ARBITRAGE
RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Chapitre B-1.1, r. 02)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec:
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE TERREBONNE
S21-121901-NP Syndicat de Copropriété
Atmosphéra - 1195
Bénéficiaire
c.
9275-0728 Québec Inc.
L’Entrepreneur
Et :
Raymond Chabot Administrateur Provisoire Inc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie autrefois administré par la Garantie Abritat Inc.
L’Administrateur
DÉCISION ARBITRALE
Arbitre : Roland-Yves Gagné
Pour le Bénéficiaire : François Jetté
Zachary Brideau
Pour l’Entrepreneur : Benoît Soucy
Éric Fleurant
Sylvain Richard
Pour l’Administrateur : Me Martin Thibeault
Date de l’audience : 26 mai 2022
Date de la décision : 6 juin 2022
Description des parties
Bénéficiaire :
Syndicat de Copropriété Atmosphéra – 1195
a/s François Jetté
1195, Marie Gérin-Lajoie
Terrebonne, Qc. J6Y 0M5
Entrepreneur :
9275-0728 Québec Inc.
a/s Benoît Soucy
1155, Marie Gérin-Lajoie
Terrebonne, Qc. J6Y 0M5
Administrateur :
Raymond Chabot Administrateur
Provisoire Inc. ès qualités
d’administrateur provisoire du
plan de garantie autrefois administré par
la Garantie Abritrat Inc.
a/s Me Martin Thibeault
Thibeault Avocats Inc.
7333 Place des Roseraies, 3e étage
Montréal, Qc. H1M 2X6
Liste des pièces
L’Administrateur a produit les pièces suivantes :
A-1 : (En liasse) Lettre de mise en demeure à l’Entrepreneur datée du 31 octobre 2017, courriels de dénonciation et courriels entre l’Entrepreneur et le Bénéficiaire ;
A-2 : Procès-verbal de la réunion du Syndicat des copropriétaires du 1195, Marie Gérin-Lajoie, Terrebonne tenue le 12 juillet 2016 ;
A-3 : (En liasse) Déclaration de copropriété concomitante - Phase 2 datée du 27 avril 2016 et modification à la déclaration de copropriété initiale datée du 31 octobre 2016 ;
A-4 : Réception des parties communes datée du 31 août 2017 ;
A-4.1 : Avis de fin des travaux ;
A-5 : (En liasse) Avis de 15 jours de l’Administrateur à l’Entrepreneur et au Bénéficiaire daté du 13 octobre 2021 et preuves d’envoi et de réception ;
A-6 : (En liasse) Décision de l’administrateur et lettres datées du 15 novembre 2021 et preuves d’envoi et de réception ;
A-7 : (En liasse) Courriels entre le Bénéficiaire et l’Entrepreneur datés du 24 novembre 2021 ;
A-8 : (En liasse) Courriel du CCAC daté du 15 mars 2022, courriel du SDC daté du 21 décembre 2021 et lettre de la notification de la demande d’arbitrage et de la nomination d’arbitre datée du 31 décembre 2021 ;
A-9 : Contrat de garantie signé par Lucie Lacroix en novembre 2014, avec son formulaire de préréception signé en 2016.
Le Bénéficiaire a produit les pièces suivantes :
B-1 : Courriel d’Abritat du 5 décembre 2017 avec un courriel de l’Entrepreneur (Manon Morel) du 4 décembre 2017 ;
B-2 : Courriel de Louis Tardif du 12 mai 2022 avec photos ;
B-3 : En liasse, pièces cotées B-3 S-1 à S-27.
L’Entrepreneur a produit les pièces suivantes :
E-1 : Formulaire de préréception du 20 mai 2016 pour unité 305.
[1] Le Tribunal d’arbitrage est saisi d’une demande d’arbitrage par le Syndicat de copropriété reçue par le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC) le 19 décembre 2021 et par la nomination du soussigné comme arbitre le 31 décembre 2021.
[2] Pour l’Administrateur, la première dénonciation écrite du Syndicat à l’Administrateur est du 8 octobre 2021 (pièce A-1, 1 de 2, page 30 ou page 33/37 du PDF) :
[...] Un de nos copropriétaires a des problèmes avec la structure du bâtiment qui permettrait d'installer correctement une fenêtre. Ce problème est connu et date depuis plusieurs mois. L'entrepreneur remet constamment les rencontres entre son entreprise et le fournisseur de fenêtre. L'entrepreneur de nomme Groupe Calex inc et le fournisseur Fenêtre Magistrale. Les délais s'étirent et la garantie se termine bientôt. Auriez-vous l'obligeance de nous donner la marche à suivre pour inscrire cette réclamation auprès de Abritat avec le formulaire approprié. On nous réfère à Raymond Chabot qui n'a pas retourné nos appels. Par la présente, nous souhaitons que cette réclamation soit considérée signalée à compter de ce jour. Le condo où le problème est constaté est le [...]-1195 [...]
[3] Puis le Syndicat dénonce ce qui suit à l’Administrateur le 12 octobre 2021 (pièce A-1, 1 de 2, page 31 ou page 35/37 du PDF) :
[...] je vous écrit pour dénoncer les problèmes rencontrés par les propriétaires du condo [...]-1195 [...]. Les propriétaires sont Mme. Camille Poulin et M. Zachary Brideau. Le problème connu depuis plusieurs mois consiste en une fenêtre qui n'est pas étanche et laisse entrer l'eau et qui ne peut être remplacée adéquatement parce que la structure du bâtiment entourant la fenêtre présente un défaut important. Les installateurs ont brisé le nouveau Thermos en tentant de remplacer ladite fenêtre à cause du défaut de structure de la bâtisse. Depuis, les propriétaires sont laissés dans l'ignorance quant au suivi que devrait faire l'entrepreneur. Les rencontres prévues entre l'entrepreneur et le sous-traitant sont constamment remises. Aucune solution n'est actuellement en vue et nous voyons l'échéance de notre garantie arrivée bientôt. Il est aussi important de noter que des dommages ont été causés par les sous-traitants à la peinture intérieure du condo et que des dommages causés par la pluie qui s'infiltre ont aussi été constatés au plancher.
