TRIBUNAL D’ARBITRAGE

TRIBUNAL D’ARBITRAGE

Sous l’égide du

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL

(CCAC)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE

DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

______________________________________________________________________

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

Dossier no: CCAC: S13-100401-NP

 

ANNIE HENRY et DAVID LEBAS

Demandeurs

c.

LES HABITATIONS RÉJEAN ROY INC.

Défenderesse

et

LA GARANTIE HABITATION

DU QUÉBEC INC.

Administrateur

                        _______________________________________________

 

DÉCISION ARBITRALE

                        _______________________________________________

 

Arbitre:                                                                                                    Me Jean Philippe Ewart

 

Pour les Bénéficiaires:                                                                            Madame Annie Henry

 

 

Pour l’Entrepreneur :                                                                                            M. Réjean Roy

 

Pour l’Administrateur :                                                                      Me François-Olivier Godin

M. Michel Labelle

 

Date de l’Enquête et audition :                                                                        9 décembre 2013

 

Date de la Décision:                                                                                            29 janvier 2014

 

 

 

Identification des Parties

 

BÉNÉFICIAIRES :                                                                         Madame Annie Henry

m. david lebas

[…] Saint-Jean-sur-Richelieu (Québec)    […]

 

 (les « Bénéficiaires»)

 

entrepreneur:                                              LES HABITATIONS RÉJEAN ROY INC.

Attention: M. Réjean Roy, Président

326, rue des Bernaches

Saint-Jean-sur-Richelieu (Québec)

J2W 0A4

 

 (« l’Entrepreneur »)

 

ADMINISTRATEUR:                            LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.

Attention: Me François-Olivier Godin

9200, boul. Métropolitain Est

Montréal (Québec)

H1k 4l2

(«l’Administrateur»)

 

Introduction

 

[1]        Les Parties sont intervenues à un contrat d’entreprise et contrat de garantie obligatoire de maison neuve daté du 9 mars 2012 (Pièce A-4) sous formulaire de l’Administrateur, auquel est joint un formulaire d’inspection préréception avec date de fin des travaux au 6 juillet 2012 (Pièce A-5), pour les fins de la construction d’une résidence unifamiliale située à Saint-Jean-sur-Richelieu, Québec (le « Bâtiment »).

 

Mandat et Juridiction

 

[2]        Le Tribunal est saisi du dossier par nomination du soussigné en date du 9 octobre 2013.  Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n’a été soulevée par les Parties et juridiction du Tribunal a été confirmée.

 

Litige

 

[3]        Le litige découle d’une première demande par l’Entrepreneur auprès de l’Administrateur en date du 4 février 2013 relative à désaccord entre l’Entrepreneur et les Bénéficiaires quant à la cause de déformation de parquets de bois au Bâtiment et une demande d’arbitrage des Bénéficiaires reçue en date du 4 octobre 2013 (la «Demande»). Le présent dossier vise deux décisions de l’Administrateur (dossier no 88072-5166) émises en application du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r.02)               (le « Règlement »), soit en date du 4 avril 2013 (visite des lieux 26 mars 2013)Décision 1») et en date du 17 septembre 2013 (visite des lieux 17 juillet 2013) Décision 2»), relativement aux parquets du Bâtiment.

 

[4]        La Décision 1 identifie deux (2) Points :

           

Point 1 :         Revêtement de plancher dans l’aire de la salle à manger : parquet de bois - dénivellation à l’embout de lattes;

                        Point 2 :         Revêtement de plancher : parquet de bois - déformation.

 

[5]        Pour ce qui est du Point 1, l’Administrateur constate le problème décrit par les Bénéficiaires et statue que l’Entrepreneur « devra faire les vérifications et correctifs requis, selon les règles de l’art et l’usage courant du marché ».

 

[6]        L’Administrateur considère alors ne pouvoir statuer sur le Point 2 et avise d’une  « une visite supplémentaire durant une période autre que la période de chauffe.»

