TRIBUNAL D’ARBITRAGE
Sous l’égide du
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL
(CCAC)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment
ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
______________________________________________________________________
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
Dossier CCAC no: S14-032403-NP
RIODEL INC.
Entrepreneur
c.
LA GARANTIE ABRITAT INC.
Administrateur
_______________________________________________
DÉCISION ARBITRALE INTERLOCUTOIRE
Requête en suspension d’annulation d’adhésion
_______________________________________________
Arbitre: Me Jean Philippe Ewart
Pour l’Entrepreneur : Me Martine Brodeur
Pour l’Administrateur : Me Julie Parenteau
Me François Laplante
Dates de l’Enquête et audition : 23 mai, 2-3 et 11-12 juin 2014
Date de la prise en délibéré : 2 septembre 2014
Date de la Décision: 30 septembre 2014
Identification des Parties
ENTREPRENEUR : RIODEL INC.
A/S : Me Martine Brodeur
BBP avocats
1600, boul. Saint-Martin Est
Tour A - Porte 400
Laval (Québec)
H7G 4R8
(« Entrepreneur »)
ADMINISTRATEUR: LA GARANTIE ABRITAT INC.
Attention: Me Julie Parenteau
contentieux de l’apchq
5930, boul. Louis-H.-Lafontaine
Anjou (Québec)
H1M 1S7
(« Administrateur »)
Introduction
[1] Dans le cadre de demandes d’arbitrage de décisions de l’Administrateur d’annuler entre autre l’adhésion de l’Entrepreneur au Plan (tel que défini ci-dessous), la présente décision arbitrale interlocutoire s’adresse uniquement à la requête de l’Entrepreneur de suspension d’exécution de la décision de l’Administrateur datée du 14 mars 2014 d’annuler son adhésion au Plan.
Mandat et Juridiction
[2] Le Tribunal est saisi du dossier par nomination du soussigné en date du 28 mars 2014. Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n’a été soulevée par les Parties et juridiction du Tribunal a été confirmée.
Litige
[3] Le litige visé par la présente décision arbitrale interlocutoire découle d’une décision de l’Administrateur d’annuler l’adhésion de l’Entrepreneur au Plan datée du 14 mars 2014 («Décision Adm R-14 ») (dossier accréditation no 210151) (dossier no S14-032403-NP) émise en application du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r.02) (le « Règlement ») adopté en conformité de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1.1) (la « Loi ») et dont l’Entrepreneur requiert arbitrage (la «Demande»).
[4] Dans le cadre de la Demande, la procureure de l’Entrepreneur pourvoit à une requête de suspension d’exécution de la Décision Adm R-14 en conformité de l’article 106 du Règlement, plus particulièrement au dernier alinéa qui se lit :
« La demande d'arbitrage concernant l'annulation d'une adhésion d'un entrepreneur ne suspend pas l'exécution de la décision de l'administrateur sauf si l'arbitre en décide autrement. »
[5] Le soussigné est saisi de trois (3) autres dossiers qui emportent une certaine connexité au présent dossier, entre autre (i) quant à l’actionnariat et l’administration de l’Entrepreneur et de 9220-0641 Québec inc. (« 41Q »), autre entrepreneur précédemment sous adhésion au Plan et sujet d’une décision d’annulation d’adhésion de l’Administrateur du 14 mars 2014 (concomitante de la Décision Adm R-14) (« Décision Adm 41Q-14 ») dont l’entrepreneur 41Q a requis arbitrage (dossier 9220-0641 Québec inc. c. Garantie Abritat Inc.~ S14-032404-NP) et (ii) de deux (2) demandes d’arbitrage des entrepreneurs respectifs visant des décisions ordonnant des travaux correctifs suite à réclamations de bénéficiaires, soit aux dossiers Riodel Inc. c. SDC 4178, Montée Saint-Hubert et Garantie Abritat Inc. (dossier S14-031703-NP) (« Dossier 4178 ») et 9220-0641 Québec inc. c. Stéphanie Dumont-Carey et Garantie Abritat Inc. (dossier S14-031705-NP) (« Dossier Dumont »).
Déroulement de l’instance
[6] Suite à nominations du soussigné aux dossiers précités, le Tribunal a pourvu, sous une demande de réunion d’actions, à enquête commune pour les demandes d’arbitrage des Décision Adm R-14 et Décision Adm 41Q-14, de consentement.
[7] La présente décision arbitrale ne s’adresse qu’à la requête de suspension d’exécution de la Décision Adm R-14.
[8] Le Tribunal a été avisé des mandats successifs et substitutions de procureurs, soit, pour l’Administrateur, Me P. Marcoux (à la nomination de l’arbitre), Me F. Laplante (2014.04.11), Me E. Sawaya (2014.07.01) et Me J. Parenteau (2014.08.06) et, pour l’Entrepreneur agissant initialement seul, Me J. Leinhos (2014.04.16) et Me M. Brodeur (2014.05.15).
Pièces
[9] Les Pièces contenues au Cahier de l’Administrateur et dont référence sera faite aux présentes sont identifiées comme A-, avec sous-numérotation équivalente à l’onglet applicable au Cahier visé et identifiés /03 au dossier S14-032403-NP et /04 au dossier S14-032404-NP, ou en continu suite à dépôt subséquent en cours d’enquête, et les Pièces présentées par l’Entrepreneur sont identifiées comme E-. Aucune objection quant à véracité ou exactitude de la preuve documentaire n’a été soulevée.
Le Règlement
[10] Le Tribunal s’appuie que le Règlement est d’ordre public et prévoit que toute disposition d’un plan de garantie (« Garantie » ou « Plan ») qui est inconciliable avec le Règlement est nulle[1].
[11] La décision arbitrale est finale et sans appel et lie les parties dès qu’elle est rendue[2].
Chronologie
[12] Quelques-unes des dates d’importance dans les dossiers en rubrique :
2013.10.17 Décision de l’Administrateur (Pièce A-1/03), première annulation d’adhésion de l’Entrepreneur.
2013.10.25 Décision de l’Administrateur (Pièce A-1/04), première annulation d’adhésion de 41Q.
2013.12.06 Convention d’adhésion (Entrepreneur) (Pièce A-4/03).
2014.01.15 Convention d’adhésion (41Q) (Pièce A-4/04).
2014.02.05 Lettre de l’Administrateur à l’Entrepreneur (et 41Q) (Pièces A-2) confirmant accréditation conditionnelle.
2014.03.14 Décision de l’Administrateur (Pièces A-3/03) (Décision Adm R-14).
Décision de l’Administrateur (Pièce A-3/04) (Décision Adm 41Q-14).
Lettre du notaire J. Prévost (Pièce A-10.1), Engagement de dépôt de sûreté et chèques (Pièce A-10.2), Engagement de respect des conditions d’accréditation (Pièce A-10.3) - (Pièce A-10, en liasse).
2014.03.28 Nomination de Me Jean Philippe Ewart (S14-032403-NP (annulation d’adhésion) et S14-031703-NP) et Me Michel Jeanniot (S14-032404-NP (annulation d’adhésion) et S14-031705-NP) à titre d’arbitres.
2014.04.10 Correspondance du Greffe, re. Enquête commune.
2014.04.16 Conférence préparatoire - remise sine die, l’Entrepreneur avisant retenir procureur: Me Leinhos.
2014.04.29 Conférence de gestion - consentement à report.
2014.05.09 Réception des Cahiers de l’Administrateur.
2014.05.15 Conférence de gestion de l’instance - réunion d’actions;
Me Jean Philippe Ewart nommé arbitre unique.
2014.05.23 Enquête et audition et demande de suspension de la décision d’annulation d’adhésion pour Riodel inc.
2014.05.27 Correspondance de l’Administrateur;
lettre du notaire J. Prévost re : engagements de l’Entrepreneur.
2014.06.02/3 Enquête et audition.
2014.06.11/12 Suite enquête et audition.
2014.07.11 Correspondance de Me Brodeur, re. lettre Lapointe Petrone CPA.
2014.07.18 Conférence de gestion de l’instance.
2014.08.07 Conférence de gestion de l’instance.
2014.08.22 Conférence de gestion de l’instance; réception de documents de l’Entrepreneur.
2014.09.02 Prise en délibéré.
Faits pertinents
[13] L’Entrepreneur (et 41Q) sont respectivement en voie de construction, vente ou travaux correctifs dans plusieurs projets lors des annulations d’adhésions, tel que souligné au tableau identifiant diverses adresses civiques et décisions de l’Administrateur requérant travaux correctifs (Pièces A-11, A-6/03 en liasse et A-5/04 en liasse) dont sauf précitées le Tribunal n’est pas saisi mais qui se doivent selon le Tribunal d’être analysées dans un contexte de maintien ou annulation d’adhésion d’un entrepreneur.
