ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

Dossier no :  GAMM :   2017-06-005 

  QH :     111538 / Conciliation :  10984

  DOYLE :  1500-092     

  GODIN :   0002-221

 

ENTRE:        

       

LOUISE DURAND ET GÉRALD THIBAULT

        

        (ci-après les « Bénéficiaires»)

ET :      

 

9116-7056 QUÉBEC INC./CONSTRUCTION SEBALAN

 

      (ci-après   l’« Entrepreneur »)

-ET-

 

LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC 

 

 

DEVANT L’ARBITRE :   Me Jean Doyle

 

    

SENTENCE  

 

 

 

Pour les Bénéficiaires :   Mme Louise Durand

    

M. Gérald Thibault

    

 

Pour l’Administrateur :

Me François-Olivier Godin

  

 

M. Benoit Pelletier

Pour l’Entrepreneur :

 

Aucun représentant

Date d’audience :

 21 novembre 2017       

 

LE MANDAT  

 

 

 

1.             Le mandat de l’arbitre soussigné lui fut confié par correspondance du Groupe d’arbitrage sur Mesure (GAMM) daté du 24 mai 2017 et faisant suite à une demande d’arbitrage des Bénéficiaires datée du 23 mai 2017 également.

 

2.             Cette demande d’arbitrage faisant elle-même suite à deux rapports de conciliation de l’Administrateur datés des 28 mars 2017 et 27 avril 2017 tous deux portant sur un seul et même point :  plancher de béton garage :  pente inversée;

 

 

 

VISITE DES LIEUX

 

 

 

3.             Lors de la visite des lieux en matinée du 22 novembre 2017, les Bénéficiaires ont fait remarquer aux représentants des parties sur place que la dalle de béton du garage était affligée d’un bombement qui, lorsque de l’eau ruisselle, la dalle évacue cette eau vers le pourtour, soit particulièrement vers le côté gauche lorsqu’on fait face à la maison, causant une infiltration au sous-sol, ainsi qu’une autre flaque d’eau qui s’accumule au coin arrière droit du garage.

 

4.             Des cernes laissés par les plus récentes infiltrations d’eau sont encore légèrement visibles.

 

5.             Le bombement, sur lequel l’attention du tribunal fut attirée, est mineur mais empêche l’eau d’être dirigée vers la fosse de retenue, ce qui est normalement attendu.

 

 

 

LA PREUVE  

 

 

 

6.             Les représentants des parties ont tous pu voir le bombement et reconnaissent d’emblée que la situation, présente dans le garage des

Bénéficiaires demandeurs, est contraire aux normes et résulte d’une malfaçon.

 

7.             D’ailleurs, dans son rapport du 27 avril 2017, l’inspecteur-conciliateur, reprenant ses commentaires du rapport du 28 mars 2017 (A-3), émet les commentaires suivants pour illustrer sa visite des lieux :  

 

« -  A l’aide d’un niveau d’une longueur de 1,20m, nous avons observé à quelques endroits des pentes de plancher se dirigeant du côté opposé à la fausse de retenue;

 

- Nous avons observé la bosse mentionnée par le bénéficiaire lors de notre visite. »

 

8.             Les Bénéficiaires, madame Durand et monsieur Thibault, témoignent tous deux à l’effet qu’ils ont signé l’acte d’achat chez le notaire le 8 octobre 2015, mais sont entrés effectivement, dans la maison, le 29 août 2015;

 

9.             L’inspecteur-conciliateur à la page 9 sur 11 de son rapport A-4 considère, de toute façon, que la réception de l’unité doit être fixée au 9 octobre 2015. 

