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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment
CENTRE CANADIEN
D’ARBITRAGE COMMERCIAL
(CCAC)
Canada
Province de Québec
Dossier no : S07-112801-NP
niki apollonatos & george karounis
Demandeurs
c.
habitations luxim inc.
Défenderesse
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DÉCISION ARBITRALE
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ENTRE : NIKI APOLLONATOS & GEORGE KAROUNIS
(ci-après « les Bénéficiaires »)
ET : HABITATIONS LUXIM Inc.
(ci-après « l’Entrepreneur »)
ET : LA Garantie des Maisons Neuves de l’APCHQ
(Ci-après « l’Administrateur »)
ENTREPRENEUR: HABITATIONS LUXIM Inc.
2, Place des Joncs
Blainville (Québec) J7C 5V2
BÉNÉFICIAIRES: NIKI APOLLONATOS & GEORGE KAROUNIS
2334, rue des Piverts
Laval (Québec) H7L 6C7
Identification des Parties
Arbitre : Me Jean Philippe Ewart
Pour les Bénéficiaires : M. George Karounis
Pour l’Entrepreneur : M. Luc Charbonneau
Pour l’Administrateur : Me Elie Sawaya
Savoie Fournier
Date de la Décision arbitrale : 4 juin 2008
Mandat
Le Tribunal est saisi du dossier par nomination du soussigné le 22 janvier 2008.
Historique
2003.01.28 Contrat préliminaire.
2003.09.03 Liste préétablie d’éléments à vérifier et réception du bâtiment.
2003.09.03 Acte de vente notarié.
2004.02.18 Document de Demande de service après vente.
2004.02.19 Lettre de l’Entrepreneur aux Bénéficiaires.
2006.08.16 Lettre des Bénéficiaires à l’Entrepreneur.
2006.08.31 Lettre de l’Entrepreneur aux Bénéficiaires.
2007.04.05 Rapport d’inspection de Mose Services d’inspection maison.
2007.05.29 Lettre des Bénéficiaires à l’Entrepreneur.
2007.06.22 Demande de réclamation.
2007.07.05 Avis de 15 jours adressé aux Bénéficiaires.
2007.07.05 Avis de 15 jours adressé à l’Entrepreneur.
2007.10.29 Décision de l’Administrateur.
2007.11.27 Demande d’arbitrage des Demandeurs à l’encontre de la décision rendue par l’Administrateur le 29 octobre 2007 (inspecteur : Jean-Guy Gaudreau).
2007.11.28 Notification de la demande d’arbitrage par le Centre.
2007.12.21 Lettre de Savoie Fournier, procureurs de l’Administrateur, à l’effet que Me Sawaya sera l’avocat attitré au dossier.
2008.01.17 Réception du cahier de pièces de l’Administrateur.
2008.01.22 Avis de nomination de l’arbitre : Me Jean Philippe Ewart.
2008.02.05 Lettre du Tribunal aux parties concernées : Décision quant au déroulement de l’instance et Avis en conformité de l’article 47 du Règlement d’arbitrage.
2008.02.21 Appel conférence pour fins de conférence préparatoire.
2008.02.21 Avis d’audition aux parties concernées.
2008.03.11 Audition.
2008.05.28 Audition.
Décision
Juridiction
[1] Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n'a été soulevée par les parties et la juridiction du Tribunal est alors confirmée.
Litige
[2] Le litige est un appel d'une décision de l’Administrateur datée du 29 octobre 2007 (dossier 049756-1) (la « Décision»).
[3] La demande en appel quant à la Décision couvre les points suivants :
Point n0 1 : manque de ventilation dans le comble sous-toit de la toiture du rez-de-chaussée, causant des infiltrations d'eau;
Point n0 2 : manque de membrane de protection d'avant-toit pour la partie rez-de-chaussée et du deuxième étage;
[4] Nonobstant le texte général de la demande d'arbitrage du Bénéficiaire, celui-ci a confirmé lors de l'audience que le Point n0 3 de la Décision a été réglé et n'est pas soumis au présent arbitrage.
Déroulement de l’instance
[5] L’enquête et audition s’est initialement tenue au siège du Centre Canadien d'arbitrage commercial ("CCAC") pour fins d'audition sur l'objection préliminaire présentée par le procureur de l'administrateur et, suite à une décision interlocutoire quant au déroulement de l'instance du Tribunal en date du 19 mars 2008, à la résidence des Bénéficiaires.