En conséquence, vous êtes avisé que nous entreprenons des démarches auprès de Abritat inc conformément à la garantie.
[4] La décision de l’Administrateur du 15 novembre 2021 portée en arbitrage se lit comme suit :
1. STRUCTURE DE FENÊTRE DÉFECTUEUSE POUR L'UNITÉ 305
Lors de l'inspection, le président du Syndicat nous explique que la fenêtre de l'unité 305 coule depuis plusieurs années, que l'entrepreneur est intervenu à quelques reprises, que maintenant il n'y a plus d'infiltration d'eau, mais que le cadre de la fenêtre est toujours croche et qu'ils craignent que la structure de la fenêtre ne s'affaisse graduellement.
Le président du Syndicat précise également que lors de l'une des interventions de l'entrepreneur, le sous-traitant a causé des dommages aux matériaux entourant la fenêtre en question.
De son côté, l'entrepreneur soutient que le cadre est légèrement croche depuis la réception du bâtiment. Il ajoute que maintenant que l'infiltration d'eau est résolue, le sous-traitant s'occupe des dégâts causés lors des travaux par l'entremise de son assureur.
Lors d'un échange de courriels en 2018 entre l'ancien propriétaire de l'unité concernée, le Syndicat et l'entrepreneur, il a été convenu de modifier la fenêtre ouvrante et de la remplacer par une vitre fixe pour régler le problème d'infiltration d'eau.
Pour notre part, nous avons pu constater qu'il n'y a pas d'affaissement de la structure, et ce bien que le cadre de la fenêtre ne soit effectivement pas de niveau. Notons que tout porte à croire que la fenêtre a été installée initialement de cette façon, sans que cela ne soit dénoncé lors de la réception du bâtiment ou de l'unité. De plus, les modifications à la fenêtre ont été acceptées par les premiers propriétaires de l'unité et donc, acheté tel quel par les propriétaires actuels.
ANALYSE ET DÉCISION (point 1)
Le point 1 consiste en un vice et malfaçon apparent, lequel n'a pas été dénoncé par écrit conformément aux exigences de l'article 27.2 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
« 27. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:
20 la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception. Pour la mise en œuvre de la garantie de réparation des vices et malfaçons apparents du bâtiment, le bénéficiaire transmet par écrit sa réclamation à l'entrepreneur et en transmet copie à l'administrateur dans un délai raisonnable suivant la date de fin des travaux convenue lors de la réception; »
Au surplus, le Syndicat mentionne que l'entrepreneur a effectué des travaux correctifs. Toutefois, il se déclarent (sic!) insatisfait des résultats obtenus, et ce malgré l'arrêt du problème dénoncé à la base pour ces travaux, soit les infiltrations d'eau.
Avec respect pour l'opinion du Syndicat, l'administrateur est quant à lui d'avis que les travaux exécutés par l'entrepreneur sont acceptables et conformes aux règles de l'art.
[5] Si dans la lettre de présentation de son cahier de pièces, l’Administrateur affirme évaluer la valeur du dossier à $7,000, l’Entrepreneur a affirmé avoir reçu une réclamation de $7,000 pour dommages au plancher, $3,000 pour de la peinture, ces deux éléments (plancher et peinture) sont bien dans la dénonciation du Syndicat, le tout, sans parler de la fenêtre et d’infiltration d’eau ; le Tribunal a donc considéré que la valeur de dossier, le tout dit de façon très sommaire et sans rendre de décision finale à ce sujet, était plutôt pour le moins dans une fourchette de $8,000 à $15,000, même si cela ne change rien au final vu les conclusions des présentes.
[6] La Cour supérieure a confirmé dans 9264-3212 Québec Inc. c. Moseka[1] que l’arbitrage est un procès « de novo », au cours duquel le Bénéficiaire et l’Entrepreneur, peuvent apporter toute preuve nouvelle :
[20] […] L’arbitre peut entendre des témoins, recevoir des expertises et procéder à l’inspection des biens ou à la visite des lieux.
[…] [24] Le Tribunal rappelle que l’arbitre ne siège pas en appel ou en révision de la décision du Conciliateur. Il ne procède pas non plus à décider en se basant uniquement sur le dossier transmis. […]
[7] La première assemblée du Syndicat transféré a eu lieu le 12 juillet 2016 (pièce A- 2).
[8] La réception des parties communes a eu lieu le 31 août 2017 (pièce A-4).
[9] Le président du Syndicat (depuis 2018, mais sur les lieux avant cette date) affirme que la fenêtre de l’unité 305 est composée de cinq fenêtres superposées les unes par-dessus les autres et touche deux étages (photo pièce B3-S3A).
[10] L’installation la fenêtre fut effectuée par l’Entrepreneur qu’il l’avait acquise de Fenêtre Magistrale.
[11] Le problème n’était pas évident, il n’est pas visible, le propriétaire du 305 de l’époque, Monsieur Choinière, a réalisé que son mur était mouillé, il a suspecté la fenêtre, il a fait un appel de service à l’Entrepreneur pour que ce soit vérifié le 4 décembre 2017 (« problèmes d’infiltrations d’eau de la grande fenêtre », pièce A-1, 1 de 2, p. 8 de 37 du pdf).
[12] L’Entrepreneur et son sous-traitant Fenêtre Magistrale, ont affirmé que l’infiltration a lieu par le volet du thermos qui est ouvrant, le moyen proposé était de changer la fenêtre qui s’ouvrait avec une manivelle par une fenêtre fixe.
