ARBITRAGE SELON LE
RÈGLEMENT SUR LE
PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Chapitre B-1.1, r. 8)
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL
(Organisme d’arbitrage accrédité par la Régie du bâtiment du Québec)
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
CCAC S18-102202-NP
Syndicat des copropriétaires SDN-C2
Bénéficiaire
Sotramont Bois-Franc Inc.
L’Entrepreneur
Et :
PriceWaterhouseCoopersInc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de la
Garantie Habitation du Québec Inc.
L’Administrateur
Pour le Bénéficiaire : Madame Maria Codipietro
Pour l’Entrepreneur : Madame Géraldine Kootstra
Pour l’Administrateur : Me Alexandra Belley-McKinnon
Monsieur Michel Labelle
Date de l’audience : 8 février 2019
Date
de la décision : 28 février
2019
Description des parties
BÉNÉFICIAIRE :
Syndicat des copropriétaires SDN-C2
[...]
Montréal, Qc. [...]
ENTREPRENEUR
Sotramont Bois-Franc Inc.
a/s Madame Géraldine Kootstra
55 est, rue Louvain, bureau 350
Montréal, Qc. H2N 1A4
ADMINISTRATEUR :
Me Alexandra Belley-McKinnon
Lavery
1 Place Ville-Marie, bureau 4000
Montréal, Qc. H3B 4M4
PIÈCES
A l’audience, l’Administrateur a produit les pièces suivantes :
A-12 : Photos en liasse
Le Bénéficiaire a produit les pièces suivantes :
B-1 : Photos en liasse
[1] Le Tribunal d’arbitrage est initialement saisi du dossier suite à une demande d’arbitrage par le Bénéficiaire, reçue par le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC) le 22 octobre 2018, et par la nomination du soussigné comme arbitre le 30 octobre 2018.
[2] Aucune objection quant à la compétence du Tribunal d’arbitrage n’a été soulevée par les parties et la juridiction du Tribunal est alors confirmée.
Différend
[3] Le Bénéficiaire a produit une demande d’arbitrage en vertu de l’Article 35 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après nommé le Règlement) :
Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur à moins que le bénéficiaire et l'entrepreneur ne s'entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d'en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l'arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation.
[4] Le différend que le Bénéficiaire demande au Tribunal d’arbitrage de trancher est :
[4.1] Point 11 : Drainage des eaux de surface (page 35).
Preuve
[5] En vertu de l’article 33 (3)[1] du Règlement, le Syndicat Bénéficiaire a mandaté un professionnel du bâtiment pour effectuer l’inspection pré-réception des parties communes; cette inspection s’est déroulée le 8 octobre 2015 (pièce A-6).
[6] L’inspecteur/professionnel du bâtiment mandaté écrit :
2.6.3 Pentes d'égouttement des eaux de surface :
Les pentes du terrain sont convenablement aménagées à l'élévation arrière pour éloigner les eaux de surface en direction opposée des murs de fondation.
Une légère contrepente du terrain est présente en partie arrière à l'élévation droite, tout près du bassin des raccords au système d'irrigation.
D'ailleurs, le bassin nous apparaît avoir été installé trop bas. La partie supérieure de la membrane contre le mur de fondation se trouve alors exposée.
[7] Dans sa décision, l’Administrateur écrit ce qui suit :
11. DRAINAGE DES EAUX .DE SURFACE
Le syndicat nous mentionne que le rapport de réception des parties communes
(voir Note B) révèle ce qui suit : [voir paragraphe ci-haut]
Constatations du conciliateur :
Lors de la visite, j’ai fait les observations suivantes :
- À l’œil, la mise en œuvre du nivellement du terrain exécuté par l’entrepreneur répond aux exigences des articles 9.12.3.2 et 9.14.6.1 du Code de construction du Québec 2005, Chapitre I, dont voici les extraits :
9.14.6. Écoulement des eaux de surface
9.14.6.1. Eaux de surface
1) Si, en raison de l'emplacement d'un bâtiment, les eaux de surface peuvent s'accumuler à proximité, il faut aménager le terrain en pente pour éviter cette accumulation.
- La partie des murs des fondations remblayées est protégée contre l'humidité par une membrane pulvérisée (de type bitume) tel qu'exigée à l'article 9.13.2.1 du code de construction du Québec 2005-Chapitre l du Québec, dont voici l'extrait :
9.13.2. Protection contre l'humidité
9.13.2.1. Protection exigée contre l'humidité
1) Sous réserve de l'article 9.13.3.1., si le niveau du sol fini du côté intérieur des murs de fondation est en contrebas du niveau du sol fini du côté extérieur, la face extérieure des murs de fondation se trouvant au-dessous du niveau du sol doit être protégée contre l'humidité.