[6] Les Pièces contenues aux Cahiers de l’Administrateur et dont référence sera faite aux présentes sont identifiées comme A-, avec sous-numérotation équivalente à l’onglet applicable au Cahier visé.
[7] D’autre part, les Bénéficiaires ont déposé des pièces additionnelles lors de l’audition, admises de consentement au dossier du Tribunal sous les cotes suivantes:
B-1 : En liasse, photos datées du 31 mai 2007 de dommages à la 'cold room'.
B-2 : En liasse, photos datées du 28 février 2008 de dommages à la 'cold room' et à l'extérieur de la maison, et
B-3 : En liasse, photos datées du 15 mars 2008 de dommages à la 'cold room' et au plafond de celle-ci, plancher de l'étage supérieur.
[8] D’autre part, l'Administrateur a déposé une pièce additionnelle lors de l’audition, cotée sous A-15, extraits du Code National du Bâtiment et croquis sur la protection des débords de toit et sur les digues de glace avec protection de débord et position de gouttière.
[9] Confirmation pour véracité et exactitude des pièces a été admise par les Parties pour les pièces contenues aux Cahiers de l’Administrateur et celles déposées lors de l’audition.
Objections Préliminaires
[10] L'Administrateur, par l'entremise de son procureur, a soulevé par moyen préliminaire au cours de l’audition, la non recevabilité du recours des Bénéficiaires pour cause de prescription et de non-dénonciation à l’Administrateur dans le cadre des éléments requis de dénonciation ou du calcul des délais prévus pour ce faire au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r.02) (le « Règlement ») en conformité de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1.1).
Les Faits pertinents
[11] Le Tribunal se restreint dans le cadre des présentes, à ce stade, à un sommaire des éléments de faits relatifs à l’irrecevabilité au motif de prescription et de non-dénonciation.
[12] La preuve documentaire non contredite indique que la réception du bâtiment résidentiel par les Bénéficiaires fut effectuée le 3 septembre 2003.
[13] Ce n'est que le 29 Août 2006 (Pièce A-6) que l'Administrateur reçoit une demande de réclamation écrite, copie d'une demande adressée à l'Entrepreneur et datée du 16 Août 2006 (Pièce A-6).
[14] Les Bénéficiaires effectuent initialement une demande de service après vente auprès de l'Entrepreneur en date du 18 février 2004 indiquant une infiltration d'eau de la toiture au 'living room (toit cathédrale)'.
[15] Des réparations sont effectuées à l'été 2004 par l'Entrepreneur.
[16] En mai 2004, les Bénéficiaires installent une gouttière le long du toit au dessus du portillon d'entrée de la résidence, immédiatement en deçà de la ligne de jonction de deux plans de toit qui sont ciblés comme problématiques.
[17] En février 2005, de nouveau, les Bénéficiaires indiquent des dommages d'infiltration et de nouveau l'Entrepreneur procède, à l'été 2005, à des travaux sur les lieux.
[18] En février et mars 2006, de nouveau, les Bénéficiaires indiquent des dommages d'infiltration; l'Entrepreneur avise les Bénéficiaires que cette fois, selon lui, la cause est reliée à la présence de la gouttière et à l'accumulation de glace qui en résulte sur les plans de toit et jusqu'à et incluant la gouttière, ce que nient vigoureusement les Bénéficiaires entre autres à leur deuxième demande de réclamation datée du 29 août 2007(Pièce A-9) et lors de l'audition.
[19] L'Entrepreneur n'effectue alors pas de travaux sur les lieux.
[20] Les Bénéficiaires indiquent que les dommages en 2006 sont plus étendus que ceux des hivers 2004 et 2005 et que les dommages d'infiltration se retrouvent aussi sur les murs extérieurs du garage et que des taches apparaissent sur les surfaces des soffites sur le pourtour avant de la résidence et le long du garage.
[21] Les Bénéficiaires indiquent de plus que, depuis mai 2007, des dommages d'infiltration sont aussi visibles dans la 'cold room', pièce au sous-sol en ligne verticale approximative des dommages au 'living room' et de la région du toit sous étude.
[22] Lors de l'inspection des lieux, le représentant des Bénéficiaires souligne et le Tribunal constate des vallonnements sur la toiture des angles de toit.