[14] L’Administrateur a soumis certaines décisions de l’Administrateur requérant correctifs (soit six (6) décisions relatives à l’Entrepreneur (Pièce A-6/03 en liasse) et soit sept (7) décisions relatives à 41Q (Pièce A-5/04 en liasse)), soulignant et plaidant entre autres l’ampleur et la répétition de divers vices et malfaçons requérant correctifs sur les constructions de l’Entrepreneur et 41Q et les difficultés de communication avec l’Entrepreneur et 41Q.
[15] Ces décisions de l’Administrateur ordonnant à l’Entrepreneur des travaux correctifs sont suite à des réclamations reçues principalement de février 2013 à novembre 2013, sauf dans un cas de réclamations multiples (sur Dossier 4178 dont le Tribunal est saisi) une dernière réception de réclamation additionnelle le 15 janvier 2014, et dans un dernier cas une réclamation du 27 janvier 2014 (décision dont le Tribunal n’est pas saisi mais soumise en preuve, visant toutefois uniquement des correctifs à un élément de finition de peinture, un coulis mineur et des taches de colle à certaines sections de plancher).
[16] De ces décisions de l’Administrateur visant l’Entrepreneur on note d’autre part que les inspections sont, pour deux (2) décisions, antérieures à la première annulation d’adhésion Décision Adm R-13 (définie ci-dessous) et que les autres y sont subséquentes, mais antérieures à la Décision Adm R-14.
[17] Ces décisions de l’Administrateur ordonnant à 41Q des travaux correctifs sont suite à des réclamations reçues principalement de décembre 2012 à octobre 2013 (et dans un cas sur Dossier Dumont dont le Tribunal est saisi - une inspection supplémentaire le 23 février 2014). De ces décisions, on note d’autre part que les inspections sont, pour trois (3) décisions, antérieures à la première annulation d’adhésion Décision Adm R-13 (définie ci-dessous) et que les autres y sont subséquentes, mais antérieures à la Décision Adm R-14.
[18] Le Tribunal retient d’autre part de ces décisions (en plus de son analyse des sujets et sévérité des malfaçons ou vices requérant correctifs), qu’un représentant de l’Entrepreneur est présent lors des inspections relatives aux bâtiments de l’Entrepreneur mais qu’à chaque inspection de l’Administrateur visant 41Q aucun représentant n’est présent (sauf quant à deux décisions dont inspections de même jour en septembre 2013 où M. Florio est présent).
[19] L’Administrateur émet une première décision d’annulation de l’adhésion de l’Entrepreneur au Plan en date du 17 octobre 2013 (« Décision Adm R-13 »).
[20] La Décision Adm R-13 ne souligne aucun motif sauf quant à indiquer que l’Entrepreneur ne respecte pas l’article 78 (11) du Règlement qui prévoit que pour adhérer à un plan de garantie, un personne doit ‘produire une attestation suivant laquelle elle a demandé une licence d’entrepreneur auprès de la Régie’ [ndlr : Régie du Bâtiment du Québec (« Régie »)].
[21] La preuve démontre que le 5 février 2014 (Pièce A-2/03) l’Administrateur avise par correspondance à l’Entrepreneur (adressée de même à 41Q) que, suite à une rencontre du 14 janvier 2014, ceux-ci obtiendront une accréditation conditionnellement à
(i) exécuter les travaux correctifs requis par l’Administrateur ‘dans tous les dossiers de plainte’ visant l’Entrepreneur et 41Q,
(ii) que ceux-ci s’engagent à verser des frais de 250 $ pour chaque ‘nouvelle plainte justifiée traitée’ par l’Administrateur, et
(iii) qu’un engagement à cet effet soit signé et remis à l’Administrateur au plus tard le 14 février 2014,
tenant compte que l’Administrateur souligne de plus son attente de premiers versements référant à une entente du 14 janvier 2014 ‘avec’ le notaire J. Prévost.
[22] Cette confirmation conditionnelle d’accréditations, que l’on comprend être pour chacun de l’Entrepreneur et 41Q, vise selon le Tribunal les deux entités conjointement et solidairement. Le Tribunal note de la preuve à l’enquête (Pièce A-10, en liasse) qu’un ‘Engagement de respect des conditions d’accréditation’ est signé par l’Entrepreneur et 41Q en date du 14 mars 2014.
[23] La preuve à l’enquête démontre d’autre part que l’Administrateur a requis et obtenu agrément de l’Entrepreneur et 41Q à un ‘engagement de dépôt de sûreté’ en faveur de l’Administrateur daté du 14 janvier 2014 (Pièce A-10, en liasse) dont les modalités principales sont :
(i) un dépôt en fidéicommis de 125 000 $ (« Dépôt $125K »), en plus des suretés déjà consenties (que le Tribunal comprend sont les cautionnements requis sous les conditions générales d’adhésion au Règlement),
(ii) Dépôt $125K que l’Administrateur pourra encaisser pour s’indemniser et se rembourser de tout débours effectué suite à un défaut de l’Entrepreneur ou 41Q,
(iii) que le Dépôt $125K devra être réapprovisionné à son montant initial si utilisé, et
(iv) que remise ne sera qu’à « la condition expresse que l’Entrepreneur ne soit aucunement en défaut aux termes de la convention d’adhésion et que toutes les obligations de l’Administrateur en vertu du Règlement [soient] éteintes en regard de tous les bâtiments de l’Entrepreneur ».
[24] Confirmation de mandat auprès du notaire instrumentant des ventes d’unités de même date est adressée à l’Administrateur datée du 14 janvier 2014 et la preuve documentaire démontre que ce montant de 125 000 $ a été versé à l’Administrateur sous chèques datés du 31 janvier (pour 40 000 $) et, moins d’un mois avant l’annulation d’adhésion sous les Décisions Adm R-14 et 41Q-14, les 17 et 19 février 2014 (pour $85 000) (Pièce A-10, en liasse).
[25] Donc, suite à une décision d’annulation du 17 octobre 2013 (Décision Adm R-13) l’Administrateur rencontre l’Entrepreneur (entre autres) le 14 janvier 2014 et fixe diverses conditions à une adhésion visant à assurer l’exécution des travaux correctifs ordonnés ou qui seront ordonnés sous réclamation de bénéficiaires et obtient un montant de 125 000 $ de caution supplémentaire de l’Entrepreneur avec modalités strictes de maintien et débours.
[26] L’Administrateur a soumis plusieurs relevés ou rapports d’inspection, évaluations techniques de non-conformités (Pièce A-5/03 en liasse, et Pièce A7/04 rue Nielson et photographies correspondantes Pièce A-8/04) et ‘communiqués de plaintes’ et notes au dossier de l’Administrateur emportant chronologie (Pièce A-7/03, en liasse et Pièce A-6/04, en liasse) et photographies (Pièce A-8/03) soulignant et plaidant entre autre l’ampleur et la répétition de diverses déficiences et les difficultés de communication avec l’Entrepreneur et que le lien de confiance envers l’Entrepreneur est brisé, pour ne pas dire plus.
[27] La preuve démontre un laxisme certain par l’Entrepreneur des modalités d’inscription requises par le Plan, tel, à titre d’exemples, (i) dès 2011, une phase non-déclarée de construction de condos alors au stade mécanique/isolation (Évaluation technique Pièce A5/03-3, dossier 210151) ou (ii) un bâtiment finalement enregistré - en date du 14 février 2014, alors que déjà substantiellement construit (substantiellement car l’Entrepreneur n’a certes pas terminé puisqu’il y a des malfaçons relevées par l’Administrateur et des non-conformités au Code (tel que défini ci-dessous) de nature structurales (tel positionnement de colonne et largeur d’escalier) et que trois des quatre unités sont déjà livrées (situations qui se passent de tout autre commentaire pour les fins de la présente requête).
[28] On constate à la lecture des ‘communiqués de plainte’ une répétition d’absence de retour d’appel par l’Entrepreneur des appels des inspecteurs et personnel de l’Administrateur, de façon chronique (messages à téléphoniste ou messages voix - lorsque la boîte vocale n’est pas remplie, ce qui semble être le cas à diverses occasions), de même que des commentaires répétés de bénéficiaires que des promesses de correctifs sont non tenues par l’Entrepreneur ou que les bénéficiaires subissent des délais en série à ce sujet.
[29] Les treize (13) décisions de l’Administrateur ordonnant correctifs à l’Entrepreneur ou 41Q sont aussi une indication de la situation aux dates correspondantes.