Cette date ne cause par conséquent aucun litige;

10.        Cependant, les Bénéficiaires poursuivent leur témoignage en manifestant que le terrassement extérieur de la résidence, incluant l’accès au garage, ne fut terminé qu’en juillet 2016;

 

11.        Lorsqu’en décembre 2016 les Bénéficiaires garèrent leur voiture à l’intérieur, ils s’aperçurent alors, suite à la fonte de la neige accumulée sur le véhicule, que l’eau s’égouttant sur la dalle de béton s’écoulait vers l’extérieur de la dalle et non vers la fosse de retenue;

 

12.        Le 14 décembre 2016 cette problématique fut dénoncée à l’Entrepreneur et à l’Administrateur de la garantie, comme on peut le constater à la note A apparaissant à la page 3 du rapport A-4;

 

13.        La malfaçon a donc été dénoncée à l’Administrateur de la garantie immédiatement lors de sa constatation;

 

14.        On comprend, à la lecture des propos de l’inspecteur-conciliateur, apparaissant en page 8 sur 10 de la décision du 28 mars 2017 (A-3), que la problématique du bombement de la dalle de béton dans le garage de la résidence est aisément reconnue par l’Administrateur de la garantie mais sa prise en charge par l’Administrateur est refusée parce que :

 

« Considérant une réception de l’unité le 9 octobre 2015;

Considérant une dénonciation le 14 décembre 2016;

Considérant que la situation n’a pas été observée par l’inspecteur de la firme inspection sur mesure retenue par les Bénéficiaires suite à une visite faite le ou vers le 4 octobre 2016;

Considérant le commentaire d’un Entrepreneur selon laquelle une bosse est facilement observable;

Considérant les observations faites lors de notre visite;

. . . 

 

Or, selon ce qu’il nous a été possible de constater lors de notre inspection, ce point ne peut pas être considéré comme un vice caché. » (le soulignement est du soussigné)

 

15.        Il est aisé de constater que l’inspecteur-conciliateur ayant établi la prise de possession au 9 octobre 2015  et la dénonciation, au 14 décembre 2016, plus d’une année s’était donc écoulée entre ces deux dates, causant, selon lui, la reconnaissance de la problématique comme devant être qualifiée de vice caché, soit plus d’un an après la prise de possession, plutôt qu’une malfaçon non visible au moment de la prise de possession et pendant la première année.

 

16.        La remarque d’un entrepreneur, citée plus haut a donc influencé la décision du conciliateur.

 

17.        Cependant, cet entrepreneur, présent lors de notre visite des lieux, a clairement témoigné à l’effet qu’il n’a constaté le bombement, qu’après que les Bénéficiaires le lui eurent montré et demandé si c’était « normal ».  Ce à quoi il a répondu par la négative.

 

18.        La tâche du tribunal est donc de répondre aux questions  suivantes :

 

1.                  Le temps écoulé entre la prise de possession et la dénonciation doitil être considérée à compter de la date de prise de possession ou de la date de constatation de la problématique?

 

2.                  Comment qualifier la problématique :   malfaçon ou vice caché?

 

 

 

 

 

DISCUSSION

 

 

 

19. Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs dans sa version postérieure au 1er janvier 2015, soit celle utile pour l’analyse du présent litige, exprime ainsi la garantie du plan à l’article 10.

 

10.  La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :

 

1o le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception.  Pour la mise en œuvre de la garantie de parachèvement des travaux du bâtiment, le bénéficiaire transmet par écrit sa réclamation à l’entrepreneur et en transmet copie à l’administrateur dans un délai raisonnable suivant la date de fin des travaux convenue lors de l’inspection préréception;

 

2o la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception.  Pour la mise en œuvre de la garantie de réparation des vices et malfaçons apparents du bâtiment, le bénéficiaire transmet par écrit sa réclamation à l’entrepreneur et en transmet copie à l’administrateur dans un délai raisonnable suivant la date de fin des travaux convenue lors de l’inspection préréception;

 

3o la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux article 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des malfaçons;

 

4o la réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil;

 

5o la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation significative;

 

6o le relogement, le déménagement et l’entreposage des biens du bénéficiaire, lorsque, lors de travaux correctifs, le bâtiment n’est plus habitable;

 

7o la remise en état du bâtiment et la réparation des dommages matériels causés par les travaux correctifs. » (les soulignement sont du

soussigné)

 

Question numéro 1 :  Le calcul du temps écoulé.