[13] Les travaux se font par temps chaud l’été suivant (été 2018).
[14] Bien que le problème semble réglé, le 31 octobre 2019, jour de tempête qui allait entraîner l’annulation de l’Halloween, l’occupant de l’unité 204 (étage en dessous – l’occupant est lui-même, le président du Syndicat) constate une infiltration d’eau dans son mur.
[15] Il ignorait si l’eau venait d’en haut, mais Monsieur Arsenault (qui a assisté à l’audience mais qui n’a pas été appelé comme témoin) leur a confirmé que ça devait venir d’en haut et qu’il allait faire une intervention par l’extérieur pour corriger tout ça.
[16] Il confirme n’avoir alors contacté que l’Entrepreneur et non l’Administrateur de la garantie.
[17] Novembre 2019 : une intervention est faite par l’extérieur dans les jours qui ont suivi et « on » présume que tout est correct.
[18] Vers le 31 août 2020, les acheteurs qui occuperont l’unité 305 font remarquer que certains thermos de l’unité 305 sont descellés, ils en parlent directement au sous-traitant Fenêtre Magistrale sans en parler à l’Entrepreneur (ni à l’Administrateur) et ils achètent sachant que ça va être réparé.
[19] Fenêtre Magistrale leur dit qu’ils vont faire ça au printemps suivant.
[20] Le ou vers le 9 juin 2021, les thermos problématiques sont remplacés sauf pour un grand thermos qui va se briser lors de son installation, il ne rentre pas dans le cadre de fenêtre ;
[20.1] ils vont remettre l’ancienne fenêtre en attendant le thermos, mais on ne se questionne pas comment il se fait que cette fenêtre soit croche, les hypothèses ne sont pas fouillées de ce côté-là.
[21] De l’eau s’infiltre lors de la pluie suivante car le nouveau thermos découpé à la bonne grandeur, qui doit « fiter », est en commande,
[22] « On » a un doute à ce moment-là que cette réparation-là ne sera pas la bonne ;
[22.1] ce qu’ « on » comprend : comme la fenêtre est hors normes, que ce sont cinq fenêtres superposées les unes par-dessus les autres, un poids s’exerce là-dessus et l’ « avenir nous dira que effectivement il y a un poids qui s’exerce là-dessus qui est anormal ».
[23] De plus, il y a eu de l’eau sur le plancher :
[23.1] le plancher a été endommagé, les sous-traitant (Fenêtre Magistrale) et le surintendant (Entrepreneur) ont dit qu’ils allaient s’occuper des dommages,
[23.1.1] la compagnie Fenêtre Magistrale a dit « la peinture on va s’en occuper » et « on va présenter ça à notre assurance » ;
[23.1.2] l’Entrepreneur (le surintendant) a dit « on va s’occuper des dommages au plancher ».
[24] Le propriétaire de l’unité a relancé pour savoir ce qui allait advenir de son plancher, de la peinture, de la fenêtre, il est resté sans réponse, d’où la mise en demeure et la dénonciation écrite à l’Administrateur du plan de garantie en octobre 2021.
[25] Le thermos est changé, tel que découpé dans l’espace disponible qui est irrégulière ; comme il reste le plancher et la fenêtre pour laquelle on a un doute sur cette réparation-là, on met en demeure l’Entrepreneur d’effectuer les réparations appropriées et d’assumer des dommages causés par les interventions.
[26] La fenêtre est changée après cette mise en demeure.
[27] C’était la première fois en octobre 2021 que le Syndicat écrivait à l’Administrateur du plan de garantie depuis 2017.
[28] En plus de la fenêtre, il réclame les dommages causés par les travaux, les échafauds ont égratigné la peinture et le propriétaire a été obligé de repeinturer.
[29] Il avait convenu avec Fenêtre Magistrale « qu’eux autres assumeraient de payer la peinture », et ils avaient un engagement verbal du surintendant de l’Entrepreneur que ce plancher serait réparé, ça a été dit devant l’inspecteur de la garantie qui en parle dans sa décision.
[30] Quant à la visite de l’inspecteur conciliateur, il affirme :
[30.1] qu’« il n’y a pas eu d’examen approfondi de cause, qu’est-ce qui pouvait causer ça, on s’en est tenu à la fenêtre, la vitre, le thermos a été remplacé et depuis il n’y a pas eu d’évidence que ça coule mais comme ça coule par l’intérieur de la fenêtre, il n’y a pas eu d’inspection de ça, il y a comme un malaise par rapport à ça, nous on dit qu’on doute que ça va corriger le problème » ;
[30.2] contrairement à ce qui est écrit dans la décision de l’Administrateur, Monsieur Soucy (Entrepreneur) n’était pas présent à l’inspection (cette absence est confirmé par ce dernier à l’audience).
[31] La petite fenêtre du milieu a craqué d’elle-même pendant l’hiver, il y a comme une pression qui s’exerce sur les fenêtres qui « nous » font penser que tout est structurel, la série de fenêtres une par-dessus l’autre ça finit par avoir un poids qui est trop grand.
[32] En contre-interrogatoire de l’Entrepreneur, à la question à savoir s’il a envoyé une demande écrite à l’Entrepreneur Calex pour un problème d’infiltration à l’unité 305 à la suite de l’intervention de 2018 à la fenêtre « comme quoi cette intervention-là n’était pas efficace et que ça coulait encore », le témoin répond non ;
[32.1] il ajoute qu’en octobre 2019 c’est chez lui (unité 204) que ça coulait, on a demandé une intervention, Monsieur Arsenault est venu et a déclaré que ça provenait assurément de la fenêtre d’en haut.
[33] Il est l’acheteur avec sa conjointe de l’unité 305 en 2020.
