ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998, tel qu’amendé, c. B-1.1, r.0.2, 

Loi sur le bâtiment, Lois refondues du Québec (L.R.Q.), c. B-1.1, Canada)

Groupe d’arbitrage Juste Décision – GAJD

ENTRE

JOHANNE GAUDREAU Bénéficiaire

Et

RÊVNOR INC. Entrepreneur

Et

GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR)

Administrateur

Nos dossiers / Garantie 

:

112465-2354

No dossier / GAJD 

:

20200806

No dossier / Arbitre 

:

35304-37

 

 

DÉCISION ARBITRALE

Arbitre

:

Me Pierre Brossoit

Pour le Bénéficiaire

:

Me Roseline Ouellette

Pour l’Entrepreneur

:

Me Mélissa Dionne

Pour l’Administrateur 

:

Me Éric Provençal

Date d’audience

:

Le 8 février 2022

Lieu

:

Par visioconférence Teams

Immeuble concerné 

:

 [...], La Conception, Qc

Date de la décision

:

Le 6 mai 2022

LES PIÈCES

[1]               Les pièces produites par le Bénéficiaire sont les suivantes :

 B-1:  Courriels juillet 2016;

 B-2:  Courriels mars 2017;

 B-3:  Rapport d’expertise de Louise Coutu, architecte, daté du 9 mai 2019;

 B-4:  Courriel d’Éric Provençal;

B-5:  Rapport d’expertise de HBGC daté du 18 mai 2021; B-6:  Factures expertises (combinées).

[2]               Les pièces produites par l’Entrepreneur sont les suivantes :

 E-1:   Tableau sommaire de Cyrius;

 E-2:  Rapport d’inspection de la GCR daté du 24 février 2016;

 E-3:  En liasse, photos prises lors de la construction de l’Immeuble;

E-4:   Échange de courriels avec la Bénéficiaire daté de juillet 2016; E-5:   Échange de courriels avec la Bénéficiaire daté de juillet 2016;

E-6:   Échange de courriels avec la Bénéficiaire daté du mois de mars 2017; E-7:                Échange de courriels avec la Bénéficiaire daté du mois de mars 2017; E-8:                Échange de courriels avec la Bénéficiaire daté du mois de mars 2017;

 E-9:   Courriel de Johnny Frare de juin et juillet 2016;

E-10:   Une photo prise lors de la construction de l’Immeuble; E-11:   Une photo prise lors de la construction de l’Immeuble; E-12:                Une photo prise lors de la construction de l’Immeuble;

 E-13:   Échange de courriels avec la Bénéficiaire daté du mois de février 2017;

 E-14:   Courriel de Johnny Frare du mois de mars 2017;

 E-15:   Licence de l’Entrepreneur Rêvnor inc.;

E-16:   Échange de textos entre Johnny Frare et Michel Perras; E-17:   Une photo prise lors de la construction de l’Immeuble.

[3]  Les pièces produites par l’Administrateur sont les suivantes :

Document(s) contractuel(s)

 A-1:  Contrat d’entreprise signé le 25 novembre 2015;

 A-2:  Avis de fin des travaux signé le 15 mai 2016;

 A-3:  Acte de vente daté du 19 mai 2016;

 A-4:  Rapport d’inspection préréception signé le 19 août 2017;

Dénonciation(s) et réclamation(s)

A-5: Courriel transmis par le procureur de la Bénéficiaire à l’Administrateur le 14 mars 2019, avec en pièces jointes :

-         Une lettre de dénonciation datée du 13 mars 2019; -  Le formulaire de dénonciation daté du 13 mars 2019; -               Un certificat de garantie.

A-6: Courriels entre la Bénéficiaire et l’Administrateur du 14 mars au 5 avril 2019 avec en pièces jointes :

-         Une copie de la promesse d’achat signée le ou vers le 18 avril 2016;

-         Une copie de l’acte de vente déjà cité en A-3;

-         Le rapport du Groupe SOLROC sur la condensation des fenêtres (voir A-15);

-         Le formulaire de réclamation signé le 5 avril 2019.