2) Sous réserve du paragraphe 3) et de l'article 9.13.3.1., les planchers sur sol doivent être protégés contre l'humidité.
3) Les planchers de garage séparés et les parties non fermées des bâtiments n'ont pas à être protégés contre l'humidité (voir l'annexe A).
De plus, celle-ci est recouverte d'une membrane DELTAS-MS, laquelle n'est cependant pas du tout obligatoire.
La membrane DELTA®-MS partiellement exposée près du boitier d'irrigation le long du mur nord-est vers l'arrière s'explique par le dégagement du remblai granulaire lors de l'installation du boîtier. Rien à voir avec la pente du terrain, d'autant plus que le remblai granulaire favorise la percolation des eaux de surface;
Replacer le remblai granulaire serait suffisant.
• Décision
Considérant mes observations;
Par conséquent, La Garantie Qualité Habitation ne peut reconnaître ce point dans le cadre de son mandat.
[8] Dans sa demande d’arbitrage, le Bénéficiaire écrit « Ce point n’a pas été reconnu dans le rapport de conciliation. Pouvez-vous nous indiquer si Sotramont doit mesurer/fixer la contrepente et/ou demander à la compagnie. »
[9] Le rapport d’inspection préréception effectué par un professionnel du bâtiment selon les dispositions de l’article 33 (3) du Règlement, déjà au dossier (pièce A-6), fut le témoignage à l’audience d’Alain Gélinas qui l’a rédigé.
[10] Maria Codipietro est administratrice du Syndicat Bénéficiaire.
[11] Elle affirme que si la photo du rapport de pré-réception date d’octobre 2015, la photo qu’elle a elle-même prise en octobre 2018 montre que le remblai près du boîtier est plus bas car on voit beaucoup plus la membrane en arrière.
[12] Elle voit à l’œil que le boîtier d’irrigation s’est affaissé comme un tassement.
[13] On ne peut mettre des pierres entre ce boîtier et le mur comme le suggère l’Administrateur quand il dit qu’il faut replacer les pierres.
[14] Les pierres ne vont jamais tenir car entre le mur de ciment de l’immeuble et le boîtier, c’est trop près, et il y a une différence de hauteur entre la membrane et le boîtier.
[15] Elle n’accepte pas que l’Inspecteur-conciliateur de l’Administrateur ait pu nier l’existence d’une contrepente « à l’œil ».
[16] Elle admet qu’il n’y a jamais eu d’accumulation d’eau, ni de flaque d’eau.
[17] Même s’il n’y a pas de flaque d’eau, elle n’en veut pas.
[18] Elle demande que quelqu’un lui confirme de façon mathématique qu’il n’y a pas de contrepente.
[19] Géraldine Koostra représente l’Entrepreneur.
[20] Elle affirme que la majorité du drainage des eaux de pluie va vers la rue en suivant la pente de la pelouse, le reste, qui est assez faible, est drainé vers des pierres de rivière, il s’écoule de la membrane vers le drain.
[21] Il n’y a aucun problème de drainage, ni d’infiltration d’eau.
[22] Elle n’a pas constaté de contrepente.
[23] Elle affirme que les travaux demandés par le Bénéficiaire pourraient être importants, considérant les fils électriques qui sont branchés avec le système d’irrigation/boîtier.
[24] Michel Labelle est l’Inspecteur-conciliateur de l’Administrateur.
[25] Il a vérifié et n’a constaté aucune contrepente.
[26] On voit qu’il y a une pente vers la rue.
[27] Il souligne le fait qu’il n’y a pas ici d’allégation de pente du terrain vers le bâtiment mais d’une pente dans le remblai granulaire ou pierres de rivière.
[28] Le terrain gazonné, qui ne va pas aux fondations car il y a un remblai granulaire entre ce terrain et le mur, n’a aucune contrepente vers l’immeuble.
[29] Il y a un boîtier qui est en fait un « regard », en le manipulant, on peut déplacer en même temps les pierres autour, c’est pour cela qu’il a parlé de tout simplement replacer les pierres « peut-être que quelqu’un est allé jouer avec le couvercle du regard ».
[30] Sur le mur de fondation il n’y a pas juste du bitume noir, l’Entrepreneur a ajouté une membrane drainante.