[23] Les Bénéficiaires affirment et confirment, par admission lors de l'audition, que l'infiltration est apparue avant la pose de gouttière, que c'est la même source d'infiltration qui a causé les dommages en 2004, 2005, 2006 et 2007, que c'est le même problème qui se perpétue.
[24] Lors de la revue à l'audience par l'expert proposé par les Bénéficiaires de son rapport déposé en pièce A-8, celui-ci informe le Tribunal que la totalité des dommages qu'il a constaté lors de son inspection détaillée du site découle de la même source d'infiltration et il en identifie certaines manifestations avec photos à l'appui, et en réponse à une question s'il y a d'autres sources quelconques qui pourraient avoir causé tous les dommages présentés par les Bénéficiaires aux présentes, il répond par la négative.
[25] Il a été mentionné, avant l'audition pour inspection des lieux, des dommages principalement au sous-toit, au 'living room' et au coin du parvis avant de la résidence; le Tribunal est plutôt d'avis, après l'inspection des lieux et suite aux témoignages de l'inspecteur de l'Administrateur et de l'auteur du rapport déposé par les Bénéficiaires, que les dommages sont maintenant beaucoup plus importants et étendus, visant non seulement l'aire avant extérieure et le 'living room', mais aussi, entre autres, le 'cold room' du sous-sol et son plafond, les soffites et le cadrage du pourtour de la maison sur son devant et en circonférence avant du garage, le manque d'éléments structurels à l'intérieur du sous-toit ainsi que des vallonnements maintenant visibles des angles de toit, ce qui indique une valeur en litige supérieure à ce qui aurait pu être initialement estimée et se chiffre aux environs de 20 000$ à 25 000$ selon les méthodes correctrices pouvant être choisies.
Analyse et Motifs
Le Tribunal - Principes directeurs sur moyen déclinatoire d’irrecevabilité
[26] Une requête du type irrecevabilité du recours au motif de prescription dans le cadre des présentes est un moyen préliminaire déclinatoire qui s’apparente au recours sous l’article 165.4 du Code de procédure civile[1] (« C.p.c. ») et certains des principes de la jurisprudence qui en découle, et le Tribunal désire s'inspirer de certains des principes élaborés pour instruire la requête sous étude.
[27] Toutefois, le Tribunal est aussi le juge au fond dans l'affaire sous étude, et tenant que les questions de procédure sont à la discrétion de l’arbitre, tant par les règles particulières du Règlement que par le biais de la discrétion de l'arbitre soussigné de s'inspirer du Code de procédure civile lorsqu'approprié, le Tribunal considère inter alia que l’obligation quant la véracité des faits allégués se doit d’être alors tempérée afin aussi de permettre une considération des faits et documents autrement présentés ou déposés par les différentes parties, tenant de plus compte du consentement des parties de procéder tel qu’aux présentes.
[28] Le soussigné fait siennes certaines des remarques du juge Mongeau dans une cause récente[2] que, lorsque saisi d’une requête en irrecevabilité, l’on doit, entre autres :
(i) s’interroger sur la question à savoir si l’ensemble des faits allégués dans la requête … peuvent juridiquement donner naissance au remède recherché, soit le rejet de la requête introductive d’instance pour cause de prescription;
(ii) faire preuve de prudence;
(iii) n’accueillir la requête en irrecevabilité que si le Tribunal est convaincu que la demande n’est pas fondée en droit ou qu’elle n’a aucune chance de succès. En d’autres mots, le Tribunal doit s’abstenir de mettre fin prématurément à un procès à moins d’être convaincu du bien-fondé de l’irrecevabilité;
(iv) si la requête en irrecevabilité porte sur un point de droit précis, le trancher quelles que puissent être la difficulté ou la complexité de la question. Une situation de fait complexe ou des difficultés que présente une question de droit ne peuvent autoriser le Tribunal, en soi, à renvoyer l’étude au juge du fond; et
(v) prononcer l’irrecevabilité si elle paraît incontestable.
Analyse et Motifs sur Objection Préliminaire
[29] Il a été mis en preuve, et non contredit par les Bénéficiaires, qu'une première infiltration d'eau est survenue le ou vers le 18 février 2004 tel que reflété par la 'Demande de service après vente' sur formulaire de l'Entrepreneur (Pièce A-4) sur laquelle s'appuient et font référence les Bénéficiaires à leur première réclamation écrite (Pièce A-6).