[30] Certains de ces rapports d’inspection et évaluations techniques sont relativement à un projet en chantier de l’Entrepreneur situé au 7000, Grande Allée, St-Hubert (« Bâtiment 7000 »).
[31] Le Bâtiment 7000 est un édifice de 16 unités, en construction, dont six (6) unités (lors de l’enquête) sont sujettes à des contrats préliminaires acceptés avec dépôt d’acompte de chacun des bénéficiaires.
[32] Dans les circonstances, et tenant compte de l’importance monétaire de ce projet du Bâtiment 7000, une longue preuve a été pourvue par les procureurs respectifs tant quant aux déficiences et non-conformités relevées par l’Administrateur que les efforts plaidés par l’Entrepreneur de s’y adresser.
[33] La preuve documentaire au dossier, telle le rapport d’inspection de J. Marois des inspections du 12 décembre 2013 et du 24 février 2014, et la preuve testimoniale détaillée du personnel de l’Administrateur incluant photographies et les interrogatoires et contre-interrogatoires de M. Anastasiu, architecte, K. Slim, ingénieur et M. Florio, représentant et actionnaire de l’Entrepreneur, démontrent (i) un manque d’expérience de l’Entrepreneur dans l’administration et construction d’un projet de cette envergure (tel la classification initiale erronée du Bâtiment 7000 qui a requis par la suite installation d’un système de gicleurs), (ii) clairement une surveillance et gestion de chantier déficiente par l’Entrepreneur (tel l’infiltration d’eau résultant en neige accumulée conséquence d’un mauvaise protection d’ouvertures en cours de construction et de fermeture de chantier) et (iii) un manquement récurrent de l’Entrepreneur à pourvoir à correctifs selon les règles de l’art en temps opportun dans la période sous étude.
Analyse et Motifs
Fonctions et Décisions de l’Administrateur - Processus et Acte quasi judiciaires
Le Tribunal
[34] En liminaire, notons que le terme 'tribunal' au Code de procédure civile ne vise pas le Tribunal, comme nous le rappelle récemment notre Cour d'appel (en 2006):
«…, le terme « tribunal », défini à l'article 4 j) C.p.c., réfère aux tribunaux relevant de l'autorité législative du Québec, énumérés à l'article 22 C.p.c. Il ne vise pas les tribunaux administratifs exerçant des fonctions quasi judiciaires»[3]
et se doit d'être compris comme pourvoyant qu'un tribunal administratif n'étant pas un tribunal judiciaire au sens de 22 C.p.c., le Code de procédure civile ne s'applique conséquemment pas à un tel tribunal administratif[4] et donc au Tribunal (sauf selon le soussigné tel qu'il peut être spécifiquement prévu au Règlement par exemple pour fins d'homologation (article 121 du Règlement; voir aussi l'article 119 (4)).
[35] Pour les fins des jurisprudences et doctrine sur le sujet, prenons également note des termes « tribunal statutaire » utilisés entre autre à la cause souvent citée de la Cour d'appel Laurentienne-vie (La), compagnie d'assurances inc. c. Empire (L'), compagnie d'assurance-vie[5] qui différencie l'arbitrage consensuel de celui où l'arbitre tire ses pouvoirs de la loi et le terme « tribunal d'origine législative » utilisé par la juge Langlois en référence au Règlement dans l'arrêt Habitations Sylvain Ménard inc. c. Labelle[6], :
« Un tribunal d'origine législative au sens de l'article 846 serait donc un tribunal inférieur dont l'existence dépend et est rendue obligatoire par la loi ou un tribunal que la loi investit de pouvoirs importants, dont elle définit les droits et devoirs, qui rend une décision à caractère définitif. »[7]
[36] Le Tribunal est un tribunal statutaire et occupe des fonctions quasi judiciaires ou judiciaires.
L’Administrateur
[37] Les décisions de l’Administrateur émises dans le cadre du Règlement sont-elles, et plus particulièrement dans le cas sous étude, un « acte administratif » ou un « acte judiciaire» ou « quasi judiciaire ».
[38] Patrice Garant dans son ouvrage Droit Administratif souligne :
« L’acte quasi judiciaire est celui qui apparaît au terme du processus quasi judiciaire. Cette notion est l’une des plus difficiles à définir de notre droit administratif. »[8]
[39] Le Pr Garant, de plus, dans son ouvrage Précis de droit des administrations publiques, nous indique que « Dans notre tradition constitutionnelle, l'acte quasi judiciaire est assimilé à l'acte judiciaire…»[9].
[40] La Cour suprême, à diverses reprises[10], appuie les critères énoncés dans l’arrêt phare en 1979 de M.R.N. c. Coopers and Lybrand[11] et la portée de ceux-ci soulignés dans l’arrêt subséquent en 1996 de la Régie des alcools[12] , le tout permettant de bien cerner l’état du droit sur lequel nous devons nous appuyer, soit cet extrait sous la plume de Dickson, J. :
« J’estime qu’il est possible de formuler plusieurs critères pour déterminer si une décision ou ordonnance est légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire. Il ne s’agit pas d’une liste exhaustive.
(1) Les termes utilisés pour conférer la fonction ou le contexte général dans lequel cette fonction est exercée donnent-ils à entendre que l’on envisage la tenue d’une audience avant qu’une décision soit prise?
(2) La décision ou l’ordonnance porte-t-elle directement ou indirectement atteinte aux droits et obligations de quelqu’un?
(3) S’agit-il d’une procédure contradictoire?
(4) S’agit-il d’une obligation d’appliquer les règles de fond à plusieurs cas individuels plutôt que, par exemple, de l’obligation d’appliquer une politique sociale et économique au sens large?
Tous ces facteurs doivent être soupesés et évalués et aucun d’entre eux n’est nécessairement déterminant. Ainsi, au par. (1), l’absence de termes exprès prescrivant la tenue d’une audience n’exclut pas nécessairement l’obligation en common law d’en tenir une. Quant au par. (2), la nature et la gravité, le cas échéant, de l’atteinte aux droits individuels, et la question de savoir si la décision ou ordonnance est finale sont importantes, mais le fait que des droits soient touchés n’entraîne pas nécessairement l’obligation d’agir judiciairement.
En termes plus généraux, il faut tenir compte de l’objet du pouvoir, de la nature de la question à trancher et de l’importance de la décision sur ceux qui sont directement ou indirectement touchés par elle …. Plus la question est importante et les sanctions sérieuses, plus on est justifié de demander que l’exercice du pouvoir soit soumis au processus judiciaire ou quasi judiciaire.
L’existence d’un élément assimilable à un lis inter partes et la présence de procédures, fonctions et actes équivalents à ceux d’un tribunal, ajoutent du poids au par. (3). Mais encore une fois, l’absence de règles de procédure analogues à celles des tribunaux ne sera pas fatale à l’existence d’une obligation d’agir judiciairement.
La décision de nature administrative ne se prête pas à une classification rigide de fonctions. Au contraire, on découvre en réalité un continuum….
Il faut soupeser ce qui prêche pour ou contre la conclusion que la décision doit être soumise à un processus judiciaire.»[13]
(nos soulignés).
[41] L’Administrateur est un organisme de l’ordre administratif qui exerce des fonctions de régulation économique (l’administration d’un plan de garantie permettant une couverture financière en faveur de bénéficiaires acquéreurs (et subséquents selon les délais) de certaines obligations de tout entrepreneur en construction autorisé au Québec à offrir des bâtiments résidentiels neufs) mais aussi exerçant, en certaines circonstances, des fonctions quasi judiciaires lorsque l’Administrateur statue par décision affectant, sous les critères élaborés par nos tribunaux, les droits ou intérêts des administrés.
[42] L’attribution de ce pouvoir de décision, et l’obligation de l’Administrateur d’exercer ce pouvoir dans le cadre du Règlement, oblige l’Administrateur à agir suivant un processus quasi judiciaire lorsqu’il accomplit des actes quasi judiciaires.
[43] Entre autres, la détermination d’une couverture pour vices ou malfaçons, les remboursements d’acomptes et plus encore une annulation de l’adhésion de l’Entrepreneur au Plan sont, selon le Tribunal, des actes qui portent atteinte à des droits individuels (soit au bénéficiaire pour remboursements ou couverture dans le cadre de l’achat d’une résidence) et quant à l’entrepreneur :
□ relativement aux conséquences financières potentielles de ses manquements ou non-respect subséquent des décisions émises par l’Administrateur,
□ et plus encore lorsque son adhésion au Plan est annulée, et que la Régie peut suspendre ou annuler une licence[14] lorsque le titulaire ne remplit plus l'une des conditions requises par la Loi pour obtenir une licence, soit d’avoir adhéré à un plan de garantie (art. 60 (4) de la Loi),
sont des décisions de l’Administrateur d’une nature et gravité appropriées à être des actes quasi judiciaires et à requérir que l’Administrateur agisse alors sous, et soit soumis à, un processus quasi judiciaire.