[31] Il n’y a aucune flaque d’eau, aucun cerne, s’il y avait un problème il y aurait des signes.
[32] Il n’y a aucun correctif de requis.
Plaidoiries
[33] Le Bénéficiaire plaide que même si on ne voit pas d’eau, « on ne veut pas en voir, on veut une certitude que tout est conforme ».
[34] Un de ses problèmes est la présence du boîtier qui rend compliqué qu’un paysagiste vienne faire les travaux d’aménagement et de nivellement de terrain, car il faut alors toucher à ce boîtier/partie commune.
[35] L’Entrepreneur plaide que tout a été fait selon les normes et même plus.
[36] L’immeuble n’a jamais eu de problème.
[37] La largeur du remblai sur sa totalité sert à drainer l’eau, il pourrait y avoir une légère pente que ça ne changerait rien, ça draine sur la largeur, encore que la majorité des eaux de pluies va vers la rue grâce à la pente de la pelouse, tout fonctionne correctement.
[38] Après quatre hivers, si on avait eu des problèmes on serait déjà avisé, les conséquences seraient déjà apparues.
[39] L’Administrateur plaide que le Bénéficiaire n’a démontré que son inquiétude et non un problème réel.
[40] Il n’y a pas de malfaçon, le système de drainage fonctionne bien et il n’y a jamais eu d’accumulation d’eau.
[41] Le Bénéficiaire a le fardeau de la preuve mais ne fait part que d’une crainte hypothétique.
[42] Il n’y a aucun problème avec le remblai, il y a une meilleure membrane que ce que les normes exigent.
[43] L’Inspecteur-conciliateur est un inspecteur expérimenté qui a bien décidé en jugeant qu’à l’œil il n’y avait pas de contrepente.
[44] Il produit les décisions suivantes, toutes lues pendant le délibéré :
[44.1] Nazco et Milan c. 9181-5712 Québec Inc. et Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ[2] ;
[44.2] Garantie Abritat inc. c. Régie du bâtiment du Québec[3] ;
[44.3] Syndicat du 6060-6062 Gabrielle-Roy (Albéni Dégarie) c. Habitations Grand Confort et la Garantie Qualité Habitation[4] ;
[44.4] Herman et Paquette c. Les Habitations F. Gaudreault Inc. et La Garantie des Maisons Neuves de l’APCHQ[5] ;
[44.5] Gauthier et Gagnon c. Goyette Duchesne Lemieux Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ[6] ;
[44.6] Syndicat de copropriété du 5545 à 5573 rue St-Denis et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ et Jardin en Ville Inc.[7]
DÉCISION
[45] Vu la preuve, vu le droit applicable, le Tribunal d’arbitrage n’a d’autres choix que de rejeter la demande d’arbitrage du Bénéficiaire, pour les motifs suivants.
[46] Il est important de souligner la base du recours du Bénéficiaire.
[47] Le recours est en vertu du Règlement et non devant les tribunaux de droit commun.
[48] L’article 7 du Règlement est à l’effet que le plan de garantie obligatoire couvre les obligations de l’entrepreneur envers un bénéficiaire pour les travaux de construction d'un bâtiment résidentiel neuf visé par le présent Règlement :
7. Un plan de garantie doit garantir l'exécution des obligations légales et contractuelles d'un entrepreneur dans la mesure et de la manière prévues par la présente section.
[49] Pour ordonner, en vertu du Règlement, à l’Entrepreneur d’effectuer des travaux correctifs à défaut de quoi l’Administrateur les prendra à sa charge comme caution, le Tribunal doit conclure à la présence d’une malfaçon visée à l’article 27 du Règlement vu le présent recours basé sur le Règlement.
[50] Me Jeffrey Edwards et Me Sylvie Rodrigue écrivent au sujet de la malfaçon:
Comme son nom l’indique, « une malfaçon » est un travail mal fait ou mal exécuté. Or, un travail donné est considéré « bien » ou « mal » fait selon les normes qui lui sont applicables. Deux types de normes sont couramment employés pour établir l’existence d’une malfaçon. Premièrement, ce sont les conditions contractuelles fixées, que celles-ci soient écrites ou verbales, entre les parties. Deuxièmement, en l’absence de conditions précises expressément arrêtées, recours est fait aux « règles de l’art » qui sont suivies par chaque corps de métier ou secteur pertinent. Les règles de l’art sont considérées comme intégrées par renvois dans le contrat. Signalons aussi que le travail non fait, ou incomplet constitue également, de manière implicite, une malfaçon, car il est tout autant contraire aux règles de l’art et non conforme aux stipulations contractuelles.
