Gabarit OA

ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

(Décret 841-98 du 17 juin 1998, c. B-1.1, r.0.2, Loi sur le bâtiment, Lois refondues du Québec (L.R.Q.), c. B-1.1, Canada)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

______________________________________________________________________________

 

Entre

Syndicat de copropriété Le Jouvence

Bénéficiaire

Et

9187-2903 Québec Inc.

Entrepreneur

Et

La Garantie Abritat Inc.

Administrateur

 

No dossier Garantie :

11-136SP

No dossier GAMM :

2010-12-016

No dossier Arbitre :

13 185-70

_______________________________________________________________________________________________

 

SENTENCE ARBITRALE

_______________________________________________________________________________________________

 

Arbitre :

Me Jeffrey Edwards

 

 

Pour le Bénéficiaire :

Me Denis Bouchard

 

 

Pour l’Entrepreneur :

Me Philippe Boileau

 

 

Pour l’Administrateur :

Me François Laplante

 

Date(s) d’audience :

14 mars 2013, 12 avril 2013 et 15 mai 2013

 

 

Lieux d’audience :

1)    Domicile du Bénéficiaire;

2)    Bureaux de la Ville de Montréal (Arrondissement Île-Bizard/Ste-Geneviève);

3)    Conférence téléphonique; et

4)    Bureaux de l’Arbitre.

 

 

Date de la décision :

Le 14 juin 2013

APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DES PROCÉDURES, PIÈCES ET EXPERTISES PRODUITES, VISITÉ LES LIEUX, ENTENDU LA PREUVE ET LES ARGUMENTS DE TOUTES LES PARTIES, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE REND LA DÉCISION SUIVANTE :

 

1.      DEMANDE D’ARBITRAGE ET PIÈCES

[1]           Le Tribunal d’arbitrage est saisi d’une demande d’arbitrage du Bénéficiaire concernant une décision rendue par l’Administrateur le 30 septembre 2010 (ci-après la « Décision ») rejetant la réclamation du Bénéficiaire relativement à une défaillance du système d’évacuation des eaux pluviales desservant l’immeuble du Bénéficiaire.

[2]           Les pièces produites dans ce dossier sont nombreuses, à savoir :

Pour l’Administrateur :

 

Pièce A-1 :     Déclaration de copropriété datée du 10 octobre 2008;

Pièce A-2 :     Rapport de Jean-Noël Veillette daté 28 octobre 2009;

Pièce A-3 :     Lettre du Bénéficiaire datée du 11 avril 2010;

Pièce A-4 :     En liasse, photographies;

Pièce A-5 :     En liasse, photographies;

Pièce A-6 :     Lettre de l’assurance Promutuel Verchères au Bénéficiaire datée du 27 avril 2010;

Pièce A-7 :     En liasse, avis de 15 jours daté du 5 mai 2010;

Pièce A-8 :     Demande de réclamation datée du 10 mai 2010;

Pièce A-9 :     Deuxième avis de 15 jours daté du 28 mai 2010;

Pièce A-10 :   En liasse, échange de courriels;

Pièce A-11 :   En liasse, décision de l’Administrateur datée du 30 septembre 2010 et preuves de réception;

Pièce A-12 :   Lettre de la Ville de Montréal datée du 22 octobre 2010;

Pièce A-13 :   Demande d’arbitrage datée du 6 décembre 2010;

 

 

Pour l’Entrepreneur :

 

Pièce E-1 :     Rapport d’expertise daté du 11 octobre 2012;

Pièce E-2 :     Plan du système d’égouts de la Ville de Montréal;

Pièce E-3 :     Curriculum vitae de l’expert Marcel D. Legault;

Pièce E-4 :     Courriel daté du 18 juillet 2012 de Monsieur J. Rodrigue à Madame J. Forget avec croquis des systèmes d’égout à l’intersection Gouin et De Jouvence

 

 

Pour le Bénéficiaire :

 

Pièce B-1 :     Acte de vente daté du 20 octobre 2008;

Pièce B-2 :     Avenant de la compagnie d’assurance du Bénéficiaire, Promutuel Verchères, daté du 8 novembre 2010;

Pièce B-3 :     Facture de LK Industries datée du 16 septembre 2011;

Pièce B-4 :     Facture de la Société des Alcools du Québec datée du 7 juillet 2011;

Pièce B-5 :     En liasse, factures au soutien de la réclamation du Bénéficiaire;

Pièce B-6 :     Lettre de l’expert Bernard Lefebvre datée du 27 mai 2011;

Pièce B-6a :   Curriculum vitae de l’expert Bernard Lefebvre;

Pièce B-7 :     Courriel de l’expert Bernard Lefebvre daté du 28 août 2012;

Pièce B-8 :     Courriel de l’expert Bernard Lefebvre daté du 23 octobre 2012;

Pièce B-9 :     Courriel de l’expert Stéphane Bélisle daté du 10 août 2012;

Pièce B-10 :   Curriculum vitae de l’ingénieur Patrick Boutin;

Pièce B-11 :   Lettre datée du 9 avril 2013 concernant les couvertures d’assurance du Bénéficiaire suite au sinistre du 16 août 2010;

Pièce B-12 :   En liasse, demande de permis datée du 14 février 2008 avec accusé de réception et copie du plan de la Ville de Montréal;

Pièce B-13 :   Mémorandum et courriel de Geneviève Lavallée à Jacques Rodrigue daté du 4 octobre 2007.

Pièce B-14 :   Télécopie de Geneviève Lavallée à M. Bouffard datée du 26 octobre 2007;

Pièce B-15 :   Document de la Ville de Montréal (Île-Bizard/Ste-Geneviève) « Raccordement aux réseaux d’aqueduc et d’égout ».

 

2.      FAITS DE BASE ET PROCÉDURES

[3]       Le bâtiment comprend neuf (9) unités détenues en copropriété divise, le tout tel qu’il appert de la Déclaration de copropriété datée du 10 octobre 2008 (Pièce A-1).  Le 20 octobre 2008, Madame Hélène Beauchamp, représentante du Syndicat de la copropriété Le Jouvence (ci-après le « Bénéficiaire »), a acheté l’unité de condominium située au 16678, boul. Gouin Ouest, à Ste-Geneviève (ci-après l’« Unité 16678 »).  Mme Beauchamp a pris possession de ladite unité le 1er août 2008.  La réception des parties communes a eu lieu le 31 mai 2010 (voir la Décision, Pièce A-11).