[34] Quand ils ont acheté :
[34.1] ils ont fait changer les thermos et à l’installation, il y a eu des murs qui ont été endommagés ; du plâtre et de la peinture ;
[34.2] le plancher n’était pas endommagé, c’est arrivé après que le thermos a été endommagé lors de l’installation de juin 2021, c’était avec la fenêtre temporaire, l’eau était rentrée quelques jours après quand il y a eu de la pluie, ils ont nettoyé le plus possible pour éviter un plus grand endommagement, son plancher a été endommagé.
[35] Tout ce qui est peinture et autre au mur a été réparé mais le plancher ne l’a pas été, il est encore ondulé.
[36] Il a dit à l’inspecteur de la garantie que la fenêtre coulait encore, qu’il y avait des petites flaques d’eau devant les fenêtres (sur le cadrage avant, un remblai, un carré, ça faisait une flaque là, il y mettait des serviettes), quand il est venu il n’y avait pas d’eau.
[37] Il a mentionné à l’inspecteur de la garantie que ça avait endommagé son plancher à côté de la fenêtre, que de l’eau s’était écoulée dessus, l’inspecteur s’est approché, il a regardé.
[38] Sa conjointe, Camille Poulain, a envoyé le courriel suivant le 12 janvier 2022 à Fenêtre Magistrale (pièce B-3 S24) : « nous avons toujours une infiltration d’eau avec notre fenêtre malgré l’application du silicone. Nous avons également remarqué que la fenêtre du dessus était craquée. Nous voulons que quelqu’un vienne arranger cela pour ne pas qu’il y ait de l’eau encore et que vous commandiez une nouvelle fenêtre pour celle qui est craquée. »
[39] Il est directeur des services à la clientèle chez Fenêtre Magistrale.
[40] Ils ont eu « plusieurs plusieurs » interventions au 305.
[41] Ça a commencé avec un appel pour un thermo qui était bué, ça a commencé avec un, puis trois, puis sept, puis neuf, finalement on a changé neuf thermos dans l’appartement ;
[41.1] un des thermos qui était auparavant ouvrant avait été changé pour un fixe ;
[41.2] en changeant le thermo il y avait eu une variante dans la grandeur et il ne « fitait » pas, alors on l’a remplacé par la suite.
[42] Le 30 août 2020, on a reçu une demande pour remplacer un thermo bué.
[43] Le 17 octobre 2020, Madame Poulin a dit que c’était cinq.
[44] Le 2 novembre 2020 Monsieur Brideau avise qu’il y en a neuf.
[45] Le 7 juin 2021, Monsieur Brideau a envoyé une photo où il y avait un peu d’eau, c’est une espèce de moulure qu’on met entre le thermo et la fenêtre que son installateur avait pétée, donc on est allé les remplacer, c’est ce qui avait fait un petit peu d’eau.
[46] Le 9 juin 2021 un de ses techniciens est allé sur place, il a repris certaines mesures, on a changé les thermos.
[47] Le 15 juillet 2021 on est retourné encore, c’était une quatrième visite, on a encore eu des difficultés avec les thermos.
[48] Le 20 août 2021 on a envoyé les bons thermos, c’est installé et c’était fini.
[49] Après Monsieur Brideau a demandé des dédommagements pour la peinture, une facture d’environ 3,000$, lui il avait un petit malaise avec ça parce qu’il n’avait pas été prévenu que Monsieur Brideau procédait aux travaux ;
[49.1] normalement ce n’est pas la façon qu’on procède - ses installateurs prennent leur responsabilité, ils apportent leurs propres correctifs « je n’envoie pas un tiers pour aller faire le travail qui va coûter quatre fois le prix ».
[50] Puis Monsieur Brideau lui a envoyé une autre soumission pour son plancher, 12 000$ pour 900 pieds carrés de plancher ; il a communiqué avec Monsieur Brideau pour dire qu’il négocierait « quand on sera sérieux ».
[51] Pour sa part le thermo qui a été mis pour remplacer le volet qui était autrefois opérant est fonctionnel, il n’y a pas de problème avec ce thermo ni avec les autres, pour lui ça demeure conforme, il n’a pas de doute là-dessus.
[52] En contre-interrogatoire du Bénéficiaire,
[52.1] à la question, s’il avait dit à François Jetté qu’il allait présenter la facture de Monsieur Brideau à ses assurances, il répond « pas du tout ce que je vous ai dit et je m’en souviens très bien que oui comme dans tous les cas de réclamation on communiquerait avec nous assurances pour voir ce qu’il arriverait avec ça mais (1) Monsieur Brideau n’a jamais eu l’autorisation de procéder aux travaux ni le Syndicat je n’ai aucun moyen de savoir quels murs ont vraiment été endommagés car on m’envoie seulement des petits bouts de photos ça devient compliqué (2) ce que Monsieur Brideau m’avait envoyé comme facture c’était une soumission en date de la journée où on se parlait donc plusieurs mois après que les dégâts ont été faits et que supposément ils auraient été réparés, il a envoyé une facture de la même date que le devis » ;
[52.2] quant à la référence dans la décision de l’Administrateur qu’il allait présenter à ses assurances la facture des dommages causés à la peinture, il répond : « j’ai déclaré qu’on allait en parler avec nos assurances, je ne peux pas arriver et dire à mes assureurs qu’il faut qu’ils paient », « je peux en discuter avec mes assureurs mais ils vont dire la même chose, as-tu une preuve que tu as autorisé Monsieur Brideau de faire les travaux, avez-vous magasiné pour un entrepreneur, et pour les travaux qu’il y avait, la facture était assez élevée, faire peinturer trois couches de peinture partout parce qu’il y a des petites « scratches » je trouve ça un peu étrange il y a une limite ».
[53] Le représentant de l’Entrepreneur dit avoir reçu une demande en décembre 2017 pour un problème d’infiltration, en 2018 il y a une intervention qui a été faite avec la collaboration de Fenêtre Magistrale et suivant cette intervention là et on n’a pas entendu parler avec l’ancien propriétaire, « on a rien à nos registres qui soulève une autre problématique ».