[51] Le différend porte sur la légère contrepente notée par le professionnel du bâtiment qui a effectué l’inspection pré-réception des parties communes.
[52] Cette contrepente est couverte par le plan de garantie géré par l’Administrateur si elle affecte le bâtiment lui-même, définit ainsi à l’article 1 du Règlement, puisque c’est le bâtiment qui est couvert par le plan de garantie :
«bâtiment»: le bâtiment lui-même, y compris les installations et les équipements nécessaires à son utilisation soit le puits artésien, les raccordements aux services municipaux ou gouvernementaux, la fosse septique et son champ d'épuration et le drain français;
[53] Dans l’affaire Syndicat de la Copropriété Place Gordon - Phase II et Samcon Gordon et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ[8], discutée lors de l’audience, décidée sur la base de la version du Règlement d’avant 2015 le soussigné écrit :
[59] Contrairement à la décision de l’Administrateur, et ce qui est plaidé à l’audience, le Niveau du sol aux abords du bâtiment (espace entre le parement et le sol) pentes descendantes qui éloignent l’eau du bâtiment n’est pas exclu par le Règlement, dans sa version d’avant 2015 applicable au présent arbitrage.
[60] La protection des murs de fondation du bâtiment est couverte par le Plan de garantie.
[61] Le Code National du Bâtiment aux articles 9.13 et suivant et 9.14 et suivant règlementent la protection des murs de fondation contre l’humidité, en plus du drainage et de l’évacuation des eaux aux abords du bâtiment.
[62] Ces articles du Code National du Bâtiment règlementent la construction du bâtiment et non le simple « aménagement du terrain » qui lui, fait l’objet d’une exclusion, comme le rappelle d’ailleurs le formulaire « approuvé par la Régie ».
[63] Dans l’affaire Kim Novak et Sebastien Wrzesien et Les Immeubles Nordet (9152-6103 Québec Inc.) et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc[9], notre collègue Me France Desjardins, arbitre, écrit :
[28] Toutefois, ce n’est pas sans raison que le premier élément à vérifier qui apparaît dans le formulaire d’inspection préréception du bâtiment, sous la rubrique «Terrain» soit le « niveau de sol aux abords du bâtiment », suivi immédiatement de la vérification des «murs de fondation» sous la rubrique «Fondations». Qui plus est, en ce qui a trait au niveau de sol, on a bien pris soin de spécifier, via une astérisque en bas de page, que «l’aménagement du terrain est exclu de la garantie», indiquant ainsi clairement qu’a contrario, un nivellement brut ayant pour objectif de protéger les fondations et de supporter la finition aux abords du bâtiment n’est pas exclu du contrat de garantie.
[…] ACCUEILLE EN PARTIE la demande d’arbitrage quant au point 9 et DÉCLARE que le nivellement brut visant à protéger les fondations et à supporter la finition aux abords du bâtiment n’est pas exclu du contrat de garantie.
[…] [69]Toutefois, dans une autre cause entendue par le soussigné, Syndicat de CentrePointe Ouest Co-Propriétaires et Les Développements Dubelle Centrepointe 1 Ltée et La Garantie Habitation du Québec Inc.[10], la décision rapporte :
La pente négative
[57] L’expert Arduini témoigne à l’effet […] la pente autour du bâtiment doit faire en sorte de toujours permettre à l’eau de pluie et à la neige de s’évacuer du bâtiment, or ici, principalement en la partie gauche, il y a une pente négative, et aussi à certains endroits du côté droit.
[58] L’Administrateur reconnaît ne pas avoir rendu de décision sur la pente négative du devant, soit : « There is negative sloping in certain areas of the lot grading at the front […] of the buildings »; sa décision favorable au Bénéficiaire au point 2 de sa decision ne portait que sur « There is negative sloping in certain areas of the lot grading at the […] rear of the buildings ». (nos soulignés)
[70] De plus, avec déférence, le Tribunal d’arbitrage considère non pertinent dans le présent dossier, vus les faits et le Règlement en vigueur avant 2015 applicable au présent dossier, que le nouveau Règlement en vigueur depuis 2015 ait enlevé « pente négative » de l’exclusion de l’article 29(9)[11] du Règlement.
