les espacements des ancrages. Il a également ajouté qu’il avait fait trois (3) tests au centre des pièces et l’enclouage était « so so ». Ça dépassait parfois le 10 - 12 po, mais c’était tout de même acceptable.
[114] Il appert également que l’ancrage à l’extrémité des planches est déficient. En effet, normalement, il doit y avoir une agrafe entre 1 à 3 po du bord de la planche, ce qui n’est pas le cas dans la présente affaire.
[115] En ce qui a trait au témoignage de monsieur Labelle, le Tribunal ne peut le considérer au regard de l’installation du plancher. En effet, ce dernier s’est contenté d’affirmer que cette installation était conforme sans prendre la peine d’indiquer à son rapport les démarches, les investigations ou les faits qu’il aurait supposément constatés. S’il avait fait cet exercice, il aurait certainement fait les mêmes constats que monsieur Vitus, monsieur Rocheleau et monsieur Cabana.
[116] Dans la mesure où l’installation de l’ensemble des planchers de bois n’est pas conforme aux normes applicables, le Tribunal n’a d’autre choix que de conclure qu’il s’agit d’une malfaçon.
[117] De plus, le Tribunal ne partage pas l’opinion de l’Administrateur et de l’Entrepreneur lorsqu’ils allèguent que la garantie du Règlement ne devrait pas s’appliquer aux planchers du Bâtiment puisque le non-respect des normes n’a pas causé une perte d’usage. Ce critère n’est pas nécessaire à la détermination ou non d’une malfaçon. Me Rodrigue et Me Edward en arrivent d’ailleurs à cette conclusion:
«Il est important de souligner que la malfaçon, aux termes de l’article 2120 C.c.Q., n’est subordonnée à aucune condition par rapport à l’effet qu’elle peut produire. Ainsi, contrairement à la responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage de l’article 2118 C.c.Q., il n’est pas nécessaire que le vice ou la malfaçon mette en péril, de manière immédiate ou de manière plus ou moins éloignée, l’intégrité de l’ouvrage. De même, contrairement au vice interdit aux termes de la garantie de qualité du vendeur énoncée par l’article 1726 C.c.Q., il ne paraît pas nécessaire que la malfaçon entraîne une diminution de l’usage de l’immeuble.»[20]
Sous-plancher
[118] Qu’en est-il du sous-plancher? Ici deux théories s’affrontent.
[119] La première théorie est celle de la N.W.F.A. qui prévoit que les lames ne doivent pas être installées parallèlement aux solives et reposer uniquement sur des panneaux de particules de 5/8 po d’épaisseur. Tant monsieur Vitus, monsieur Rocheleau que monsieur Labelle ont témoigné à l’effet que les lames auraient dû être installées perpendiculairement aux solives. En conséquence, soit les lames sont perpendiculaires aux solives, soit le substrat est plus épais.
[120] Le seul défenseur de la deuxième théorie est l’Entrepreneur. Cette théorie est celle du CNB qui permet que les lames d’un parquet soient orientées parallèlement aux solives puisqu’une couche de pose a été installée de manière perpendiculaire auxdites solives.
[121] À tout évènement, le Tribunal ayant reconnu l’installation déficiente des planchers comme étant une malfaçon au sens du Règlement, les planchers de bois devront être refaits. En conséquence, il sera opportun pour l’Entrepreneur de suivre les recommandations de son propre expert et d’installer les lames perpendiculairement aux solives. Cette manière de procéder évitera certainement bien des situations conflictuelles.
Humidité
[122] L’Entrepreneur et l’Administrateur ont, d’entrée de jeu, exhorté le Tribunal à ne pas se prononcer sur la problématique d’humidité puisque les Bénéficiaires ne l’ont pas dénoncé à l’Administrateur dans les six (6) mois de son apparition.
[123] Toutefois, la problématique relative aux planchers a été dénoncée dans le délai, tel qu’il appert de la décision rendue sur les moyens préliminaires.
[124] La problématique des planchers se scinde en deux volets : l’installation et l’humidité. Ce constat émane de l’expert des Bénéficiaires et de l’expert de l’Entrepreneur. L’Entrepreneur lui-même reconnaît qu’il ne peut procéder aux travaux correctifs près des murs « avant que l’humidité ne soit contrôlée ».
[125] Il est clair que l’humidité a un impact sur l’état des planchers, et ce, même s’il y eu une amélioration visible en février 2019.
Position de l’Entrepreneur et de l’Administrateur
[126] De l’aveu même du représentant de l’Entrepreneur, plusieurs intervenants ont cherché la source du problème d’humidité excessive, sans succès. Il a même admis que l’Entrepreneur était allé au bout de ses ressources.