 

[7]        La Décision 2 constate (i) que les correctifs ordonnés n’ont pas été effectués, mais d’autre part (ii) que l’ensemble de la situation dénoncée, incluant de nouvelles dénivellations de plancher dénoncées par les Bénéficiaires lors de cette deuxième inspection, ne requiert plus de correctifs.

 

Déroulement de l’instance

 

Pièces

[8]       Les Pièces contenues au Cahier de l’Administrateur et dont référence sera faite aux présentes sont identifiées comme A-, avec sous-numérotation équivalente à l’onglet applicable au Cahier visé ou en continu suite à dépôt subséquent et es Pièces présentées par l’Entrepreneur sont identifiées comme E-. Aucune objection quant à véracité ou exactitude de la preuve documentaire n’a été soulevée.

 

Ordonnance de suspension d’instance

[9]       Un des Bénéficiaires, M. D. Lebas ne pouvait être présent à l’enquête et audition, qui a procédée de consentement, le Tribunal pourvoyant à ordonnance de suspension d’instance préalablement à déclarer la preuve close, autorisant preuve additionnelle par le Bénéficiaire Lebas sujet à avis de requérir d’y pourvoir par celui-ci le ou avant le 5 janvier 2014. Par avis écrit daté du 15 décembre 2013, les Bénéficiaires ont confirmé ne pas se prévaloir d’une continuité d’enquête, la preuve étant alors conséquemment close, et le Tribunal a pris la cause en délibéré.

 

Le Règlement

 

[10]      Le Tribunal s’appuie que le Règlement est d’ordre public et prévoit que toute disposition d’un plan de garantie (« Garantie » ou « Plan ») qui est inconciliable avec le Règlement est nulle[1].  Conséquemment, le Tribunal se réfère aux articles du Règlement lorsque requis sans rechercher la clause correspondante au contrat de garantie, s’il en est.

 

[11]      La décision arbitrale est finale et sans appel et lie les parties dès qu’elle est rendue[2].

 

[12]     La couverture du Plan dans le cas sous étude et les délais de dénonciation applicables, s’il en est, sont prévus au Règlement, que ce soit pour malfaçons, vices cachés et se lisent, plus particulièrement pour les bâtiments non détenus en copropriété divise:

 

«  10.   La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

 

[…]

  2°    la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

 

3°    la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons; »

 

 

Prétentions et Plaidoiries  

 

Les Bénéficiaires

[13]      Les Bénéficiaires affirment qu’ils avisent l’Entrepreneur dès le premier mois suivant la réception du Bâtiment, donc à l’été 2012, de gondolement et d’espacements des lattes de parquet et de dénivellations sur les jonctions des marches d’escalier et allèguent que nonobstant la Décision 2 de l’Administrateur qu’aucun correctif n’est alors plus requis, il demeure des malfaçons et inégalités en hauteur de lattes aux planchers de bois franc qui requièrent correctif.

 

L’Entrepreneur

[14]      L’Entrepreneur, ayant initialement admis qu’il y avait déformation et espacements des lattes (identifiant un ‘problème de plancher’ à sa correspondance du 4 février 2013 à l’Administrateur - et confirmant déformation (Décision 1, p.4) de même qu’à l’enquête) allègue toutefois que ceci fut causé par un taux d’humidité trop élevé dans le Bâtiment, qu’il en a avisé les Bénéficiaires recommandant un taux d’humidité relative intérieur ambiant d’environ 40% et que par la suite, entre les deux inspections de l’Administrateur, la situation s’est corrigée.

 

[15]     L’Entrepreneur en effet soutient, et la deuxième décision de l’Administrateur conclut, que lors de la deuxième inspection de l’Administrateur en date du 17 juillet 2013, les  malfaçons initialement identifiées par l’Administrateur ont disparu, les matériaux de plancher s’étant équilibrés.