[30] Il a d'autre part été mis en preuve, et non contredit par les Bénéficiaires, que la dénonciation écrite à l’Administrateur fut effectuée le ou vers le 29 Août 2006 tel qu’il appert de la pièce A-6, soit plus de trente (30) mois après la survenance de la première manifestation de l'infiltration d'eau qui a causé les dommages que les Bénéficiaires associent aux causes identifiées aux Point 1 et 2 de la Décision.
[31] Enfin, par lettre du 29 mai 2007 à l'Entrepreneur, estampillée pour réception par l'Administrateur le 18 juin 2007, les Bénéficiaires réitèrent le problème d'infiltration et allèguent de plus 'violation au Code' quant à une ventilation déficiente et le manque d'une membrane entre les premiers et deuxième étages, se réclamant alors 'de la garantie de 5 ans de l'APCHA'.
[32] Le Tribunal constate que le préjudice allégué est le même que sous la dénonciation du 29 Août 2006 mais que l'élément fautif alors allégué, manque de membrane et la ventilation déficiente est distinct. Toutefois, il faut noter que ce n'est pas la mise en place ou installation ou omission de l'élément fautif ou sa connaissance par les Bénéficiaires que l'on recherche pour les fins des présentes, mais bien la connaissance, la découverte par ceux-ci du préjudice subi.
[33] Le Tribunal considère qu'il est opportun d'analyser en premier lieu la question du délai de dénonciation et de prendre bonne note de l'admission des Bénéficiaires que les dommages découlent tous d'une même source, d'une même cause, l'infiltration d'eau sous la toiture. Conséquemment, il n'y aura pas lieu d'analyser une situation de préjudices distincts.
Dispositions applicables du Règlement
[34] Les délais de dénonciation prévus au Règlement que ce soit pour malfaçons non apparentes, vices cachés ou vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, se lisent sensiblement de la même manière, plus particulièrement :
« 10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
{….}
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;
5° la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation. »[3] Les soulignés sont de nous.
[35] Le Tribunal note d’autre part l’article 18 al.1 du Règlement :
« 18. La procédure suivante s'applique à toute réclamation fondée sur la garantie prévue à l'article 10:
1° dans le délai de garantie d'un, 3 ou 5 ans selon le cas, le bénéficiaire dénonce par écrit à l'entrepreneur le défaut de construction constaté et transmet une copie de cette dénonciation à l'administrateur en vue d'interrompre la prescription »[4]
Dispositions similaires pour fins comparatives
[36] Le texte qui requiert que soit "…dénoncé, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois…".est identique pour chacun des malfaçons existantes et non apparentes, des vices cachés et des vices de conception, de construction ou de réalisation et vices du sol et conséquemment il n'est pas nécessaire, à cette étape de l'analyse, de déterminer l'appartenance des problèmes ou défectuosités allégués par les Bénéficiaires à une de ces catégories particulières afin de déterminer si dénonciation a été correctement effectuée dans le délai imparti par le Règlement.
[37] Diverses dispositions du Code de procédure civile contiennent des concepts et textes similaires aux dispositions sous étude du Règlement et il est utile d'analyser certaines d'entre elles et de se référer aux auteurs et à la jurisprudence qui se sont penchés sur les mêmes éléments.
[38] Une première série de dispositions traitent de la demande de permission d'appeler et de la discrétion de la Cour d'appel d'accorder cette permission dans certaines circonstances, soit l'article 494 C.p.c.:
494. La demande pour permission d'appeler, …est présentée par requête.
La requête doit être signifiée à la partie adverse et produite au greffe dans les 30 jours de la date du jugement…..
Ces délais sont de rigueur et emportent déchéance. [5]
et l'article 523 C.p.c.:
523. La Cour d'appel peut, nonobstant l'expiration du délai prévu à l'article 494, mais pourvu qu'il ne se soit pas écoulé plus de six mois depuis le jugement, accorder une permission spéciale d'appeler à la partie qui démontre qu'elle a été, en fait, dans l'impossibilité d'agir plus tôt. …[6]
Les soulignés sont nôtres
[39] Ces dispositions sont d'intérêt entre autre puisque l'arbitrage prévu au Règlement est de nature d'un appel de la décision de l'Administrateur et qu'elles adressent des concepts applicables au cas sous étude, soit (i) l'avis écrit à l'entrepreneur et à l'Administrateur qui se retrouve sous le concept de la signification à la partie adverse et sa production au greffe à l'article 494, (ii) l'énoncé que ces dispositions sont de rigueur et emportent déchéance et (iii) qu'un délai maximum de six mois est prévu à l'article 523.