[44] La jurisprudence nous enseigne que l’Administrateur (tenant compte de l’ensemble des paramètres du Règlement) se doit, selon le Tribunal, d’assurer un processus quasi judiciaire à ses décisions qui emportent acte quasi judiciaire, soit le respect des règles de justice naturelle ou fondamentale (ce qui toutefois ne requiert pas en toutes circonstances une procédure contradictoire telle une audience[15] formelle au cadre strict mais à tout le moins l’opportunité aux parties d’être présentes aux inspections de l’Administrateur et de pouvoir alors présenter les faits pertinents et leur position en découlant) et la nécessité, afin d’assurer ces règles, que ses décisions soient motivées de façon appropriée.
[45] En effet, depuis l’arrêt Nicholson[16], l’équité procédurale est une composante fondamentale du droit administratif canadien, principe qui sera repris et élargi de nouveau par la Cour suprême dans les arrêts Cardinal[17] et Baker[18], dont certains des principes directeurs sont analysés ci-dessous à la rubrique ‘Règles de justice naturelle’; quoique non essentiel aux présentes, car il n’est pas inféré que les décisions de l’Administrateur sous étude sont d’une nature autre que quasi judiciaire, notons que la Cour Suprême confirme de plus, en 2011 dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Mavi[19], que même un acte ‘administratif’ ou décision administrative est sujet à une obligation d’équité procédurale, dont toutefois l’acuité d’application varie selon la nature de la décision administrative en cause.
Obligations continues de l’Entrepreneur pour maintien de son adhésion au Plan
[46] Un certificat d’accréditation et adhésion au Plan est partie intégrante de la structure de la législation et règlementation mise de l’avant pour régir les activités d’entrepreneur en construction au Québec; ces mesures sont d’intérêt public, alors que l’octroi d’une licence d’entrepreneur, et plus particulièrement son maintien, suspension ou annulation subséquente, est lié entre autres au maintien des conditions initiales d’adhésion (voir l’article 78 du Règlement et l’analyse de la preuve à cet égard, ci-dessous) de même qu’à l’observance par l’entrepreneur de ses obligations de réparation des défauts de construction couverts par un Plan (art. 79.1 de la Loi[20] et art. 93 (5) ci-dessous) et aux dispositions inter alia de l’article 93 du Règlement :
« 93. L'administrateur peut annuler une adhésion lorsque l'entrepreneur se trouve dans l'une des situations suivantes:
1° il ne remplit plus l'une des conditions requises par le présent règlement pour obtenir un certificat d'accréditation;
2° en cas de réticence ou de fausse déclaration de sa part;
3° il est en défaut de paiement des frais d'adhésion, de renouvellement de l'adhésion ou d'enregistrement;
4° ses constructions ne répondent pas aux critères de qualité requis par l'administrateur;
5° il omet de parachever les travaux relatifs au bâtiment ou n'effectue pas les réparations requises selon les exigences de l'administrateur;
6° l'administrateur a été appelé à effectuer un déboursé à la suite du défaut de l'entrepreneur d'exécuter ses obligations relatives au remboursement des acomptes, au relogement, au déménagement, à l'entreposage des biens du bénéficiaire, au parachèvement des travaux et à la garantie contre les vices et malfaçons, les vices de conception, de construction ou de réalisation ou des vices du sol;
7° il utilise, pour l'exécution de travaux de construction, les services d'un autre entrepreneur qui n'est pas titulaire d'une licence de la Régie à cette fin;
8° dans le cas où l'entrepreneur est une personne morale, l'un ou plusieurs de ses actionnaires ou dirigeants a ou ont été, à quelque moment que ce soit, actionnaires ou dirigeants d'une autre personne morale accréditée ou ayant été accréditée et ayant fait défaut d'honorer les obligations lui incombant en vertu d'une convention d'adhésion;
9° il ne transmet pas les documents requis par l'administrateur ou ne fournit pas les garanties ou les sûretés exigées par l'administrateur conformément au présent règlement. » D. 841-98, a. 93; D. 39-2006, a. 26
[47] Entre autres, l’article 93 (1) qui permet annulation alors que les conditions requises pour obtenir un certificat d'accréditation ne sont plus remplies, réfère à l’article 78 du Règlement :
« 78. Pour adhérer à un plan de garantie et obtenir un certificat d'accréditation, une personne doit:
1° remplir une demande d'adhésion sur la formule fournie par l'administrateur et la remettre à l'administrateur;
2° satisfaire aux conditions et aux critères financiers prescrits par la présente section;
3° signer la convention d'adhésion fournie par l'administrateur et comportant les engagements énumérés à l'annexe II;
4° détenir un cautionnement de 20 000 $ contre la fraude, la malversation et le détournement de fonds;
5° soumettre des états financiers complets vérifiés ou accompagnés d'un rapport de mission d'examen, rédigés par un comptable. Ces états devront être datés et signés par une personne en autorité. De plus, les états financiers ne doivent pas être datés de plus de 4 mois suivant la fin de l'année financière de l'entreprise;
6° produire un attestation suivant laquelle les actionnaires détenant 20% ou plus des actions avec droit de vote, dirigeants et répondants ont été libérés de toute faillite personnelle ou qu'ils n'ont pas été impliqués dans une faillite d'entreprise de construction depuis au moins 3 ans et indiquer si l'un de ses autres actionnaires a été impliqué dans une telle faillite depuis moins de 3 ans;
7° produire le bilan personnel dûment rempli, daté et signé de chacun des dirigeants, actionnaires, répondants et associés;
8° déclarer l'ensemble de ses engagements envers des tiers et des compagnies affiliées ou autres tels l'hypothèque légale et le cautionnement envers des tiers;
9° produire une copie certifiée conforme de l'acte constitutif de son entreprise;
10° verser les frais d'adhésion exigés par l'administrateur;
11° produire une attestation suivant laquelle elle a demandé une licence d'entrepreneur auprès de la Régie;
12° si cette personne, l'un de ses actionnaires détenant 20% ou plus des actions avec droit de vote ou l'un de ses dirigeants a été accrédité au cours des 3 dernières années par un autre administrateur, produire une déclaration de cet administrateur indiquant si des sommes lui sont dues par l'entreprise requérante, l'un de ses actionnaires détenant 20% ou plus des actions avec droit de vote ou l'un de ses dirigeant. » D. 841-98, a. 78; D. 39-2006, a. 23.
[48] La référence aux critères financiers prescrits sous l’article 78 (2) précité vise les dispositions du Règlement [21] qui prévoient des conditions générales d'adhésion pour tous les bâtiments, applicables aux entreprises (dans le domaine de la construction de bâtiments résidentiels depuis moins de 4 ans (type A) (art. 84) ou depuis au moins 4 ans (type B) (art.85)) qui se doivent entre autres (i) de détenir un cautionnement d'une valeur minimum de 35 à 40 000 $ selon le cas, et (ii) respecter différents critères financiers (ratios du fonds de roulement et d'endettement, une valeur nette, bénéfice brut et net (en pourcentages (%) du chiffre d'affaires)), calculés selon une moyenne des 3 dernières années.
[49] De plus, ces critères financiers prescrits emportent que l'Administrateur, en conformité des modalités de l’article 88 du Règlement, peut exiger un cautionnement d'une valeur supérieure, et d’autre part peut exiger toute autre condition ayant pour effet d'atteindre les mêmes fins en prenant en compte la compétence technique de l'entreprise.[22]
[50] J’ai souligné qu’une licence d’entrepreneur, et plus particulièrement son maintien, suspension ou annulation subséquente, est liée entre autres au maintien des conditions initiales d’adhésion; en effet :
« Nul ne peut exercer les fonctions d'entrepreneur de construction, […] s'il n'est titulaire d'une licence en vigueur à cette fin.» (art. 46 de la Loi),
licence émise par la Régie qui requiert que le détenteur ait adhéré à un Plan
(car la délivrance d’une licence requiert l’adhésion à un Plan en vertu de l’art.60 (4) de la Loi ~ référant d’autre part à l’article 77 de la Loi qui identifie l’obligation d’adhésion sous règlement pour la vente ou la construction d'un bâtiment résidentiel neuf),
et dont la validité est sujette
(en conformité de l’article 70 (2) de la Loi : ‘ne remplit plus l'une des conditions requises par la présente loi pour obtenir une licence’ et de l’article 70 (7) de la Loi ‘voit, le cas échéant, son adhésion à un plan de garantie visé à l'article 80 prendre fin’),
à cette adhésion
(et vice-versa, car l’adhésion au Plan est sujette à la détention de la licence par son titulaire, art. 94 du Règlement),
adhésion qui cesse alors d’avoir effet, alors que conséquemment la Régie peut suspendre ou annuler la licence de l’entrepreneur.