 

20.        Il est utile de souligner dans les paragraphes 3 et 4 de l’article 10, qu’à leur base même, les malfaçons ou vices cachés doivent être considérés selon leur découverte dans l’année ou dans les trois ans suivant la réception, alors que le législateur, plus loin, dans chacun de ces paragraphes, considère que le délai, pour dénoncer, doit être calculé à compter de la découverte des malfaçons ou des vices cachés. (le souligné est du soussigné)

 

21.        Tel que manifesté constamment chez les auteurs et le décideurs, il est convenu que le Législateur ne parle pas pour rien dire et qu’en conséquence, s’il a cru bon faire une telle distinction, à l’intérieur de chacun des paragraphes ici utiles à l’analyse, le tribunal n’a d’autre choix que de s’attarder au texte même   du Règlement, comme manifestement voulu par le Législateur.

 

22.        Le départ du calcul du délai à considérer, pour la dénonciation, est le temps couru entre la prise de possession et la dénonciation, et non pas, comme point de départ, la constatation du défaut.

 

23.        Par conséquent, à la question numéro 1, le tribunal ne peut en venir à d’autre conclusion que quatorze mois s’étant écoulés entre la prise de possession et la dénonciation de la problématique à l’Administrateur il y a lieu alors de qualifier la problématique affligeant la résidence des Bénéficiaires de vices cachés.

 

Question numéro 2 :  la problématique affectant la résidence des Bénéficiaires est-elle ou non un vice caché donnant droit aux Bénéficiaires à la garantie à ce titre?

 

24.        Le procureur de l’Administrateur de la garantie soumet au tribunal deux décisions dont il est bon de citer, ici, certains extraits.

 

25.        Dans la cause de 19125-3575 Québec Inc. et France Beauchamp et Réjean Bourque et la Garantie des Maîtres Bâtisseurs, Me Jeffrey Edwards, maintenant Juge à la Cour du Québec, commentait comme suit la preuve qu’avait dû recevoir l’inspecteur de l’Administrateur de la garantie pour conclure au rejet de la réclamation :  

 

« [7] Les Bénéficiaires prétendent que le gypse du plafond de la salle d’eau du sous-sol a été mal réparé.   Cela paraît avoir été fait suite à un dégât d’eau dont la cause est indéterminée.  La Décision de GMB affirme qu’il y a présence d’une légère malfaçon apparente quant au travail de réparation réalisé, mais que la malfaçon ou la réparation n’est pas couverte par la garantie, car elle n’a pas été déclarée lors de la possession de l’immeuble.

 

[9] Pour reprendre les propos de l’inspecteur-conciliateur, il s’agit d’une malfaçon.  Cependant, compte tenu des faits, le Tribunal d’arbitrage est d’avis que ce n’était pas une malfaçon apparente au moment de la prise de possession de la maison.   Il y a lieu de préciser que le niveau et l’ampleur d’inspection requis pour un examen d’un acheteur prudent et diligent d’une maison neuve, par rapport au caractère apparent des malfaçons, n’est pas le même que celui pour une maison plus âgée.   De plus, il n’est pas normal d’exiger que l’acheteur d’une maison neuve inspecte chaque pouce de la maison avant la réception, surtout au plafond.  L’endroit affecté a pu être examiné par le soussigné uniquement à l’aide d’un escabeau et en mettant les yeux à quelques pouces du dommage.   Il n’est pas raisonnable qu’un acheteur d’une maison neuve se prête à tel exercice pour examiner l’ensemble du bâtiment. »

 

26.        D’autre part, l’arbitre Me Jean Morissette, dans la cause de 2Les Habitations

Meaujé et La Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ et Le Syndicat Condominiums Châtelets Phase II, reproduit les critères d’analyse auxquels doit répondre le tribunal pour qualifier un défaut de malfaçon ou de vice caché.