[54] La seule autrefois, c’est quand le nouveau propriétaire a fait une réclamation directement à Fenêtre Magistrale par rapport à des thermos, eux, au départ, ils n’étaient pas impliqués,
[55] En contre-interrogatoire, à savoir s’il a été question de réparer le plancher à la suite des problèmes d’eau, il répond « nous on n’a aucun écrit dans nos dossiers qui dit qu’on s’était engagé à remplacer le plancher ».
[56] Il est le surintendant du projet Atmosphéra pour l’Entrepreneur Calex.
[57] À la question s’il se souvenait avoir dit à Monsieur Brideau qu’il allait lui arranger son plancher, il répond « j’ai dit il n’a pas besoin de s’inquiéter on va s’arranger pour y trouver du plancher c’est sûr que nous autres on voulait aider Magistrale, on ne veut pas tout changer un plancher on vérifiait si on était capable d’avoir une boîte pour pouvoir réparer la section endommagée, il y avait un engagement à vérifier et c’est ce que j’ai fait mais malheureusement ce plancher là et « discontinué » », « on ne s’est jamais engagé à réparer quoi que ce soit parce que de toute façon ce n’est pas nous qui a causé le problème c’est durant les travaux de Magistrale ».
[58] Le Bénéficiaire dit que « la fenêtre en question a été connue » relativement tôt dans la vie de l’édifice donc le Syndic original a fait une dénonciation et on a trouvé pour régler le problème une solution qui est acceptée par un copropriétaire et le Syndicat qui était de mettre une fenêtre fixe.
[59] C’était une tentative, un moyen pour résoudre un problème, mais l’obligation ce n’est pas juste un moyen mais c’est d’obtenir un résultat.
[60] Par la suite on s’est rendu compte que ce moyen-là n’était pas efficace, c’était une intervention qui n’avait pas solutionné, dans le mur il s’infiltrait de l’eau et il s’en infiltrera encore par la suite y compris dans le condo en dessous.
[61] La solution de sceller par l’extérieur n’a pas nécessairement donné de résultats non plus.
[62] On a émis des hypothèses, mais comme on n’est pas des experts on demeure avec une inquiétude structurelle, parce qu’il coule encore de l’eau même après ces réparations, on a demandé à quelqu’un et en ouvrant le cadre de la fenêtre il dit qu’il y a un problème d’infiltration d’eau à cette fenêtre causée par la pression des fenêtres les unes par-dessus les autres.
[63] Ils ont réagi rapidement quand ça devait être signalé d’abord à l’Entrepreneur et par la suite à l’Administrateur compte tenu que le problème n’était pas résolu.
[64] L’inspecteur de l’Administrateur ne s’est pas questionné est-ce qu’il y a un problème structurel de ces fenêtres qui sont les unes par-dessus les autres
[65] Le problème perdure et au cours de ces différentes interventions-là on a subi des dommages et les engagements avaient été pris, ils sont témoins de ses engagements même s’ils ne sont pas écrits, la décision de l’Administrateur dit bien : De son côté, l'entrepreneur [...] ajoute que maintenant que l'infiltration d'eau est résolue, le sous-traitant s'occupe des dégâts causés lors des travaux par l'entremise de son assureur ;
[65.1] avec égards, le Tribunal est intervenu pour dire qu’il poursuivait ici l’Administrateur du plan de garantie et non l’Entrepreneur.
[66] L’Entrepreneur plaide qu’en 2017 on a une réclamation pour une fenêtre, on a proposé une solution, acceptée, qui était de mettre un Thermos fixe, on a fait une intervention en 2018, et à la suite de l’intervention on n’a pas eu d’autre demande écrite.
[67] Contrairement aux inquiétudes du Syndicat, il n’y a pas de problème de structure avec la fenêtre.
[68] On n’a pas d’engagement écrit qu’on était prêt pour dédommager.
[69] On a respecté nos engagements comme Entrepreneur.
[70] L’Administrateur rappelle que le Syndicat a une connaissance au moins depuis le 31 octobre 2019 des problèmes d’infiltration d’eau et la première fois qu’il l’a dénoncée par écrit tel que prescrit par le Règlement est le 12 octobre 2021 soit plus de deux ans, ce qui ne respecte pas le délai de six mois de la connaissance prévu au Règlement.
[71] La majorité des choses citées aujourd’hui sont sous la juridiction des tribunaux de droit commun et non de la Garantie.
[72] La demande d’arbitrage du Syndicat est rejetée, le délai maximal de six mois de dénonciation écrite à l’Administrateur prévu à l’article 27 du Règlement n’ayant clairement pas été respecté.
[73] Que ce soit à la conférence de gestion, puis avant le début de l’audience, puis enfin avant le début des plaidoiries, le Tribunal soussigné a rappelé au Syndicat que sa réclamation avait été rejetée sur deux bases, soit l’absence de respect du délai de dénonciation prévu au Règlement et l’absence alléguée par l’Administrateur de problèmes à sa fenêtre.
[74] Le Tribunal d’arbitrage, établi en vertu Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, est saisi du recours du Syndicat Bénéficiaire contre l’Administrateur du plan de garantie qui cautionne les obligations de l’Entrepreneur de la manière spécifiquement prévue au Règlement, recours supplémentaire à ses recours en vertu du droit commun, le Syndicat conservant donc tous ses recours en vertu du droit commun à l’encontre de l’Entrepreneur, en autant bien sûr qu’il ait un recours fondé.
[75] Le Règlement est d’abord entré en vigueur en 1998[2] ; il a fait l’objet de quelques amendements, les plus importants, l’un en vigueur en 2006[3] et un autre en vigueur le 1er janvier 2015[4].
