TRIBUNAL D’ARBITRAGE
Sous l’égide de
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)
CANADIAN COMMERCIAL ARBITRATION CENTRE (CCAC)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment
ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Canada
Province de Québec
Dossier no: S11-101301-NP
Les Condos du Lac Taureau PHASE I
Demandeur
c.
9153-2986 Québec inc.
Défenderesse
et
LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.
Administrateur
________________________________________________________________
DÉCISION ARBITRALE
________________________________________________________________
Arbitre : Me Jean Philippe Ewart
Pour le Bénéficiaire: M. Patrick Joly, président
Me Pierre Olivier Baillargeon
deveau, bourgeois, gagné, hébert & ass.
Pour l’Entrepreneur: M. Mario Gouin, président
Me Dominique Zaurrini
zaurrini avocats
Pour l’Administrateur: Me Avelino de Andrade
la garantie habitation du québec inc.
Dates de l’audition: 15 mars 2012 et 24 mai 2012
Date de la Décision: 8 août 2012
Identification des Parties
BÉNÉFICIAIRE : CONDOS DU LAC TAUREAU PHASE I
1200, Chemin Baie du Milieu
Saint Michel des Saints (Qc) J0K3B0
(le « Bénéficiaire»)
entrepreneur: 9153-2986 québec inc.
1200, Chemin Baie du Milieu
Saint Michel des Saints (Qc) J0K3B0
(« l’Entrepreneur »)
ADMINISTRATEUR: LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.
7400, boul. des Galeries d’Anjou, bureau 200
Anjou (Qc) H1M 3M2
(«l’Administrateur»)
Introduction
Mandat et Juridiction
Litige
Pièces
Déroulement de l’instance
Chronologie de l’Arbitrage
Objection Déclinatoire
Objection Déclinatoire - Administrateur et Entrepreneur
Décision arbitrale intérimaire sur Requête du Bénéficiaire au déclinatoire
Faits Pertinents
Les Parties et autres intervenants
La Réclamation et le système de distribution
Chronologie du ‘problème’
Prétentions et Plaidoiries - Moyens Déclinatoires
Le Bénéficiaire / L’Administrateur / L’Entrepreneur
Analyse et Motifs
En tout premier lieu
Questions sous étude
Avis et Délais de dénonciation.
Couverture et Nature du vice
Point de départ du délai ~ Découverte.
Le Règlement
Délai de dénonciation - Dispositions applicables du Règlement
Nature de l’Avis de dénonciation et du Délai.
Caractère du vice
Point de départ du délai de dénonciation
Notions de prescription et autres éléments à considérer.
La « découverte ».
Dénonciation
Dénonciation - Objectifs et Contenu
Dénonciation - Identifier la cause
Dénonciation - Identifier la cause vs la présomption de connaissance
Conclusions
Introduction
[1] L’Entrepreneur, 9153-2986 Québec inc., est identifié en certaines circonstances sous la dénomination (et f.a.s.n.) de ‘Les Condos du Lac Taureau’.
[2] Le bâtiment visé est une copropriété de 29 unités de condominium dans le cadre du site et sous l’exploitation de l’Auberge du Lac Taureau (9096-0733 Québec Inc.) (« l’Auberge »). L’Auberge est le gestionnaire de ce projet condo-hôtelier où l’occupation des unités de condominium, sauf utilisation personnelle par les copropriétaires, est allouée aux clients de l’Auberge.
[3] Les réclamations du Bénéficiaire auprès de l’Administrateur visaient divers vices ou malfaçons allégués, incluant un problème au système de distribution d’eau fournissant les unités de condominium qui est la seule réclamation soulevée par la demande d’arbitrage du Bénéficiaire qui fait l’objet des présentes (« Réclamation »). L’Administrateur rejette la Réclamation.
[4] Il a été déterminé de pourvoir à une première phase d’enquête et audition et de décision arbitrale écrite sur les objections préliminaires déclinatoires présentées par l’Administrateur et l’Entrepreneur respectivement alléguant que les vices allégués ont été dénoncés hors des délais de dénonciation prévus au Règlement.
Mandat et Juridiction
[5] Le Tribunal est saisi du dossier par nomination du soussigné le 21 octobre 2011. Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n’a été soulevée par les parties et juridiction du Tribunal est alors confirmée.
Litige
[6] Le litige est un recours qui découle d'une décision de l'Administrateur en date du 26 septembre 2011 (dossier No 39864) (la «Décision»), avec demande d’arbitrage en date du 13 octobre 2011 soumise au Centre canadien d’arbitrage commercial (CCAC) («Centre») sous l’égide du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r.02) (le «Règlement») adopté en conformité de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1.1).
[7] La demande d’arbitrage fait suite à une réclamation dans le cadre de la garantie prévue au Règlement (la « Garantie » ou le « Plan ») sous la plume des procureurs du Bénéficiaire reçue selon la Décision le 21 juillet 2011, mais dont dénonciation selon la preuve soumise au cahier de l’Administrateur a été transmise et la Réclamation dénoncée à l’Administrateur par correspondance des procureurs du Bénéficiaire adressée en date du 1er février 2010 à l’Administrateur (pièce avec estampille de l’Administrateur) et à l’Entrepreneur (pièce A-4).
[8] La Décision détermine que la Réclamation est rejetée car (i) le vice allégué a été dénoncé hors des délais de dénonciation prévus au Règlement et (ii) selon le libellé de la Décision, le vice allégué « …n’a pas été dénoncé par écrit … dans les trois (3) ans suivant la réception des parties communes » et l’Administrateur doit se « … prononcer dans le cadre d’un vice de construction au sens de l’article 2118 du Code civil du Québec » concluant que le vice « … ne peut être considéré comme un vice de construction pouvant entraîner la perte partielle ou totale de l’immeuble.»
[9] L’Administrateur et l’Entrepreneur soumettent respectivement par requêtes préliminaires déclinatoires que la dénonciation du vice allégué à la Réclamation a été effectuée postérieurement au délai de dénonciation prévu au Règlement et requièrent conséquemment le rejet de la demande du Bénéficiaire.
[10] Prenant en considération les représentations des procureurs des Parties, le Tribunal a déterminé approprié de pourvoir à une décision écrite sur cette objection préalablement à une enquête et audition au fond sur la Réclamation et c’est cette contestation qui est le sujet des présentes.
Pièces
[11] Les Pièces contenues aux Cahiers de l’Administrateur et celles déposées par celui-ci par la suite et dont référence sera faite aux présentes sont identifiées comme A- avec sous-numérotation équivalente à l’onglet applicable au Cahier visé ou selon l’ordre de leur dépôt subséquent; les Pièces déposées par le Bénéficiaire sont identifiées comme B- et celles par l’Entrepreneur ont reçu la cote E-.
Déroulement de l’instance
[12] L’Administrateur a signifié une mise en demeure de reconnaître la véracité ou l’exactitude d’une pièce (art. 403 C.p.c.) sous cotes subséquentes de A-7 à A-21, le procureur du Bénéficiaire pourvoyant par la suite à un affidavit négatoire quant à chacune de ces pièces. L’Administrateur a par la suite requis émission d’un bref de subpoena duces tecum à Mme B. Lavoie relativement aux pièces A-11 à A-21.
[13] Lors de l’audition, le procureur du Bénéficiaire a avisé ne pas s’opposer au dépôt des pièces A-11 à A-22 et confirmer celles-ci quant à véracité et exactitude.
[14] L’audition tenue le 15 mars 2012 est continuée de consentement au 24 mai 2012, tenant compte des agendas respectifs des procureurs.
Chronologie de l’Arbitrage
[15] La chronologie qui suit est un extrait des éléments au dossier pertinents pour cadrer les éléments administratifs de la Décision, de la Réclamation et de l’arbitrage :
2007.05.30 Procès verbal de la première assemblée annuelle des co-propriétaires du Bénéficiaire (Pièce A-22).
2007.07.13 Formulaire d’inspection préréception (parties communes) et Déclaration de réception des parties communes du bâtiment (Pièce A-3).
2010.02.01 Dénonciation à l’Entrepreneur et à l’Administrateur datée du 1er février 2010 (Pièce A-4).
2011.07.20 Lettre de réclamations du procureur du Bénéficiaire à l’Entrepreneur et l’Administrateur (Pièce A-6).
2011.09.26 Décision de l’Administrateur.
2011.10.13 Demande d’arbitrage par le Bénéficiaire.
2011.10.21 Notification par le Centre et Nomination de l’arbitre.
2011.12.02 Appel-conférence préparatoire (et sommaire aux Parties).
2012.01.24 Mise en demeure de l’Administrateur de reconnaître véracité et exactitude (art. 403 C.p.c.).
2012.01.31 Affidavit négatoire du procureur du Bénéficiaire
(art. 403 C.p.c.).