[127] Selon L’Entrepreneur et l’Administrateur, ni les appareils ni le Bâtiment étant en cause, il ne reste que les habitudes de vie des Bénéficiaires. En conséquence, cet élément doit être exclu de l’application du Règlement.
Habitudes de vie des Bénéficiaires
[128] La seule preuve devant le Tribunal quant aux habitudes de vie des Bénéficiaires est le témoignage de ces derniers. Ce qui ressort de leur preuve testimoniale est que cette famille a une vie « normale » tout en utilisant les appareils d’extraction en tout temps et en prenant certaines précautions supplémentaires comme fermer le couvercle des cuvettes des toilettes et les portes des salles de bain au moment des douches.
[129] Encore une fois, le témoignage de monsieur Labelle sur cette question ne peut être retenu. Selon lui, il n’avait pas besoin de questionner les Bénéficiaires quant à cet aspect. Il s’est contenté de les écouter et a conclu que leurs habitudes de vie expliquaient le taux d’humidité élevé. Par exemple, il a conclu que la porte extérieure restait ouverte puisque les enfants se servaient de la piscine en été.
Système de chauffage / climatisation
[130] Puisque les habitudes de vie des Bénéficiaires ne sont pas en cause, il reste uniquement l’explication soumise par l’expert des Bénéficiaires à l’effet que le système installé est trop puissant. Ce faisant, il fonctionne de manière intermittente, ce qui ne permet pas la déshumidification adéquate du Bâtiment.
[131] Selon la balance des probabilités, le Tribunal considère cette thèse comme étant l’explication aux problèmes d’humidité excessive dans le Bâtiment.
[132] L’Entrepreneur et l’Administrateur ont tenté d’argumenter que le climatiseur n’ayant pas pour fonction première de déshumidifier, les Bénéficiaires doivent ajouter un déshumidificateur. Toutefois, les deux représentants de l’Entrepreneur et monsieur Labelle ont affirmé qu’ils n’avaient jamais installé ou vu un tel système dans une résidence.
[133] Nous croyons que les Bénéficiaires étaient en droit de s’attendre à l’installation d’un système de climatisation / chauffage et un système d’échangeur d’air qui leur permettent de contrôler le taux d’humidité afin qu’il soit dans la plage de normalité, et ce, sans nécessité d’un déshumidificateur.
[134] Les Bénéficiaires se sont déchargés de leur fardeau de preuve tant au niveau de de l’installation non conforme des planchers que de la nécessité de corriger le système en place afin d’assurer un contrôle adéquat de l’humidité.
[135] Toutefois, le Tribunal laissera le choix de la méthode corrective à l’Entrepreneur et n’ordonnera pas la surveillance des travaux par les experts des Bénéficiaires.
Frais d’arbitrage
[136] L’article 22 du Règlement édicte que : « L’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’Administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel. »
[137] Les Bénéficiaires ayant eu gain de cause, ils ont droit au remboursement de leurs frais raisonnables d’expertises pertinentes.
[138] Les Bénéficiaires demandent le remboursement des frais d’expertises suivants :
Pour les planchers
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- |
388.00 $ |
|
facture de monsieur Vitus pour l’inspection et rapport
|
- |
689.30 $ |
|
facture de monsieur Vitus pour son témoignage lors de l’audition
|
|
1 077.30$ |
|
TOTAL |
Pour la ventilation
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- |
874.96 $ |
|
Facture de Construction Naric inc. pour «ouvrir plafond et garde-robe d’une chambre au sous-sol»
|
- |
1 333.71$ |
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Facture de Calibrair pour l’équilibrage de l’air
|
- |
1 249.49 $ |
|
Facture de Patrice Lévesque pour travaux d’ingénierie
|
- |
475.13 $ |
|
Facture de Patrice Lévesque pour travaux d’ingénierie
|
- |
504.46 $ |
|
Facture de Patrice Lévesque pour discussion téléphonique, vérification des calculs de charge, courriel
|
- |
296.07 $ |
|
Facture de Patrice Lévesque pour vérifications des fenêtres et recherche sans succès des spécifications du vitrage
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- |
3 750.77 $ |
|
Facture de Patrice Lévesque pour visite Calibrair, rapport de visite, révision calculs de charge, courriel, finaliser calculs de charge, discussion téléphonique
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- |
357.00 $ |
|
Facture de Patrice Lévesque pour conférence téléphonique et modification du rapport
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- |
985.92 $ |
|
Facture de Patrice Lévesque pour recherche documentation et répondre à toutes les questions par courriel
|
- |
8 786.39 $ |
|
Facture de Patrice Lévesque pour échange téléphonique, confirmation de calculs de charge et nouvelles questions, conférence téléphonique avec Legault-Dubois, échange questions-réponses, courriel, présence de deux jours en arbitrage, sortir données d’Environnement Canada.
|
- |
18 109.45 $ |
|
TOTAL |
[139] En ce qui a trait aux frais de monsieur Vitus, l’Administrateur a admis qu’ils étaient raisonnables. De plus, l’expertise de monsieur Vitus a été utile dans la prise de décision de l’Arbitre.