A-7: Courriels entre la Bénéficiaire et l’Administrateur du 14 mars au 5 avril 2019 avec en pièce jointe :

-         Le rapport d’inspection diagnostic de Louise Coutu, daté du 9 mai 2019 (voir A-16).

A-8: Courriel transmis par le procureur de l’Entrepreneur à l’Administrateur, le 20 mars 2019, avec en pièces jointes :

-         Une lettre datée du 20 mars 2019 re : dénonciation ainsi que la preuve de remise par courriel.

 A-9:  Courriel de l’avis de 15 jours daté du 28 mai 2019 avec en pièce jointe :

-         La lettre de dénonciation déjà citée en A-5.

Correspondance(s)

A-10: Courriels entre le Bénéficiaire et l’Administrateur, daté du 14 mars au 29 avril 2019 re : suivi;

A-11: Courriel entre l’Administrateur et l’Entrepreneur, daté du 4 au 27 septembre 2019 avec en pièce jointe :

-         Une lettre du 4 septembre 2019.

A-12: Courriels entre la Bénéficiaire, l’Entrepreneur et l’Administrateur, datés du 19 septembre 2019 au 27 février 2020;

A-13: Courriel transmis par la procureure de la Bénéficiaire à l’Administrateur le 17 mars 2020, avec en pièce jointe :

-         Un courriel daté du 17 mars 2020.

A-14: Courriel transmis par l’Administrateur aux parties, daté du 25 mars 2020 re : report de la décision dû au COVID 19;

Autre(s) document(s) pertinent(s)

A-15: Rapport d’inspection GROUPE SOLROC daté du 26 mars 2019;

A-16: Rapport d’inspection LOUISE COUTU du 26 novembre 2019;

Décision(s) et demande(s) d’arbitrage

A-17: En liasse, la décision de l’Administrateur datée du 11 mai 2020 et la preuve de remise datée du 26 mars 2020;

A-18: En liasse, le courriel de la notification de l’organisme d’arbitrage, daté du 9 juin 2020, auquel sont joints :

-         L’accusé de réception de la demande d’arbitrage et la nomination de l’arbitre daté du 9 juin 2020;

-         La demande formelle d’arbitrage des Bénéficiaires datée du 8 juin 2020 et le formulaire de demande d’arbitrage;

-         La décision de l’Administrateur déjà soumise en A-17; A-19: Curriculum Vitae d’Anne Delage. LES TÉMOINS ENTENDUS LORS DE L’AUDIENCE

[4]  Pour la Bénéficiaire :

                 Johanne Gaudreau

                 Johnny Frare

                 Ivonick Houde, ingénieur [5]  Pour l’Entrepreneur :

                 Michel Perras

                 Raynald Cyr

[6]  Pour l’Administrateur :

Anne Delage, conciliatrice, technologue professionnel

LES FAITS

[7]               Michel Perras est l’actionnaire et dirigeant unique de Rêvnor Inc.

(l’« Entrepreneur »). 

[8]               Le 25 novembre 2015, un contrat d’entreprise intervient entre l’Entrepreneur et M. Perras pour la construction d’un immeuble résidentiel (l’« Immeuble ») avec une date de fin des travaux prévue pour le 31 mai 2016 (A-1, le contrat).

[9]               Le 15 mai 2016, l’Entrepreneur fait parvenir à M. Perras un avis de fin des travaux de l’Immeuble (A-2) sis au [...], à Ville de La Conception.

[10]           Le 19 mai 2016, M. Perras vend pour la somme de 800 000$ à Johanne Gaudreau (la « Bénéficiaire ») l’Immeuble (A-3).

[11]           La Bénéficiaire et son conjoint, Johnny Frare, utilisent l’Immeuble comme résidence secondaire.

[12]           L’Immeuble n’a aucun sous-sol et le plancher du rez-de-jardin repose sur la dalle de béton. 