2011.02.01 Appel-conférence préparatoire (et Sommaire aux Parties.)
2012.02.03 Signification de subpoena à Mme Lavoie.
2012.03.15 Enquête et audition; continuée au 24 mai 2012.
2012.05.24 Enquête et audition.
Objection Déclinatoire
Objection Déclinatoire - Administrateur et Entrepreneur
[16] L’Administrateur et l’Entrepreneur soumettent respectivement que la dénonciation du vice allégué à la Réclamation a été effectuée postérieurement au délai de dénonciation prévu à l’article 27 du Règlement pour ce faire, soit un maximum de 6 mois de la découverte du vice allégué, et que ce délai est de déchéance, et requiert le rejet des demandes des Bénéficiaires. Suite à représentations, les procureurs confirment qu’il est approprié dans les circonstances de pourvoir à une enquête et audition dans un premier temps uniquement sur ce moyen déclinatoire.
Décision arbitrale intérimaire sur Requête du Bénéficiaire au déclinatoire
[17] L’Administrateur avise en conférence préparatoire qu’il soulèvera par moyen préliminaire déclinatoire la non-recevabilité du recours du Bénéficiaire pour cause de non-dénonciation à l’Administrateur dans le délai prévu pour ce faire au Règlement; par la suite, le procureur de l’Entrepreneur comparait pour celui-ci et avise subséquemment qu’il présentera une requête aux mêmes conclusions essentiellement selon les mêmes termes; le procureur du Bénéficiaire requiert alors que ces requêtes soient par écrit, le Tribunal a rendu sur cette requête du Bénéficiaire la décision intérimaire suivante :
[1] Le procureur du Bénéficiaire a demandé que la requête déclinatoire de l’Administrateur détaillée lors de la conférence préparatoire du 1er février 2012 soit soumise par écrit. Cette demande fait suite par échanges courriel d’une indication du procureur de l’Entrepreneur qu’il entend présenter une requête pour moyen déclinatoire « …qui reprendra essentiellement les mêmes termes… » de la requête de l’Administrateur.
[2] Considérant que le moyen préliminaire déclinatoire de l’Administrateur a été clairement circonscrit quant à la non recevabilité du recours du Bénéficiaire pour cause de non dénonciation à l’Administrateur dans le délai prévu pour ce faire au Règlement et plus particulièrement à l’article 27(4) de celui-ci, tel qu’indiqué, et que certains des concepts sous-jacents ont même été discutés lors de ladite conférence préparatoire;
[3] Considérant que l’Administrateur a identifié que les éléments principaux de sa preuve documentaire à ce sujet sont déposés, incluant sous la mise en demeure par signification (403 Cpc);
[4] Considérant l’ordonnance que toute preuve documentaire d’une partie soit transmise et déposée, avec inventaire de pièces, le ou avant le 24 février 2012 (pourvue au para. 14 du sommaire de la conférence préparatoire du 1er février 2012);
[5] Et considérant que le procureur de l’Entrepreneur a avisé, à juste titre, qu’il désire aussi procéder sur une telle requête informant que ceci sera sur le même sujet;
[6] Le Tribunal ne considère pas opportun ou nécessaire que ces requêtes soient soumises par écrit; la cause allégué et identifiée est spécifique et l’Administrateur a même souligné certains des éléments spécifiques de sa preuve documentaire.
Frais à suivre.
Faits Pertinents
Les Parties et autres intervenants
[18] Le Bénéficiaire, ‘Condos du Lac Taureau Phase 1’, est un syndicat de copropriété immatriculé le 10 août 2007. Le Bâtiment est une copropriété divise et comporte vingt-neuf (29) unités de condominium sur cinq (5) étages.
[19] L’Entrepreneur, 9153-2986 Québec Inc., constitué en date du 15 mars 2005, fait affaire et est mieux connu selon la preuve sous la dénomination ‘Les Condos du Lac Taureau’.
[20] L’enquête et audition souligne que l’actionnariat de l’Entrepreneur est constitué entre autre de personnes qui directement ou indirectement sont actionnaires de l’Auberge (incluant par l’entremise d’une Société de Placement en Entreprise du Québec (‘SPEQ’) qui regroupait initialement 49 investisseurs de la région - avec des participations de pourcentages différents) et sont aussi des copropriétaires du Bénéficiaire, dans certains cas impliqués dans l’administration du Bénéficiaire, et actionnaires, dirigeants et/ou administrateurs de l’Entrepreneur et de l’Auberge, exploitant para-hôtelier d’une majorité d’unités du Bâtiment.
[21] Cette situation factuelle a été considérée par le Tribunal, tenant compte dans les circonstances qu’il est opportun d’identifier le point de départ du délai de dénonciation visé par l’objection déclinatoire, qui emporte une détermination de la connaissance du vice, de sa découverte, qui est alors certes celle des personnes morales impliquées, mais qui peut se cristalliser par la connaissance des personnes physiques représentantes desdites personnes morales. En bref, il ne pouvait être initialement écarté que le moment de la découverte, de la connaissance du vice par le Bénéficiaire soit rattaché au moment applicable à l’Entrepreneur ou à celui de l’Auberge qui opère le site et sont les premiers intervenants des problèmes qui peuvent survenir au Bâtiment (versus suite seulement à une communication circonstanciée par ceux-ci ou par la voie d’un élément factuel externe (rapport ou inspection, etc…)).
La Réclamation et le système de distribution
[22] La Décision indique une date de réception des parties communes au 30 mai 2007 alors que la preuve soumise au cahier de l’Administrateur au ‘Formulaire d’inspection préréception’ à la rubrique ‘Déclaration de réception des parties communes du bâtiment’ indique, sous signature de S. Grégoire, ingénieur, une date du 13 juillet 2007 avec réception ‘avec réserve’, et sous signature pour le Bénéficiaire par Réjean Gouin.
[23] En sommaire (pour nos fins à ce stade des procédures), le Bénéficiaire prétend qu’il faut beaucoup de temps avant d’avoir de l’eau chaude dans une unité après avoir ouvert un robinet, et que d’autre part, l’eau froide arrive très chaude avant de refroidir (même dans les cuves d’aisance selon certains témoignages).
[24] Un rapport de la firme ‘Expertise en bâtiments Champagne Inc.’ daté du 17 mai 2011 (« Rapport Champagne ») (en annexe de la pièce A-6) a été mandaté par et présenté au Bénéficiaire. Copie a été remise à l’Administrateur qui reproduit et intègre à la Décision des extraits significatifs du Rapport Champagne pour chaque point de réclamation, et plus particulièrement pour la Réclamation, les observations, photos couleur, tests effectués et résultats ainsi que les observations des rédacteurs (point 4 - Chauffage de l’eau).
[25] L’Administrateur confirme à la Décision que lors de son inspection il a constaté la situation décrite au Rapport Champagne.
[26] Le Bénéficiaire et le Rapport Champagne identifient que deux réservoirs d’eau chauffée au gaz sont installés dans la chambre électrique au niveau de l’entresol et fournissent l’eau chaude pour les 29 unités. On y indique, photos à l’appui, que le réseau de distribution est divisé en 14 lignes d’eau chaude et 14 lignes d’eau froide qui partent de la chambre électrique sous la dalle de sol.
[27] Afin d’illustrer le positionnement du réseau, mentionnons que le Rapport Champagne souligne entre autre que « … la distance de conduite entre les chauffe-eau et l’équipement de plomberie le plus éloigné est de près de 120 pieds. » et « Les travaux de réhabilitation du réseau impliquent donc l’ouverture de tous les murs et le bris de toutes les dalles où passent les conduits … ».
Chronologie du ‘problème’
[28] La chronologie qui suit résume certains des éléments principaux reliés à l’identification du problème, du vice allégué, sujet à des détails sous notre rubrique ‘Analyse et Motifs’ ci-dessous.
[29] 2007.05.30. ‘Assemblée générale annuelle des co-propriétaires des Condos du Lac Taureau (déclaration sous-jacente) et des co-propriétaires des Condos du Lac Taureau Phase I’ tel qu’intitulé au procès-verbal (Pièce A-22).