[4]       Madame Beauchamp explique que plusieurs infiltrations d’eau se sont produites à son condominium.  Plus précisément, il y a eu quatre (4) inondations au total, soit :

-               en juillet 2008 (avant même l’achat et la prise de possession de l’Unité 16678 par Mme Beauchamp);

-               le ou vers le 11 juillet 2009;

-               le 16 août 2010 (après l’envoi de la demande de réclamation du Bénéficiaire à l’Administrateur); et

-               le 4 juillet 2012 (après la réception de la présente demande d’arbitrage).

[5]       Le Bénéficiaire a fait une réclamation à l’Administrateur le 10 mai 2010, le tout tel qu’il appert de la Pièce A-8.  L’Administrateur a nié toute responsabilité relativement aux infiltrations d’eau, le tout tel qu’il appert de la Décision datée du 30 septembre 2010 (Pièce A-11), signée par M. Marco Caron.  Selon l’Administrateur, le système de drainage du condominium est conforme aux normes de construction et la responsabilité des problèmes d’infiltration d’eau incomberait plutôt à la Ville de Montréal, car le réseau d’égouts serait désuet.  Le représentant de l’Administrateur a résumé les faits et sa décision comme suit :

«  1. Système de drainage

Commentaires des parties

La représentante du Syndicat des copropriétaires mentionne qu’en juillet 2008, avant qu’elle prenne possession de son unité de condominium, un refoulement d’égout dans son unité de condominium a forcé l’Entrepreneur à effectuer le remplacement du revêtement de plancher de bois.

Le 13 juillet 2009, la même situation de refoulement d’égout s’est produite de nouveau dans son unité de condominium lors de fortes pluies.  L’eau s’est infiltrée par les ouvertures de la douche, du bain et du drain de plancher.  Dans l’unité de condominium adjacente à la sienne (16686), l’eau s’est contenue dans la baignoire et la douche.

Dans les jours qui ont suivi sa conversation avec l’Entrepreneur, celui-ci a dépêché un plombier afin de considérer les solutions possibles pour enrayer définitivement ce problème de refoulement d’égout.  Le plombier a alors installé un clapet anti-retour pour protéger son unité de condominium contre les refoulements d’égout.

Suite à ces évènements, plusieurs personnes sont venues chez elle (assureur, plombier et représentant de la ville) afin de constater les faits et trouver la source du problème.

Elle apprend des personnes consultées que le clapet anti-retour installé par l’Entrepreneur afin de remédier aux refoulements d’égout n’est pas permis par la ville et demande à l’Entrepreneur de l’enlever.

Le clapet anti-retour est enlevé par le plombier de l’Entrepreneur en mai 2010.

En juin 2010, le revêtement de plancher de bois est remplacé.

Lundi 16 août 2010, nouvel épisode de refoulement d’égout dans son unité de condominium après de fortes pluies.  Le revêtement de plancher de bois est très endommagé.

Le 17 août 2010, après le départ du représentant de GMB, monsieur Jacques Rodrigue, contremaître au département des travaux publics de l’arrondissement de l’Île-Bizard (Ste-Geneviève) s’est présenté à son condominium et a confirmé à l’Entrepreneur et à elle-même qu’un refoulement est survenu dû au système des égouts de la ville et qu’une solution doit être envisagée.

Elle désire le remboursement de sa franchise d’assurance au montant de 1 500 $.  Que des travaux au système de drainage de la toiture soient effectués conformément aux recommandations de monsieur Veillette (plombier de l’assureur).  Ainsi que le retrait de la soupape de retenue installée par l’Entrepreneur (travaux déjà effectués au moment de la rédaction de la Décision de l’Administrateur).

L’Entrepreneur mentionne que les travaux de plomberie du Bâtiment ont été réalisés selon les règles de l’art et que les problèmes de refoulements d’égouts subis par les bénéficiaires sont causés par le système des égouts désuet de la municipalité.

Constatation de GMB

GMB a consulté les documents produits par la représentante du Syndicat.  GMB a constaté que le revêtement de plancher de bois de la représentante du Syndicat des copropriétaires est endommagé par l’eau.  Des résidus de saleté suite au retrait de l’eau sont visibles dans la douche et la baignoire.

Décision de GMB

GMB est en mesure d’affirmer que la plomberie du Bâtiment a été réalisée selon le Code de plomberie, les normes de la municipalité et les règles de l’art.

D’ailleurs, le plombier de l’assureur (monsieur Veillette) mentionne au point e.4.1 de la page 4 de son rapport que : « Les installations de plomberie que nous avons vérifiées sont tout à fait conformes au règlement de la ville de Montréal »

et ajoute au point f.2 « Les installations de plomberie dans le condominium sont à 100% conformes, au règlement de la ville de montréal ».

Par conséquent, GMB ne peut reconnaître ce point en vertu du texte de garantie. »

[6]       Le ou vers le 24 novembre 2010, le Bénéficiaire a soumis une demande d’arbitrage de la Décision rendue par l’Administrateur (Pièce A-11).  Le seul point qui a été porté en arbitrage est le Point 1 concernant le système de drainage.  Le 21 octobre 2011, suite à une demande de rejet au motif de tardivité à la demande d’arbitrage, une décision arbitrale interlocutoire a été rendue confirmant que la demande a été faite à l’intérieur des délais applicables.  Ensuite, les différentes parties ont demandé du temps supplémentaire pour divers motifs (discussions de règlement, préparation d’expertises supplémentaires, absence de disponibilité des parties, leurs procureurs ou leurs témoins).  Après ces étapes, les parties se sont déclarées prêtes à procéder.  La date d’audition a alors été fixée et l’audition a eu lieu.  Une visite des lieux a été intégrée à l’audition.

 

3.      LES TÉMOINS ET LA PREUVE

a) HÉLÈNE BEAUCHAMP

[7]       Mme Beauchamp, Présidente du Bénéficiaire, a témoigné quant aux problèmes vécus à son unité et aux autres unités du condominium.  Lors de la première infiltration d’eau qui a eu lieu en juillet 2008, suite à des pluies abondantes, le plancher de l’Unité 16678 a été grandement endommagé.  En effet, les lattes de plancher dans le couloir ont dû être remplacées, de la salle de bain jusqu’à la chambre des maîtres.  À cette époque, Mme Beauchamp n’était pas encore propriétaire de cette unité.