[13]           Au mois de juillet 2016, M. Frare constate et dénonce à l’Entrepreneur le gonflement du plancher de bois franc au rez-de-jardin (B-1).

[14]           Le 12 juillet 2016, l’Entrepreneur répond (B-1) à M. Frare comme suit:

« J’ai parlé à mon installateur de bois franc hier et il est convaincu que le problème est relié à un taux d’humidité trop élevé dans la maison, ce qui a fait gonflé (sic) le bois franc qui a touché le mur et s’est mis à gonfler. Il va passer après les vacances ajuster le tout mais il a fortement recommandé d’installer un déshumidificateur au plus vite avant que la situation ne s’aggrave. » 

[15]           Les 12 juillet 2016, M. Frare communique ses doutes quant au diagnostic de l’Entrepreneur et de son sous-traitant, comme il appert de l’extrait de son courriel (B-1) ci-après retranscrits :

« Je pence (sic) pas que c’est seulement d’humidité

Le 2iem étage j’ai pas le problème

Le plancher est en bonne (sic) état.

Je pence (sic) que l’humidité vien (sic) de la dalle sur sol.

J’ai du bois franc chez moi dans le sous sol (sic). Ça n’a jamais gonfler (sic) que les planche (sic) remonter (sic).

Je ne poserais pas de des-humifications (sic)

Ça c’est un tape (sic) et ne règle pas le problème.

Je ne vivrais pas avec un System de déshumanisation (sic), ça coûte chère (sic) à opérer et ça fait du bruit. »

[16]           Le 13 juillet 2016, M. Frare demande à l’Entrepreneur des informations sur la construction du plancher et de la dalle de béton, comme il appert de l’extrait de son courriel (E-4) ci-après retranscrit :

« Pouvez-vous m’envoyer les photo (sic) et les détails de la composition du plancher du rechausser (sic).

J’assume que ils (sic) y’a (sic) un coup (sic) vapeur, 2“ isolation rigide, béton 5 », fourrure de bois x“, plywood, plancher merisier 4“??

Faut voir si c’est ou l’humidité viens (sic)? Y’a till (sic) encore l’humidité du murissement (sic) du béton?

(…) »

[17]           Les 22 juillet et 11 août 2016, l’Entrepreneur fait parvenir à M. Frare des photos prises lors de l’installation du plancher et de l’isolation de la dalle de béton (E-5).

[18]           Le 4 mars 2017, M. Frare constate de la buée et du givre dans les fenêtres du rez-de-jardin de l’Immeuble (E-14).

[19]           Le 6 mars 2017, l’Entrepreneur communique (B-2) à M. Frare les causes probables de givre :

« Après discussion avec Benoit Desjardins (Président de Fenexco), voici selon lui les causes probables de givre :

1-  Taux d’humidité trop élevé dans le résidence (voir tableau joint)

2-  Stores fermés en votre absence empêcherait (sic) la chaleur de la résidence de réchauffer la fenêtre : il faudrait les laisser relever (sic) un peu;

3-  Manque de chaleur près des fenêtres : ventilateur au plafond ou un chauffage d’appoint dans la cdm, comme celui du salon ou autre. » 

[20]           Le 13 mars 2017, l’Entrepreneur change les sections gondolées du plancher du rez-de-jardin de l’Immeuble (E-6).

[21]           Durant les mois de novembre 2017 à février 2018, la Bénéficiaire constate le retour de condensation et givre au bas de certaines fenêtres et le gondolement du plancher.

[22]           M. Frare dénonce la situation à l’Entrepreneur qui lui suggère d’installer un déshumidificateur et de maintenir une température à plus de 20 degrés Celsius.

[23]           De novembre 2018 à février 2019, la Bénéficiaire constate à nouveau le retour de la condensation et de givre dans les fenêtres de même que le gondolement des planchers.