Circonstances et Contenu de la Décision Adm R-14
[51] La Décision Adm R-14 ne contient que des énoncés généraux et il convient de la reproduire (excluant les textes d’articles du Règlement) :
« Monsieur,
Nous vous avisons de l’annulation de l’adhésion de l’entrepreneur à La Garantie Abritat inc.
L’annulation de l’adhésion de l’entrepreneur est fondée sur le fait que l’entrepreneur ne respecte pas plusieurs des obligations qui lui incombent en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q., c. B-1.1, r.8), et ce, notamment quant à l’article suivant : …»
et sont insérés les paragraphes 4 à 6 et 8 et 9 de l’article 93 du Règlement, et suit :
« De plus, l’entrepreneur fait défaut de se conformer aux engagements souscrits en vertu de la convention d’adhésion générale, laquelle reprend les termes prévus à l’annexe II du même règlement. Plus particulièrement, l’entrepreneur ne respecte pas les engagements suivants : … »
et sont insérés les paragraphes 3, 4, 11, 15 et 17 de l’Annexe 2 du Règlement, et sans plus, sauf un avis identifiant les organismes d’arbitrage et leurs coordonnées.
Règles de justice naturelle - Équité procédurale et Nécessité de décisions motivées
[52] Nous avons souligné que l’Administrateur (tenant compte de l’ensemble des paramètres du Règlement) se doit, selon le Tribunal, d’assurer un processus quasi judiciaire à ses décisions qui emportent acte quasi judiciaire, soit entre autres :
[52.1] lorsque l’Administrateur statue par décision affectant, sous les critères élaborés par nos tribunaux, les droits ou intérêts des administrés, donc porte atteinte à des droits individuels, et
[52.2] tenant compte de la nature et gravité de la décision et son importance (impact) sur ceux qui sont directement ou indirectement touchés par celle-ci, incluant les conséquences financières potentielles,
plus la question est importante et les sanctions sérieuses, tel une annulation de l’adhésion de l’Entrepreneur, plus l’acte et fonction sont caractérisés chacun de quasi judiciaire et le respect des règles de justice naturelle est alors clairement requis et essentiel.
[55] Les éléments mixtes de faits et de droit de ces deux décisions du CIC et leur analyse subséquente par la Cour supérieure sont d’un éclairage particulier aux circonstances des présentes.
[56] Le débat vise l’assujettissement à la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de main-d’œuvre dans l'industrie de la construction (« Loi R-20 ») de travaux effectués à des usines de Domtar inc. et Noranda inc. respectivement, soit en sommaire des travaux devant être effectués ou non par des salariés du milieu de la construction (sujet à décret ou convention collective).
[57] La CCQ a le pouvoir « […] d’ordonner la suspension des travaux dans la mesure qu'elle indique » (art.7.4 de la Loi R-20) soit entre autres de déterminer si ce sont des travaux d’entretien (non assujettis) ou de réparations qui nécessitent recours à expertise professionnelle de l’industrie de la construction (assujettis), ou encore où le donneur d’ordre peut bénéficier d’une exception prévue au règlement d’application de la Loi R-20.
[58] Les décisions CIC et la Cour supérieure (para. 186 à 188, 197) qui invalident les ordonnances de la CCQ s’appuient entre autres à ce que la CCQ sous ses décisions :
□ n’a pas précisé le fondement de sa position, n’a pas indiqué quels travaux elle considérait assujettis à la Loi R-20, et
□ n’a pas accordé un délai raisonnable permettant aux personnes visées de communiquer leur point de vue (le Tribunal notant que cet élément est une exigence statutaire prévue à l’art. 7.4) - alors que la CCQ plaide urgence puisque les travaux étaient sur le point d’être entrepris - ce que la Cour supérieure considère ne pas constituer un motif suffisant pour écarter les règles d’équité procédurale.
[59] La Cour supérieure souligne que la notion d’équité procédurale est variable et tributaire du contexte particulier de chaque cas reprenant la liste non exhaustive de critères énoncés par la juge L’Heureux-Dubé dans l’affaire Baker[24] de notre Cour suprême, soit :
§ la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir;
§ la nature du régime législatif et les termes de la loi en vertu de laquelle agit l’organisme en question;
§ l’importance de la décision pour les personnes visées;
§ les choix de procédure que l’organisme fait lui-même.
[60] D’autre part, la Cour considère que la CCQ en précisant le fondement de sa position aurait donné aux personnes visées l’opportunité de fournir de l’information additionnelle, le cas échéant, et de préciser leur position en toute connaissance de cause.
[61] De plus, dans son analyse de la norme de contrôle applicable aux questions de la procédure suivie par la CCQ, la Cour supérieure, sur la question de l’équité procédurale, réfère (en supplément de l’affaire Baker précitée) aux décisions de notre Cour suprême dans, d’une part, l’affaire Cardinal[25] qui souligne l’obligation de respecter l’équité dans une procédure de décisions d’organisme public qui ne sont pas de nature législative et qui touchent les droits, privilèges ou biens d’une personne, de même que dans l’affaire Dunsmuir[26] traitant des limites imposées à l’attribution du pouvoir décisionnel par la règle de droit, où la Cour suprême souligne de nouveau l’obligation d’équité procédurale. La Cour supérieure conclut que la CCQ devait dans ces deux dossiers « … appliquer, à un niveau élevé, les règles d’équité procédurale. » (para. 172).
[62] L’affaire récente Artcad c. Régie du bâtiment du Québec[27] est aussi d’intérêt pour nos fins, non particulièrement parce qu’elle traite de dispositions de la Loi sur le Bâtiment (L.R.Q., c. B-1.1), mais parce qu’elle vise des circonstances où la Régie du Bâtiment (« Régie ») est investie d’un pouvoir discrétionnaire (soit ici d’approuver l’emploi de solutions de rechange [i.e. les mesures différentes] des dispositions du Code National du Bâtiment - Canada 2005 (mod.) sous référence du Code de construction (L.R.Q. c. B-1.1, r.0.01.01) (le « CNB ou Code »)).
(nos soulignés)
[63] Ce pouvoir discrétionnaire se retrouve à l’article 127 de la Loi qui stipule que « la Régie approuve, aux conditions qu’elle détermine, [des mesures différentes] … lorsqu’elle estime que leur qualité est équivalente et … de même lorsqu’elle estime que la sécurité du public est également assurée ». (nos soulignés)
[64] Le CNB prévoit entre autre conformité « par l’emploi de solutions de rechange permettant d’atteindre au moins le niveau minimal de performance exigé … dans les domaines définis par les objectifs et les énoncés fonctionnels attribués aux solutions acceptables » (CNB, division A, art. 1.2.1.1.) et dans son ensemble établit les normes applicables aux divers bâtiments visés par la Loi et identifie les ‘objectifs et énoncés fonctionnels’.
(nos soulignés)
[65] Notons pour nos fins le sommaire du plaidoyer de la Régie à la décision:
« [28] Elle [Régie] plaide qu’en regard des objectifs de qualité des travaux et de sécurité du public de la Loi sur le bâtiment et de son pouvoir discrétionnaire prévu à son article 127, la décision rendue est raisonnable. Cette décision relève d’une fonction administrative de la Régie et elle a été rendue conformément à son devoir d’agir équitablement. En effet, le Comité a eu des rencontres avec la requérante, des échanges de courriels, l’envoi d’un préavis de décision défavorable et la décision elle-même. » (nos soulignés)
[66] Un certain parallèle peut se retrouver aux circonstances applicables aux décisions de l’Administrateur sous étude, soit une analyse qualitative de la Régie, selon certaines normes, paramètres ou objectifs identifiés, un estimé quant à la sécurité du public et l’existence ou absence d’opportunité pour la personne visée par la décision de répondre au pouvoir discrétionnaire du décideur préalablement à une décision.