[30] 2007.05.31. confirmation signée par M. St-Arnaud et P.L. Trempe (physicien, et témoin à l’enquête) datée du 10 janvier 2007 (Pièce A-9 en liasse), et confirmation signée par C. Villeneuve et R. Villeneuve (notaire, et témoin à l’enquête) datée du 31 mai 2007 (Pièce A-10 en liasse) accompagnant respectivement un formulaire pré-imprimé de l’Administrateur intitulé ‘Avis de fin des travaux des parties communes’ signés par l’Entrepreneur, mais non daté dans le cas de la pièce A-9 et daté du 31 mai 2007 dans le cas de la pièce A-10, d’avoir pris connaissance dudit avis respectivement, confirmant une date d’avis de fin des travaux à tout le moins au 31 mai 2007.
[31] 2007.05.31 / 2008.02.26. Formulaires d’inspection préréception (partie privative) déposés en preuve.
[32] 2007.07.13. Le ‘formulaire d’inspection préréception (parties communes) et déclaration de réception des parties communes du bâtiment’, est signé par Sylvain Grégoire, ing. ‘avec réserve’, indiquant une date de fin des travaux prévue au 15 août 2007 (Pièce A-3).
[33] 2008.03.30. ‘Assemblée générale annuelle du Syndicat de Location’ tel qu’intitulé au procès-verbal (Pièce A-11).
[34] 2008.11.09. ‘Assemblée des copropriétaires des Condos du Lac Taureau, phase 1’ tel qu’intitulé au procès-verbal (Pièce A-12).
[35] 2009.12.10. Une rencontre est tenue entre P.L. Trempe (identifié comme auteur du compte rendu), M. Champagne, C. Lamarche et B. De Valicourt, d’une part, de M. Mélançon (plombier de la firme Plomberie MSM (« Plomberie MSM »)), R. Saint-Georges (identifié comme ‘responsable de l’entretien’), et de Mario Gouin (avec note de présence ‘à la toute fin’), et un compte rendu de rencontre est pourvu avec P.L. Trempe identifié comme auteur de celui-ci intitulé ‘Dossier eau chaude/eau froide - Compte-rendu - Rencontre avec l’entrepreneur en plomberie responsable des travaux dans les condos’ (Pièce A-5).
[36] 2010.02.01. Lettre des procureurs du Bénéficiaire à l’Administrateur et à l’Entrepreneur (Pièce A-4) qui pourvoient à l’ouverture d’un dossier de réclamation auprès de l’Administrateur et avisent être informés :
« …d’un problème récurent lié à l’absence d’eau froide et/ou variation de la température de l’eau froide pourrait être causé, selon un avis de décembre 2009, par le sous terre de plomberie déficient ou encore non conforme qui provoquerait le réchauffement des conduites principales d’eau froide par le conduit d’eau chaude. »
[37] 2011.05.17. Le Rapport Champagne.
[38] 2011.07.20. Lettre de mise en demeure des procureurs du Bénéficiaire adressée à l’Entrepreneur, l’Administrateur et Plomberie MSM (Pièce A-6) avec transmission sous pli du Rapport Champagne, soulignant que la problématique à leur lettre du 1er février 2010 (Pièce A-4) n’est pas résolue, l’Entrepreneur n’ayant procédé à aucuns travaux correctifs, et avisant d’une série de déficiences additionnelles contenue au Rapport Champagne.
[39] 2011.07.25. Date de réclamation écrite identifiée à la Décision.
[40] 2011.08.18. Visite des lieux par inter alia l’Administrateur pour fins de la Décision.
Prétentions et Plaidoiries - Moyens Déclinatoires
Le Bénéficiaire
[41] Dans le cadre de la Réclamation, tant à l’inversion de températures que des délais d’obtention de l’eau chaude et de l’eau froide, le Bénéficiaire, supporté par les constatations ou commentaires du Rapport Champagne, prétend et allègue que le réseau d’eau chaude aurait dû être configuré différemment et que le réseau d’eau potable n’a pas entre autre été installé en respectant des distances suffisantes entre les conduites afin de prévenir les transferts thermiques entre l’eau chaude et l’eau froide.
[42] On note donc selon le Tribunal une prétention (i) de vice de conception lorsque l’on identifie des questions de configuration ou que l’on propose comme une des alternatives de solution de supprimer le système central de chauffage et (ii) de vice de construction lorsque l’on propose le bris entre autre des dalles afin d’isoler les conduits les uns des autres.
[43] Le Bénéficiaire plaide que c’est à l’intérieur du délai de six mois de sa dénonciation à l’Administrateur qu’il a pris connaissance du vice et que conséquemment cette dénonciation respecte le délai requis.
L’Administrateur
[44] Le procureur de l’Administrateur soumet d’une part la non-recevabilité du recours du Bénéficiaire contre l’Administrateur pour cause de non-dénonciation à l’Administrateur dans les délais prévus pour ce faire au Règlement, soit dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de, selon le caractère du vice, sa découverte ou survenance ou, en cas de vices ou de pertes graduels, de leur première manifestation.
[45] L’Administrateur soutient que le délai de six (6) mois est un délai de déchéance, et que celui-ci court de la connaissance du vice.
L’Entrepreneur
[46] Le procureur de l’Entrepreneur fait sien le moyen déclinatoire présenté par l’Administrateur et soumet des arguments complémentaires à ceux soumis par l’Administrateur.
Analyse et Motifs
En tout premier lieu
[47] En tout premier lieu, et avant même de s’adresser aux questions soulevées par les procureurs dans cette affaire, de courtes notes sur le contenu de la Décision sous arbitrage.
[48] La Décision, en date du 26 septembre 2011, utilise le Rapport Champagne et intègre la totalité du point au Rapport Champagne qui vise la Réclamation, incluant (i) la demande de vérification des copropriétaires, (ii) la description et photos du réseau de distribution, (iii) la description et graphiques des tests effectués, et (iv) les solutions et commentaires de la firme auteur du rapport.
[49] Dans les circonstances, il est opportun de reproduire la totalité du texte de la Décision sur ce point, afin par la suite d’analyser celle-ci :
« eau chaude dans les unité[e]s sic.
Lors de notre inspection, nous avons constaté la situation.
De plus, selon les dires du représentant du syndicat, la situation varie selon l’achalandage et l’occupation des condos. Rien à l’intérieur des normes en vigueur, n’indique la température que l’eau froide doit avoir. Compte tenu que la situation est présente depuis la prise de possession, La Garantie Qualité-Habitation se doit de statuer de la façon suivante :
Tel que stipulé aux articles 10.3 10.4 et 10.5 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments neufs, les situations décrites doivent être dénoncées par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte des vices et des malfaçons.
Le point 4 n’ayant pas été dénoncé par écrit à l’entrepreneur et à La Garantie Qualité-Habitation dans les 3 ans suivant la réception des parties communes, nous devons nous prononcer dans le cadre d’un vice de construction au sens de l’article 2118 du Code civil du Québec (article 6.4.2.5 du texte de garantie).
Or, selon ce qu’il nous a été possible de constater lors de notre inspection, ce point ne peut être considéré comme un vice de construction pouvant entraîner la perte partielle ou totale de l’immeuble.
Par conséquent, La Garantie Qualité-Habitation ne peut reconnaître ce point dans le cadre de son mandat. »
[50] Le Tribunal note plus particulièrement que l’Administrateur stipule à la Décision, sans autre motif ou élément factuel:
(i) que la situation est présente depuis la prise de possession,
(ii) que le Règlement requiert que les situations décrites doivent être dénoncées à l’Entrepreneur et l’Administrateur dans un délai qui ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices et des malfaçons,
(iii) que ce point n’a pas été dénoncé par écrit dans les trois ans suivant la réception des parties communes et que l’Administrateur doit se prononcer dans le cadre d’un vice de construction au sens de 2118 C.c.Q., et parce que ce point ne peut être considéré comme pouvant entraîner la perte partielle ou totale de l’immeuble,
et l’Administrateur termine en concluant qu’en conséquence il ne peut reconnaître ce point (ndlr : i.e. vice au système de distribution) dans le cadre de son mandat.
[51] Cette approche et déterminations par l’Administrateur amènent le Tribunal à souligner ce qui semble des carences significatives dans les circonstances (et en obiter de façon générale).