[24]           Le ou vers le 6 février 2019, insatisfaite des explications de l’Entrepreneur qui ne donnent aucun résultat, la Bénéficiaire retient les services de l’ingénieur Éric Fédida du Groupe Solroc, pour « formuler une opinion sur les causes probables de la formation de condensation et de givre sur certaines fenêtres et de gondolement du plancher en bois au niveau du rez-de-jardin le long du côté frontispice du bâtiment. » (A-15).

[25]           L’ingénieur Fédida conclut comme suit à son rapport daté du 26 mars 2019 de son inspection de l’Immeuble et des différents documents mis à sa disposition (A-15, p. 10) :

« Fenêtres

Relativement à la formation de condensation et de givre dans la partie inférieure des fenêtres du rez-de-jardin le long du côté frontispice du bâtiment, nous soupçonnons l’existence d’un pont thermique potentiellement due à une isolation déficiente sous les fenêtres qui pourrait contribuer à ce phénomène. Ainsi, nous recommandons de faire des ouvertures exploratoires du côté intérieur sous les fenêtres afin de vérifier cette hypothèse. L’ouverture exploratoire servirait également à vérifier si un pont thermique serait également à l’origine de la présence d’humidité sous le plancher en bois. Nous soupçonnons également que les fenêtres du rez-de-jardin sont inadéquatement positionnées dans leurs ouvertures respectives provoquant un refroidissement trop prononcé du vitrage et cadrage intérieur. Nous recommandons de retenir les services d’un architecte ou de communiquer avec le manufacturier des fenêtres pour confirmer cet aspect. (…)

Plancher

En ce qui a trait au retroussement du plancher en bois du rez-de-jardin, le long du côté frontispice du bâtiment, nous soupçonnons que ce phénomène pourrait être relié à une infiltration d’eau au niveau de la lisse basse en périphérie du bâtiment là où la projection hors-sol des murs de fondation est faible. En effet, selon nos observations, la partie inférieure de la lisse semble être plus ou moins au niveau du sol fini. Selon le code national du bâtiment éd. 2010 (cl.9.15.4.6), le mur de fondation devrait projeter au moins 150 mm au-dessus du niveau du sol fini, ce qui ne semble pas être le cas. En effet, nous avons constaté un cerne d’eau sur la surface de la lisse basse en bois ainsi que des vis rouillées à la base du panneau de support DUROCK au sein du puits exploratoire existant. Moyennant la réalisation d’autres ouvertures, l’imperméabilisation de la partie inférieure du mur pourrait être déficiente ou absente nécessitant des corrections.

Il faudra également s’assurer que le système de drainage des fondations le long du côté frontispice du bâtiment est à l’abri du gel et fonctionne adéquatement tout au long de l’année par le biais d’une inspection par caméra et/ou par tranchées exploratoires. Dans tous les cas, l’aménagement d’une tranchée drainante le long de l’escarpement arrière est recommandé afin d’assurer un drainage efficace de l’eau de surface et souterrain en amont du bâtiment. Le cas échéant, le niveau et le débit d’eau souterraine pourront être évalués.

Les variations de températures relevées à la surface du plancher fini le long du mur frontispice du bâtiment suggèrent qu'il existe un pont thermique sous le plancher. Tel qu'expliqué plus haut, moyennant la réalisation de quelques ouvertures exploratoires, le problème pourrait être lié à un défaut d'isolation du côté intérieur du bâtiment. Par ailleurs, même si les plans d'architecture ne semblent pas l'exiger, l'installation verticale et horizontale d'un isolant extérieur sous la surface du sol le long du côté frontispice réduirait les variations thermiques sous le plancher et minimiseront (sic) les risques de condensation sous le plancher. 

(…) »

[26]           La Bénéficiaire a déboursé la somme de 6 496,09$ pour obtenir l’opinion du Groupe Solroc (B-6). 

[27]           Le ou vers le 22 février 2019, la Bénéficiaire demande une seconde opinion à l’architecte Louise Coutu pour déterminer la cause de la condensation à la fenestration du rez-de-jardin du côté avant et le gondolement des lattes des parquets de bois près du mur avant du rez-de-jardin (B-3).