[8]       Après l’achat et la prise de possession de l’Unité 16678 par Mme Beauchamp, il y a eu trois (3) autres infiltrations d’eau.  Une deuxième infiltration d’eau est survenue le ou vers le 11 juillet 2009, encore une fois suite à de fortes précipitations.  Selon Madame Beauchamp, l’inondation a affecté non seulement l’Unité 16678, mais également l’Unité 16686 du condominium où il y a eu une accumulation d’eau d’environ 1/2 pied dans la douche et 6/8 pouces dans la baignoire.  Il y avait également de l’eau au sous-sol, sur le drain de plancher.

[9]       Suite à cette deuxième infiltration d’eau, Mme Beauchamp, la représentante du Bénéficiaire, a immédiatement contacté la compagnie d’assurance de la copropriété, (Promutuel Verchères) ainsi que sa compagnie d’assurance personnelle pour l’unité (Intact).  Mme Beauchamp a également contacté Monsieur Gaston Bouffard, représentant de l’Entrepreneur.  Ce dernier lui a recommandé de contacter Roland Bourbonnais Ltée., le sous-traitant qui avait effectué les travaux de plomberie lors de la construction du condominium.

[10]    Afin d’éviter d’autres infiltrations d’eau, Monsieur Stéphane Bélisle, plombier chez Roland Bourbonnais Ltée., a installé un clapet fermé sur le drain, mesure temporaire puisque non réglementaire.  En effet, le 27 octobre 2009, un représentant de la compagnie d’assurance Promutuel Verchères, soit Monsieur Jean-Noël Veillette, a visité la propriété.  Selon ce dernier, le clapet installé par M. Bélisle n’était pas réglementaire, le tout tel qu’il appert de son rapport daté du 28 octobre 2009 (Pièce A-2).  Par conséquent, ledit clapet a été enlevé le 14 mai 2010.

[11]    De plus, selon le rapport de M. Veillette (Pièce A-2), la cause des débordements d’eau est que le drainage des eaux du toit n’est pas suffisamment contrôlé.  Cela favorise une saturation du système de drainage intégré dans un tuyau unique installé dans le bâtiment et provoque donc des débordements lors de précipitations importantes.  Monsieur Veillette s’exprime comme suit à la page 4 de son rapport (Pièce P-2) :

« f.1     Le Débordement des eaux usées par le drain de plancher est la cause du dégât d’eau sur le plancher du condominium.

                         f.1.1     Les eaux provenant du drain de toit ont favorisé une saturation du drainage unitaire du bâtiment provoquant ainsi le débordement d’eau sur les planchers situés légèrement au dessus du niveau de la rue. »

Les drains du toit sont raccordés aux drains sanitaires de sorte que le système de drainage reçoit tant les eaux pluviales que les eaux sanitaires.  Par conséquent, lors de pluies abondantes, les eaux provenant du toit ne peuvent s’écouler normalement, le système de drainage unitaire (combiné) étant saturé, d’où les débordements d’eau par le drain de plancher sur les planchers du condominium.

[12]    En juin 2010, les planchers du condominium ont dû être remplacés.  Le bois avait gonflé à plusieurs endroits suite au sinistre du 11 juillet 2009 et en raison de l’humidité.  Pour ce faire, le Bénéficiaire a payé une franchise de 1 000$ à la compagnie d’assurance Intact et une franchise de 500 $ à la compagnie d’assurance Promutuel Verchères.  L’installation de gargouilles a été également fortement recommandée par Promutuel Verchères afin de régler le problème d’infiltrations d’eau au condominium.

[13]    Or, le 16 août 2010, suite à des pluies abondantes, une troisième infiltration d’eau s’est produite à l’unité de condominium de Mme Beauchamp, représentante du Bénéficiaire.  Cette dernière a contacté la compagnie Sinex Construction Inc.  Monsieur Sébastien Demers s’est rendu sur place le même jour afin de constater les dommages.  Il y avait une accumulation d’eau dans le couloir, les trois (3) chambres, la salle de bain, la cuisine, la salle à manger et le salon.  Il y avait de l’humidité sous le plancher et le bois du plancher avait gercé suite aux infiltrations d’eau.

[14]    Le lendemain, soit le 17 août 2010, M. Caron, M. Bouffard et M. Rodrigue, respectivement les représentants de l’Administrateur, de l’Entrepreneur et de la Ville de Montréal, ont également visité les lieux.  Suite à cette inspection, l’Administrateur a conclu que le système de drainage du condominium était conforme aux normes de construction.  Selon l’Administrateur, la cause des infiltrations d’eau proviendrait du réseau d’égouts de la Ville de Montréal qui serait désuet.  Par conséquent, l’Administrateur a nié toute responsabilité quant aux infiltrations d’eau au condominium (Pièce A-11).  Or, après vérification, la Ville de Montréal a informé la représentante du Bénéficiaire que le réseau d’égouts desservant le condominium est conforme et donc n’est pas désuet, le tout tel qu’il appert de la lettre datée du 22 octobre 2010 (Pièce A-12).

[15]    Le 8 novembre 2010, Promutuel Verchères, la compagnie d’assurance de la copropriété, a exclu l’assurance pour tout dommage causé par des infiltrations d’eau au condominium, le tout tel qu’il appert de la Pièce B-2.  La franchise applicable par Promutuel Verchères suite au sinistre du 16 août 2010 est de 20 000$, ce qui écarte toute possibilité d’indemnisation pour les dommages subis par le Bénéficiaire, le tout tel qu’il appert de la lettre datée du 9 avril 2013 (Pièce B-11).  Quant à la franchise applicable par Intact (l’assurance personnelle de l’Unité 16678 de Mme Beauchamp), elle est de 500$.  Suite à cet événement, la représentante du Bénéficiaire a fait installer deux (2) crépines sur le toit du condominium afin de tenter de contrôler le débit d’eau, le tout tel qu’il appert de la facture de LK Industries datée du 16 septembre 2011 (Pièce B-3).

