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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)
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ENTRE : |
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Pascal Dubois et Annie Mailloux |
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(ci-après les « bénéficiaires »)
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ET : |
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Les Habitations André Lemaire |
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(ci-après l'« entrepreneur »)
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ET : |
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La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. |
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(ci-après l'« administrateur »)
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No dossier APCHQ : 091372-1 No dossier GAMM : 2007-08-002
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SENTENCE ARBITRALE SUR UNE OBJECTION PRÉLIMINAIRE
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Arbitre : |
M. Claude Dupuis, ing. |
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Pour les bénéficiaires : |
M. Pascal Dubois |
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Pour l'entrepreneur : |
M. André Lemaire |
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Pour l'administrateur : |
Me Patrick Marcoux |
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Date d’audience : |
1er mai 2007 |
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Lieu d'audience : |
Granby |
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Date de la sentence : |
21 mai 2007 |
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[1] L'audience s'est tenue au palais de justice de Granby.
[2] À la suite d'une demande de réclamation des bénéficiaires, l'administrateur, en date du 11 décembre 2006, soumettait aux parties son rapport de décision.
[3] Insatisfaits des conclusions de l'administrateur contenues dans le rapport précité, les bénéficiaires, en date du 1er mars 2007, acheminaient au GAMM une demande d'arbitrage relativement aux points suivants :
· Point 4 : Fixation et soulèvement des bardeaux d'asphalte au versant arrière de la toiture principale
· Point 6 : Départ fréquent de la pompe submersible au bassin de captation du sous-sol
· Point 7 : Colmatage par l'intérieur à l'endroit des tiges d'ancrage et une légère fissure à une marche de l'escalier latéral gauche
· Point 8 : Absence d'un drain au plancher de béton de la descente d'escalier protégée
· Point 9 : Espace entre la dalle de béton du sous-sol et le mur de fondation
· Point 10 : Absence de fini sur les marches de l'escalier en bois donnant accès au rez-de-chaussée
· Point 11 : Courant continu au luminaire de la cuisine (événement ponctuel)
· Point 12 : Infiltration d'air par la hotte de la cuisinière
· Point 14 : Fond de clouage pour les cadres
· Point 15 : Espace entre la vanité de la salle de bain et le podium adjacent
· Point 16 : Fonctionnement du ventilateur plafonnier de la salle de bain
· Point 17 : Moisissure en surface du placoplâtre et du plancher, au coin droit de la salle de massage au sous-sol
· Point 18 : Absence de moulure de finition aux limons, de part et d'autre de l'escalier vers l'étage et à l'arche donnant accès au salon
· Point 19 : Présence d'une protubérance non prévue au plan, sur le mur de l'escalier intérieur du rez-de-chaussée
· Point 21 : Verticalité du mur extérieur arrière de la descente d'escalier protégée
· Point 22 : Finition incomplète du mur de fondation avant à chacune des extrémités
[4] Dans une lettre datée du 16 avril 2007, le procureur de l'administrateur informait le GAMM de son intention de demander, lors de l'audition du présent dossier, « le rejet de la demande d'arbitrage au motif que le délai de rigueur pour la déposer n'a pas été respecté. »
[5] En cours d'enquête, en plus des représentants des parties, il y a eu intervention de la part des personnes suivantes :
· M. Rénald Cyr, inspecteur-conciliateur
· Mme Annie Mailloux, bénéficiaire
[6] L'administrateur confirme que le rapport de décision daté du 11 décembre 2006 a été reçu par les bénéficiaires le 19 décembre 2006.
[7] À la fin dudit rapport, soit à la page 9, l'on retrouve la disposition suivante relativement à l'arbitrage :
Arbitrage
Dans le cas de l'arbitrage, la demande doit être soumise par la partie requérante, dans les trente (30) jours de la réception par poste certifiée de la décision de l'administrateur ou, s'il y a eu médiation, dans les trente (30) jours suivant la réception de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation.