[28]           L’architecte Coutu conclut notamment comme suit à son rapport daté du 9 mai 2019 de son inspection de l’Immeuble et des différents documents mis à sa disposition (B-3, p. 3) :

« Le niveau du sol doit être rabaissé partout où cela s'avère nécessaire pour éviter les dommages causés par l'humidité du sol. Pour ce faire, le niveau en surface des semelles de fondation demeure un obstacle majeur.

Des travaux importants devront être réalisés en sous-œuvre sur le mur de fondation avant et sur les parties avant des murs latéraux. Ce sera alors l'occasion d'installer un drain français et de vérifier la pose du drain le long des autres murs extérieurs.

L'isolation des murs de fondation en regard de la position des fenêtres du rez-de-jardin pose problème. Il faudra investiguer plus à fond pour déterminer si l'absence d'isolation sous les fenêtres est le seul problème à régler ou si l'isolation des murs autour des fenêtres est aussi problématique.

Finalement, l'absence de membrane sous la dalle de béton, s'il s'avère qu'elle est manquante, pose un problème de taille pour le contrôle des gaz souterrains, de l'humidité et de l'infiltration d'eau. »

[29]           La Bénéficiaire a déboursé la somme de 3 046,84$ pour obtenir l’opinion de l’architecte Coutu (B-6). 

[30]           Le 13 mars 2019, par l’intermédiaire de ses procureurs, la Bénéficiaire fait parvenir à l’Administrateur et à l’Entrepreneur le Formulaire de dénonciation à l’entrepreneur (A-5) où la Bénéficiaire y indique cinq (5) items, soit : 

1-     Important gonflement du revêtement de bois installé dans l’Immeuble;

2-     Isolation des fenêtres déficiente;

3-     Présence d’un pont thermique;

4-     Fondations non protégées du gel; et 5- Revêtement extérieur non ventilé.

[31]           Le 11 mai 2020, la conciliatrice Anne Delage, pour l'Administrateur, rend une décision (la « Décision »). Mme Delage reconnait que les items « Gonflement du plancher de bois » et « Isolation des fenêtres déficiente » ont été constatés en première année de la garantie, mais elle rejette la réclamation de la Bénéficiaire en raison de son défaut d’avoir dénoncé dans un délai raisonnable ces deux (2) items à l’Entrepreneur et à l’Administrateur (Art. 10 du Règlement) (A-17).

[32]           Mme Delage ne rend aucune décision concernant les items « Présence d’un pont thermique » et « Fondation non protégé (sic) du gel », les jugeant liés à l’item « Isolation des fenêtres déficiente » (A-17, p. 7).

[33]           Mme Delage rejette l'item « Revêtement extérieur non ventilé », n’ayant remarqué aucun dommage et conclut que la situation dénoncée ne rencontre pas les critères du vice caché.

[34]           Le 8 juin 2020, la Bénéficiaire demande l’arbitrage (A-18) de la Décision (A-17).

LA RÉCLAMATION DE LA BÉNÉFICIAIRE

A- Gonflement du plancher de bois

[35]           La situation dont se plaint la Bénéficiaire a-t-elle été dénoncée à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans un délai raisonnable?

[36]           En présence d’une malfaçon ou d’un vice caché, l’article 10 du Règlement demande que la situation soit dénoncée « par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte », le cas échéant, de la malfaçon ou du vice caché.

[37]           Le 12 juillet 2016, M. Frare dénonce par courriel à l’Entrepreneur le gonflement du plancher de bois franc au rez-de-jardin, soit deux (2) mois après l’acquisition de l’Immeuble par la Bénéficiaire. Le Tribunal en conclut que cette situation anormale a été dénoncée à l’Entrepreneur dans un délai raisonnable de sa découverte par la Bénéficiaire.

[38]           La Bénéficiaire n’a toutefois dénoncé la situation à l’Administrateur par écrit que le 13 mars 2019 (A-5).