[16]    Le 4 juillet 2012, soit après le dépôt de la présente demande d’arbitrage par le Bénéficiaire, a eu lieu une quatrième infiltration d’eau au condominium.  Trois (3) unités différentes ont alors subi des dégâts d’eau, à savoir les unités 16670, 16678 et 16686.  Des dommages sérieux ont été causés aux planchers, en particulier à celui de l’Unité 16678 de Mme Beauchamp.  Les débordements d’eau ont eu lieu principalement à la douche, à la baignoire et à la salle de lavage.  Toutefois, la représentante du Bénéficiaire précise que ce n’était pas des eaux sales, mais des eaux pluviales.  Il y avait eu des précipitations importantes au cours de la journée.

b) JACQUES RODRIGUE

[17]    M. Rodrigue est employé de la Ville de Montréal dans l’arrondissement où se situe la propriété en litige, soit l’Île-Bizard/Ste-Geneviève.  Il est contremaître responsable de l’aqueduc, égouts et bâtiments.  Il semble avoir un souvenir approximatif de l’installation du tuyau de la propriété au système d’égout lors de la construction initiale.  Son implication directe vient plus tard lorsque le Bénéficiaire et Madame Beauchamp ont des difficultés de débordement d’eau.  Il souligne que le bâtiment en question est branché à l’égout combiné comme la plupart (il avance le chiffre de 90%) des propriétés sur le boulevard Gouin.  À sa connaissance, les autres propriétés branchées au long du boulevard dans ce secteur n’ont pas de difficultés semblables à celles vécues par le Bénéficiaire.  Il rejette toute responsabilité de la Ville de Montréal comme cause des problèmes vécus par le Bénéficiaire.  Il considère qu’il appartient à l’Entrepreneur de mettre en place des systèmes de contrôle du débit d’eau qui tient compte de l’état physique des lieux, y compris l’égout combiné, pour éviter le type de problèmes vécus par le Bénéficiaire.

c) PATRICK BOUTIN, ingénieur

[18]    M. Boutin est diplômé de l’école Polytechnique depuis 1998 et a une maîtrise en génie de la construction.  En 2013, il s’est joint au bureau Consultants en développement et gestion urbaine Inc. (ci-après « CDGU »).  Lors de l’audition du 14 mars 2013, il a remplacé M. Bernard Lefebvre qui ne pouvait être présent en raison d’un empêchement de nature personnelle.  Plusieurs questions lui ont été posées, mais sa connaissance du dossier était limitée.  C’est pourquoi, il a été nécessaire de tenir une audition téléphonique supplémentaire afin d’interroger M. Lefebvre.

d) BERNARD LEFEBVRE, ingénieur

[19]    M. Lefebvre, ingénieur depuis 1995 et Président de CDGU depuis 2006, est spécialisé en mécanique urbaine, y compris en systèmes de drainage.  Il a été convenu alors qu’il allait témoigner par conférence téléphonique, ce qui a eu lieu le 12 avril 2013.  Il a produit trois (3) expertises au dossier d’arbitrage, soit un rapport du 27 mai 2011 (Pièce B-6), un rapport du 28 août 2012 (Pièce B-7) et un rapport du 23 octobre 2012 (Pièce B-8).  Selon ce dernier, la situation au condominium est anormale.  Lors de son témoignage, il a expliqué que les infiltrations d’eau au condominium étaient causées par une combinaison de facteurs, à savoir la surcharge du système de drainage et la présence d’un système d’égouts combiné au sous-sol du bâtiment.

[20]    En effet, les dates des infiltrations d’eau au condominium correspondent à des périodes orageuses, le tout tel qu’il appert de la lettre de M. Lefebvre datée du 27 mai 2011 (Pièce B-6) :

« Nous avons constaté que le débit généré par les fortes pluies d’une récurrence de 1 fois par 2 ans qui correspondent approximativement aux évènements du 11 juillet 2009 et du 16 août 2010 à 13,5 l/s.  Or, la capacité du branchement d’égout existant est d’environ 9,0 l/s.  Donc, nous pouvons constater que la capacité du branchement est nettement insuffisante pour contrer les fortes pluies d’été […] »

M. Lefebvre a toutefois précisé, lors de son témoignage, qu’il ne s’agissait pas de « pluies record », autrement dit de pluies exceptionnelles, mais simplement de pluies abondantes prévisibles.

[21]    M. Lefebvre avait recommandé d’installer sur le toit plat du condominium des régulateurs de débit d’eau, ce qui a été fait.  Or, le 4 juillet 2012, malgré l’ajout desdits régulateurs de débit sur la toiture, il y a eu une quatrième infiltration d’eau.

[22]    Dans son rapport d’expertise (Pièce B-6), M. Lefebvre explique que les drains du toit sont raccordés directement aux drains sanitaires.  Il n’y a pas deux (2) systèmes d’évacuation des eaux, soit un pour les eaux usées et un autre pour les eaux pluviales.  Les deux se joignent au même tuyau qui est branché sur le conduit combiné de la Ville.

[23]    Afin de régler définitivement le problème d’infiltrations d’eau au condominium, M. Lefebvre propose de :

1) ajouter un regard d’égout pluvial à l’extérieur du bâtiment;

2) séparer les conduits sanitaires et les conduits pluviaux à l’intérieur du condominium; et

3) ajouter un clapet anti-retour,

le tout tel qu’il appert de ses expertises datées respectivement des 28 août 2012 et 23 octobre 2012 (Pièces B-7 et B-8).

[24]    Par ailleurs, mentionnons que M. Lefebvre n’est pas d’accord avec la solution proposée par M. Legault, l’expert de l’Entrepreneur, soit le remplacement des conduites de drainage par des conduites plus larges.  À son avis, cela n’est pas la source du problème.  De plus, selon M. Lefebvre, il ne faut pas procéder par étapes comme le propose M. Legault, mais plutôt trouver une solution finale au problème d’infiltrations d’eau au condominium du Bénéficiaire.  Pour ce faire, selon lui, la mise en place de l’ensemble des trois (3) mesures ci-haut mentionnées serait nécessaire.

e) STÉPHANE BÉLISLE

[25]    M. Bélisle, plombier chez Roland Bourbonnais Ltée. (entrepreneur sous-traitant), a également témoigné à l’audition.  Il avait déposé son opinion par rapport daté du 10 août 2012 (Pièce B-9).  Avant la construction du condominium, il aurait soulevé à l’Entrepreneur qu’il était préférable d’installer deux (2) systèmes séparés d’évacuation des eaux.  Or, contrairement à ses recommandations, l’Entrepreneur a fait installer au condominium un système de drainage combiné des deux sources d’eau.