[40] L'on retrouve d'autre part un texte et concept similaire du délai de six mois à l'article 484 C.p.c.
484. La requête en rétractation, signifiée à toutes les parties en cause avec avis du jour où elle sera présentée à un juge pour réception, doit être produite dans les 15 jours, à compter, selon le cas, du jour …
[… ]
Ce délai de 15 jours est de rigueur; néanmoins, le tribunal peut, sur demande, et pourvu qu'il ne se soit pas écoulé plus de six mois depuis le jugement, relever des conséquences de son retard la partie qui démontre qu'elle a été, en fait, dans l'impossibilité d'agir plus tôt.
Nature de l'avis de l'article 10
[41] Qu'elle est la nature de l'avis de dénonciation prévu aux articles 10 et 18 du Règlement?
[42] Un premier élément de réponse se retrouve à l'article 1739 du Code civil du Québec ("C.c.Q.") [7] [8]
1739. L'acheteur qui constate que le bien est atteint d'un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l'acheteur a pu en soupçonner la gravité et l'étendue.
[43] Les auteurs considèrent cet avis assujetti aux dispositions de l'article 1595 C.c.Q. qui requiert que l'avis soit par écrit, et la jurisprudence[9] et la doctrine[10], contrairement à certains autres cas de demandes extra judiciaires, considèrent que cet avis se doit d'être par écrit, est impératif et de nature essentielle.
[44] La Cour suprême du Canada s'est aussi adressée à cette question sous l'étude de l'impact de la signification dans un cas de procédure d'appel.
[45] Il est intéressant de noter que cette approche se retrouve à la même jurisprudence qui supporte la règle d'interprétation libérale en matière de procédure civile, et plus particulièrement sous la plume de M. le juge Pratte dans l'arrêt Cité de Pont Viau c. Gauthier Mfg. Ltd., [1978] 2 R.C.S. 516 (p. 519) cité entre autre par Madame la juge L'Heureux Dubé Québec (Communauté urbaine) c. Services de santé du Québec [11] relativement à une inscription en appel sous l'égide de l'article 494 C.p.c.:
Dans l'espèce, l'inscription, si elle a été déposée au greffe de la Cour supérieure, n'a cependant jamais été signifiée à l'intimée ou à ses procureurs. L'un des deux éléments essentiels à la formation de l'appel faisait donc défaut; il ne s'agit pas d'une simple formalité dont la Cour d'appel peut permettre la correction (art. 502 C.p.c.).
Nos soulignés
[46] Madame la juge L'Heureux Dubé indique d'autre part sous Québec (Communauté urbaine) c. Services de santé du Québec quant au délai d'exercice:
Le droit d'appel est un droit substantif, Le délai pour l'exercer, …, en constitue une partie intégrante et partant tient du droit substantiel et non de la procédure. ….Le droit d'appel, assorti d'un délai pour l'exercer, n'a qu'une existence limitée; s'il n'est pas exercé dans le délai prescrit, lorsque le délai est de rigueur comme dans l'espèce (C.p.c. annoté, p. 574, Provencher c. Bélanger; 1986 R.D.J. 137 , Les Prévoyants du Canada c. Marcotte), et que les dispositions correctives spécifiques ne s'appliquent plus, il est irrémédiablement perdu, périmé, forclos.
Nos soulignés
[47] La Cour d'appel dans plusieurs décisions a rejeté des requêtes en rétractation de jugement sous 484 C.p.c. parce qu'il s'était passé plus de six mois de la date applicable[12] et plus particulièrement le juge Delisle J.C.A. qui écrivait récemment[13]:
“Malheureusement, ce n’est que […], en dehors donc de ce dernier délai [note : délai de six mois prévu à l’article 484] que l’avocat de l’appelant a demandé au tribunal que son client soit relevé des conséquences du retard à agir.
Comme il s’était écoulé plus de six mois, le juge de première instance a accueilli le moyen d’irrecevabilité invoqué par l’intimée.