[39]           Le remplacement par l’Entrepreneur en 2017 du plancher de bois franc et ses conseils en 2016, 2017 et 2018, pour contrôler l’humidité dans l’Immeuble, source selon l’Entrepreneur du problème constaté, mais qui n’ont donné aucun résultat, sont des motifs suffisants pour permettre au Tribunal d’extensionner un délai autrement déraisonnable.

[40]           À ce sujet, le Tribunal fait siens les propos de l’arbitre, Me Jean-Philippe Ewart[1] : 

« [94] Déjà depuis un certain temps, la Cour d’appel nous enseignait dans Blandino c. Colagiacomo (et d’intérêt entre autre (sic) pour le passage du temps après l’exécution de travaux correctifs) que nonobstant qu’il n’y a pas de règle formelle sur un nombre de mois de délai quelconque, le calcul de la raisonnabilité du délai autrement raisonnable peut être extensionné s’il y a préalablement une tentative d’effectuer des travaux correctifs.

  Une réclamation par action, suite à l’apparition de vices cachés, doit être intentée dans un délai raisonnable. Dans les circonstances présentes, (…) il m’apparait raisonnable que Blandino ait attendu un certain temps avant de voir si le correctif exécuté allait produire son effet et également de voir si Colaglacomo allait venir voir les autres défauts que Blandino lui avait indiqués. Ainsi, que l’on ait attendu un an pour envoyer une mise en demeure et environ dix autres mois avant de prendre action ne m’apparaît pas tardif dans le contexte présent. »

[95] Ceci rejoint la disposition expresse de l’alinéa 2 de l’art. 35.1 du Règlement (qui est d’ailleurs plus large que le seul élément de travaux correctifs) et qui est de primauté dans l’application recherchée aux présentes :

« Le non-respect d’un délai ne peut non plus être opposé au bénéficiaire, lorsque les circonstances permettent d’établir que le bénéficiaire a été amené à outrepasser ce délai suite aux représentations de l’entrepreneur ou de l’administrateur. »

alors que des travaux correctifs sont certes incluses dans

« représentations » et que cette disposition vise soit des représentations de l’Entrepreneur ou de l’Administrateur et s’appliquent et peuvent être invoquées par un bénéficiaire, dans un cas comme dans l’autre, tant à l’Entrepreneur qu’à l’Administrateur, que les représentations soient celles de l’Entrepreneur ou de l’Administrateur. » (nos soulignés)

[41]           La Bénéficiaire n’aurait pas été placée dans une telle situation si l’Entrepreneur avait investigué plus sérieusement la cause d’une situation anormale (le gonflement du plancher) et comme le lui suggérait M. Frare en juillet 2016 (E-4).

[42]           Il n’appartient pas à la Bénéficiaire d’établir la cause d’une malfaçon ou d’un vice caché. 

[43]           Conséquemment, le Tribunal accueille la demande d’arbitrage de la Bénéficiaire et déclare que l’item Gonflement du plancher de bois a été dénoncé à l’Entrepreneur et à l’Administrateur selon les exigences prévues à l’article 10 du Règlement.

B-    Isolation des fenêtres déficiente

[44]           La situation dont se plaint la Bénéficiaire a-t-elle été dénoncée à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans un délai raisonnable?

[45]           Le 4 mars 2017, lors du premier hiver suivant l’acquisition de l’Immeuble par la Bénéficiaire, M. Frare constate et dénonce par courriel à l’Entrepreneur la présence de buée et givre dans les fenêtres du rez-de-jardin (E-14). Le Tribunal en conclut que cette situation anormale a été dénoncée à l’Entrepreneur dans un délai raisonnable de sa découverte par la Bénéficiaire.

[46]           La Bénéficiaire n’a toutefois dénoncé la situation à l’Administrateur par écrit que le 13 mars 2019 (A-5).