 

L’Administrateur

[16]     L’Administrateur maintient les termes de la Décision 2, qu’il n’y a plus de correctifs requis suite à l’inspection de juillet 2013, alors que les malfaçons initialement constatées ont disparues, résorbées. D’autre part, si requis, le procureur de l’Administrateur plaide subsidiairement, soumettant jurisprudence, qu’il s’agit pour l’ensemble des circonstances d’un comportement normal des matériaux, exclus de la Garantie en conformité de l’article 12 du Règlement et plus particulièrement :

 

12.  Sont exclus de la garantie:

[…]

  2°    les réparations rendues nécessaires par un comportement normal des matériaux tels les fissures et les rétrécissements;

  3°    les réparations rendues nécessaires par une faute du bénéficiaire tels l'entretien inadéquat, la mauvaise utilisation du bâtiment ainsi que celles qui résultent de suppressions, modifications ou ajouts réalisés par le bénéficiaire;

 

 

Faits pertinents

 

[17]      Les parties ont confirmé lors de l’enquête et audition que le Bâtiment a reçu certification Novoclimat.

           

[18]     Les Bénéficiaires reconnaissent et admettent ne pas avoir climatisé à niveau élevé durant la période estivale suite à la réception du Bâtiment, alors que l’Entrepreneur prétend que le taux d’humidité non contrôlée est justement responsable en partie de la déformation du plancher.

 

[19]     Les Parties reconnaissent que l’Entrepreneur a transmis aux Bénéficiaires, après constat et avis à l’Entrepreneur de l’apparition des malfaçons et visite des lieux par ce dernier, des recommandations quant au niveau d’humidité approprié pour que ces malfaçons ne se produisent pas, soit environ 40% d’humidité relative.

 

[20]     Les Bénéficiaires soulignent qu’ils ont alors suivi avec précision les recommandations de l’Entrepreneur quant au taux d’humidité.

 

Analyse

 

Introduction

[21]     De par les délais et circonstances, le Tribunal considère que les réclamations des Bénéficiaires sont de l’ordre de malfaçons au sens du Règlement (qui réfère au sens des articles 2111, 2113 et 2120 C.c.Q., et, s’il en est, à leur caractère apparent ou non lors de la réception du Bâtiment) :

 

« 2120. L'entrepreneur, l'architecte et l'ingénieur pour les travaux qu'ils ont dirigés ou surveillés et, le cas échéant, le sous-entrepreneur pour les travaux qu'il a exécutés, sont tenus conjointement pendant un an de garantir l'ouvrage contre les malfaçons existantes au moment de la réception, ou découvertes dans l'année qui suit la réception. »

 

[22]     Cette garantie prévue par 2120 C.c.Q. est applicable au contrat d’entreprise (et au contrat de vente[3] par l’effet de l’art. 1794 C.c.Q. et 2124 C.c.Q. quant au promoteur immobilier), alors que la garantie de qualité prévue par l’article 1726 C.c.Q. au chapitre de la vente trouve application au contrat d’entreprise par l’effet de l’article 2103 C.c.Q.

 

 

Obligation de bonne exécution

[23]     La base législative des obligations de l’entrepreneur au contrat d’entreprise se retrouve à l’article 2100 C.c.Q.[4] qui, nous notons, est d’ordre public de protection[5] et requiert que l’entrepreneur, sous son obligation de bonne exécution technique des travaux, agisse avec prudence et diligence[6] et se conforme aux usages et règles de son art.

 

Obligations d’information et de conseil de l’Entrepreneur

[24]     Cette obligation de bonne exécution, et l’absence de subordination entre l’entrepreneur et son client et le libre choix des méthodes d’exécution des travaux (art. 2099 C.c.Q.[7]) qui en découle, est toutefois encadrée par certaines obligations, dont une obligation d’information (art. 2102 C.c.Q.) qui engage l’entrepreneur à bien renseigner son client sur les questions relatives au contrat :

 

« 2102. L'entrepreneur ou le prestataire de services est tenu, avant la conclusion du contrat, de fournir au client, dans la mesure où les circonstances le permettent, toute information utile relativement à la nature de la tâche qu'il s'engage à effectuer ainsi qu'aux biens et au temps nécessaires à cette fin.»