[140] Qu’en est-il des frais pour la ventilation? L’Administrateur a plaidé que ces frais n’étaient pas déraisonnables, mais indécents.
[141] Clairement, toutes les activités facturées quant à la ventilation n’ont pas été nécessaires à la solution du litige. De plus, au regard des circonstances entourant cette affaire, le montant réclamé est manifestement déraisonnable.
[142] En conséquence, le Tribunal ordonne à l’Administrateur de rembourser 100% des frais de monsieur Vitus et 40% des frais liés à la ventilation.
Conclusions
[143] Considérant la balance des probabilités et suivant l’appréciation des faits, des témoignages et de la preuve offerte à l’audience ainsi que de la compréhension du Règlement, de la jurisprudence connue, le Tribunal en arrive à la conclusion que les deux (2) volets du problème de planchers de bois du Bâtiment sont couverts par le Règlement, soit l’installation déficiente des planchers et l’humidité relative élevée.
[144] Point n’est besoin de rappeler que l’Entrepreneur doit corriger la malfaçon selon les normes applicables et qu’il doit satisfaire à son obligation de résultat[21].
[145] Après avoir pris connaissance des pièces, des témoignages et des arguments des parties, le Tribunal d’arbitrage, sur demande, rend les conclusions suivantes :
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires;
ORDONNE à l’Entrepreneur ou, à défaut, à l’Administrateur, de prendre en charge les travaux correctifs quant au point 1 intitulé « revêtement de plancher : parquet de bois endommagé » de la décision de l’Administrateur du 8 février 2018, en procédant à la réfection complète des planchers de bois et en corrigeant ou en changeant les appareils de chauffage / climatisation et d’échangeur d’air afin que le taux d’humidité dans le Bâtiment se situe dans les plages de normalité;
RÉSERVE à l’Administrateur ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur pour toute somme versée, incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par. 19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement;
ORDONNE à l’Administrateur de rembourser aux Bénéficiaires 100% des frais de l’expert Scott Vitus et 40% des frais relatifs à l’expertise en ventilation de Patrice Lévesque;
LE TOUT avec les frais de cette décision à la charge de l’Administrateur, conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.
Boucherville, le 12 décembre 2019
______________________________
Me Jacinthe Savoie
Arbitre / Soreconi
[1] RLRQ, c. B-1.1, r.8
[2] «N.W.F.A. Installation Guidelines, Section 4, Appendices, Fastener Schedule, page 45»
[3] « N.W.F.A. - Technical Manual - Section V - Appendix CA - Page CA-2 »
[4] « N.W.F.A. - Revue A-100 - Water & Wood - Comment l’humidité affecte un recouvrement de sol en bois. - P.6 - Stabilité dimensionnelle »
[5] « N.W.F.A. - Publication No. A-100 - Water & Wood »
[6] « N.W.F.A. - Manuel Technique - section Installation - «section II - Chapitre 5 - Point VI - Installation »
[7] CCAC, S13-112201-NP, 18 novembre 2014, Me Jean Robert LeBlanc, arbitre
[8] SORECONI, 181201001, 28 mai 2018, Me Roland-Yves Gagné, arbitre
[9] Idem, paragraphe [62]
[10] GAMM, 2014-16-013, 8 mai 2015, Me Jean Morissette, arbitre
[11] SORECONI, 180603001, 20 août 2018, Me Roland-Yves Gagné
[12] Idem, paragraphe [85]
[13] GAMM, 2013-15-011, 24 avril 2015
[14] CCAC, S09-010701-NP, 20 décembre 2011, Guy Pelletier, arbitre
[15] Article 2803 du Code civil du Québec
[16] Article 2804 du Code civil du Québec
[17] Sylvie RODRIGUE et Jeffrey EDWARD, «La responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons», dans Olivier F. KOTT et Claudine ROY (dir.), La construction au Québec : perspectives juridiques, Montréal, Wilson & Lafleur, 1998, p. 409, aux pages 453 et 453
[18] «N.W.F.A. Installation Guidelines, Section 4, Appendices, Fastener Schedule, page 45»
[19] N.W.F.A., - technical Manuel - Section V - Apendix CA- Page CA-2
[20] Sylvie RODRIGUE et Jeffrey EDWARD, loc.cit., note 17, 453
[21] Article 2100 du Code civil du Québec