[47]           La Bénéficiaire s’étant fiée aux représentations de l’Entrepreneur pour éviter la présence de buée et givre à certaines fenêtres de l’Immeuble, mais qui n’ont donné aucun résultat, et pour les autres motifs énoncés à l’item Gonflement du plancher de bois, le Tribunal accueille la demande d’arbitrage de la Bénéficiaire et déclare que l’item Isolation des fenêtres déficiente a été dénoncé à l’Entrepreneur et à l’Administrateur selon les exigences prévues à l’article 10 du Règlement.

C-    Revêtement extérieur non ventilé

[48]           Le ou vers le 6 février 2019, la Bénéficiaire constate que le revêtement extérieur n’est pas adéquatement ventilé.

[49]           La Bénéficiaire produit en preuve le rapport (B-5) daté du 18 mai 2021 de son expert, l’ingénieur Yvonick Houde de la firme HBGC, qui conclut comme suit (B5, p. 12) à ce sujet :

« La mauvaise mise en place des solins autour des ouvertures et au bas du mur et des lattes à l’horizontale au lieu qu’à la verticale derrière ce revêtement fait en sorte de créer des problèmes d’infiltration et de condensation à la résidence. Ce phénomène fera en sorte d’attaquer le mur de bois créant de la moisissure et de la pourriture constituant également un risque structural et pour la santé des occupants. »

[50]           Les conclusions de M. Houde font suite à son analyse des plans de construction émis en septembre 2011 par Architecture Concept et des photos prises lors des travaux (B-5, p. 3).

[51]           Ces malfaçons avaient été constatées par l’Administrateur lors de la visite au chantier le 22 février 2016 de son inspecteur Mathieu Landry, technologue professionnel, pour vérifier la qualité des travaux de l’Entrepreneur (E-2, p. 3).  

[52]           Suivant le rapport d’inspection de l’Administrateur (E-2), l’Entrepreneur a fait exécuter les travaux correctifs par son sous-traitant.

[53]           Les travaux correctifs effectués ont été constatés par Raynald Cyr, expert de l’Entrepreneur, qui mentionne à son document E-1 ce qui suit :

« Les photos incluses aux rapports des experts du propriétaire démontrent la présence de fourrures à la tête des fenêtres pouvant causer de l’obstruction à la mise en place des solins. / En consultant les photos de l’entrepreneur prises au chantier, il fut démontré le retrait desdites fourrures et la mise en œuvre des solins sous la membrane pare-intempérie, tel que souhaité. D’ailleurs, un rapport de chantier produit par GCR traitant de ce sujet fut consulté et l’entrepreneur mentionne avoir donné suite à cette requête. »

[54]           Le Tribunal conclut de la preuve prépondérante et de l’absence de dommage constaté depuis la correction des malfaçons par l’Entrepreneur en 2016, que les travaux correctifs au revêtement extérieur ont été exécutés par l’Entrepreneur.

[55]           Conséquemment, le Tribunal rejette cet item de la réclamation de la Bénéficiaire.

[56]           La Bénéficiaire a déboursé la somme de 8 853,09$ pour l’ensemble des services de l’expert Houde et son témoignage à l’audition (B-6). 

LES FRAIS D’EXPERT ET D’ARBITRAGE

[57]           Les frais des experts Fédida et Coutu n’ont pas été utile pour permettre au Tribunal de rendre la présente Décision et ils n’ont d’ailleurs pas témoigné lors de l’audition. Le Tribunal réserve toutefois le droit à la Bénéficiaire de réclamer ces frais dans le cadre de la décision à rendre par l’Administrateur sur les items qui font l’objet des conclusions de la présente décision. 

[58]           Le Tribunal ayant rejeté l’item « Revêtement extérieur non ventilé », les frais réclamés par la Bénéficiaire concernant l’expert Houde sur cette question sont rejetés. 