 

[25]     Cette obligation d’information qui incombe à l’Entrepreneur est une obligation continue tel qu’indiqué par la Cour Suprême (en 1992) à la décision charnière sur cette obligation d’information, Banque de Montréal c. Bail Ltée[8] :

 

« En résumé, l’obligation de renseignement […] est qualifiée par l’allocation des risques entre les parties, l’expertise relative des parties, ainsi que la formation continue du contrat, même en cours d’exécution

 

(affirmation reprise par la Cour Suprême dans l’affaire ABB c. Domtar en 2007[9]) et la doctrine, prévoyant tout au long de ses relations contractuelles avec le client[10],

donc pendant toute la période d’exécution des travaux que:

 

« Le respect de l’obligation de renseignement qui découle de l’article 2102 C.c.Q. et de la bonne foi (art. 1375 C.c.Q.), s’illustre, […] non seulement lors de la négociation et de la conclusion du contrat[11], mais aussi, durant son exécution[12][13]

 

[26]     Quoique la doctrine souligne que le libellé de 2102 C.c.Q. constitue une obligation d’information unilatérale de l’Entrepreneur, une telle obligation d’information découle de la bonne foi en matière contractuelle et s’applique à toutes les parties, et on peut donc saisir une obligation réciproque[14] d’un client/maître de l’ouvrage :

 

« L’obligation prévue à l’article 2102 C.c.Q. est unilatérale[15]. L’article ne vise que l’entrepreneur […] et ne mentionne aucune obligation corrélative du client. Celui-ci a, toutefois, une obligation de se renseigner qui découle de l’article 1375 C.c.Q. et du devoir général qu’a tout créancier de se renseigner en regard de la théorie de l’acceptation des risques[16] » [17]

 

toutefois, la Cour Suprême considère que généralement, pour des particuliers acheteurs qui ne sont pas experts en construction, cette obligation est pratiquement retirée:

 

« Le contrat d’entreprise de petite envergure, pour la construction d’une maison unifamiliale par exemple, sera confié par un particulier novice en la matière à un entrepreneur expérimenté.  Il est alors justifié que le maître de l’ouvrage [ndlr : les Bénéficiaires] soit pratiquement relevé de toute obligation de renseignement[18]

(nos soulignés)

 

                                              

[27]     L’Entrepreneur dans le cadre d’un contrat d’entreprise a d’autre part une obligation de conseil envers les Bénéficiaires dans les circonstances de ce dossier, distincte de l’obligation d’information :

 

« L’entrepreneur ou le prestataire de services a aussi l’obligation de se renseigner, ainsi que de renseigner et conseiller son client en faisant preuve de prudence et de diligence[19], de façon à ce qu’il puisse donner un consentement éclairé[20]. »[21]                                                                                                                                                                                                                            (nos soulignés)

 

Obligations de l’Entrepreneur - de résultat; fardeau de preuve.

[28]     Quoiqu’il n’y ait pas d’automatisme à une caractérisation d’obligation de moyen ou de résultat[22], pour un entrepreneur construisant sous contrat d’entreprise[23], celle-ci est généralement[24] une obligation de résultat. 