[76] Bien qu’une nouvelle version du Règlement soit entrée en vigueur le 1er janvier 2015, le droit est très clair après sept ans de cette entrée en vigueur, sur la version applicable au bâtiment du Syndicat Bénéficiaire.
[77] Dans l’affaire récente (septembre 2021) Raymond Chabot administrateur provisoire inc. c. Doyle[5], la Cour supérieure a révisé une décision arbitrale qui avait utilisé la mauvaise version du Règlement, et a réitéré le droit applicable, en citant même en référence, cinq décisions rendues par l’arbitre soussigné de 2015 à 2021[6].
[78] C’est aussi la version d’avant le 1er janvier 2015 qui apparaît aux contrats de garantie signés par les copropriétaires/membres du Syndicat Bénéficiaire.
[79] La Cour d’appel a reconnu dans l’arrêt Desindes[7] que ces contrats n’étaient pas un contrat d’adhésion mais un contrat réglementé « c’est-à-dire d’un contrat dont le contenu est imposé par le législateur et non par l’appelante [note : l’administrateur], elle aussi obligée de se plier aux volontés du législateur et de faire approuver son plan par la Régie ».
[80] Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, qu’au moins quatre arrêts de la Cour d’appel du Québec[8] ont déclaré d’ordre public, n’est pas un chapitre du Code civil, ni une loi de l’Assemblée nationale, mais un Décret gouvernemental qui stipule, à ses articles 7 et 74 :
7. Un plan de garantie doit garantir l'exécution des obligations légales et contractuelles d'un entrepreneur dans la mesure et de la manière prévues par la présente section.
74. Aux fins du présent règlement et, en l'absence ou à défaut de l'entrepreneur d'intervenir, l'administrateur doit assumer tous et chacun des engagements de l'entrepreneur dans le cadre du plan approuvé.
[81] Le Règlement ne prévoit pas une « garantie totale mur à mur » pendant cinq ans, mais des couvertures différentes dans le temps pour des problématiques différentes, soit malfaçon, vice caché et vice majeur, ces mots pris dans leur sens juridiques, puisque le Règlement renvoie au Code civil et non à leur sens commun selon Monsieur et Madame tout le monde.
[82] Plus précisément, avant l’entrée en vigueur le 1er janvier 2015 de la nouvelle version de l’article 27, donc, dans la version applicable au présent dossier, le plan de garantie couvre ainsi la malfaçon apparente, la malfaçon non-apparente, le vice caché et le vice majeur :
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;
5° la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux des parties communes ou, lorsqu'il n'y a pas de parties communes faisant partie du bâtiment, de la partie privative et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation. (Nos soulignés).
[83] Le délai de six mois est un délai de rigueur et de déchéance, c’est-à-dire que le droit est éteint après le délai de six mois et il est bien établi que, sous la version d’avant le 1er janvier 2015 applicable du Règlement, les « réconforts » ou promesses de l’Entrepreneur n’ont pas pour effet de suspendre le délai de rigueur de six mois.
[84] En décembre 2019, la Cour supérieure réitère ce principe dans Syndicat de copropriété du 8980 au 8994 Croissant du Louvre c. Habitations Signature inc.[9] :
[80] Les dispositions réglementaires traitant de la garantie des bâtiments résidentiels neufs sont un complément aux garanties prévues au Code civil du Québec. [...]
[81] Mais il y a plus. Le délai applicable en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs dont l’arbitre devait tenir compte est complètement différent de celui prévu au Code civil du Québec et dont la Cour supérieure devra considérer.
[82] Le délai de six mois dont traite la sentence arbitrale est un délai de déchéance. [...]
[83] En l’espèce, l’arbitre Zoltowski a raison de conclure que malgré les promesses et engagements de réparations faites par le représentant de l’entrepreneur, il ne peut suspendre ou prolonger le délai de déchéance et de rigueur de six mois ; (nos caractères gras).
[85] Ce n’est pas parce que l’Administrateur du plan de garantie est une caution des obligations de l’Entrepreneur qu’il suffit de regarder si l’Entrepreneur est responsable pour conclure que l’Administrateur est nécessairement responsable comme caution.
[86] Dès 2004, la Cour d’appel du Québec a jugé dans La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause[10] :
[11] Le Règlement est d’ordre public. Il pose les conditions applicables aux personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés.
[12] L’appelante est autorisée par la Régie du bâtiment du Québec (la Régie) à agir comme administrateur d’un plan de garantie approuvé. Elle s’oblige, dès lors, à cautionner les obligations légales et contractuelles des entrepreneurs généraux qui adhèrent à son plan de garantie.
[13] Toutefois, cette obligation de caution n’est ni illimitée ni inconditionnelle. Elle variera selon les circonstances factuelles […];
[15] La réclamation d’un bénéficiaire est soumise à une procédure impérative. (nos caractères gras)
[87] En vertu de l’article 27 du Règlement, l’avis doit être donné par écrit dans le délai de six mois fixé par le Règlement à l’Entrepreneur ET l’Administrateur qui cautionne les obligations contractuelles et légales de l’Entrepreneur pour qu’il puisse intervenir à brève échéance, d’autant plus qu’ici, il est question d’une infiltration d’eau.
[88] Pour paraphraser la Cour d’appel dans Facchini c. Coppola[11], la raison d'être de la dénonciation est de permettre à l’Administrateur de constater le vice, d'examiner la preuve et de procéder aux réparations en limitant les coûts.