[26]    Suite aux infiltrations d’eau survenues au condominium du Bénéficiaire en juillet 2008 et juillet 2009, M. Bélisle a mis en place un clapet anti-refoulement fermé.  Ledit clapet a néanmoins dû être enlevé, car il était non conforme au Code national du bâtiment qui exige un clapet normalement ouvert.  M. Belisle propose notamment certains travaux correctifs possibles.

f) MARCO CARON

[27]    M. Caron, inspecteur-conciliateur, a témoigné pour l’Administrateur.  Le 17 août 2010, il a inspecté les lieux.  Suite à cette inspection, M. Caron a conclu que les inondations survenues au condominium étaient causées par le réseau d’égouts de la Ville de Montréal qui serait désuet, le tout tel qu’il appert de la Décision rendue le 30 septembre 2010 (Pièce A-11) :

« [L]es problèmes de refoulements d’égouts subis par le Bénéficiaire sont causés par le système des égouts désuet de la municipalité. » (sic)

[28]    De plus, selon M. Caron, les travaux de plomberie effectués au condominium, soit l’installation du système de drainage intégré ou combiné (unitaire), sont conformes aux normes de construction.  Il cite le rapport de Monsieur Veillette, expert de l’assureur, qui affirme que le drainage unitaire du bâtiment est conforme à la règlementation municipale.  Il ne mentionne pas cependant que Monsieur Veillette met également en cause l’absence de moyens adéquats de contrôle des eaux provenant du drain du toit, tel que nous l’avons mentionné au paragraphe 11.  Par conséquent, selon M. Caron, l’Administrateur n’est aucunement responsable des débordements d’eau au condominium et la responsabilité en incomberait plutôt à la Ville de Montréal.

g) MARCEL D. LEGAULT, ingénieur

[29]    M. Legault est ingénieur depuis 1961.  Il est conseiller en gestion de bâtiment depuis 1997.  Il a témoigné à l’audition pour l’Entrepreneur.  Il a produit un rapport d’expertise daté du 11 octobre 2012 (Pièce E-1).

[30]    M. Legault a visité les lieux à deux (2) reprises, soit le 23 juillet 2012 et le 14 août 2012.  Il n’avait alors aucun plan du réseau d’égouts de la Ville de Montréal.  Suite à ces inspections, M. Legault a identifié à son avis au moins deux causes des débordements d’eau, à savoir :

« [La] surcharge à l’égout municipal combiné qui restreindrait l’écoulement dans le branchement.

Le drain combiné de 4 pouces serait trop petit pour répondre aux charges hydrauliques du bâtiment; cela causerait le refoulement.  La charge pluviale des toits et le sanitaire combinés pourrait excéder sa capacité. » (sic)

[31]    Lors de son témoignage, M. Legault a été d’avis que le système de drainage combiné (unitaire) installé au condominium par l’Entrepreneur n’est pas acceptable.  Selon ce dernier, avant d’installer d’un tel système, l’Entrepreneur aurait dû engager un ingénieur mécanique spécialisé pour s’assurer qu’il soit suffisant compte tenu de l’ampleur des eaux pluviales et usées prévisibles au bâtiment.

[32]    Afin de résoudre le problème d’infiltrations d’eau au condominium du Bénéficiaire, M. Legault recommande de remplacer les conduites existantes de 4 pouces par des conduites de 6 pouces et d’ajouter un clapet anti-retour sur chaque embranchement au rez-de-chaussée, le tout tel qu’il appert de son rapport d’expertise (Pièce E-1).  Dans son rapport d’expertise, il suggère de procéder en deux (2) étapes pour ce faire.  Or, lors de son témoignage, il a affirmé qu’il pourrait être utile de faire le tout en même temps.

h) GASTON BOUFFARD

[33]    M. Bouffard, représentant de l’Entrepreneur, a également témoigné à l’audition.  Ce dernier nie avoir eu connaissance, avant le début des travaux de construction, du plan du réseau d’égouts de la Ville de Montréal (Pièce E-2), lequel indique l’existence d’un égout pluvial et d’un égout sanitaire près du condominium du Bénéficiaire.  M. Bouffard soutient que l’Entrepreneur n’a commis aucune faute.

[34]    Par ailleurs, M. Bouffard prétend, comme l’Administrateur, que le problème d’infiltrations d’eau à la propriété serait attribuable à une défaillance du réseau d’égouts de la Ville de Montréal.  Il expose sa position en détail dans un courriel daté du 8 mai 2010 (Pièce A-10).

i) ME PHILIPPE BOILEAU ET JOSÉE FORGET

[35]    Me Boileau a agi comme procureur de l’Entrepreneur.  Il est également le conjoint de Madame Josée Forget, propriétaire de l’Entrepreneur.  Lorsqu’il posait des questions avec des préambules aux témoins très longs, il semblait témoigner en même temps.  Il a été assermenté avec les autres témoins lors de l’assermentation collective.  Mme Josée Forget a également été assermentée avec les autres témoins mais Me Boileau ne l’a pas appelée comme témoin.

[36]    Il est clair que le problème est de nature majeure.  L’Entrepreneur ne le nie pas mais rejette le blâme sur la Ville de Montréal.  Selon l’Entrepreneur, étant donné que la cause du problème est le système d’égout combiné (eaux pluviales et sanitaires), il soumet qu’il n’y a pas de solution technique qu’il puisse apporter étant donné qu’il n’a aucun moyen de modifier le système d’égout public.

j) Demande de réouverture d’enquête et preuve additionnelle : Monsieur Jacques Rodrigue et Monsieur Patrick Labelle

[37]    Avant la prise en délibéré mais après la première journée d’audition, le Bénéficiaire a demandé de déposer des documents additionnels, à savoir les Pièces B-12, B-13, B-14 et B-15.  Les avocats de l’Administrateur et de l’Entrepreneur ont demandé de pouvoir interroger les auteurs de ces documents et autres témoins pertinents.  Les procureurs des parties ont fait leurs représentations respectives quant à cette demande pendant la conférence téléphonique du 12 avril 2013.  L’Arbitre a tranché la question séance tenante.