[29]     Dans un cadre d’activité de construction, on peut identifier, entre autre sous la plume de Hon. J.L. Baudouin (de notre Cour d’appel)  l’obligation de résultat, et le fardeau de preuve qui en découle, comme :

 

« Obligation de résultat - […] celui qui accepte de faire un travail précis, comme construire[25] […] selon certaines spécifications, est responsable s’il n’atteint pas le résultat promis. Sur le plan de la preuve, l’absence de résultat fait présumer la faute du débiteur […] Elle place sur ses épaules le fardeau de démontrer que l’inexécution provient d’une cause qui ne lui est pas imputable[26]

 

[30]     Cette obligation de résultat est concrétisée, s’appuyant sur notre Cour d’appel[27] et les écrits de l’Hon. T. Rousseau-Houle (par la suite de notre Cour d’appel) :

 

« De fait, l’entrepreneur étant normalement considéré comme un expert en construction, il est généralement tenu à une obligation de résultat. » [28]

 

 

Questions sous étude

[31]     L’Entrepreneur a t-il contrevenu à ses obligations :

 

[31.1]  de choix et de qualité appropriés de matériaux quant aux planchers?

[31.2]  d’information et de conseil alors qu’il avise les Bénéficiaires de recommandations après constat de malfaçons?

[31.3]  dans l’éventualité et nonobstant que l’Entrepreneur n’ait pas failli à ses obligations précitées, demeure t-il malfaçons requérant correctif au sens du Règlement?

 

Qualité des matériaux

[32]     L’Entrepreneur pourvoit au témoignage de Philippe Pilon, Président, Industries Bois Ditton Inc. qui, d’une part affirme que le bois, immédiatement préalablement à son installation, a été vérifié (ce qui n’est pas contredit) à un taux approprié d’humidité pour installation selon les recommandations de l’industrie, plus particulièrement la NWFA National Wood Flooring Association qui préconise un taux d’humidité fourchette entre 7% et 9%.  Le Tribunal est avisé que Industries Bois Ditton Inc. est le fournisseur de matériaux et tient compte de ce fait et du témoignage clair et non contredit de M. Pilon dans son évaluation de la crédibilité du témoin.

 

[33]     D’autre part, M. Pilon, caractérisé d’expert, confirme son rapport daté du 30 octobre 2013 identifiant avoir constaté lors d’une visite des lieux à l’automne 2012 un taux d’humidité dans le bois installé de 10% et 11%, et que « le bois a absorbé une trop grande quantité d’humidité après l’installation et a par conséquent gonflé et pris de l’expansion. ».

 

[34]     La preuve non contredite écarte d’autre part clairement la possibilité de problématique au substrat de sous-plancher ou aux attaches.

 

Obligations d’information et de conseil

[35]     La preuve confirme qu’un exemplaire du ‘Manuel du propriétaire et guide d’entretien’ (« Manuel QH ») publié par Qualité Habitation a été remis aux Bénéficiaires lors de la réception du Bâtiment.

 

[36]     Ce Manuel QH contient une section intitulée ’Finition intérieure - planchers de bois’ (pp. 52,53) qui (i) réfère spécifiquement à des possibilités de changements aux planchers et cause d’ouvertures entre les lattes selon les saisons et les variations de température en relation aux conditions intérieures du bâtiment et (ii) identifie une recommandation de fabricants quant au taux d’humidité (taux d’humidité relative entre 37 et 45 %) en ce qui a trait aux planchers de bois en lattes. De plus, on note une fiche ‘Contrôle de l’humidité intérieure’ contenue au Manuel QH (p. 100).

 

[37]     Quoique les recommandations verbales de l’Entrepreneur, reconnues par les Parties, sont uniquement suite au constat de malfaçons, force est de conclure que le Manuel GH est très spécifique sur les modalités d’entretien, de réalisation et exécution d’un plancher de bois en lattes, sur les recommandations et les conséquences d’un non suivi d’icelles relativement au taux d’humidité et contrôle de la température intérieure; dans les circonstances, le Tribunal est d’avis que les obligations d’information et de conseil de l’Entrepreneur ont été dûment rencontrées par le contenu du Manuel GH à ce sujet et sa remise aux Bénéficiaires dès la réception du Bâtiment.