[67] La décision en contestation par la Commission des relations de travail (« CRT ») (en conformité de l’article 164.1 de la Loi sur le Bâtiment), sous la plume de la commissaire juge Béliveau, indique que :
« [44] La démonstration [d’équivalence] d’Artcad, le requérant, devait se faire en fonction de ces objectifs et énoncés fonctionnels et, pareillement pour l’analyse de la Régie. »
et poursuit en questionnant si le ‘niveau minimal de performance’ est atteint (para. 47), en avisant que « C’est à ces questions que les motifs de la décision de la Régie devaient répondre. » (para. 48).
[68] La commissaire juge de la CRT considère que :
§ diverses affirmations de la Régie ne sont pas motivées,
§ que la source de certaines affirmations ne sont pas même mentionnées,
§ que l’incidence d’affirmation dans l’analyse par la Régie de la demande du requérant n’est pas motivée,
et, soulevant de plus d’autres constats de manquements similaires, la Commission CRT conclut que la motivation de la Régie est insuffisante, voire, parfois inintelligible et par conséquent déraisonnable (para. 54).
[69] Cette décision, et le soussigné aux présentes, s’appuient sur des principes établis précédemment par nos Cour supérieure et Cour d’appel, tel dans l’affaire Ozanam c. Commission municipale du Québec[28] (dans un cadre législatif [exemption de taxe d'affaires sous la Loi sur la fiscalité municipale (L.R.Q., c. F-2.1)] dans lequel la Commission municipale évoluait qui ne l’oblige pas à motiver ses décisions dans ce champ de compétence et ne prévoit aucun droit d'appel en pareille matière - et
alors que les décisions de la Commission sont protégées par une clause privative), où la Cour supérieure nous souligne :
« L'absence ou l'insuffisance de motivation engendrent l'arbitraire. Sans exiger du décideur qu'il livre tous les méandres de sa réflexion, on s'attend à ce qu'il s'exprime intelligiblement, de façon à permettre aux justiciables et aux plaideurs de comprendre le processus décisionnel et aux tribunaux supérieurs d'exercer adéquatement leur pouvoir de contrôle et de surveillance.
[…]
Un organisme administratif ne peut, sans trahir la loi qu'il est chargé d'appliquer ou d'interpréter, se contenter de conclure sans expliquer. » (page 12).
(nos soulignés)
[70] Précédemment, la Cour supérieure et la Cour d'appel avaient jugé que l'insuffisance de motivation donnait ouverture à la révision judiciaire; dans Roy c. Commission municipale du Québec[29], le juge Viau associe l'absence de motivation à un défaut d'exercer sa compétence de façon correcte, défaut qui selon lui et compte tenu des circonstances s'apparente à un acte arbitraire contraire aux principes de justice naturelle. La Cour d'appel[30] confirme ce jugement alors que le juge Brossard écrit :
« Je partage l'opinion de l'intimé lorsqu'il plaide que l'insuffisance de motivation peut, en certains cas, porter atteinte à la juridiction mente du tribunal administratif, lorsqu'elle est « tellement importante qu'elle équivaut à une violation des règles de justice naturelle » (Blanchard e. Control Data Canada Ltd). »
[71] La juge Grenier dans Ozanam (p.13) cite d’à propos la Cour suprême dans l’affaire Paccar lorsqu’elle écrit :
« […] l'approche préconisée par le juge LaForest dans l'arrêt Paccar lorsqu'il écrit que pour déterminer si une décision d'un tribunal administratif est déraisonnable,
" l'accent devrait être mis non pas sur le résultat auquel est arrivé le tribunal, mais plutôt sur la façon dont le tribunal est arrivé à ce résultat[31] "».
Sommaire - Équité procédurale
[72] En sommaire, l’Administrateur dans le cadre de décisions qui touchent les droits, privilèges ou biens d’une personne et tenant compte de l’importance de la décision pour les personnes visées, se doit d’agir dans un cadre quasi judiciaire et de respecter les règles de justice naturelle, d’obligation d’équité procédurale, qui regroupent la règle audi alteram partem, soit le droit d‘être entendu, dans un cadre de procédure quasi judiciaire, et la nécessité d’assurer que la décision comprenne les éléments qui supportent, ou précisent si requis, le fondement de la position adoptée par le décideur. Ceci requiert entre autres :
□ l’opportunité, pour la personne visée par une décision, de fournir préalablement dans un délai raisonnable de l’information, et de préciser sa position en toute connaissance de cause, et
□ que toute telle décision se doit d’être motivée, ce qui signifie entre autre :
§ non seulement de faire référence à une norme, niveau de performance minimal ou objectifs et énoncés fonctionnels, mais que les affirmations qui en découlent soit énoncées,
§ et que l’incidence d’une affirmation conséquente dans l’analyse du décideur soit clairement indiquée,
§ et donc que les faits et les questions mixtes de faits et de droit soient adressés.
se rappelant des commentaires précités de la Cour supérieure:
‘l’insuffisance de motivation engendre l’arbitraire’ et
‘le décideur ne peut se contenter de conclure sans s’expliquer’.
[73] En dernier lieu, mais non le moindre sur ce sujet, tel que précité l’article 23 de la Charte[32] garantit à toute personne le droit à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant qui s’applique en vertu de l’article 56 (1) à « une personne ou organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires ».
Suspension
[74] Les cas plutôt classiques de suspension d’instance, soit par exemple lors de procédures intentées devant deux instances judiciaires (tel art. 273 C.p.c.) ou lorsqu’un arbitrage est saisi et des procédures connexes sont intentées devant un tribunal de droit commun, vont relever des questions de litispendance, de jugements contradictoires ou de prépondérance d’une clause compromissoire alors que la demande de suspension de l’article 106 du Règlement, seule suspension spécifiquement prévue au Règlement, est d’un autre ordre.
[75] La Cour suprême dans l’affaire Metropolitan Stores[33] sous la plume du Juge Beetz établit certains des éléments d’analyse principaux sur une demande de suspension d’instance qui peuvent nous être d’assistance, soit (i) l’existence d’une question sérieuse à juger, (ii) si le requérant subirait un préjudice irréparable si sa demande était rejetée et (iii) la prépondérance des inconvénients (entre le requérant et l’intimé); certains considèrent que ces éléments peuvent s’apparenter aux critères bien connus sur l’obtention d’une injonction interlocutoire.
[76] Certains éléments d’analyse et leur traitement par la Cour se retrouvent d’autre part dans une cause subséquente, l’affaire R.J. Mac Donald[34], où la Cour suprême sous la plume des juges Sopinka et Cory sur une demande de « …surseoir à l'application d'un règlement en attendant la décision finale sur des appels » considère que la prépondérance des inconvénients est fortement en faveur des intimés (qui désirent faire appliquer le règlement concerné).
[77] Nos tribunaux québécois ont revu ces questions à diverses reprises, tel dans l’affaire Pomerleau[35] (où la suspension a été accordée), une étude jurisprudentielle plutôt exhaustive qui retient divers facteurs (tel dans ce cas de deux procédures concurrentes - le fondement juridique des procédures, la nature et l'objet du litige, l’identité des parties, les délais à encourir, les points de droit et de fait soulevés et conclusions recherchées) dont ceux de la balance des inconvénients et de considérer si la suspension causera un préjudice sérieux au requérant.
[78] Il est requis de retenir que l’Entrepreneur afin de pouvoir agir comme entrepreneur n’a d’autre moyen que de recourir au Règlement, suite à une décision défavorable de l’Administrateur, et que par le biais du Tribunal :
« 106. Tout différend portant sur une décision de l'administrateur concernant une réclamation ou le refus ou l'annulation de l'adhésion d'un entrepreneur relève de la compétence exclusive de l'arbitre désigné en vertu de la présente section. »
D. 841-98, a. 106
[79] Un élément qui milite en faveur de ne pas suspendre une instance d’arbitrage pour une période significative sans raison prévalente se retrouve à la structure même de la législation et règlementation mise de l’avant pour régir les activités d’entrepreneur en construction au Québec, mesures d’intérêt public, alors que l’octroi d’une licence d’entrepreneur, et plus particulièrement son maintien, suspension ou annulation subséquente est lié entre autre à l’observance par l’entrepreneur de ses obligations de réparation des défauts de construction couverts par un plan (tel le Plan)[36].
[80] J’ai souligné précédemment l’articulé législatif et règlementaire qui impose que la licence émise par la Régie requiert que le détenteur ait adhéré à un Plan et dont la validité est sujette à cette adhésion qui, si elle cesse d’avoir effet, a comme conséquence que la Régie peut suspendre ou annuler la licence de l’entrepreneur.
[81] C’est à tout le moins dans le cadre de l’étude du préjudice irréparable au requérant (soit ici l’Entrepreneur) que le Tribunal se doit d’examiner un préjudice à l’intérêt public, s’il en est.