[38]    Étant donné que la preuve n’était pas close (l’interrogatoire de M. Lefebvre, l’expert du Bénéficiaire restait à être fixé.), considérant que le rôle du Tribunal d’arbitrage est d’assurer le respect des droits, le cas échéant, et de permettre aux parties de faire toute la lumière sur leurs positions, le Tribunal d’arbitrage a permis au Bénéficiaire de continuer sa preuve quant à ces documents et donc d’interroger les témoins appelés pour les déposer en preuve.  Le Tribunal d’arbitrage a également réservé à l’Entrepreneur et à l’Administrateur le droit de produire tout autre document et d’appeler comme témoin toute autre personne pour répondre quant à ces documents.  À cet égard, l’audition a donc été continuée au 15 mai 2013.  Monsieur Jacques Rodrigue et Monsieur Patrick Labelle ont alors déposé les documents additionnels qui ont été cotés plus haut comme étant les pièces B-12, B-13, B-14 et B-15.  Ces documents ont été pertinents concernant le bâtiment en question et ont été dans le dossier de la Ville de Montréal.  

[39]    Monsieur Labelle témoigne qu’il était à l’emploi de la Ville de Montréal de décembre 2007 à décembre 2008.

[40]    Par rapport à la demande de permis pour raccordement signé par la représentante de l’Entrepreneur, Madame Josée Forget, datée du 14 février 2008 (Pièce B-12), une des conditions supplémentaires de l’octroi du permis se lit comme suit :

« Rétention à faire aux regard/puisard pour stationnement ».

Il est clair que l’Entrepreneur a accepté de réaliser le travail conformément à cette condition.  De plus, M. Labelle témoigne que le plan indiquant l’existence des différents tuyaux d’égout était annexé au permis.  Selon le permis (Pièce B-12), l’Entrepreneur s’est engagé à aviser la Ville au moins 24 heures avant la réalisation des travaux de raccordement.  Or, M. Labelle affirme sur la base de la pièce B-15 (un document appelé « Raccordement aux réseaux d’aqueduc et d’égout - suivi de requête ») que cela n’a pas été fait car il a noté que le raccordement a été fait « sans surveillance » le 31 janvier 2008 (note manuscrite de M. Labelle), soit avant l’octroi du permis.  Aussi, M. Labelle affirme qu’il se rappelle avoir soulevé avec le représentant de l’Entrepreneur que la condition supplémentaire par rapport à la « rétention à faire dans regard/puisard » n’avait pas été respectée et l’Entrepreneur s’est engagée à le faire, mais il n’y a pas eu de suivi en raison de son départ.

k) Réclamation au Plan de garantie applicable

[41]    La réclamation du Bénéficiaire adressée à l’Entrepreneur et dont copie conforme a été transmise à l’Administrateur est datée du 11 avril 2010, le tout tel qu’il appert de la Pièce A-3.  Le 20 mai 2010, l’Administrateur a dûment reçu la demande officielle de réclamation du Bénéficiaire.  La réception des parties communes par le Bénéficiaire a eu lieu le 31  mai 2010.  Par conséquent, la plainte du Bénéficiaire a été reçue dans la première année de réception du bâtiment.  Ainsi, les trois (3) niveaux de protection prévus par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[1] sont susceptibles de trouver application en l’espèce, c’est-à-dire :

-         la protection d’un (1) an contre les malfaçons;

-         la protection de trois (3) ans contre les vices cachés; et

-         la protection de cinq (5) ans contre les vices majeurs pouvant entraîner la perte partielle ou totale du bâtiment.

l) Analyse

[42]     Le Tribunal d’arbitrage doit déterminer s’il y a des malfaçons ou des vices affectant le système de drainage du condominium du Bénéficiaire et, le cas échéant, à qui en incombe la responsabilité.

[43]    Il est admis par toutes les parties que des débordements d’eau peuvent dans le contexte actuel se produire au condominium, et ce, environ deux (2) fois par année.  En effet, il appert de la preuve et des témoignages que le système de drainage du condominium est surchargé lorsqu’il y a des pluies abondantes, ce qui cause des débordements d’eau.

[44]    L’Entrepreneur et l’Administrateur nient toute responsabilité relativement aux débordements d’eau survenus aux condominiums du Bénéficiaire alléguant d’une part que le tuyau de drainage intégré est conforme aux normes de construction.  D’autre part, ces derniers prétendent que la cause des infiltrations d’eau est due à la vétusté du réseau d’égouts de la Ville de Montréal.

[45]    Or, la Ville de Montréal confirme que le réseau d’égouts fonctionne adéquatement et sans problème dans le secteur où se situe le condominium, le tout tel qu’il appert de la Pièce A-12.  Il n’y a pas de problème ailleurs.

[46]    À notre avis, en l’espèce l’Entrepreneur est responsable du problème des débordements d’eau au condominium du Bénéficiaire.  Ce dernier avait l’obligation de s’informer et de faire toutes les vérifications raisonnables avant de construire le projet de condominium, notamment quant au type de système de drainage et d’égouts existant à proximité de la propriété.  Le bâtiment aurait dû être construit en conséquence.  Il est clair que l’Entrepreneur aurait pu prendre plus de précautions (telles que suggérées par le plombier à l’époque et tel que suggéré maintenant par tous les experts : mesures de contrôle de débit au toit, un regard d’égout pluvial, l’ajout d’un clapet anti-retour à la bonne position, possibilité de séparer les conduits sanitaires et pluviaux et autres mesures).  Or, l’Entrepreneur n’avait pas fait les démarches et les tests requis à cet égard avant ou pendant la construction.  Notamment, l’Entrepreneur aurait dû, en l’espèce, engager un ingénieur mécanique spécialisé, tel que mentionné par Monsieur Legault, ce qu’il n’a pas fait.  En l’absence des plans d’un ingénieur mécanique, nous sommes surpris que l’Entrepreneur n’ait pas suivi les recommandations de la compagnie de plomberie (Roland Bourbonnais)  au moment de la construction (Pièce B-9).  De plus, l’Entrepreneur aurait pu poser des questions aux responsables de la ville pour connaître les options.  Rien de tel n’a été fait.

[47]    À tout événement, il n’est pas suffisant pour l’Entrepreneur de plaider que le système de drainage installé au condominium est conforme aux normes de construction; encore faut-il qu’il fonctionne adéquatement.  En effet, la jurisprudence a confirmé à plusieurs reprises que le bien, y compris l’unité d’habitation, doit pouvoir servir à son usage normal en vertu de la garantie prévue à l’Article 1726 C.c.Q. par rapport à l’existence d’un vice caché.