 

Malfaçons

[38]     Lors de la visite des lieux par le Tribunal, la preuve indique clairement, tant par constatation visuelle et tactile que par différentes vérifications avec long niveau, qu’il n’y a aucune malfaçon identifiée à l’étage cuisine/salle à manger.

 

[39]     L’Entrepreneur admet et confirme que la méthodologie de construction et installation du plancher diffère à la surface du palier de celle utilisée entre autre au rez-de-chaussée.   Au rez-de-chaussée, il demeure un espace au pourtour de chaque pièce, prévu lors de l’installation, espace recouvert d’un quart-de-rond au pourtour afin d’en cacher l’existence.

 

[40]     Cet espace permet un mouvement du matériau principalement afin d’en faciliter l’expansion (sans donc résulter, autant que l’espace le permet, en une compression des différentes lattes qui pourrait amener soulèvement ou inégalité).

 

[41]     La situation est autre au palier; la preuve démontre que les lattes de plancher sont appuyées sur des pièces de bois de pourtour fixes, parties de l’ensemble plancher. Les parties constatent qu’il demeure des inégalités supérieures aux normes d’espacement proposées par l’Administrateur et acceptées par les Parties.

 

[42]     Dans l’espace commun aux différentes chambres à l’étage, le palier contigu à l’escalier (le « palier »), on peut noter des interstices et inégalités entre la hauteur respective des planches de bois franc qui requièrent correctif. Le Manuel QH indique que l’industrie du bois de plancher considère qu’un plancher est droit et bien exécuté à condition que les aspérités n’excèdent pas une différence de 5 mm sur 1,83 m (3/16 po sur 6 pi); mais plus avant, et sans qu’il soit nécessaire de commenter sur l’importance dans l’évaluation par le Tribunal d’une conclusion à ce guide émis par l’Administrateur, l’Administrateur et l’Entrepreneur ont aussi constaté lors de l’inspection par le Tribunal sous les tests mêmes utilisés par l’Administrateur aux Décisions, qu’il demeure malfaçon au palier.

 

[43]     Cette situation ne peut être comprise dans une exclusion de Garantie pour comportement normal des matériaux (au sens de l’art. 12 (2) du Règlement) puisque c’est la méthode d’installation au palier qui selon la preuve prépondérante cause la malfaçon, par admission de l’Entrepreneur d’une méthode autre d’installation à ce palier, la malfaçon ne s’étant d’ailleurs pas résorbée comme les autres espaces plancher de lattes, et ce n’est pas non plus un entretien inadéquat (au sens de l’art. 12 (3) du Règlement) puisque le suivi des recommandations de l’Entrepreneur par les Bénéficiaires a résorbé les autres espaces, mais pas le palier.

 

Conclusions

 

[44]     Pour l’ensemble des motifs ci-dessus, le Tribunal accueille en partie la demande d’arbitrage des Bénéficiaires quant à ce que des correctifs sont requis afin d’assurer un nivellement approprié du plancher au palier de l’étage.

 

[45]     Le Tribunal, s'autorisant de l'article 116 du Règlement est d'opinion, et en conformité de l’article 123 du Règlement qu’en l’instance, le Bénéficiaire ayant en partie gain de cause, les frais du présent arbitrage sont à la charge de l’Administrateur.

 

POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

[46]     ORDONNE à l’Entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs requis aux inégalités et aspérités du plancher de bois au palier de l’étage dans les 30 jours de la date des présentes.

 

[47]     ORDONNE que l'Administrateur assume les frais du présent arbitrage.

 

 

DATE: 29 janvier 2014

 

 

 

                                                                                                             _____________________

Me Jean Philippe Ewart

Arbitre



[1] Idem, D.841-98, a.5, article 5 du Règlement.

 

[2] Idem, articles 20 et 120 du Règlement.

 

[3] Voir aussi Immeubles de l’Estuaire phase III inc c. Syndicat des copropriétaires de l’Estuaire Condo phase III, 2006  QCCA 781 sous la plume de la juge Bich, M.-F, JCA.