 

« [32] L’absence de la membrane de départ sur la distance contractuelle, le défaut de l’assemblage intégral par effet de chaleur qui crée le collement des bardeaux d’asphalte de la toiture entre eux et l’arrachement par le vent de bardeau est un vice caché au sens de l’art. 27 du « Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs. »  Je considère qu’il était impossible aux résidents des unités d’habitation de découvrir ce vice de construction au sens de l’article 1726 du Code civil du Québec.

 

[33]                     Le Petit Robert [1] donne des définitions de malfaçon et de vice caché :

« Malfaçon :  Défectuosité dans un ouvrage mal exécuté. » « Vice caché :  Qui rend la chose achetée inutilisable et dont doit répondre le vendeur. »

 

[34]                     Dans le Précis du droit de la construction [2] on peut y lire :

« 96.  Les vices affectant la solidité de l’ouvrage – Le critère de « solidité » provient de l’interprétation libérale apportée sous le Code civil du Bas Canada à l’énoncé « périt en tout ou en partie » de l’article 1688 C.C.B.C.  Il découle également de l’interprétation libérale de la notion de ruine.   Dans l’état actuel du droit, on étend la garantie à tous les vices compromettant la solidité de l’édifice à toutes les défectuosités graves qui entraînent des inconvénients sérieux.  Comme le rappelle l’auteur Rousseau-Houle, le champ d’application de la garantie quinquennale n’est pas restreint aux désordres entraînant la ruine effective des ouvrages. »

 

« 126.  Définition de la notion de malfaçon – Il importe dès maintenant de définir ce qu’est une malfaçon.   La langue populaire définit la malfaçon comme étant « une défectuosité dans un ouvrage mal exécuté. »  Par ailleurs, les notions de « vice » et de « malfaçon » se distinguent par le degré de gravité exigé pour l’application de chacun des régimes de responsabilité légale.   En effet, contrairement au régime pour la perte de l’ouvrage prévu à l’article 2118 C.c.Q., la malfaçon ne met pas en péril l’ouvrage.   La malfaçon se qualifie de « défaut mineur ».  Ainsi, l’obligation de garantie qui est visée par l’article 2120 C.c.Q. concerne la mauvaise exécution de l’ouvrage qui n’entraîne pas une perte totale ou partielle de celui-ci.  Il s’agit de travaux mal exécutés qui n’ont aucune incidence sur la solidité de l’immeuble. »

 

[35]                     Dans le livre « Le règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs commentés » [3] :

 

« L’auteur Jeffrey Edwards, dans son excellent ouvrage sur la garantie de qualité du vendeur, rappelle les quatre conditions pour qualifier un défaut de vice caché au sens où l’entend l’article 1726 du Code civil du Québec.

« Le vice doit posséder une certaine gravité ».   Pour que le vice soit interdit selon la garantie, le déficit d’usage entraîné ne doit pas être d’une quelconque importance.   La perte d’usage doit être grave.  (…)  Le critère déterminant est énoncé dans l’article 1726 C.c.Q.  Seul le vice entraînant un déficit d’usage au point « que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix » est réprimé.

« Le vice doit précéder la vente ».   En ce qui concerne la garantie, l’acheteur assume les risques d’une perte de qualité se produisant après la vente.   Seul est prohibé le vice entachant le bien avant la conclusion du contrat.

« Le vice doit être inconnu ».  Le vice connu de l’acheteur n’est pas un vice caché.  Seul le vice que ce dernier ignore peut recevoir cette qualification.

« Le vice doit être occulte ».  Le vice occulte s’oppose au vice apparent.  (…)  Lorsque le vice se révèle à l’examen (du bien), il est apparent; dans le cas contraire, il est occulte. »  

 

[36]                      A la lecture de ces textes, je conclus que la malfaçon qui rend la chose impropre à sa destination ou inutilisable, a un caractère sérieux et ne peut être découverte que par un examen particulier et approfondi, est un vice caché.