Dans tous les cas d'arbitrage, la demande doit être soumise directement à l'un des organismes suivants :
ð GAMM (Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure)
1453, rue Duvernay
Chambly (Québec) J3L 6G3 / (450) 658-1438 ou 1 877 677-2722
Télécopieur : (450) 447-0032
ð SORECONI (Société pour la résolution des conflits inc.)
1155, boulevard René-Lévesque Ouest - Bureau 2500
Montréal (Québec) H3B 2K4 / (514) 395-8048 ou 1 866 998-8048
ð CCAC (Centre canadien d'arbitrage commercial)
215, rue Caron, bureau 6
Québec (Québec) G1K 5V6 / (418) 649-1374 ou 1 877 909-3794
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, les coûts sont à la charge de l'administrateur, à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage les coûts. Lorsque le demandeur est l'entrepreneur, les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre ce dernier et l'administrateur.
[8] L'administrateur rappelle qu'avant février 2006, la Régie du bâtiment ne l'obligeait pas à inclure dans ses décisions une telle disposition indiquant le délai de demande d'arbitrage ainsi que les coordonnées des organismes d'arbitrage; cette obligation découle de l'article 66.1° du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs présentement en vigueur.
[9] De même, l'article 19 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs indique que le délai de demande d'arbitrage est maintenant de 30 jours.
[10] M. Cyr, inspecteur-conciliateur, nous informe qu'avant l'émission de son rapport de décision du 13 décembre 2006, il a parlé à la procureure des bénéficiaires, Me Catherine Nadeau, au sujet du montant en fidéicommis; par la suite, il n'a pas eu de retour d'appel de cette dernière.
[11] M. Cyr se rappelle aussi avoir parlé au bénéficiaire les 19 janvier et 13 février 2007; lors de cette dernière conversation, le bénéficiaire lui aurait indiqué qu'il contesterait les conclusions relatives à certains éléments du rapport et qu'il ne savait pas s'il devait signer la convention de dépôt en fidéicommis; le témoin fait ici référence à l'article 11 du plan de garantie.
[12] Le procureur rappelle que l'article 19 du décret, avant les modifications de février 2006, indiquait à l'entrepreneur ou au bénéficiaire un délai de 15 jours après réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur pour soumettre une demande d'arbitrage; selon la Cour supérieure, ce délai n'était pas de rigueur et pouvait être prorogé s'il y avait de bons motifs de le faire.
[13] Voilà que depuis 2006, le décret modifié oblige l'administrateur à inscrire dans sa décision la disposition relative à l'arbitrage, sans compter qu'un délai de 30 jours est plus raisonnable qu'un délai de 15 jours.
[14] Or, les bénéficiaires avaient lu cette disposition relative à l'arbitrage; même si ce nouveau délai n'est pas qualifié de rigueur, il doit être appliqué plus solidement qu'auparavant, à savoir que le demandeur doit prouver que le délai n'a pas été respecté pour des motifs sérieux.
[15] Au soutien de ses prétentions, le procureur a soumis les autorités suivantes :
· Yvon Bernier et Lyne Audette c. Rénovation Larocque et Fils inc. et La Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc., Me Marcel Chartier, arbitre (SORECONI), 2006-07-04.
· Michel Poirier et Madeleine Lupari c. Construction Lamtel inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc., Me Marcel Chartier, arbitre (SORECONI), 2006-08-30.
· Kulwant Singh Minhas and Surjit Kaur Parmar and 9096-2556 Québec inc. (Nader Constructions) and La Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc., Mtre. Jeffrey Edwards, arbitrator (GAMM), 2006-08-10.
[16] M. Lemaire témoigne sur les relations difficiles et tendues qu'il a eues avec les bénéficiaires.
[17] Selon le témoin, ces derniers n'étaient jamais satisfaits et refusaient toujours de délaisser le montant en fidéicommis (23 000 $) et de payer le montant des extra (4 000 $).