Il a eu raison.
Contrairement au délai de 15 jours de l’article 484 qui, a certaines conditions, n’est pas fatal, le délai de six mois du même article et celui de l’article 523 C.p.c. sont des délais de prescription.“
Nos italiques
[48] Le Tribunal est d’avis, tel que le soussigné l’a exprimé récemment dans une autre affaire[14], que le délai maximum de six (6) mois prévu aux alinéas 3e , 4e et 5e respectivement de l’article 10 du Règlement est de rigueur et de déchéance et ne peux conséquemment être sujet à extension.
Délai de déchéance
[49] L'article 2878 C.c.Q. au Livre Huit, Chapitre 1, intitulé Prescription, Dispositions générales stipule:
2878. Le tribunal ne peut suppléer d'office le moyen résultant de la prescription.
Toutefois, le tribunal doit déclarer d'office la déchéance du recours, lorsque celle-ci est prévue par la loi. Cette déchéance ne se présume pas; elle résulte d'un texte exprès.
Nos soulignés
[50] La Cour d'appel[15] nous indique que le délai de déchéance se doit d'être exprimé de façon précise, claire et non ambiguë. La jurisprudence confirme la position prise par les auteurs, et plus particulièrement Jean Louis Baudouin, dans Les Obligations [16] :
“Le second alinéa de cette disposition [2878] précise que la déchéance ne se présume pas et doit résulter d’un texte exprès. Il n’y a donc désormais comme seuls délais préfix véritables que ceux à propos desquels le législateur s’est exprimé de façon précise, claire et non ambiguë”.
[51] La Cour d'appel a d'autre part déterminé qu'il n'est pas nécessaire d'avoir le mot déchéance ou forclusion spécifiquement mentionné à une disposition législative [17] mais que :
“…, une mention formelle du terme “déchéance “ ne me parait pas obligatoire. Il faut cependant que l’intention du législateur est d’en faire un tel délai. “ [18]
[Deuxième alinéa] Sont toutefois soumis à la publicité les droits résultant du bail d'une durée de plus d'un an portant sur un véhicule routier ou un autre bien meuble déterminés par règlement, … l'opposabilité de ces droits est acquise à compter du bail s'ils sont publiés dans les 15 jours... [19]
est un délai de déchéance.
[53] Une des conséquences de la déchéance, la perte ou forclusion du droit d'exercice d'un droit particulier, dans le cas des présentes quant à l'Administrateur, le droit des Bénéficiaires de requérir la couverture du plan de garantie Plan, n'est pas sujet aux dispositions de la suspension ou interruption de la prescription applicables dans certaines circonstances:
“… alors qu’un délai de prescription peut être suspendu et interrompu (articles 2289 et s.), …, la solution contraire prévaut pour le délai de déchéance, qui éteint le droit de créance dès que la période est expirée sans que le créancier est exercé son recours et quoi qu’il arrive. Le titulaire du droit, de ce fait, ne peut même plus invoquer celui-ci par voie d’exception. “[20]
[54] En résumé, la dénonciation prévue à l'article 10 du Règlement se doit d'être par écrit, est impérative et essentielle, le délai de six mois prévu au même article emporte et est un délai de déchéance, et si ce délai n'est pas respecté, le droit des Bénéficiaires à la couverture du plan de garantie visé et au droit à l'arbitrage qui peut en découler sont respectivement éteints, forclos et ne peuvent être exercés.
[55] Conséquemment, l’objection préliminaire du procureur de l’Administrateur et la décision de l’Administrateur sont maintenues.
[56] Tenant compte de la détermination ci-dessus, il n'est pas nécessaire de répondre en détail au deuxième volet du moyen soulevé par l'administrateur quant à une prescription quelconque. Toutefois, pour le bénéfice des parties et alors que l'audition a couvert de façon exhaustive les éléments applicables, le soussigné, s'il avait à le déterminer, considèrerait que les défauts sous étude sont des vices cachés et qu'ils ne rencontrent pas les critères permettant de les considérer comme des vices de conception, de construction ou de réalisation ou de vices du sol au sens de l'article 2118 C.c.Q. tant sous la notion de perte que celles de gravité ou d'inconvénients sérieux, et aurait donc aussi statué que la garantie du Plan était échue quant aux demandes des Bénéficiaires telles que formulées.