 

[4]              « 2100.  L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure ».

 

[5] Développement Tanaka inc. c. Corporation d’hébergement du Québec, 2009 QCCS 3659 (appel rejeté).

 

[6]  D'Aoust c. Lanthier,  2005 CanLII 14422 (QC CQ), para. 47 à 49

 

[7]              « 2099. L'entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d'exécution du contrat et il n'existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution. »

 

[8] [1992] 2 R.C.S. 554, p. 594.

 

[9] ABB inc. c. Domtar inc. 2005 QCCA 733, para 72, (confirmé par Cour Suprême 2007 CSC 50), citant J. Pineault, D. Burman, S. Gaudet, Théorie des obligations, Thémis, 2001, p. 573.  Voir également 9034-1215 Québec inc. c. Corporation solutions Moneris inc., 2005 CanLII 50680 (QC CQ), para 29 :

« [29] Le respect de l'obligation de renseignement qui découle cet article [ndlr : 2102 CcQ] , corollaire à l'obligation de bonne foi (art. 6 et 1375 C.c.), s'illustre notamment … tant lors de la formation du contrat mais aussi durant son exécution.  Cette obligation de renseignement est une obligation continue, susceptible de s'appliquer à tout moment en cours d'exécution du contrat et selon les circonstances; en cas de manquement, d’être sanctionnée par les règles de la « responsabilité contractuelle».

 

[10]  9034-1215 Québec inc. c. Corporation Solutions Moneris inc.,  J.E. 2006-553, (C.Q.), para. 29. citant Banque de Montréal c. Bail Ltée.  VOIR aussi BAUDOUIN et JOBIN, Les obligations, 6e édition, Éd. Y. Blais, 2005, paragr. 328.

 

[11] Demeule c. Bell Canada 2007 QCCQ 13370; Lussier Électrique inc. c. Centre commercial d’Asbestos inc. 2009 QCCQ 6653.

 

[12] A.C. Line Info Inc. c. 2911663 Canada Inc., AZ-50103715, J.E. 2002-232 (C.S.); Planchers Exclusifs P.L. Inc. c. Gagné, C.Q. Terrebonne, no 700-32-009806-017, 20 janvier 2003, j. Audet; et, sur les obligations de l’article 1375 C.c.Q. voir aussi  Sperandio c. 3095-9571 Québec inc. (Construction Melcon), AZ-50319394 (C.S.).

 

[13] KARIM, Vincent, Contrats d’entreprise (ouvrages mobiliers et immobiliers : construction et rénovation) Contrats de prestation de services et l’hypothèque légale, Éd. Wilson & Lafleur, 2e édition, 2011, para 339.

 

[14] Le Tribunal est sensible à cette obligation des demandeurs; on retrouve une expression de celle-ci dans la cause de 9034-1215 Québec inc. c. Corporation solutions Moneris inc précitée :

« [30] Certes, l'obligation prévue à l'article 2102 C.c. est unilatérale.  Cet article ne vise que le prestataire de services. Il ne mentionne aucune obligation corrélative de la part du client.

[31] Toutefois, il est manifeste que le client a, de son côté, une obligation « de se renseigner » laquelle découle de l'article 1375 C.c. et du devoir général qu'a tout contractant de se renseigner. »

 

[15] L’auteur cite : Demeule c. Bell Canada, AZ-50463149, 2007 QCCQ 13370; Lussier Électrique inc. c. Centre commercial d’Asbestos inc., AZ-50566143, 2009 QCCQ 6653.

 

[16]  L’auteur cite entre autre : Banque de Montréal c. Bail Ltée, AZ-92111080, J.E. 92-964, (1992) 48 Q.A.C. 241, [1992] R.R.A. 673, [1992] 2 R.C.S. 554, j. Gonthier, plus particulièrement la section sur l’obligation de renseignement du client.