[48]    Selon la jurisprudence solidement établie en vertu de la garantie de qualité de l’Article 1726 C.c.Q., il ne suffit pas à l’Entrepreneur de plaider que les normes applicables ont été respectées[2] alors qu’il y a une défaillance du système de drainage installé au condominium.  Les normes et les règles de l’art ne s’examinent et ne s’apprécient pas en vase clos.  Elles constituent des moyens pratiques et accrédités pour satisfaire des objectifs d’utilisation et de durabilité recherchés dans le cadre législatif.

[49]        Dans l’arrêt de la Cour d’appel du Québec Banque de Nouvelle-Écosse c. Raymond (1987) QCCA 294, le juge Bernier, au nom de la Cour, s’est exprimé comme suit :

« À cette fin, Préfab a fait entendre trois témoins : Ian Rosin, vérificateur pour Canadian Standards Association; Frank Middleton, un de ses employés; et Benoît Gagnon, un des copropriétaires et fondateurs de l’entreprise.

Les deux premiers moyens d’appel portent sur la gestion de la responsabilité.

Le premier, qui est le moyen principal, tel que rédigé par l’appelante se lit comme suit :

« Le juge de première instance a tenté par tous les moyens de rattacher vice de construction à condensation, alors que la preuve démontre l’absence de faute de l’appelante-mise-en-cause aux normes de construction. »

Cet énoncé comporte un sophisme de droit.  Ce n’est pas parce qu’un objet a été fabriqué suivant les normes de construction que l’acheteur ne pourra demander l’annulation de la vente, s’il s’avère qu’il est impropre à l’usage auquel il est destiné et pour lequel il a été acheté et vendu.  Ce que les intimés ont acheté, ce n’étaient pas des objets fabriqués conformément à certaines normes, mais ce qu’on leur a représenté comme étant des maisons mobiles et, partant, des bâtiments destinés à l’habitation.  »

En l’espèce, les propriétaires des unités du condominium, en particulier Mme Beauchamp, éprouvent et sont contraints de vivre dans des conditions qui les empêchent de jouir des lieux et d’utiliser de manière normale leurs unités.

[50]        L’Entrepreneur a une obligation de résultat selon laquelle l’immeuble qu’il construit est propre à son usage :

« [L’entrepreneur] doit être considéré comme un expert dans le domaine de la construction et, pour cette raison, il est généralement tenu à une obligation de résultat.

[…] il ne peut être exonéré de sa responsabilité en prouvant simplement qu’il a utilisé les moyens d’exécution raisonnables ou des méthodes de travail standard. [3]»

« L’absence de résultat fait présumer [s]a faute et donc sa responsabilité contractuelle si le dommage et le lien de causalité sont établis. [4]»

« Le contrôle d’évacuation et de captation des eaux de pluie doit nécessairement être prévu lors de la construction d’un bâtiment. [5]»

[51]    Ainsi, à notre avis, la Décision de l’Administrateur (Pièce A-11) relativement au Point 1 système de drainage du condominium est mal fondée.  Il y a présence de vices cachés au sens de l’Article 1726 du Code civil du Québec (ci-après C.c.Q.)[6] et du paragraphe 27(4) du Règlement[7].

[52]    Avec égard pour l’opinion contraire, nous n’acceptons pas la thèse voulant que l’origine du problème vécu par le Bénéficiaire et ses copropriétaires relève du système d’égout combiné (recevant des eaux pluviales et sanitaires).  Selon le témoignage de Jacques Rodrigue, ce système d’égout combiné fonctionne sans inconvénient et sans débordement pour leurs propriétés dans ce secteur au bénéfice des propriétaires dont les tuyaux d’évacuation des eaux usées sont raccordés à ce système.

[53]    Tous sont d’accord que l’eau qui déborde dans les unités du Bénéficiaire vient de la pluie et non des eaux sanitaires.  À notre avis, l’origine des débordements d’eau qui affectent le bâtiment du Bénéficiaire est l’absence de mesures adéquates pour contrôler le débit d’eau provenant du toit (les experts mentionnent beaucoup de mesures potentielles pour mieux contrôler le débit d’eau du toit, par exemple des régulateurs de débit d’eau sur le toit, la construction et la mise en place d’un regard d’égout à l’extérieur, l’élargissement du tuyau commun d’évacuation des eaux au sous-sol, un clapet anti-retour approprié installé au bon endroit et plusieurs autres) qui n’ont pas été prises par l’Entrepreneur.  Si des mesures adéquates avaient été prises, il n’y aurait pas de problème de débordement d’eau tout comme c’est le cas pour les propriétaires voisins raccordés au système d’égout unitaire.

[54]    Le Tribunal d’arbitrage rejette également l’argument de l’Entrepreneur selon lequel la Ville aurait dû lui conseiller de brancher l’évacuation des eaux pluviales à un conduit d’égout situé à une certaine distance de la propriété mais qui reçoit uniquement des eaux pluviales.  À notre avis, il relève de la responsabilité de l’Entrepreneur avec l’aide d’un ingénieur en mécanique, lorsque approprié, de poser les questions appropriées à la ville pour déterminer les options possibles afin de gérer l’évacuation des eaux usées et des eaux pluviales.  Il appert que l’Entrepreneur n’a pas fait des enquêtes adéquates à ce sujet.  Par ailleurs, à notre avis, l’Entrepreneur doit tenir compte de la configuration et de la situation des lieux, y compris l’inclinaison des terrains et le niveau de la rue, le niveau de la présence d’eau dans le sol, lorsqu’il planifie et assure l’efficacité d’un système d’évacuation des eaux usées dans un bâtiment qu’il projette de construire.