[89] La dénonciation écrite à l’Administrateur fut le 12 octobre 2021, alors que :
[89.1] le Syndicat dénonce une infiltration d’eau survenue en octobre 2019 à l’unité 204, pour laquelle le délai de dénonciation est non seulement échu, mais, de façon subsidiaire, pour laquelle on n’apporte pas la preuve qu’elle est susceptible de se reproduire, sinon qu’on a des craintes et des doutes ;
[89.2] le Syndicat dénonce des problèmes aux thermos descellés par des nouveaux acheteurs en août 2020 (sans mention si les anciens propriétaires avaient déjà découvert le problème) qui a entraîné un changement de fenêtres en juin 2021, près d’un an plus tard, à la suite d’une constatation et des dommages causés à la peinture lors des travaux de juin 2021 et des dommages causés au plancher par une infiltration d’eau à cause de la fenêtre mal ajustée posée en juin 2021 ;
le recours contre l’Administrateur du plan de garantie est clairement échu et déchu vu le non-respect du délai de dénonciation de six mois.
[90] Baudouin explique ce qu’est un délai de déchéance[12] :
Dans le cas des délais de déchéance, la créance est absolument éteinte après l'expiration du temps fixé. Le tribunal est alors tenu de suppléer d'office au moyen en résultant (art. 2878 C.c.). Dans ces cas donc, ce n'est plus seulement l'action en justice qui est éteinte, mais bien le droit lui-même.
[91] L’article 116 du Règlement se lit ainsi :
116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient.
[92] Le Tribunal ne peut pas faire appel à l’article 116 du Règlement pour changer les termes du Règlement d’ordre public ou faire renaître un droit inexistant après un délai de déchéance.
[93] Le Tribunal a bien noté le témoignage du président du Syndicat qui a affirmé comme excuses « nous communiquons avec Calex, et Calex prend quelques jours pour, parmi tout ce qu’il y a à faire, pour venir voir et réparer, faire des interventions qui ne sont pas toujours efficaces », le Règlement ne parle pas de dénoncer à l’Administrateur en termes de quelques jours, ou de jours, mais de six mois.
[94] De façon purement subsidiaire :
[94.1] il y a absence de preuve au dossier d’arbitrage d’un lien entre le problème dénoncé en 2017 et les évènements de 2019 ou les thermos descellés rapportés au sous-traitant en 2020 dénoncés à l’Administrateur en octobre 2021 ;
[94.2] le Syndicat a plaidé avoir aimé que l’inspecteur de l’Administrateur aille plus à fond pour déterminer les causes et dire quelles étaient les causes « car ce n’est pas tout de dire que ça ne coule pas, ça ne coule pas en ce moment mais ça va peut-être couler » ;
[94.3] avec égards, le plan de garantie couvre les vices et les malfaçons, il ne couvre pas les inquiétudes et s’il y a des inquiétudes, c’est au Syndicat à prouver devant le Tribunal qu’il y avait une raison de s’inquiéter contrairement aux conclusions de l’inspecteur de l’Administrateur, le Syndicat ne peut pas seulement dire à un juge « je suis inquiet même si l’Administrateur a conclu à l’absence de problème » sans rencontrer son fardeau de preuve.
RÉSERVE DES DROITS
[95] Les conclusions de la présente décision ne portent que sur le délai de dénonciation qui a excédé un délai de rigueur et de déchéance en vertu de la version du Règlement applicable au Bénéficiaire et non sur le fond des problématiques alléguées, sans que cette affirmation puisse être interprétée dans un sens ou dans l’autre quant aux problématiques alléguées.
[96] L’article 11 de la Loi sur le bâtiment[13], en vertu de laquelle le Règlement a été adopté, stipule :
11. La présente loi n'a pas pour effet de limiter les obligations autrement imposées à une personne visée par la présente loi.
[97] Le Tribunal rappelle la décision de la Cour supérieure dans l’affaire Garantie d'habitation du Québec c. Jeanniot[14] :
[63] Il est clair des dispositions de la Loi et du Règlement que la garantie réglementaire ne remplace pas le régime légal de responsabilité de l'entrepreneur prévu au Code civil du Québec. Il est clair également que la garantie prévue à la Loi et au Règlement ne couvre pas l'ensemble des droits que possède un bénéficiaire, notamment en vertu des dispositions du Code civil du Québec et que les recours civils sont toujours disponibles aux parties au contrat.
[98] La Cour d’appel réitère ce principe dans l’arrêt Gestion G. Rancourt inc. c. Lebel[15] :
[10] Le plan de garantie constitue « un complément aux garanties contre les vices cachés du Code civil ». Rien dans le Règlement n’impose au bénéficiaire de renoncer au droit d’action que le Code civil lui reconnaissait avant l’institution d’un Plan et qu’il lui reconnaît encore aujourd’hui.
[99] Dans son arrêt Consortium MR Canada ltée c. Montréal (Office municipal d'habitation de)[16], la Cour d’appel confirme la coexistence des recours en vertu du Règlement et du droit commun, le Règlement étant un complément aux garanties du droit commun :
[17] La juge avait raison de souligner les différences de vocation entre les recours arbitral et de droit commun.
[18] La procédure d'arbitrage expéditive prévue au Règlement pour réparer rapidement les malfaçons est, comme le note la juge, un complément aux garanties contre les vices cachés du Code civil. Régime d’ordre public, [...].
[100] Dans une poursuite en vertu du droit commun, la Cour supérieure dans Syndicat de copropriété du 8980 au 8994 Croissant du Louvre c. Habitations Signature inc.[17], a rejeté une requête en irrecevabilité de l’entrepreneur contre un acheteur, qui alléguait que la réclamation avait déjà été rejetée vu le non-respect du délai de déchéance de six mois, la Cour supérieure affirmant que le délai applicable au Code civil était différent :
[81] Mais il y a plus. Le délai applicable en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs dont l’arbitre devait tenir compte est complètement différent de celui prévu au Code civil du Québec et dont la Cour supérieure devra considérer.