[52] L’Administrateur se doit, dans le cadre du Règlement, de motiver les éléments d’une décision et de l’encadrer des éléments factuels et de droit requis pour arriver à ses conclusions; il ne peut par exemple, tel qu’aux présentes, stipuler sans aucun appui, témoignage ou fait générateur, une conclusion telle : « …la situation est présente depuis la prise de possession… », sans aucune explication, référence aux faits ou élément d’appui.
[53] De même, de stipuler un énoncé général tel celui du délai de dénonciation et de ne pas appuyer celui-ci (i) d’une preuve soit documentaire ou autre, et (ii) par la suite d’aucun élément spécifique de sa détermination d’un point de départ dudit délai (de la découverte), et dans le cas de la Décision, de ne pas même indiquer quelle est la conséquence que cette stipulation emporte, ne permet certes pas aux personnes dont les droits sont affectés d’en saisir les motifs applicables. (nos soulignés)
[54] De même, de citer l’article 2118 C.c.Q. et de ne prévoir que le vice de construction et la caractéristique généralisée de perte de l’immeuble, ne couvre pas l’ensemble des dispositions applicables, soit, par exemple prima facie aux circonstances (sans même soulever la question de vice caché) le vice de conception (relevé d’ailleurs spécifiquement par les procureurs du Bénéficiaire dans leur demande de réclamation).
[55] D’autre part, le dossier de l’Administrateur préalablement à l’arbitrage comprenait une dénonciation et réclamation dès le 1er février 2010, alors que la Décision ne reflète qu’une dénonciation datée du 25 juillet 2011, un oubli sérieux dans le traitement d’une réclamation (et quoi que cela ne soit pas le critère d’évaluation, d’un montant potentiel de plusieurs centaines de milliers de dollars) et encore plus, lorsque l’on porte le refus de cette réclamation sur le non respect du délai de dénonciation.
[56] Finalement, la preuve au dossier du Tribunal identifie une date de fin des travaux soit du 31 mai 2007 (sous la signature de l’Entrepreneur à un avis de fin des travaux, confirmé par contre-signature de co-propriétaires) ou au 15 août 2007 selon la note de l’ingénieur à la déclaration de réception des parties communes du bâtiment et une date de réception des parties communes, avec réserve, au 13 juillet 2007; (ndlr : de plus, et quoique non requis pour nos commentaires ci-dessous, il n’est d’ailleurs fait aucun cas à la Décision que cette réception est faite avec réserve).
[57] Dans des circonstances d’une réception en juillet 2007, la dénonciation du 1er février 2010 contredit clairement selon le Tribunal le libellé de la Décision que le vice allégué « …n’a pas été dénoncé par écrit … dans les trois (3) ans suivant la réception des parties communes », point d’assise de celle-ci quant à l’approche de ne considérer qu’une vice de construction en conformité de l’article 2118 C.c.Q.
[58] Qu’il suffise de dire que, selon le Tribunal, ce n’est pas uniquement par le simple passage du temps que l’on détermine la couverture du Plan; ne faut-il pas entre autre aussi (i) s’assurer de la réception des parties communes en conformité du Règlement (dans ce cas signée par Mario Gouin pour l’Entrepreneur et par Réjean Gouin pour le compte du Bénéficiaire alors que (i) celui-ci est actionnaire de l’Entrepreneur dans un groupe qui, avec Mario Gouin, le contrôle (groupe qui contrôle d’ailleurs l’Auberge) - le Tribunal se devant de tenir toutefois compte de la preuve non-contredite qui indique que Réjean Gouin a été élu au conseil d’administration du Bénéficiaire le 30 mai 2007) et (ii) si requis, de l’envoi et de la réception d’un avis de fin des travaux en conformité du Règlement (selon la date de début de construction du bâtiment).
Questions sous étude
[59] Dans le cadre de l’objection déclinatoire aux présentes, il est nécessaire de déterminer si la dénonciation a été pourvue dans le délai applicable et donc nécessaire de déterminer plus particulièrement les éléments suivants :
[59.1] Avis et Délais de dénonciation. Quelle est la nature de l'avis et des délais de dénonciation prévus et les conséquences afférentes.
[59.2] Couverture et Nature du vice. Quelles dispositions de la couverture disponible, s’il en est, sont applicables. En effet, les paramètres pour fixer la notion de découverte ou de survenance ne sont pas identiques en certaines circonstances selon le type de vice (quoique la mécanique du délai soit de rédaction similaire).
[59.3] Point de départ du délai ~ Découverte. Il nous faut fixer le point de départ du délai, et dans les circonstances, tenant compte des plaidoiries, déterminer dans ce cadre si la notion de découverte applicable requiert (et pour les fins du contenu d’une dénonciation au sens du Règlement) que soit identifié la cause spécifique du vice allégué.
Le Règlement
[60] Le Tribunal s’appuie pour les présentes que le Règlement est d’ordre public et prévoit que toute disposition d’un plan de garantie qui est inconciliable avec le Règlement est nulle[1]. La décision arbitrale est finale et sans appel et lie les parties dès qu’elle est rendue[2].
Délai de dénonciation - Dispositions applicables du Règlement
[61] Les délais de dénonciation prévus au Règlement pour bâtiments détenus en copropriété divise, que ce soit pour malfaçons non apparentes, vices cachés ou vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, se lisent sensiblement de la même manière, plus particulièrement :
« 27. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
{….}
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;
5° la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux des parties communes ou, lorsqu’il n’y a pas de parties communes faisant partie du bâtiment, de la partie privative et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation. »[3]
Nos soulignés.
[62] Le Tribunal note d’autre part l’article 34 al.1 du Règlement :
« 34. La procédure suivante s'applique à toute réclamation fondée sur la garantie prévue à l'article 27:
1° dans le délai de garantie d'un, 3 ou 5 ans selon le cas, le bénéficiaire dénonce par écrit à l'entrepreneur le défaut de construction constaté et transmet une copie de cette dénonciation à l'administrateur en vue d'interrompre la prescription »[4]
Nature de l’Avis de dénonciation et du Délai.
[63] Qu’elle est la nature de l'avis de dénonciation prévu à l’article 27 du Règlement [5]? Cet article requiert une dénonciation par écrit.
[64] En effet, les auteurs considèrent cet avis assujetti aux dispositions de l'art. 1595 C.c.Q. qui requiert que l'avis soit par écrit, et la jurisprudence[6] et la doctrine[7], contrairement à certains autres cas de demandes extra judiciaires, considèrent que cet avis se doit d'être par écrit, est impératif et de nature essentielle.
[65] Le Tribunal souligne diverses décisions récentes rendues par le soussigné[8] de même que sous la plume de différents arbitres[9] à l’effet que le délai maximum de six (6) mois prévu pour fins de dénonciation aux paragraphes 3e, 4e et 5e respectivement de l’article 27 du Règlement (de même que sous l’article 10 au même effet) est de rigueur et de déchéance et ne peut conséquemment être sujet à extension, et si ce délai n’est pas respecté, le droit d’un bénéficiaire à la couverture du plan de garantie visé et au droit à l’arbitrage qui peut en découler sont respectivement éteints, forclos et ne peuvent être exercés.
Caractère du vice
[66] Dans certaines circonstances, le Tribunal se doit d’étudier le caractère du vice soulevé afin de déterminer quelle disposition du Plan trouve application, s’il en est. En effet, la jurisprudence et la doctrine ont fixé des paramètres différents à certains des critères que l’on retrouve visés aux différents alinéas de l’article 27 du Règlement, tels inter alia, selon le cas, à la découverte, la gravité et l’étendue, la perte, le caractère ponctuel ou graduel, la première manifestation d’un vice graduel, ou à la simultanéité ou non-simultanéité de la faute et du dommage.
[67] Tenant compte de la preuve, le Tribunal détermine que le vice allégué aux présentes n’est pas un vice qui est apparu ou s’est manifesté graduellement; le préjudice subi est ponctuel, ses diverses manifestations découlent de la même source. Notons d’autre part que l’allégué du Bénéficiaire d’un préjudice graduel lors des témoignages de certains co-propriétaires qu’ils découvrent le problème de façon graduelle, car chacun n’a pas fait une constatation dans son unité au même moment, ne représente pas les critères retenus pour déterminer une manifestation graduelle, progressive du dommage.