 

[37]                      Les défauts constatés par l’expert de l’Administrateur et ce qu’il m’a fait voir le jour de l’audition rencontrent chacun de ces critères.

 

[38]                      La pièce E-1 montre que la force des vents avant la plainte du 28 juin 2005 est en deçà de 80 km/h.  Pourtant, à cette date, des bardeaux de la toiture s’étaient défaits et n’étaient plus en place.  Il n’y a pas de preuve d’une force majeure même après cette date puisque les vents n’ont pas dépassé les 80 km/h de résistance que doit posséder un revêtement de toiture fait de bardeaux d’asphalte.  Il m’apparaît fort plus probable que la pose inadéquate et un défaut de matériel sont la cause des infiltrations d’eau.

 

[39]                      En terminant, je tiens à souligner que le fabricant EMCO dans son courriel du 25 septembre 2006 spécifie que certains des bardeaux n’ont pas collé de façon adéquate.  Il s’agit d’un aveu d’un vice qui est opposable à l’entrepreneur.

 

[40]                      Je rejette l’argument que les bénéficiaires pouvaient découvrir ce vice par un examen attentif ou qu’il ne s’agisse pas d’un problème important.  Une toiture doit être étanche.  On ne pouvait demander aux bénéficiaires et à leurs représentants de vérifier que les bardeaux étaient collés l’un à l’autre.  S’il y a des infiltrations d’eau dans une unité d’habitation, il y a un vice qui compromet la solidité de l’ouvrage et des inconvénients sérieux.  Les infiltrations d’eau sont causées par une pose inadéquate et un revêtement de la toiture défectueux qui sont de nature à causer la perte partielle et importante de l’ouvrage et sont un vice caché.

 

27.        En ce qui a trait au caractère occulte du vice caché, compte tenu des commentaires de Me Edwards dans la cause de 9125-3575 Québec Inc. contre La Garantie des Maîtres Bâtisseurs Inc. et les commentaires également de Me Morissette, quant à la difficulté de perception du défaut caché, le tribunal considère que compte tenu des circonstances particulières du présent dossier, on peut étendre cette difficulté de perception jusqu’à considérer le défaut comme occulte.

 

28.        Par ailleurs, tel qu’admis, selon la preuve au dossier, le vice était présent avant la vente et était inconnu tant des Bénéficiaires que, semble-t-il, de l’Entrepreneur.

 

29.        Dans son ouvrage en droit québécois publié aux éditions Wilson Lafleur.com en 2008 l’auteur Jeffrey Edwards à la page 178 au numéro 381 s’exprime comme suit, relativement à notre cas :

 

« Notons cependant, que, lorsque l’acheteur n’est pas tenu, selon les circonstances, de faire appel à un inspecteur pré-achat, l’erreur de celui-ci de ne pas avoir décelé un vice, selon les normes applicables, n’emporte pas exonération du vendeur.   En effet, il n’y a plus alors de lien causal entre l’erreur de l’inspecteur et la défense du vendeur.  Le vice reste donc occulte pour l’acheteur et la condition du caractère non apparent est satisfaite. »

 

30.        Il reste donc au tribunal à déterminer si le 4e critère pour établir qu’il s’agit d’un vice caché, soit la gravité, est rencontré.

 

31.        Reprenons ici, pour ce faire, le texte de l’article 1726 du Code Civil du Québec.

 

« Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus. »

   

32.        Quant à la gravité du vice, on peut, au même ouvrage de l’Honorable Jeffrey

Edwards, précédemment cité, en page 165, aux paragraphes 359 et

363  lire :

 