[82] C’est un ensemble important de la régie des activités des entrepreneurs en construction au Québec qui est visé par cette corrélation des paramètres de validité d’une licence d’entrepreneur, entre le rôle et les dispositions applicables à la Régie du Bâtiment sous la Loi et ceux applicables à l’Administrateur sous le Règlement. Une suspension sine die qui peut emporter des délais significatifs limite sinon immobilise cet aspect du monitorat prévu par le législateur, et tenant compte entre autre du caractère d’ordre public du Règlement, le Tribunal se doit d’être prudent sur un tel type de suspension demandé. Le Tribunal considère dans les circonstances particulières de la présente requête que de limiter les activités de l’Entrepreneur à des bâtiments ou projets spécifiques permet de cerner un délai de temps, celui de pourvoir à fin des travaux et réception.
Considérations
[83] Le Tribunal prend entre autre en considération, pour sa détermination d’une suspension d’annulation, tenant compte d’une part des critères requis pour le maintien d’adhésion et des causes d’annulation, et que l’adhésion est généralement pour un maximum d’un an et donc sujette à renouvellement périodique (art. 89 et 91 du Règlement), mais d’autre part :
[83.1] du poids important dans une telle détermination, du respect ou non des règles de justice naturelle, d’équité procédurale, dans le processus décisionnel et au contenu de la décision visée,
[83.2] équité procédurale qui requiert que soit respecté le droit d‘être entendu, dans un cadre de procédure quasi judiciaire, donc l’opportunité, pour la personne visée par une décision, de fournir préalablement dans un délai raisonnable de l’information, et de préciser sa position en toute connaissance de cause,
[83.3] la nécessité de décisions motivées, qui identifient clairement les motifs et le ou les fondement(s) sous-jacents, non seulement un énoncé de normes ou de causes règlementaires mais une corrélation aux faits de la situation sous étude et que l’incidence des affirmations du décideur sur son analyse et décision soit clairement indiquée,
[83.4] que les éléments reprochés à l’Entrepreneur et cause(s) de l’annulation ne sont pas purement factuels (tel par exemple le non-dépôt d’états financiers en la forme et dans les délais prévus), alors que dans les circonstances sous étude ils doivent plutôt découler d’une analyse qualitative par l’Administrateur, et
[83.5] la chronologie des réclamations, inspections et décisions de l’Administrateur ordonnant correctifs et l’interrelation de celles-ci avec les Décisions Adm R-13, Adm R-14 et 41Q-14 et la rencontre précitée du 14 janvier 2014, chronologie qui souligne à ces dates décisionnelles la connaissance des problématiques tant par l’Administrateur que l’Entrepreneur (et 41Q, et leurs administrations respectives).
[84] Sous une approche restrictive de ne permettre que certaines activités principalement reliées au Bâtiment 7000, le Tribunal prend entre autre en considération :
[84.1] l’avancement des travaux du Bâtiment 7000, les rapports des professionnels (architecte et ingénieur ~ depuis la Décision Adm R-13 d’octobre 2013), les correctifs confirmés, le plan d’implantation de Gestion Deltrek pour gicleurs (Pièce E-11), les fiches technique et d’étanchéité Tyvex(Pièce E-22),
[84.2] que le Rapport MSEI MultiSciences Expertises Inc. en date du 22 août 2014 (Pièce E-19) qui résulte d’une évaluation microbiologique du Bâtiment 7000 a conclu à un bâtiment propre, à l’exception d’une contamination fongique légère au rez-de-chaussée et au deuxième étage, où un nettoyage plus en profondeur suivi d’un traitement antifongique devra être effectué (dont ordonnance de mise en œuvre),
[84.3] que des bénéficiaires ont pourvu à des acomptes encaissés par l’Entrepreneur,
[84.4] que, tenant compte de l’évaluation initiale de l’Administrateur mais surtout de la preuve additionnelle lors de l’enquête, le fardeau financier que pourrait supporter l’Administrateur si l’Entrepreneur ne peut compléter la construction et ventes des unités du Bâtiment 7000 est possiblement supérieur aux caution, Dépôt 125K$ et autres sources de remboursement,
[84.5] que des mesures de contrôle particulières, incluant les Mandats, et l’engagement d’un contremaître d’expérience avancé par l’Entrepreneur lors de l’enquête, permettront que soient complétés les travaux du Bâtiment 7000 selon les règles de l’art, et que les Mandats et leur conditions particulières accordent un niveau de protection et de confort à l’Administrateur et réduisent d’autant la possibilité de malfaçons ou vices que pourraient encourir les bénéficiaires, et
[84.6] que de ne pas permettre à l’Entrepreneur de compléter le projet du Bâtiment 7000 aura des conséquences négatives importantes sur la viabilité de son entreprise, mais encore plus, sur l’exercice de droits de tiers suite à une déconfiture conséquente de l’Entrepreneur (selon la preuve à l’enquête) qui peuvent emporter délais subséquents qui ne sont pas à l’avantage des bénéficiaires.
[85] La preuve indique un ‘acte de prêt hypothécaire’ en date du 6 mars 2014 enregistré contre le Bâtiment 7000 et le site entre l’Entrepreneur et les créanciers y inscrits (Pièce E-14), prêteurs d’un montant initial de 2 millions$ pour le projet Bâtiment 7000 dont le Tribunal comprend qu’il demeure un solde disponible d’environ 175 000$ en date du 20 juin 2014 (les « Prêteurs M14 »).
[86] Le Tribunal a été informé sous témoignage de C. Lapointe CPA, CA, qu’il agit alors sous mandat des Prêteurs M14 et que ceux-ci sont disposés à avancer un montant additionnel d’environ 575 000$.
[87] C. Lapointe confirme à l’Entrepreneur ce montant additionnel disponible par correspondance sous entête de Lapointe Petrone CPA du 20 juin 2014 (Pièce E-17 en liasse), établissant d’autre part un flux de trésorerie requis pour compléter le projet du Bâtiment 7000, et incluant en sus de ce prêt additionnel des Prêteurs M14, des montants subsidiaires de soldes à recevoir et hypothèque d’unités d’autres projets de l’Entrepreneur. En sommaire, Lapointe confirme que tenant compte des contraintes et conditions d’endettement et de revenus, ce fonds de roulement suffisant pourra permettre de terminer les travaux au complet du Bâtiment 7000.
[88] Par la suite, Lapointe confirme par correspondance du 6 août 2014 (Pièce E-17 en liasse) que son évaluation du coût des travaux à compléter a été établie selon soumissions reçues et contrats en cours, de même qu’une revue du Bâtiment 7000 et des travaux requis par un entrepreneur en construction tiers accrédité et connu de l’Administrateur.
[89] Le Tribunal a pris bonne note de ces éléments de financement prévu, de flux de trésorerie et d’analyse pour assurer une fin des travaux, de même qu’il peut comprendre que l’Entrepreneur a fait de même pour ses fins à titre de débiteur et emprunteur tenant compte des délais qui se doivent d’être raisonnables pour s’acquitter de ses obligations, dans les circonstances des exigences de bonne foi[37] de ses créanciers Prêteurs M14 et du caractère sérieux de ses démarches pour s’exécuter[38].
[90] Le Tribunal est conscient que la décision aux présentes pourrait avoir un impact et un effet d'entraînement pour toute autre demande répondant au même contexte, mais il doit être compris qu’une suspension d’exécution est tributaire de faits spécifiques qui se doivent d’être analysés et dont la prépondérance et le poids relatif demeurent uniques à la situation sous étude, et plus encore leur interrelation et effet; chaque cas est un cas d’espèce.