[55]    Différents travaux correctifs possibles sont suggérés par les experts des parties.  C’est possible que ces travaux doivent être réalisés en plus d’autres travaux à déterminer.  L’Entrepreneur a souvent répété à l’audition que s’il avait été informé de l’existence d’un égout dédié aux eaux pluviales à proximité du bâtiment, et ce, avant le branchement du tuyau des eaux usées du bâtiment, il aurait raccordé son tuyau de sortie substantiellement plus loin à cet égout dédié aux eaux pluviales et non au système d’égout combiné.  Est-ce que ces travaux, potentiellement couteux, restent une option si d’autres options suggérées ne fonctionnent pas?  Je répète qu’en général ce n’est pas le rôle du Tribunal d’arbitrage de déterminer et de dicter les méthodes techniques que l’Entrepreneur ou encore que l’Administrateur doivent suivre et réaliser.  Selon l’usage fréquemment suivi par les instances arbitrales en cette matière, l’Entrepreneur a le libre choix des moyens d’exécution des travaux correctifs (Article 2099 du C.c.Q.).  Il appartient donc à l’Entrepreneur de choisir la solution adéquate à mettre en place afin de régler définitivement le problème de drainage au condominium.  En revanche, l’Entrepreneur est tenu à une obligation de résultat (Article 2100 , alinéa 2 C.c.Q.).  L’Entrepreneur est tenu par la présente décision de réaliser les travaux correctifs requis pour assurer un système de drainage normal et fonctionnel aux unités de condominium du Bénéficiaire, c'est-à-dire qui ne déborde pas lors de fortes pluies.

m) Autres dommages réclamés

[56]    À part des travaux requis pour corriger le problème des débordements, le Bénéficiaire réclame les montants suivants :

a) Paiement de la franchise d’Intact pour le sinistre du 11 juillet 2009

1 000,00 $

b) Montant de la franchise Promutuel payée à Sinex Construction pour le sinistre du 11 juillet 2009

500,00 $

c) Frais de courrier pour envoi à la Garantie des maîtres bâtisseurs Inc. et au cabinet d’arbitrage, ainsi qu’au procureur

101,63 $

d) Copie des plans d’immeubles

25,00 $

e) Honoraires professionnels de l’ingénieur

942,73 $

f) LK Industries Matériels (crépine et main d’œuvre)

375,40 $

g) Frais d’avocats

3 986,62 $

h) Soumission de Sinex Construction pour les réparations suite au sinistre du 16 août 2010

20 338,32 $

Total :

27 269,70 $

 

[57]    Pour les chefs de dommages indiqués aux points a), b), c) d) et g), ce ne sont pas des montants qui peuvent être réclamés en vertu du cadre du Règlement.  Ils sont donc rejetés.  Pour le point c) (frais d’experts), nous en disposerons dans la prochaine section.  Pour le point f), le Bénéficiaire demande compensation pour l’installation de régulateurs de débit sur le toit.  Toutefois, aucune demande d’autorisation de procéder à des travaux intérimaires ou conservatoires n’a été faite préalablement au Tribunal d’arbitrage.  Par conséquent, bien que le Tribunal d’arbitrage sympathise avec la représentante du Bénéficiaire qui a tenté de trouver une solution au problème d’infiltrations d’eau, le tribunal ne peut accorder les montants réclamés à cet égard car la procédure appropriée n’a pas été suivie.

[58]    Pour le point h), il paraît s’agir d’une soumission pour des travaux correctifs requis suite aux dommages causés par des débordements d’eau passés.  L’existence de ces dommages a été confirmée dans la Décision de l’Administrateur (A-11) (p. 5 : « Le revêtement de plancher de bois est très endommagé »).  Sans entrer dans tous les détails de la soumission au point h), il est clair que les dommages causés au bâtiment du Bénéficiaire par les débordements d’eau doivent également être réparés par l’Entrepreneur et la présente Décision arbitrale comprendra une ordonnance à ce sujet par rapport aux travaux correctifs.

4.      FRAIS D’ARBITRAGE ET D’EXPERTISE

[59]    Considérant l’Article 123 du Règlement[8] et puisque le Bénéficiaire a eu gain de cause sur le point porté en arbitrage, les frais de l’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur.  De plus, en vertu de l’Article 124 du Règlement[9], l’Administrateur doit rembourser les frais d’expertise payés par le Bénéficiaire au montant de 942,73 $ (facture de CDGU, Bernard Lefebvre, ing.), le tout tel qu’il appert de la Pièce B-5.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

            ACCUEILLE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire;

 

            ORDONNE à l’Entrepreneur de réaliser les travaux nécessaires à l’immeuble et au bâtiment qui font l’objet de la présente demande d’arbitrage et de réparer les dommages causés par les multiples débordements d’eau aux parties communes et privatives du bâtiment mentionnées aux termes de la présente sentence dans les soixante (60) jours ouvrables de la réception de la présente sentence arbitrale afin de rectifier la situation relativement au système défaillant de drainage, et ce, conformément aux règles de l’art;

            Ces travaux correctifs incluent les travaux requis pour réparer tous les dommages aux planchers à la propriété du Bénéficiaire, suite aux débordements d’eau qui ont eu lieu.

 

À DÉFAUT par l’Entrepreneur de se conformer à l’ordonnance précédente, ORDONNE à l’Administrateur de procéder aux travaux correctifs requis, et ce, selon les règles de l’art;

 

CONDAMNE l’Administrateur à rembourser au Bénéficiaire la somme de neuf cent quarante deux dollars et soixante treize cents (942,73 $) à titre de frais d’expertise;

 

CONDAMNE l’Administrateur à payer les frais d’arbitrage.        

 

(s) Me Jeffrey Edwards

 

Me Jeffrey Edwards, arbitre

Copie conforme

 

 

___________________________

Me Jeffrey Edwards, arbitre



[1] Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, R.R.Q., c. B.1.1., r.0.2. (ci-après le « Règlement »)

[2] Banque de Nouvelle-Écosse c. Raymond, J.E. 87-299 (C.A.); Fortin c. Deschênes, J.E. 2001-204 (C.Q.); Groupe Commerce (Le), compagnie d’assurances c. New Holland Canada Ltée, J.E. 2004-467 (C.Q.); Doucet c. Golding, REJB-69391 (C.Q.); Voir J. Edwards, La garantie de qualité du vendeur en droit québécois, 2e édition, Montréal, Wilson & Lafleur, p. 152, no. 328.

[3] Forage Marathon Cie c. Doncar Construction Inc., J.E. 2001-848 (C.S.), par. 42 et 43.

[4] Jean-Louis Beaudouin et al., La responsabilité civile, Vol. 1, 7e éd., Éditions Yvon Blais, 2007, par. 1-1251.

[5] Construction R. Cloutier Inc. c. Entreprises C.J.S. Inc., EYB 2007-114918 (C.S.), par. 232.

[6] Article 1726 du C.c.Q. : Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.  Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

[7] Article 27(4) du Règlement : La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:  la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil.

[8] Article 123 du Règlement : Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur.

[9] Article 124 du Règlement : L'arbitre doit statuer, s'il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d'expertises pertinentes que l'administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.