[71] Les amendements au Règlement en vigueur depuis 2015 peuvent être tout autant des précisions codifiées sur le droit déjà existant et tel qu’appliqué ou bien des élargissements quant à la couverture actuelle du Plan de garantie, ou bien, plus généralement, des nouveaux droits en faveur ou à l’encontre de l’un ou l’autre; en faire une liste exhaustive dépasse bien sûr le cadre de cette décision, d’autant plus que chaque cas dépendra aussi des faits en litige.
[54] Il s’agit donc pour le soussigné de décider si la légère contrepente notée lors de l’inspection pré-réception, dont l’existence est niée par l’Inspecteur-conciliateur de l’Administrateur et par l’Entrepreneur, va à l’encontre de la protection des murs de fondation contre l’humidité ou plus généralement, si elle affecte le bâtiment couvert par le plan de garantie en vertu du Règlement.
[55] La Cour d’appel écrit dans Boiler Inspection and Insurance Company of Canada c. Moody Industries Inc.[12] :
B. Fardeau de preuve
[57] La première juge a attentivement examiné les divers éléments de preuve, à la fois de nature profane et technique, pour déterminer où se situe la vérité. Cette vérité demeure relative plutôt qu'absolue, sans avoir à atteindre un niveau de certitude, puisque s'applique la norme de la prépondérance de preuve fondée sur la probabilité (art. 2804 C.c.Q.), soit celle qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence, laquelle excède la simple possibilité.
« Lorsque la preuve offerte de part et d'autre est contradictoire, le juge ne doit pas s'empresser de faire succomber celui sur qui reposait la charge de la preuve mais il doit chercher d'abord à découvrir où se situe la vérité en passant au crible tous les éléments de conviction qui lui ont été fournis et c'est seulement lorsque cet examen s'avère infructueux qu'il doit décider en fonction de la charge de la preuve. »[1][13]
[56] La Cour d’appel a aussi affirmé dans Consortium M.R. Canada Ltée c. Office municipal d’habitation de Montréal[14]:
[19] Le juge Dufresne, alors de la Cour supérieure, expose à bon droit les finalités du recours arbitral prévu au Règlement dans La Garantie habitations du Québec inc. c. Lebire[7] :
[69] Le législateur veut, par l'adhésion obligatoire de tout entrepreneur à un plan de garantie dont les caractéristiques sont définies au Règlement, donner ouverture à un mode de résolution des réclamations ou des différends survenus à l'occasion de la construction ou de la vente d'un bâtiment résidentiel neuf qui soit plus souple, plus rapide et moins coûteux pour les parties à un contrat assujetti au Règlement.
[57] Il n’est pas question ici d’une contrepente alléguée d’un terrain gazonné vers l’immeuble, mais d’un remblai granulaire, ou des pierres de rivière, d’une surface assez large.
[58] Le terrain gazonné permet de détourner l’écoulement de la majeure partie de l’eau pour éviter qu’elle ne pénètre dans le remblai.
[59] Il n’y a rien dans la preuve qui démontre, ni même, minimalement indique, que la contrepente notée à ce lit de pierres ait une quelconque incidence sur les fondations du bâtiment ou affecte le bâtiment.
[60] Selon la preuve, le remblai granulaire est perméable.
[61] De façon subsidiaire, l’immeuble a une membrane qui permet à l’eau de descendre jusqu’au drain.
[62] Aucune flaque d’eau n’y a été constatée, aucun cerne.
[63] Même si la représentante du Bénéficiaire affirme que l’Inspecteur-conciliateur ne s’est pas rendu au bon endroit pour pouvoir certifier qu’il n’y avait pas d’infiltration d’eau à l’intérieur du bâtiment, cette représentante :
[63.1] n’a pas affirmé non plus qu’il y avait infiltration d’eau à l’intérieur ;
[63.2] n’a pas affirmé non plus avoir un grave problème d’humidité dans son sous-sol (ou à celui appartenant au copropriétaire vis-à-vis l’endroit où la contrepente fut notée).
[64] La contrepente notée par le professionnel du bâtiment mandatée par le Syndicat Bénéficiaire et niée par l’Administrateur et l’Entrepreneur, n’ayant aucune incidence sur les fondations du bâtiment, n’est donc pas couverte par le plan de garantie de l’Administrateur.
[65] Pour le tribunal d’arbitrage, la problématique notée ici reste de l’aménagement à l’extérieur du bâtiment sans incidence sur les fondations de ce dernier, hors la couverture du plan de garantie de l’Administrateur qui couvre le bâtiment.
[66] Dans sa demande d’arbitrage, le Bénéficiaire écrit « Ce point n’a pas été reconnu dans le rapport de conciliation. Pouvez-vous nous indiquer si Sotramont doit mesurer/fixer la contrepente et/ou demander à la compagnie ».