[18] M. Dubois, de son côté, nous informe qu'il devait, lors de la construction, surveiller constamment les travaux afin que ceux-ci soient correctement exécutés.
[19] Relativement au surplus de 4 000 $, il s'agissait de la finition du sous-sol, qui a été réalisée sans avoir obtenu au préalable une soumission.
[20] Le témoin affirme que c'est son avocate, Me Nadeau, qui lui a conseillé de ne pas libérer le montant en fidéicommis.
[21] Le bénéficiaire souligne que dans le présent dossier, l'administrateur lui-même n'a pas respecté le délai pour la production de son rapport écrit de décision; en effet, l'administrateur a mis deux mois pour produire son rapport, alors que le délai prévu est de 20 jours.
[22] Sur réception de ce rapport, les bénéficiaires l'ont analysé; ils ont tenté sans succès, durant trois semaines, de rejoindre M. Cyr; ils voulaient s'entretenir avec lui avant de procéder à l'arbitrage.
[23] Durant ce temps, les bénéficiaires attendaient des nouvelles de leur avocate, Me Catherine Nadeau; or, à leur insu, cette dernière avait quitté le bureau qui l'employait et avait été remplacée par une autre avocate qui les a avisés tardivement de la situation.
[24] M. Dubois argumente à l'effet qu'il a été mal informé par son avocate et qu'il y a eu manque de continuité.
[25] Me Nadeau les assistait dans leur dossier depuis juin 2006; en décembre 2006, elle a quitté son bureau sans les aviser; ce n'est que vers la fin janvier 2007 que les bénéficiaires ont été mis au courant.
[26] Il est admis qu'un délai de 72 jours s'est écoulé entre la réception du rapport de décision de l'administrateur par le bénéficiaire et la demande d'arbitrage de ce dernier; avant la modification du décret en février 2006, le délai indiqué à l'article 19 était de 15 jours.
[27] En juillet 2003, la Cour supérieure[1] avait décidé que ce délai de 15 jours n'était pas de déchéance et qu'il pouvait, pour des motifs sérieux, être prorogé.
[28] À la suite des modifications de février 2006, ce délai de 15 jours à l'article 19 a été porté à 30 jours; mais ce délai de 30 jours n'est pas plus qualifié qu'auparavant.
[29] En pareil cas, la juge Piché, par ses citations, nous indique que :
[21] [...] "la déchéance n'est pas la règle et ne se présume pas. Hormis les cas où le législateur s'est exprimé de façon claire, précise et non ambiguë, il n'existe aucun délai de déchéance véritable".
[...]
[24] [...] On sait aussi qu'en l'absence d'un texte exprès, l'expiration du délai n'emporte pas déchéance. [...]
[30] Or, l'article 19 modifié du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs ne comporte aucun des critères ci-devant cités.
[31] L'article 66.1° du décret n'existait pas avant les modifications de février 2006; il se présente comme suit :
66. Toute décision de l'administrateur refusant ou annulant l'adhésion d'un entrepreneur au plan approuvé ou concernant une réclamation d'un bénéficiaire doit être écrite et motivée.
Elle doit comporter les renseignements suivants :
1° s'il s'agit d'une décision portant sur une réclamation d'un bénéficiaire, l'indication qu'il s'agit de la décision de l'administrateur, le nom du bénéficiaire et celui de l'entrepreneur, l'adresse du bâtiment concerné, la date de chaque inspection s'il y a lieu, la date de la décision, les recours et délais de recours prévus par le règlement et les coordonnées des organismes d'arbitrage autorisés par la Régie de même que celles du ministère du Travail pour lui permettre d'obtenir la liste des médiateurs reconnus;
[32] Est-ce que cet article ajouté procure plus de rigueur au délai indiqué? Je ne le crois pas. Cet article impose à l'administrateur une obligation d'information à l'entrepreneur et au bénéficiaire; cet article est d'ailleurs situé au Chapitre III - Section II du décret, soit CONDITIONS À REMPLIR PAR L'ADMINISTRATEUR.