[68] Un vice de conception ou de construction peut s’intégrer à la définition de vice caché, quoique le terme « vice » ne corresponde pas à la même notion juridique; le vice de 1726 C.c.Q. est fondé sur l’usage du bien alors que celui de 2118 C.c.Q. est évalué par rapport à la perte physique du bien. Quoique non nécessaire afin de disposer de l’objection déclinatoire aux présentes, notons que la notion de perte de 2118 C.c.Q. peut recevoir une interprétation libérale où un défaut qui, en raison de sa gravité, limite substantiellement l’utilisation où la destination normale de l’ouvrage peut donner ouverture au recours, s’étendant sur tout dommage sérieux subi par l’ouvrage et que, tel que le soulignent les auteurs[10] tels T. Rousseau-Houle. J.C.A. dans Les contrats de construction en droit public & privé [11] et plus particulièrement J.L. Baudouin J.C.A. qui écrit (La responsabilité civile (5e), Cowansville, Yvon Blais, 1998, au no. 1631):
« La jurisprudence a donné une interprétation large à la notion de perte en l’appréciant par rapport à la destination et à l’utilisation prospective de l’ouvrage. Constitue donc une perte toute défectuosité grave qui entraîne un inconvénient sérieux et rend l’ouvrage impropre à sa destination. En d’autres termes, le défaut qui, en raison de sa gravité, limite substantiellement l’utilisation normale de l’ouvrage entraîne une perte qui autorise la mise en œuvre du régime. » (nos soulignés)
[69] Tenant compte d’une dénonciation en date du 1er février 2010 avec réception des parties communes considérée selon la preuve devant nous au 13 juillet 2007, nous sommes donc sous étude d’une application de l’article 27 (4) du Règlement, référant à la garantie de qualité au Code civil, soit :
« 1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert. »
et requérant dénonciation dans les six (6) mois de sa découverte au sens de :
« 1739. L'acheteur qui constate que le bien est atteint d'un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l'acheteur a pu en soupçonner la gravité et l'étendue.» (nos soulignés)
Point de départ du délai de dénonciation
Notions de prescription et autres éléments à considérer.
[70] On se doit de déterminer un point de départ du délai, de cette connaissance de la découverte. Quoique ce délai relève, selon le Tribunal,
dans certaines de ses caractéristiques d’un point de départ de prescription, et dans les cas d’une prescription dite «extinctive», soit un moyen qui permet à une partie de se libérer par l'écoulement du temps et aux conditions déterminées par la loi (art. 2875 C.c.Q), les principes sous-jacents de la prescription sont un guide utile pour les déterminations requises mais ne s’appliquent pas exclusivement et intégralement au concept de dénonciation sous étude. Il s’agit pour le Tribunal de déterminer le point de départ de la prescription, donc de déterminer le jour où le droit d'action a pris naissance (art. 2880 al. 2 C.c.Q.). (nos soulignés)
[71] La dénonciation au sens de l’article 27 du Règlement (de même qu’au sens de l’art. 10) se distingue selon les auteurs de la mise en demeure tant par leurs objectifs que leur contenus respectifs, et donc les critères nécessaires à une institution d’une demande en justice ne sont pas automatiquement requis pour les fins d’une telle dénonciation.
[72] Cette dénonciation se doit d’être suffisamment précise afin de permettre au vendeur, ici à l’Entrepreneur, de venir constater la situation afin d’avoir la possibilité de réagir le plus rapidement possible et d’empêcher, s’il en est, une détérioration plus avancée de l’ouvrage mais ne requiert pas que l’acheteur (i.e. le Bénéficiaire) ait circonscrit préalablement tous les éléments détaillés des causes sous-jacentes. Le Bénéficiaire allègue que ce n’est que suite à la rencontre de décembre 2009 avec Plomberie MSN que le vice est découvert au sens du Règlement. Le Tribunal ne peut retenir cette prétention.
[73] Alors que dans un cadre de vice graduel (où celui-ci n’est possiblement pas suffisamment apparu initialement) le délai court malgré tout à compter de sa première manifestation (2926 C.c.Q.[12]) qui devra permettre à tout le moins d’en soupçonner la gravité et l’étendue (1739 C.c.Q.), dans un cadre de vice ponctuel, celui-ci est généralement rapidement apparent de par sa nature et les circonstances qui retarderaient le point de départ du délai seront plus rares que sous un vice graduel.
La « découverte ».
[74] L’Administrateur et l’Entrepreneur appuient certaines de leurs prétentions quant à la découverte du vice sur une preuve documentaire qui comporte principalement (i) des formulaires d’inspection préréception pré-imprimés de l’Administrateur (soit spécifiquement pour partie privative (Pièce A-8) ou coché pour partie privative (Pièce A-10) («Formulaires IPR») pour certaines unités, (ii) confirmation par certains co-propriétaires d’avoir pris connaissance d’avis pré-imprimés de l’Administrateur intitulés ‘Avis de fin des travaux des parties communes’ et (iii) des procès-verbaux d’assemblées inter alia du Bénéficiaire. Ces documents, sauf le procès-verbal de l’assemblée générale des copropriétaires du Bénéficiaire tenue le 30 mai 2007 (Pièce A-22), sont ceux visés (Pièces A-7 à A-21 incl.) par la mise en demeure de l’Administrateur (art. 403 C.p.c.) et l’affidavit subséquent du procureur du Bénéficiaire, tel que précisé ci-haut.
[75] Les Formulaires IPR contiennent des notations manuscrites relatives au vice visé soit :
[75.1] «difficulté d’avoir eau froide» à la ‘rubrique plomberie’, à la ‘Liste des éléments à vérifier’ daté du 31 mai 2007 (Pièce A-10);
[75.2] «*** Aucune alimentation en eau froide - l’eau est chaude même dans la cuve des toilettes ***» à la rubrique ‘Notes personnelles’ daté du 25 octobre 2007 (Pièce A-8);
[75.3] «Instabilité eau chaude» à la rubrique ‘Système de plomberie’ daté du 26 février 2008 (Pièce A-7);
[75.4] «Urgent (50) - l’eau froide est chaude au départ - cuisine salle de bain» en note à la ‘rubrique plomberie’, à la ‘Liste des éléments à vérifier’ à un Formulaire IPR non signé, non daté (identifiant adresse du bâtiment 1210 ch. Baie du Milieu) (Pièce A-9).
[76] Certains des procès-verbaux sont identifiés à, d’une part, des assemblées sous l’appellation des copropriétaires des Condos du Lac Taureau, ou celle du ‘Syndicat de Location’ que le Tribunal comprend être des réunions de propriétaires d’unités ayant confié la gestion de location para-hôtelière de leurs unités à l’Auberge, et d’autre part des assemblées des copropriétaires du Bénéficiaire.
[77] À l’assemblée tenue le 30 mai 2007 (Pièce A-22), qualifiée de première assemblée des copropriétaires au procès-verbal, (26 des 29 unités par présence ou procuration), la rubrique ‘6. Qualité Habitation’ indique «… les membres sont invités à soumettre à la direction les éléments qui selon eux seraient à compléter ou insatisfaisants.» et avise que les propriétaires ont 6 mois pour aviser la direction des problèmes reliés à leur unité et la rubrique prévoit une annexe dont un des points est :
«Problème d’eau chaude/froide : Le plombier est avisé et s’en occupe - relié aussi au besoin de plus de ventilation dans la salle mécanique;… »
[78] À l’assemblée tenue le 30 mars 2008 (Pièce A-11) (23 des 29 unités par présence ou procuration), la rubrique ‘Travaux d’entretien et de finition’ :
« Les propriétaires font remarquer qu’il y a encore des réparations à faire ou des problèmes à régler dans les condos. Ils s’attendent à ce que leurs condos soient [sic] ‘top-shape’ avant le 31 juillet 08 pour garder le standing 4 étoiles :
Le problème d’eau chaude / d’eau froide devrait se régler sous peu, on attend qu’il n’y ait personne dans les condos pour faire cette réparation.»
[79] De même, à l’assemblée tenue le 9 novembre 2008, le procès-verbal (Pièce A-12) à la rubrique 14 intitulée ‘Suivi et commentaires sur les condos proprement-dit [sic]’ (notre souligné):
« 14.1 eau chaude-eau froide. Le problème serait dû au fait que les tuyaux sont trop collés les uns sur les autres. La solution est d’installer un timer sur la pompe de régulation, ce qui sera fait dans les prochains jours.»
[80] D’autre part, à l’assemblée du 15 mars 2009 (Pièce A-13) sous la rubrique ‘Lecture et adoption du procès-verbal de la réunion du 9 novembre 2008 et suivi’ :
« Le procès-verbal est lu par Brigitte Lavoie.