[57] Le Tribunal, s'autorisant de l'article 116 du Règlement qui édicte:
“Un arbitre statue conformément aux règles de droit ; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.”
est d'opinion qu’en l’instance dans les circonstances particulières de ce dossier les frais de l'arbitrage se doivent d'être à la charge de l'Administrateur, sauf à distraire 50$ à la charge des Bénéficiaires.
POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[58] ACCUEILLE la requête de l'Administrateur;
[59] REJETTE la demande des Bénéficiaires;
[60] ORDONNE que l'Administrateur assume les frais du présent arbitrage, sauf pour un montant de 50$ à être assumé par les Bénéficiaires.
DATE: 4 Juin 2008 _________________________
Me Jean Philippe Ewart
Arbitre
[1] Code de procédure civile, S.R.Q. c. C-25
[2] Ewart et al. c. Saine et al. [2008] C.S. 500-17-035843-070; Richard Mongeau J.C.S.; pages 2 et 3.
[3] (L.R.Q. c. B-1.1, r.02) - D. 841-98, a. 10; D. 39-2006, a. 1.
[4] (L.R.Q. c. B-1.1, r.02) - D. 841-98, a. 18; D. 39-2006, a. 6.
[5] Code de procédure civile, Art. 494, 1965 (1 re sess.), c. 80, a. 494; 1969, c. 80, a. 9; 1982, c. 32, a. 35; 1983, c. 28, a. 19; 1989, c. 41, a. 1; 1992, c. 57, a. 285; 1993, c. 30, a. 6; 1995, c. 2, a. 3; 1995, c. 39, a. 3; 2002, c. 7, a. 91.
[6] Code procédure civile, Art. 523, 1965 (1 re sess.), c. 80, a. 523; 1985, c. 29, a. 11; 1992, c. 57, a. 422; 1999, c. 46, a. 12; 2002, c. 7, a. 97.
[7] L.Q. 1991, c. 64
[8] Voir aussi la référence à l'article 1739 C.c.Q. à l'alinéa 4 de l'article 10 du Règlement.
[9] Voir Voyer c Bouchard (C.S. 1999-08.27) [1999] R.D.I. 611 ; et Fleurimont c. APCHQ inc. (C.S. 2001.12.19) dans cette dernière affaire, les faits précèdent l'adoption du Règlement tel qu'il se lit alors que le certificat APCHQ de garantie requérait conciliation, mais les principes étudiés demeurent applicables in extensio.
[10] Lluelles et Moore, Droit des obligations, Éditions Thémis, no. 2800 (et note 38 in fine) - 2803
[11] Québec (Communauté urbaine) v. Services de santé du Québec, [1992] 1 S.C.R. 426
[12] Voir entre autres Laurendeau c. Université Laval, Cour d'appel du Québec No. 200-09-003399-000 (200-05-000225-933), 28 Février 2002; voir aussi Balafrej c. R., 2005 QCCA 18 .
[13] J.P. c. L.B., Quebec Court of Appeal No. 500-09-012743-027 (500-12-249425-996), 14 March 2003, pp.3 and 4.
[14] Danesh c Solico Inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., Décision Arbitrale en date du 5 Mai 2008 au dossier Soreconi No. 070821001
[15] Entreprises Canabec inc. c. Laframboise, J.E. 97-1087 (C.A.). where the Court determined that in the case of 524C.C.P. there was no forfeiture; see also: General Motors of Canada Ltd c. Demers, [1991] R.D.J. 551 (C.A.)
[16] Baudouin, Jean-Louis ; Jobin, Pierre-Gabriel. - Les obligations. - collaboration de Nathalie Vézina. - 6e éd. - Cowansville (Québec) : Éditions Y. Blais, ©2005, p. 1092, no. 1087.
[17] Tels les articles 1103 C.c.Q. (copropriété) or 1635 C.c.Q. (action paulienne) où le texte est spécifique.
[18] Alexandre c Dufour, [2005] R.D.I. 1 (C.A.), par. 34,la Cour évalue le droit de retrait de tout indivisaire dans les 60 jours où il apprend qu'une personne étrangère à l'indivision a acquis, la part d'un indivisaire tel que prévu à l' art. 1022 C.c.Q..
[19] 1991, c. 64, a. 1852; 1998, c. 5, a. 8.
[20] Idem, pp. 1092 -3, no. 1086.