[59]           Conformément à l’article 123 du Règlement, les frais du présent arbitrage sont à la seule charge de l’Administrateur. 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE en partie la réclamation de la Bénéficiaire;

ORDONNE le renvoi à l’Administrateur des items « Gonflement du plancher de bois », « Isolation déficiente des fenêtres », « Présence d’un pont thermique », « Fondations non protégées du gel » de la réclamation de la Bénéficiaire pour adjudication au mérite par décision de l’Administrateur en conformité du Règlement et RÉSERVE à la Bénéficiaire le droit de réclamer à cette occasion les frais de ses experts;

REJETTE l’item Revêtement extérieur non ventilé;

LE TOUT avec les frais d’arbitrage à la charge de l’Administrateur.

À Montréal, le 6 mai 2022

 

Me Pierre Brossoit, arbitre

* * * Les décisions citées par l’Administrateur :

1-               Denis Richard et Lucie Mezzapelle et Les Habitations Classique V inc. et La Garantie Abritat inc., 8 octobre 2015, M. Jean Doyle, arbitre;

2-               Louison Fortin et Guy Lessard et Construction Gilles Rancourt et Fils inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., 1er août 2011, M. Claude Dupuis, arbitre;

3-               Natacha Renaud et Patrice Meunier et Construction Ovi inc. et Raymond Chabot ès qualité d’administrateur provisoire de la Garantie Abritat inc., 13 novembre 2018, Me Carole St-Jean, arbitre.

Les décisions citées par la Bénéficiaire :

1-               Sommereyns et 7802471 Canada inc. (Construction des Grands Jardins), 2018 CanLII 132576 (QC OAGBRN);

2-               EDWARDS, Jeffrey et RODRIGUE, Sylvie, « La responsabilité pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons », La Construction au Québec : perspectives juridiques, sous la direction de Olivier F. Kott et Claudine Roy, Wilson Lafleur, 1998;

3-               Syndicat des copropriétaires N’Homade et Cap Immo Gestion inc.,

2021 CanLII 13990 (QC OAGBRN);

4-               Landry c. Mercille, 2021 QCCQ 3124;

5-               Garand c Fiducie Elena Tchouprounova, 2018 QCCA 876;

6-               Fortin c. Habitations Guylaine Brouillette inc., 2021 QCCQ 4839;

7-               Dupuy c. Leblanc, 2016 QCCA 1141;

8-               Martin Lapointe & Marie-Claude Fortin c. Construction Réjean D’Astous inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., SORECONI, 051223004, 25 octobre 2006;

9-               Elizabeth Séguin et Gilles Séguin c. Constructions Cholette et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., SORECONI, 06111001, 30 janvier 2007;

10-          Carlo Fioramore et Françoise Drouin Fioramore c. Construction Yvon Loiselle inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., GAMM, 13 185-3, 20 octobre 2015;

11-          Gauthier et Gestion immobilière Domicil inc.,, 2018 CanLII 84043 (QC OAGBRN).

Les décisions citées par l’Entrepreneur :

1-               2016 QCCA 1284 (7839550);

2-               Boisvert, 2013 QCCS 6175 (7839551);

3-               Brodeur c. Groupe Construction Royale inc., 2006 CanLII 60433 (QC OAGBRN) (7839552);

4-               Carrier, 2010, CanLII 19923 (7839553);

5-               De Jesus Flores Martinez c. Rivera Baraona, (C.S., 2015-11-03), 2015 QCCS 6213, SOQUIJ AZ-51243794, 2016 E;

6-               Gouin Huot c. Équipements de ferme Jamesway inc.,, 2018 QCCA 449 (7839546);

7-               Jammal c. Fournier, 2020 QCCQ 2396 (7839547);

8-               Leblanc c. Dupuy, (C.S., 2014-07-02), 2014 QCCS 3226, SOQUIJ AZ-

51087564, 2014 EXP-2286 (7839548);

9-               Savoie, 2019 CanLII 96075 (7839549).


[1] Syndicat des copropriétaires N’Homade et Cap Immo Gestion inc., 2021 CanLII 13990 (QC OAGBRN), p. 25