[33] Pour que le délai soit plus de rigueur qu'auparavant, une inscription supplémentaire aurait dû être faite à l'article 19 du décret, soit au Chapitre II (GARANTIE MINIMALE) - Section II (CONTENU DE LA GARANTIE) - V (Recours).
[34] Il n'existe aucune preuve dans le présent dossier qu'une prorogation de délai causerait un préjudice à l'entrepreneur.
[35] Je cite à nouveau la juge Piché :
[33] En 1992, la Cour suprême élargira même la notion d'impossibilité d'agir des parties de façon à y inclure l'erreur de l'avocat. Dans l'arrêt de Communauté Urbaine de Québec c. Services de Santé du Québec la Cour suprême rappelle l'article 2 du Code de procédure qui édicte que les règles de procédure sont destinées à faire apparaître le droit et à en assurer la sanction. Tout formalisme indu doit donc être écarté et les droits des parties sauvegardés lorsque l'erreur ou l'omission d'une partie ou de son procureur n'a pas de conséquences irréparables sur l'autre partie au litige.
[36] Dans le présent dossier, la preuve a clairement démontré que les bénéficiaires avaient retenu les services d'une avocate depuis au moins juin 2006; l'administrateur a même adressé à cette dernière, en décembre 2006, une copie de son rapport de décision.
[37] Il a de plus été porté à ma connaissance que l'administrateur a transmis, en date du 16 avril 2007, le cahier des pièces pertinent au présent arbitrage à l'avocate des bénéficiaires.
[38] Les bénéficiaires avaient mis leur confiance en cette avocate pour les conseiller; or, cette dernière, à leur insu, avait quitté l'étude où elle pratiquait en décembre 2006, soit au même moment où l'administrateur adressait son rapport de décision aux parties.
[39] Ce rapport et les autres documents sont demeurés lettre morte jusqu'à la fin janvier 2007, au moment où l'avocate remplaçante communiquait avec les bénéficiaires.
[40] S'il ne s'agit pas d'une erreur, il s'agit sûrement d'une omission de la part de l'avocate.
[41] Cette même avocate, auparavant, avait conseillé à ses clients de ne point payer à l'entrepreneur le montant en fidéicommis, ce qui, selon M. Cyr, n'était pas un conseil judicieux.
[42] Les bénéficiaires ont agi de bonne foi. Après réception du rapport de décision, ils ne sont pas demeurés inactifs. Ils ont tenté de rejoindre M. Cyr afin d'élaborer une solution. Ils n'ont pas reçu de leur avocate les conseils qu'ils étaient en droit d'obtenir. Notons qu'ils ont constaté que l'administrateur avait pris 74 jours pour produire son rapport de décision à la suite de l'inspection du 28 septembre 2006, alors que le délai stipulé à l'article 18 du décret est de 20 jours.
[43] POUR CES MOTIFS, le tribunal
REJETTE l'objection préliminaire soulevée par l'administrateur; et
PROROGE le délai de production de demande d'arbitrage; et
DÉCLARE recevable la demande d'arbitrage soumise par les bénéficiaires; et
ORDONNE la tenue d'une audience sur le fond, à une date qui sera déterminée ultérieurement après consultation des parties.
[44] Conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 21 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, les coûts du présent arbitrage sont à la charge de l'administrateur.
BELOEIL, le 21 mai 2007.
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__________________________________ Claude Dupuis, ing., arbitre [CaQ] |
[1] Takhmizdjian et Barkakjian c. Soreconi (Société pour la résolution des conflits inc.) et Betaplex inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'A.P.C.H.Q. inc., C.S. Laval 540-05-007000-023, Mme la juge Ginette Piché, 2003-07-09.