On revient sur le suivi :
[…]
Eau chaude eau froide
Problème récurrent. Il n’est toujours pas réglé. »
(nos soulignés)
[81] Les copropriétaires du Bénéficiaire regroupent plusieurs membres qui sont médecins, ingénieurs, physicien, notaire, enseignant, hommes et femmes d’affaires, et les témoins devant le Tribunal (ingénieur, physicien, notaire et femme d’affaire) ont généralement présenté des témoignages concis et structurés.
[82] Les différents témoins du Bénéficiaire indiquent d’une part que le problème eau froide chaude n’était pas avant l’automne 2009 considéré comme sérieux, qu’il n’y avait pas de nombreuses plaintes des clients de l’auberge, que si dans certains procès-verbaux précédents il y avait des indications sur le sujet, elles étaient souvent contenues ou prévues dans une rubrique ‘varia’, ne représentant qu’un problème parmi d’autres, ou que, par exemple, avant mars 2008, il n’y avait eu que 4 ou 5 propriétaires d’unités qui avaient soulevé ce problème et alors, que lors des réunions/assemblées (généralement deux par an).
[83] Toutefois, ces témoignages ne sont pas toujours concordants, tel que le commentaire en contre-interrogatoire du président du Bénéficiaire (qui ne devient copropriétaire qu’en juillet 2009) qui tente de supporter l’énoncé du procès-verbal du 9 janvier 2010 (Pièce A-15) où le représentant de l’Entrepreneur fait valoir que l’eau froide qui est chaude n’est pas un gros problème à son avis alors par exemple qu’au procès-verbal (Pièce A-14) de l’assemblée tenue quelques mois auparavant (22 novembre 2009), le procès-verbal indique quant à l’eau chaude-eau froide :
« Est-ce un vice d’exécution, un vice de construction??? Il y a une démarche à entreprendre de façon urgente.»
et où on désire retenir des ingénieurs, déterminer le niveau de responsabilité de l’entrepreneur en plomberie et éventuellement faire une plainte à l’Administrateur (alors d’ailleurs que note que le Tribunal la question d’un recours possible avait déjà été soulevé à tout le moins dès mars 2009 (procès verbal Pièce A-13)).
[84] Les témoins du Bénéficiaire ont d’autre part indiqué, afin d’expliquer en partie leur approche séquentielle à ce problème, que l’Entrepreneur (par son représentant Mario Gouin) proposait à ces diverses réunions, à travers le temps, des solutions possibles afin de minimiser ou régler ce problème.
[85] En contre-interrogatoire, à une question du procureur de l’Entrepreneur, un représentant du Bénéficiaire témoigne qu’entre 2007 et 2009 « …le problème n’a pas évolué, c’est toujours le même problème » et à une question du procureur de l’Administrateur confirme que « …le problème est récurrent ».
[86] M. Mélançon, représentant de Plomberie MSN, l’entrepreneur en plomberie, témoigne avec cohésion sur les différentes étapes et chronologie des travaux ou interventions reliés à ce problème eau froide-chaude.
[87] Suite à une fin des travaux en 2006, Plomberie MSN retourne à l’hiver 2007 pour une première étude du problème d’eau chaude (incluant l’application d’un clapet de retenue).
[88] Au printemps 2007, le problème n’étant pas réglé, Mélançon témoignant qu’il ne trouvait pas le problème exact (et ayant contacté d’autres entrepreneurs et ingénieurs pour s’informer si ceux-ci avaient déjà confronté un problème similaire), Plomberie MSN a installé un réservoir d’expansion cherchant à balancer la pression.
[89] Au printemps 2008, Plomberie MSN requiert deux jours ou les condos seront libérés afin d’effectuer des tests; par la suite, au printemps 2009, on change les cartouches de douche (deux jours requis) et c’est à la fin 2009 que Plomberie MSN participe à une réunion avec des représentants du Bénéficiaire.
[90] La doctrine, entre autre sous la plume en 2008 de Me J. Edwards dans son ouvrage La garantie de qualité du vendeur en droit québécois analyse en grand détail le choix du mot «découverte» à l’article 1739 C.c.Q. :
« La première partie de l’article tient pour acquis que la connaissance du vice s’acquiert dès la première manifestation de celui-ci. … Cette précision [ndlr : 1739 C.c.Q. dans le cadre du vice qui apparaît graduellement] confirme à la fois que le véritable élément déclencheur du délai est la connaissance du vice par l’acheteur et que celle-ci doit être évaluée de manière objective. Le délai court dès que l’acheteur « a pu » soupçonner l’existence du vice et non depuis la découverte ou la connaissance réelle de celui-ci. Il court donc même si l’acheteur négligent omet de se rendre compte du vice.»[13] (nos soulignés)
[91] L’auteur, Me Edwards, poursuit en soulignant que le préjudice se doit d’être certain et lie cet énoncé aux termes de 2926 C.c.Q. :
« À vrai dire, les tribunaux québécois reconnaissent, depuis déjà longtemps, que le droit d’action ne peut naître avant que le préjudice qu’il vise à réparer ne soit certain. En droit nouveau, la règle est formellement reconnue aux termes de l’article 2926 C.c.Q. Même si sa formulation laisse à désirer, l’article précise que lorsque le préjudice «se manifeste graduellement ou tardivement», le délai de prescription «court à compter du jour où il se manifeste [de manière importante] pour la première fois »[14]
[92] Baudouin indique sous une analyse de ce même art. 2926 C.c.Q. et de la manifestation graduelle, que :
« …la prescription du recours commence à courir du jour où il se manifeste pour la première fois. Le législateur entend probablement, par cette expression, la faire débuter au jour où le réclamant constate le premier signe appréciable ou tangible de la réalisation du préjudice, alors même qu’il ne s’est pas totalement réalisé… »[15] (nos soulignés)
[93] Quoique dans le cas présent l’on soit en présence d’un vice ponctuel (en opposition à graduel), les commentaires doctrinaux et jurisprudentiels sur les situations de manifestations graduelles permettent, par comparaison, de mieux saisir le concept de ‘découverte’ qui en découle dans un contexte de préjudice ponctuel.
[94] Notons que l’art. 1739 C.c.Q. s’applique à l’Entrepreneur et à tout promoteur immobilier par le biais des articles 2103 C.c.Q. et 2124 C.c.Q.
Dénonciation
[95] La découverte, connaissance du vice allégué s’acquiert dès la première manifestation appréciable du préjudice, au moment où le droit d’action a pris naissance. On retrouve d’autre part en jurisprudence et doctrine des paramètres applicables à cette détermination dans l’étude de la nature et du contenu requis de la dénonciation, de la nécessité ou non d’identifier la cause spécifique (et le lien de causalité); pour les fins des présentes, une analyse de la position jurisprudentielle quant à la nécessité d’une expertise soumise pour identifier la cause et le traitement de la présomption de connaissance du vendeur sont des compléments utiles à cette détermination.
Dénonciation - Objectifs et Contenu
[96] Notre Cour d’appel dans une décision récente de droit commun en 2008 résume bien le caractère et l’objectif poursuivis par la nécessité d’une dénonciation (préavis) de 1739 C.c.Q. dans une affaire d’infiltration d’eau:
« La raison d’être de ce préavis est de permettre au vendeur de vérifier s’il s’agit bien d’un vice couvert par la garantie, de constater les dommages causés le cas échéant et, s’il y a lieu, d’effectuer la réparation ou le remplacement du bien à un coût inférieur à celui d’un tiers engagé par l’acheteur. Le contentieux s’en trouve réduit, espère-t-on. »[16]
[97] Voir aussi l’opinion détaillée du juge Malouf de notre Cour d’appel dans l’affaire Caron c. Centre Routier[17] qui pourvoit à une analyse législative détaillée de l’obligation de l’acheteur en matière de garantie des vices d’avertir son vendeur avec diligence.