[67] Le rôle du soussigné ici était de décider si cette partie du terrain avait une malfaçon couverte par le plan de garantie géré par l’Administrateur, et il n’en a trouvé aucune.
[68] En conclusion, considérant l’absence de preuve à l’effet que la contrepente notée lors de la préréception, dont la présence est niée par l’Administrateur et l’Entrepreneur, ait un effet sur les fondations du bâtiment ou sur le bâtiment en général, le Tribunal d’arbitrage rejette la demande d’arbitrage du Bénéficiaire produite en vertu du Règlement.
FRAIS
[69] L’article 37 du Règlement stipule :
Les coûts de l'arbitrage […] Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.
[70] Au cours du processus d’arbitrage les parties ont négocié de bonne foi et ont réglé d’autres différends qui étaient allégués dans la demande d’arbitrage originale, règlement qui a été entériné dans une décision intérimaire antérieure signée par le Tribunal d’arbitrage soussigné.
[71] Le Bénéficiaire ayant eu gain de cause sur une partie de sa réclamation, les frais d’arbitrage seront à la charge de l’Administrateur du Plan de Garantie.
[72] Avant de conclure, le Tribunal d’arbitrage remercie les parties pour leur collaboration.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[73] REJETTE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire quant au point 11 Drainage des eaux de terrain ;
[74] MAINTIEN la décision de l’Administrateur du 28 septembre 2018 quant au point 11 Drainage des eaux de terrain ;
[75] LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage à la charge de PriceWaterhouseCoopersInc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie Habitation du Québec Inc. ses successeurs et ayant droits, conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’Organisme d’arbitrage CCAC, après un délai de grâce de 30 jours ;
[76] RÉSERVE à PriceWaterhouseCoopersInc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie Habitation du Québec Inc. ses successeurs et ayant droits, ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur, pour les coûts exigibles pour l’arbitrage (par. 19 de l’annexe ll du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.
Montréal, le 28 février 2019
__________________________
ROLAND-YVES GAGNÉ
Arbitre / CCAC
[1] Les parties communes visées par la garantie doivent être inspectées avant leur réception. Cette inspection doit être effectuée conjointement par l'entrepreneur, le professionnel du bâtiment choisi par le syndicat de copropriétaires et ce dernier à partir d'une liste préétablie d'éléments à vérifier fournie par l'administrateur.
[2] CCAC S16-011902-NP, 8 avril 2016, Roland-Yves Gagné arbitre.
[3] 2015 QCCS 682 (Hon. juge André Prévost).
[4] SORECONI 061114001 5 janvier 2007, Michel A. Jeanniot, arbitre (2007 CanLII 54576).
[5] SORECONI 060714001 1er décembre 2006, Alcide Fournier, arbitre (2006 CanLII 60504)
[6] SORECONI 050629001 3 novembre 2006, Jeffrey Edwards, arbitre.
[7] GAMM 0412-8203 24 avril 2005, Johanne Despatis, arbitre (2005 CanLII 59083).
[8] SORECONI 163006001 30 janvier 2017 Roland-Yves Gagné arbitre.
[9] SORECONI 090325002, 10 août 2009, Me France Desjardins, arbitre.
[10] CCAC S14-121001-NP, 21 juin 2015, Roland-Yves Gagné, arbitre. Dans ce dossier, l’administrateur avait rendu sa décision favorable sur la base de l’article du 9.13.2.1 du Code National du Bâtiment. Lire aussi la décision de l’administrateur cité au paragraphe [27] de Marie-Christine Doré Giguère et Stéphane Berthiaume et 9229-1319 Québec Inc. (Développement DMG) et La Garantie Abritat Inc CCAC S13-062601-NP, 6 janvier 2015, Me Tibor Holländer, arbitre.
[11] Syndicat du 2289-2319 Avenue de la Gare et 9211-4057 Québec Inc. (Habitations Trigone) et La Garantie Habitation du Québec inc. CCAC S14-030402-NP, 23 octobre 2014, Me Lydia Milazzo, arbitre, paragraphe [55].
[12] 2006 QCCA 887.
[13] [1] Daunais c. Farrugia, [1985] R.D.J. 223 (C.A.), p. 228, j. Monet.
[14] 12 juillet 2013, Cour d’appel, 2013 QCCA 1211 Renvoi [5] : Voir art. 3, 4, 5, 18, 105, 139 et 140 du Règlement.