[101] Le Tribunal d’arbitrage réservera les droits du Bénéficiaire de porter ses prétentions devant les tribunaux de droit commun contre toute personne autre que l’Administrateur du Plan de Garantie, le tout, sujet aux règles de la prescription civile et de droit commun, sans que cette affirmation ne puisse être interprétée comme étant une opinion, dans un sens ou dans l’autre, sur le bien-fondé de la réclamation du Bénéficiaire quant au fond.
[102] L’article 37 du Règlement stipule :
37. Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.
[103] Il reste au Tribunal à départager les coûts de l’arbitrage : le Bénéficiaire n’a eu gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation ; l’article 116 du Règlement permet à l’arbitre de faire « aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient ».
[104] Considérant les faits particuliers de cette cause et le droit applicable, la bonne foi du Bénéficiaire, les frais d’arbitrage, selon les articles 116 et 37 du Règlement, seront partagés entre le Bénéficiaire pour la somme de cinquante dollars ($50.00) et le solde des frais de l’arbitrage sera assumé par l’Administrateur du Plan de Garantie, sujet à son recours subrogatoire.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[105] REJETTE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire à l’encontre de l’Administrateur vu le non-respect du délai de dénonciation prévu au Règlement et RÉSERVE le droit du Bénéficiaire, à supposer qu’il ait un recours fondé, de porter devant les tribunaux de droit commun, sa réclamation contre toute personne autre que l’Administrateur et sujet aux règles de droit commun et de la prescription civile ;
[106] CONDAMNE le Bénéficiaire à payer la somme de $50.00 à CCAC pour sa part des frais d’arbitrage ;
[107] LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage moins le montant de $50.00 à la charge de Raymond Chabot Administrateur Provisoire Inc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie Abritat Inc. ses successeurs et ayant droits, conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’Organisme d’arbitrage CCAC, après un délai de grâce de 30 jours ;
[108] RÉSERVE à Raymond Chabot Administrateur Provisoire Inc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie Abritat Inc. ses successeurs et ayant droits, ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur, pour les coûts exigibles pour l’arbitrage (par. 19 de l’annexe ll du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.
Montréal, le 6 juin 2022
__________________________
ROLAND-YVES GAGNÉ
Arbitre / CCAC
[1] 9264-3212 Québec Inc. c. Moseka 2018 QCCS 5286 (Hon. Juge Johanne Brodeur). Voir aussi, au même effet : Immobilier Versant Ouest Inc. c. SDC de la Bâtisse Savage et Raymond Chabot Administrateur Provisoire Inc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie La Garantie Abritat, CCAC S19-012101-NP, 19 juillet 2019, Michel A. Jeanniot, arbitre (paragraphes [89] et [90]); 3093-2313 Québec c. Létourneau et Bouchard et la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ CCAC S15-022401-NP, Décision rectifiée du 12 novembre 2015, Roland-Yves Gagné, arbitre, paragraphe [335]; Syndicat des copropriétaires 6613-6635 boul. des Laurentides Laval c. 9141-0001 Québec Inc. et Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ, (CCAC S14-070901-NP, 1er juin 2015, Yves Fournier, arbitre), paragraphes [68] à [76]. Gauthier et Gagnon c. Goyette Duchesne Lemieux inc. et La Garantie des Bâtiment Résidentiels Neufs de l’APCHQ inc., SORECONI 050629001, 3 novembre 2006, Jeffrey Edwards, alors arbitre, aujourd’hui j.c.s., paragraphe [130].
[2] D. 841-98, G.O.Q., 1998, no 27, p. 3484.
[3] D. 39-2006, G.O.Q. 2e partie, 2006, no 6, p. 995.
[4] D. 156-2014, G.O.Q. 2e partie, 2014, no 10, p. 869.
[5] 2021 QCCS 4032 (Hon. juge Christiane Alary, j.c.s.) : « [68] ACCUEILLE la présente demande en contrôle judiciaire; [69] RÉVISE la sentence arbitrale rendue par l’arbitre le 30 juillet 2019; [70] CONFIRME que la version antérieure aux modifications entrées en vigueur le 1er janvier 2015 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs s’applique en l’espèce; [71] RÉTABLIT la décision du demandeur à l’effet que les déficiences dénoncées par la bénéficiaire ne sont pas admissibles à une couverture de garantie compte tenu de leur dénonciation qui excède le délai de six mois prévu à la version du Règlement applicable en l’espèce; »
[6] Citées au renvoi en bas de page [31].
[7] La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause AZ-50285725, J.E. 2005-132 (C.A.).
[8] Giguère c. Construction Duréco inc. 2019 QCCA 2179; Consortium M.R. Canada Ltée c. Office municipal d’habitation de Montréal 2013 QCCA 1211; Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. MYL 2011 QCCA 56; La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause AZ-50285725, J.E. 2005-132 (C.A.).
[9] Syndicat de copropriété du 8980 au 8994 Croissant du Louvre c. Habitations Signature inc. 2019 QCCS 5560 (Aline U.K. Quach, j.c.s.) ; voir la jurisprudence citée par le soussigné dans Syndicat des copropriétaires du 70 Saint-Ferdinand et 9158-4623 Québec inc., 2021 CanLII 8798 (QC OAGBNR) (Roland-Yves Gagné, arbitre), paragraphes [392] et s.
[10] AZ-50285725, 15 décembre 2004, J.E. 2005-132 (C.A.).
[11] 2013 QCCA 197 au paragraphe [41].
[12] Jean-Louis Baudouin, La prescription civile, 7e édition, 2007, Éditions Yvon Blais, Cowansville p. 1219, I-1447.
[13] L.R.Q., B-1.1
[14] 2009 QCCS 909 (Hon. Johanne Mainville, J.C.S.).
[15] 2016 QCCA 2094.
[16] 2013 QCCA 1211.
[17] Syndicat de copropriété du 8980 au 8994 Croissant du Louvre c. Habitations Signature inc. 2019 QCCS 5560 (Aline U.K. Quach, j.c.s.).