[98] Le Professeur Deslauriers dans son ouvrage Vente, Louage, Contrat d’entreprise ou de service cible le tout précisément lors qu’il indique (et compare la dénonciation à la mise en demeure) :
« La dénonciation … a différents buts : éviter au vendeur un préjudice inutile, lui permettre d’examiner le bien, s’assurer que le vice existait bel et bien au moment de la vente, et lui permettre si possible d’y remédier. … La dénonciation vise à informer le vendeur de la présence du vice, alors que la mise en demeure lui demande de remédier à la situation, de rembourser … ou de consentir à la résolution de la vente … »[18]
[99] Les auteurs Baudouin et Deslauriers soulignent aussi des distinctions entre dénonciation et mise en demeure :
« Cependant, le régime juridique de la dénonciation diffère de celui de fournir une occasion au débiteur de remédier à son défaut avant que de plus amples procédures ne soient entamées contre lui, la dénonciation exigée de l’acheteur à l’article 1739 C.c.Q. n’équivaut pas en tous points à une véritable mise en demeure car elle possède un caractère moins formel que cette dernière.»[19]
Dénonciation - Identifier la cause
[100] Il est aussi intéressant de comparer brièvement des dispositions autres du Code civil qui peuvent s’apparenter aux concepts sous étude, tel la question de déclaration de sinistre en matière d’assurances, où la Cour d’appel sous la plume du juge en chef M. Robert J.C.Q. nous indique dans l’affaire Bourcier en 2007:
« En matière d’assurance de dommages, l’obligation d’informer l’assureur est prévue à l’article 2470 C.c.Q., celui-ci requérant de l’assuré qu’il déclare le sinistre avec célérité dès qu’il en a connaissance [ndlr « …doit déclarer à l'assureur tout sinistre de nature à mettre en jeu la garantie, dès qu'il en a eu connaissance »]. Les tribunaux ont conclu que cette obligation naissait au moment où se produit le fait dommageable, et non au moment où l’étendue des dommages est constatée, la seule exception étant lorsqu’il est déraisonnable pour l’assuré de penser qu’il existe un lien entre le fait dommageable et la perte qui en résulte. »[20]
[101] Quant au lien de causalité auquel fait référence cet extrait de Bourcier, les juges Morin et Vézina de notre Cour d’appel s’adressent à la question dans l’affaire S.C. c. Archevêque de Québec en 2009, alors que l’appelante plaide que le ‘point de départ’ se devrait d’être postérieur tenant compte de sa connaissance tardive du lien (ce qui équivaut selon le Tribunal dans cette affaire à saisir l’identité précise de l’auteur de la faute) [et alors que le juge Chamberland en dissidence indique qu’il faut cristalliser la cause] :
« À mon avis, l’appelante confond le point de départ de la prescription et la notion de suspension de la prescription : l’incapacité d’une personne à prendre conscience du lien de causalité existant entre la faute et le préjudice est une cause de suspension de la prescription. Comme l’expliquent les professeurs Baudouin et Deslauriers :
La prescription est ainsi suspendue lorsque la victime ne peut identifier le responsable du préjudice, […] , lorsqu’elle ignore le préjudice qui a été causé, plus largement, lorsqu’elle ignore les faits juridiques donnant ouverture à son droit d’action, malgré une vigilance raisonnable ou que cette ignorance résulte de la faute du débiteur. »[21]
Dénonciation - Identifier la cause vs Présomption de connaissance
[102] Dans la décision souvent citée en matière de vices cachés Immeubles de l’Estuaire, notre Cour d’appel sous la plume de la juge Bich détermine en ce qui a trait à la connaissance du vice, du problème :
« Selon cette disposition [1739 C.c.Q.], le défaut de préavis est généralement considéré comme fatal au recours de l'acheteur, même dans le cas où le vendeur connaissait ou était présumé connaître le vice.
[…]
la conclusion que le vendeur a le droit de recevoir une dénonciation écrite du problème, même s'il connaît ou est présumé connaître ce dernier.[22]
[103] On aura reconnu que l’on réfère à la présomption de connaissance du vendeur (applicable dans les circonstances à l’Entrepreneur) de l’art. 1729 C.c.Q. :
« 1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l'existence d'un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l'acheteur. »
[104] Notre Cour d’appel étudie plus avant cette présomption, entre autre dans l’affaire Northland [23] et dans l’affaire Fédération c. Élie[24] en 2007 où tenant compte de cette présomption de l’existence du vice et de l’objectif de la dénonciation qui est d’aviser le vendeur (ou entrepreneur dans notre cas) confirme qu’il n’est pas besoin d’une identification détaillée de la cause ou de la nature détaillée du vice, pour qu’une dénonciation soit correctement énoncée, et dans Élie que l’acheteur n’a pas à identifier de façon absolue l’identité de l’auteur de la faute avant de dénoncer (voir aussi ABB Inc. c. Domtar Inc., [2007] 3 R.C.S. 461 ).
[105] Notons d’autre part que certains auteurs[25] soulignent diverses jurisprudences qu’ils interprètent comme permettant d’attendre le temps nécessaire pour identifier la nature exacte des problèmes ou d’attendre un rapport d’expert pour envoyer une dénonciation. Cette approche est uniquement liée à des situations de délai raisonnable sans maximum prévu par le législateur, alors d’ailleurs que ces mêmes auteurs reconnaissent clairement:
« Edwards, J. : Le vendeur ne peut être prisonnier de l’attitude plus ou moins attentive de son acheteur à l’égard du vice. Notons que l’article de la Convention sur la vente internationale de marchandises [ndlr *] ayant inspiré l’article 1739 C.c.Q. reçoit la même interprétation »[26]
« Deslauriers, J. : Ainsi le constructeur d’une maison qu’il a vendue ne pourra prétendre ignorer les défauts… ce qui n’excuse pas par ailleurs l’acheteur d’avoir tardé à dénoncer un problème qui s’est amplifié et a occasionné une détérioration accrue qui aurait pu être minimisée, sinon évitée.»[27]
[106] Notre Cour d’appel dans la cause Rousseau c. Gagnon établit clairement dans son évaluation du délai raisonnable (sous 1530 C.c.B.C.) qu’il n’est pas essentiel d’attendre un rapport d’expert ou une constatation visuelle plus détaillée; l’acheteur plaide entre autre nécessité d’estimer l’étendue du problème avant que soit fixé le point de départ du délai. Quant à la tardivité de l’action, la Cour d’appel rejette l’expertise comme point de départ, et conclut à tardivité, rejetant l’appel.
Conclusions
[107] L’ensemble de la preuve démontre que le Bénéficiaire avait connaissance du vice dès la fin mai 2007, que ce soit tel que reflété au procès verbal de l’assemblée des copropriétaires du 30 mai 2007 (et à des Formulaires IPR de cette période), ou même, ce qui n’est pas le cas ni inféré, si on choisit la preuve subséquente de l’assemblée du 30 mars 2008 (et de Formulaires IPR), le Bénéficiaire avait alors cette connaissance qui détermine un point de départ du délai de dénonciation prévu à l’article 27 du Règlement.
[108] Par la suite, les autres étapes selon le Bénéficiaire - ‘d’identification’ - du problème ne sont selon le Tribunal que le suivi d’une première détermination, et c’est d’ailleurs l’expression (‘Suivi’) qu’utilise le Bénéficiaire dès Novembre 2008 (Pièce A-12) et par la suite.
[109] La dénonciation à l’Administrateur est en date du 1er février 2010, et donc près de trois (3) ans (ou si on retient mars 2008, plus de vingt deux (22) mois) suivant la connaissance ou découverte par le Bénéficiaire du vice; le la dénonciation n’a pas été effectuée dans le délai prévu au Règlement, et le droit de réclamer la Réclamation est donc échu et forclos.
[110] De manière subsidiaire, on peut souligner que dès l’hiver 2007 Plomberie MSN retourne sur les lieux et cherche de façon empirique une solution (installation de clapet de retenue :hiver 2007, installation de réservoir d’expansion :printemps 2007, test du printemps 2008, etc…), et quoique les essais correctifs initiaux ne sont pas un corollaire absolu d’une connaissance du Bénéficiaire pour les présentes, ils indiquent des interventions sur les lieux qui, à tout le moins au printemps 2008, peuvent difficilement passer inaperçus du Bénéficiaire alors qu’il est requis que tous les condos soient libérés pour deux jours de tests; on ne peut que noter ces éléments additionnels à la notre compréhension de la chronologie.
[111] Le Tribunal, s'autorisant de l'article 116 du Règlement qui édicte: « Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.» est d'opinion qu’en l’instance, dans les circonstances particulières de ce dossier, que les frais de l'arbitrage se doivent d'être à la charge de l'Administrateur, sauf à distraire 50$ à la charge du Bénéficiaire.
[112] Pour l’ensemble des motifs ci-dessus, le Tribunal rejette la demande d’arbitrage du Bénéficiaire et maintient la Décision de l’Administrateur, le tout sans préjudice et sous toutes réserves du droit du Bénéficiaire de porter devant les tribunaux de droit commun ses prétentions et réclamations ainsi que de rechercher les correctifs ou dommages qu’il peut autrement réclamer, sujet bien entendu aux règles de droit commun et de la prescription civile.
POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[113] REJETTE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire;
[114] MAINTIENT la Décision de l’Administrateur et CONFIRME que le droit du Bénéficiaire à la réclamation visée par sa demande d’arbitrage est échu et forclos dans le cadre et pour les fins du Règlement et de la couverture du Plan.
[115] ORDONNE que l'Administrateur assume les frais du présent arbitrage, sauf pour un montant de 50$ à être assumé par le Bénéficiaire.
DATE: 8 août 2012
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Me Jean Philippe Ewart
Arbitre
Jurisprudence considérée mais non citée.
Federal Trust c. D’Aoust, [1987] R.J.Q. 275 (C.A.) -
Proulx-Robertson c. Collins, [1992] R.D.I. 154 (C.A.) -
Poirier c. Martucelli, [1995] R.D.I. 319 (C.A.) -
Massie c. Banque d’épargne de la cité et du district de Montréal, [1996] R.D.I. 314 (C.A.) -
Weiss c. Raschella 2009 QCCA 2186
Sylvain c. Vaudreuil, J.E. 2002, REJB 2002-32596 (C.S.) -
Groupe Commerce (Le), compagnie d’assurances c. New Holland Canada ltée, J.E. 2004-467 , REJB 2004-53132 (C.Q.)
Santori et Leblanc c. Les Constructions Raymond et Fils Inc. et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., Guy Pelletier, Arbitre, Sentence arbitrale en date du 3 février 2009, dossier Soreconi 080925001.
Coloccia et Borreggine c. Trilikon Construction Inc. et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., Me Jean Philippe Ewart, Arbitre, Décision arbitrale en date du 30 juillet 2010, dossier CCAC S08-181202-NP.
Syndicat de copropriété 7000 Chemin Chambly c. Landry & Pépin Construction Inc. et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., Me Michel A. Jeanniot, Arbitre, Décision arbitrale en date du •, dossier Soreconi 080424001.
Chackal et Bardakji c. 9096-2556 Québec Inc. et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., Henri P. Labelle, Arbitre, Sentence arbitrale en date du 5 mai 2006.
MacDonald et Gagné c. 9067-1959 Québec Inc. et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., Me Bernard Lefebvre, Arbitre, Décision arbitrale en date du 12 juin 2009, dossier GAMM 2008-07-001.
Pichette et Gélinas c. Les Constructions GYBB Inc. et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., Marcel Chartier, Arbitre, Décision arbitrale en date du 20 juin 2007, dossier Soreconi 061218002.
[1] (L.R.Q. c. B-1.1, r.02) D.841-98, a.5, article 5 du Règlement.
[2] Idem, articles 20 et 120 du Règlement.
[3] Idem - D. 841-98, a. 27; D. 39-2006, a. 11.
[4] (Idem - D. 841-98, a. 34; D. 39-2006, a. 15.
[5] Voir aussi les articles 10 et 18 du Règlement qui sont du même effet pour les bâtiments non détenus en copropriété divise et la jurisprudence afférente qui trouve directement application.
[6] Voir Voyer c. Bouchard (C.S. 1999-08.27) [1999] R.D.I. 611 ; et Fleurimont c. APCHQ inc. (C.S. 2001.12.19) dans cette dernière affaire, les faits précèdent l'adoption du Règlement tel qu'il se lit alors que le certificat APCHQ de garantie requérait conciliation, mais les principes étudiés demeurent applicables in extenso.
[7] LLUELLES et MOORE, Droit des obligations, Éditions Thémis, no. 2800 (et note 38 in fine) - et no. 2803.
[8] VOIR entre autres Danesh c. Solico Inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., Soreconi No. 070821001, 5 mai 2008, Me Jean Philippe Ewart, Arbitre; Moustaine & El-Houma c. Brunelle Entrepreneur inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., Soreconi No. 070424001, 9 mai 2008, Me Jean Philippe Ewart, Arbitre, et Sylvain Pomone et Syndicat de la copropriété 7615 rue Lautrec, Brossard c. Habitation Signature Inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., Soreconi no : 080730001, 14 janvier 2009, Me Jean Philippe Ewart, Arbitre.
[9] VOIR entre autres Bertone et Scafuro c. 9116-7056 Québec Inc., SORECONI 090206002, 29 octobre 2009, Guy Pelletier, Arbitre, Côté et Clermont c. Les Constructions E.D.Y. Inc., CCAC S09-030301-NP, 12 janvier 2010, Me Pierre Boulanger, Arbitre, au même effet, et citant en note 2 diverses autres décisions arbitrales au même effet et Carrier c. Construction Paul Dargis inc. et APCHQ, CCAC S09-061001-NP, 9 avril 2010, Me Reynald Poulin, Arbitre.
[10] Voir à ce sujet aussi J. Edwards et S. Rodrigue sous La responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons dans le cadre de l’ouvrage La construction au Québec - perspectives juridiques (sous la direction de Me Olivier F. Kott - Me Claudine Roy, Ed. Wilson Lafleur, 1998)[10], para. 2.2.2, p.434 :
« Il est également possible que la simple perte de l’usage normal des lieux tombe sous le coup de cette disposition. De fait, certains tribunaux ont décidé, en vertu des règles de l’ancien Code, que la présence de troubles graves, nuisant à l’utilisation de l’immeuble, constituait une perte. La responsabilité quinquennale a notamment été retenue lorsque les vices empêchaient l’ouvrage de servir à sa destination normale ou limitaient, de manière importante, l’usage normal de l’ouvrage. »
[11] Montréal, Wilson & Lafleur, 1982, p. 347
[12] « 2926. Lorsque le droit d'action résulte d'un préjudice moral, corporel ou matériel qui se manifeste graduellement ou tardivement, le délai court à compter du jour où il se manifeste pour la première fois. »
[13] EDWARDS, J. La garantie de qualité du vendeur en droit québécois, Montréal, Wilson & Lafleur, 2008, para 467.
[14] Idem para. 468.
[15] Idem, no. 1-1421.
[16] Marcoux c. Picard, 2008 QCCA 259 , para 18.
[17] Caron c. Centre Routier Inc. 1990 R.J.Q. 75 (C.A.)
[18] DESLAURIERS, J., Vente, Louage, Contrat d’entreprise ou de service, Wilson & Lafleur ltée, Montréal, 2005, p. 175.
[19] Op.cit. BAUDOUIN, J.L. et DESLAURIERS, P., La responsabilité civile, vol II; La responsabilité du fabricant et du vendeur, para 2-403
[20] Bourcier c. Citadelle (La), compagnie d'assurances générales, 2007 QCCA 1145 , para 27.
[21] S.C. c. Archevêque catholique romain de Québec. 2009 QCCA 1349 , para. 29.
[22] Immeubles de l'Estuaire phase III inc. c. Syndicat des copropriétaires de l'Estuaire Condo phase III, 2006 QCCA 781 , para. 158, 159 et 160.
L’extrait cité par l’Honorable Bich est : Pierre-Gabriel JOBIN, op. cit. note 99, à la p. 178. Au même effet, voir Denys-Claude LAMONTAGNE, op. cit. note 99, au paragr. 239 in fine (p. 127). Pierre-Gabriel JOBIN, La vente, 2e éd., Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc, 2001; Denys-Claude LAMONTAGNE, Droit de la vente, 3e éd., Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 2005.
[23] Compagnie Northland Corporation c. Billots Sélect 2000, s.e.n.c. 2007 QCCA 51.
[24] Fédération, compagnie d'assurances du Canada c. Joseph Élie ltée 2008 QCCA 582 .
[25] Op. cit. DESLAURIERS, J., Vente, Louage, Contrat d’entreprise ou de service, Wilson & Lafleur ltée, Montréal, 2005, p. 173, notes 666 et 667 et Op. cit. EDWARDS, J. La garantie de qualité du vendeur en droit québécois, para 466.
[26] Idem EDWARDS, J., para 466 et notes 355 et 1041 : Commentaires du ministre de la Justice, supra note 338, sous l’article 1739 C.c.Q. Voir G. RÉMILLARD, «Présentation du projet de Code civil du Québec », (1991) 22 R.G.D. 5 , 35. * Ndlr : Cette convention a été ratifiée par le Canada et fait partie du droit québécois depuis le 1er mai 1992. Voir Loi concernant la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises, L.R.Q., c. 67.01.
[27] Idem, DESLAURIERS, J., p.176.