« 359.   Pour que le vice soit interdit selon la garantie, le déficit d‘usage entraîné ne doit pas être d’une quelconque importance.  La perte d’usage doit être grave.  La doctrine a toutefois trop souvent confondu la condition de gravité et l’existence d’un déficit d’usage.   Lorsque le vice rend le bien « impropre à l’usage » ou diminue son « utilité », il est souvent considéré déjà comme grave.  Or, le déficit d’usage relève plutôt de l’existence du vice.  Il n’y a donc pas lieu de revenir sur la question en ce qui a trait à la gravité de celui-ci.  La condition de gravité ne vérifie donc pas l’existence d’un déficit d’usage mais réglemente uniquement son intensité.  Ainsi, la difficulté se situe dans le choix et l’application du critère fixant cette intensité. »

 

« 363. Il ne paraît pas inopportun d’examiner si la condition de gravité du vice doit également être observée en droit de la consommation.  En ce qui a trait à la responsabilité spéciale pour vice caché prévue à l’article 53 de la Loi sur la protection du consommateur, la réponse ne peut faire de doute.  En se basant sur la notion de vice caché, l’article incorpore par référence toutes les conditions afférentes à ce terme selon le Code civil.  La situation est différente pour les garanties d’aptitude à l’usage et de durabilité raisonnable prévues aux articles 37 et 38 de cette loi.  Leurs textes ne parlent ni d’un vice ni de son caractère caché.  Ils énoncent plutôt des résultats précis, soit que le bien doit servir à son usage, et ce, pendant une durée raisonnable.  Les autorités, tant doctrinales que jurisprudentielles, semblent s’entendre sur l’idée que, suivant ces articles, l’acheteurconsommateur bénéficie d’une protection à l’endroit de toute perte anormale de l’usage du bien.  Il s’ensuit, à notre avis, que toute diminution de l’usage, même minime, survenant à l’intérieur de la période visée, est sujette à réparation. »

 

33.        Il m’apparait, à la lumière de ces commentaires, que la problématique de pente inversée de la dalle de garage à la résidence des Bénéficiaires entraine

une diminution importante de l’usage du garage, donc d’une partie de l’immeuble, puisque, selon la preuve, non seulement y a-t-il accumulation d’eau sur la dalle, ce qui n’aurait possiblement pas le degré de gravité requis, selon la définition de vice caché.   Mais le fait, non contredit, que l’eau s’écoule dans la portion sous-sol de la résidence et cause des dommages, il y a lieu de considérer que la problématique de pente inversée de garage  constitue un vice caché au sens de l’article 10 paragraphe 4 du Règlement.

 

34.        Par conséquent, considérant que, tel qu’admis, il y a effectivement une problématique causée par la pente inversée de la dalle du garage.

 

35.        Considérant que cette inversion de pente cause des infiltrations au sous-sol de la résidence des Bénéficiaires.

 

36.        Considérant que cette problématique de pente inversée constitue un vice caché au sens de l’article 10 paragraphe 4 du Règlement.

 

37.        Considérant que les Bénéficiaires ont, selon l’admission des parties, dénoncé le vice dans le délai requis.

 

38.        Le tribunal conclut que la demande d’arbitrage est bien fondée;

 

 

 

CONCLUSIONS

  

 

     

POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL :

 

 

ACCUEILLE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires;

 

CASSE la décision de l’Administrateur de la garantie datée du 27 avril 2017 ainsi que celle du 28 mars 2017;

 

ORDONNE à l’Administrateur de la garantie d’effectuer les travaux correctifs dans un délai de soixante (60) jours à compter de la réception de la présente;

 

CONDAMNE l’Administrateur de la garantie à payer tous les frais d’arbitrage conformément à l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

 

 

MONTRÉAL, le 15 janvier 2018 

 

 

         ___________________________________

         Jean Doyle, avocat

         Arbitre

 

JD-1500-092 - GAMM  

 

    

19125-3575 Québec Inc. et France Beauchamp et Réjean Bourque et la Garantie des Maîtres Bâtisseurs, Me Jeffrey Edwards, (Garantie 20610/505920 - GAMM 2009-03-30)

 

2Les Habitations Meaujé et La Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ et Le Syndicat

Condominiums Châtelets Phase II, No 073518 2006-19-001