 

[17] Op. cit., KARIM, Contrats d’entreprise (ouvrages mobiliers et immobiliers : construction et rénovation), para. 340.

 

[18] Op. cit. Banque de Montréal c. Bail Ltée, Gonthier, J., [1992] 2 R.C.S., p. 592.

 

[19] Industries V.M. inc. c. Berardini, AZ-00021570 (C.S.), conf. AZ-03019548 (C.A.); Lemieux c. Aubin, AZ-50170111 (2003) (C.Q.).

 

[20] Remax de l’Estuaire inc. c. Lauzier, AZ-98031333, J.E. 98-1689 (C.Q.). Voir aussi KARIM V., « La règle de la bonne foi prévue dans l’article 1375 du Code civil du Québec : sa portée et les sanctions qui en découlent » (2000) 41 C. de D. 433, pp. 435 et ss.

 

[21] Op. cit., KARIM,  Contrats d’entreprise (ouvrages mobiliers et immobiliers : construction et rénovation) para 269.

 

[22] Le Tribunal se fonde, entre autres, sur les critères énoncés par P.-A. CRÉPEAU dans son ouvrage L’intensité de l’obligation juridique, Cowansville, Éd. Y. Blais, 1989, pour déterminer l’intensité de l’obligation dont doit répondre l’Entrepreneur.

 

[23] BAUDOUIN et DESLAURIERS, La responsabilité civile, Éd. Yvon Blais,  2007, 7e éd., p. 45 :

« 39 […] au chapitre du contrat d’entreprise […] le législateur a renoncé à fixer l’intensité de l’obligation de l’entrepreneur […] (sauf pour les pertes ou vices de construction des ouvrages immobiliers) ndlr : les auteurs référant aux art. 2118, 2119 et 2121 C.c.Q.

 

[24] Dans certaines circonstances particulières (tel alors que le client sait que l’ouvrage n’est pas réalisable) il y a possibilité d’une obligation de moyens, par exemple :  87313 Canada inc. c SIMPA J.E. 97-1132 (C.S.)

 

[25] Art. 2098 C.c.Q; Voir aussi: 2911663 Canada inc. c. A.C. Line Info inc., J.E. 2004-811 (C.A.), REJB 2004-60090; Gagnon c. Bisson inc., J.E. 2004-671 (C.S.), REJB 2004-54512.

 

[26] Op. cit. BAUDOUIN et DESLAURIERS, La responsabilité civile, p. 1027, Para. 1-1251.

VOIR aussi: IGNACZ, Marianne et EDWARDS, Jeffrey La responsabilité de l’entrepreneur et du sous-entrepreneur dans le cadre de La construction au Québec : perspectives juridiques - sous la direction de KOTT, Olivier F. et ROY, Claudine, Wilson & Lafleur Ltée, Montréal, 1998, p. 542.

 

[27] Montréal (Communauté urbaine de) c. Ciment Indépendant Inc., J.E. 88-1127 (C.A.); Construction Cogerex ltée c. Banque Royale de Canada, J.E. 96-497 (C.A.)

 

[28] ROUSSEAU-HOULE, T., Les contrats de construction en droit public & privé, Montréal, Wilson & Lafleur/Sorej, 1982, p. 194 et 195;

VOIR aussi : Op. cit., KARIM, Contrats d’entreprise (ouvrages mobiliers et immobiliers : construction et rénovation), para. 248 :

«En d’autres termes, pour remplir son engagement, l’entrepreneur doit donc, conformément à l’article 2100 C.c.Q., rendre un ouvrage conforme à l’ensemble des documents contractuels et aux obligations pouvant découler explicitement ou implicitement de la loi, des usages et des règles de l’art.  En effet, il n’est pas inutile de rappeler que l’obligation de délivrer un ouvrage conforme aux règles de l’art est une obligation de résultat»[28]