CONCLUSIONS
[91] Une suspension d’exécution de la Décision Adm14 de l’annulation d’adhésion de l’Entrepreneur au Plan est justifiée dans les circonstances et donc accordée, et conséquemment rétablit l’adhésion selon les considérations, ordonnances, conditions et paramètres et dans les délais suivants :
[91.1] Cette suspension sera suivie d’une décision sur la demande d’arbitrage au fonds que le Tribunal a prise en délibéré en date des présentes, avec avis de possibilité de réouverture d’enquête si requis;
[91.2] Il s'agit d'un jugement interlocutoire qui peut être modifié ou révoqué si la modification ou la révocation est justifiée. La suspension accordée est temporaire, et conséquemment de même effet l’adhésion de l’Entrepreneur au Plan, et le Tribunal conserve juridiction sur cette suspension, incluant toute représentation subséquente que pourront déposer les Parties dans le cadre et en conformité des présentes;
[91.3] L’Entrepreneur ne pourra agir sous licence et sous adhésion au Plan que (i) relativement au Bâtiment 7000 et (ii) afin de conclure les ventes d’unités des bâtiments et projets existants de l’Entrepreneur à la date de la prise en délibéré aux présentes (soit le 2 septembre 1014) (i.e. incluant par exemple contrats préliminaires signés postérieurement à la Décision Adm R-14 tel pour le 1400 Georges, St-Hubert), mais sans plus et sous conditions que toutes sommes recueillies soient versées en priorité à l’achèvement et réception du Bâtiment 7000;
[91.4] Aucun nouveau projet ou construction ou autre activité connexe n’est permis dans le cadre de la suspension d’annulation accordée aux présentes;
[91.5] L’Entrepreneur obtient un financement, qui sera appliqué au projet du Bâtiment 7000 et au flux de trésorerie, d’un minimum de 500 000$ en supplément du montant de 2 millions$ déjà identifié aux présentes;
[91.6] Un mandat de surveillance des travaux de construction sera accordé respectivement (les « Mandats ») par l’Entrepreneur à :
(i) un architecte, membre en règle de l’Ordre des Architectes du Québec, ou firme au même effet, ayant une police d’assurance responsabilité professionnelle appropriée tel que confirmé par l’Administrateur dans les circonstances,
(ii) un ingénieur, membre en règle de l’Ordre des Ingénieurs du Québec, ou firme au même effet, ayant une police d’assurance responsabilité professionnelle appropriée tel que confirmé par l’Administrateur dans les circonstances,
prévoyant autorité des professionnels de requérir toute inspection ou test pouvant être requis sous les Mandats pour toutes fins, incluant éléments destructifs préalables, et que toute communication écrite à l’Entrepreneur soit aussi adressée à l’Administrateur, et incluant mandats d’émettre, adressés conjointement et solidairement à chacun de l’Entrepreneur et de l’Administrateur (celui-ci étant alors considéré comme mandant pour ces fins et ayant droit des attestations et avis requis), avec copie par l’Entrepreneur au Tribunal:
[91.6.1] une attestation de conformité du bâtiment aux normes et Code applicables,
[91.6.2] avis de fin des travaux, et
[91.6.3] une confirmation de réception du bâtiment sans aucune réserve (donc emportant parachèvement) concomitante à la déclaration de réception du bâtiment par le professionnel du bâtiment choisi par le syndicat de copropriétaires;
[91.7] Les Mandats devront couvrir, soit sous un ou l’autre, l’ensemble des éléments du bâtiment (incluant mécanique, structure et électricité), demeureront en vigueur jusqu’à émissions précitées incluant respect et mise en oeuvre par l’Entrepreneur, sans délai, de tout ordre de changement ou autres directives écrites découlant des Mandats, et tout différend quant aux Mandats, leur exécution ou le paiement des honoraires, débours ou coût en découlant pourra être soumis au Tribunal pour adjudication dans le cadre d’un maintien de la présente ordonnance interlocutoire;
[91.8] Le Tribunal comprend que ces mandats, de consentement des Parties, puissent être confiés respectivement à Michel Anastasiu, architecte et à Khaled Slim, ingénieur;
[91.9] Que les travaux correctifs requis aux décisions de l’Administrateur ou aux réclamations reçues par la Garantie, tel que copie de la liste énumérative préparée par le service de conciliation de l’Administrateur et reçue le 11 juin 2014 soient effectués ainsi que tous travaux ordonnés aux décisions précitées aux présentes et incluant les Dossiers Dumont et Dossier 4148, sans autre avis ou délais (sauf tel que peut être convenu entre un Bénéficiaire et l’Entrepreneur avec consentement préalable écrit de la Garantie);
[91.10] Que toute facturation émise par l’Administrateur pour paiement par l’Entrepreneur ou 41Q qui demeure impayée en date des présentes soit entièrement payée.
Coûts
[92] En conformité de l’article 123 du Règlement, les coûts du présent arbitrage en l’instance sont à la charge pour moitié à l’Entrepreneur et pour moitié à l’Administrateur.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE la requête de suspension de la décision d’annulation de l’adhésion de l’Entrepreneur émise par l’Administrateur en date du 14 mars 2014 sujette aux considérations et conclusions, conditions, paramètres et délais indiqués aux présentes, plus particulièrement mais sans restreindre la généralité de ce qui précède en conformité des paragraphes 83 et suivants des présentes;
ORDONNE que les facturations des honoraires et débours des Mandats seront au coût et charge de l’Entrepreneur incluant tout test pouvant être requis sous les Mandats;
ORDONNE à l’Administrateur et l’Entrepreneur de pourvoir et payer sur facturation à moitié pour chacun les coûts d’arbitrage;
RÉSERVE le droit des parties, advenant que des faits nouveaux le justifient, de demander la révocation ou la modification de la présente décision et ordonnance en suspension; et
MAINTIENT juridiction.
DATE: 30 septembre 2014
____________________
Me Jean Philippe Ewart
Arbitre
[1] Idem, D.841-98, a.5, art. 5 du Règlement.
[2] Idem, art. 20 et 120 du Règlement.
[3] Skelling c. Québec (Procureur général) 2006 QCCA 148, par.10.
[4] Voir par exemple Mitchell c. Sandvest-Bruvest Reg'd [1992] R.J.Q. 193; voir aussi Chrysler c. Fattal, [1992] R.D.J. 409 (C.A.).
[5] [2000] R.J.Q. 1708 (C.A.), par. 16.
[6] 2008 QCCS 3274, par. 23.
[7] LEMIEUX, Pierre, « De certains recours extraordinaires » dans Précis de procédure civile du Québec, FERLAND Denis et EMERY, Benoît, vol. 2, 3e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais inc., 1997, p. 595.
[8] GARANT, Patrice, Droit Administratif, 5e édition, Éd. Yvon Blais, 2004, p.179.
[9] GARANT, Patrice, précis de droit des administrations publiques, 3e édition, Éd. Yvon Blais, 1995, p.55.
[10] Tels, par exemple, en plus de Coopers and Lybrand et Régie des alcools discutés spécifiquement par le soussigné, les arrêts Martineau et Butters c. Comité de discipline des détenus de l’Institution de Matsqui [1978] 1 R.C.S. 118 (cité par le Juge Dickson dans Coopers and Lybrand, p. 504), et Renvoi relatif à la Loi de 1979 sur la location résidentielle [1981] 1 R.C.S. 714.
[11] Minister of National Revenue v. Coopers and Lybrand [1979] 1 R.C.S. 495.
[12] 2747-3174 Québec Inc. c. Québec (Régie des permis d'alcool), [1996] 3 R.C.S. 919.
[13] Op. cit. M.N.R. v Coopers and Lybrand, p. 504.
[14] Art. 70 (2) de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1.1).
[15] Au Québec, s’appliquant qu’aux tribunaux relevant de la compétence de la législature québécoise, on note l’article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne (L.R.Q. c. C-12) qui énonce que « toute personne a droit, en pleine égalité, à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé, qu’il s’agisse de la détermination de ses droits et obligations ou du bien-fondé de toute accusation portée contre elle »; au même effet, quant aux tribunaux fédéraux, l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, c. 44, confère à toute personne le « droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations ».
[16] Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police [1979] 1 R.C.S. 311.
[17] Cardinal c. Directeur de l’établissement Kent [1985] 2 R.C.S. 643.
[18] Baker c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration) [1999] 2 R.C.S. 817.
[19] Canada (Procureur général) c. Mavi, [2011] 2 RCS 504, voir entre autres les para. 39 à 42.
[20] Art. 79.1 de la Loi sur le Bâtiment: “79.1. L'entrepreneur obligé d'adhérer à un plan de garantie prévu à l'article 77 ou 78 est tenu de réparer tous les défauts de construction résultant de l'inexécution ou de l'exécution de travaux de construction couverts par ce plan. Il doit aussi, le cas échéant, compléter l'exécution des travaux ou acquitter les indemnités prévus par règlement de la Régie. […]
[21] Art. 84: D. 841-98, a. 84; D. 39-2006, a. 24, et art. 85: D. 841-98, a. 85.
[22] « 88. Lorsqu'une entreprise ne remplit pas les exigences visées aux articles 84 à 87 ou dans le cas où il est impossible de calculer les critères financiers visés au paragraphe 2 de l'article 84, l'administrateur peut exiger toute autre condition ayant pour effet d'atteindre les mêmes fins en prenant en compte la compétence technique de l'entreprise.
L'administrateur peut exiger un cautionnement d'une valeur supérieure à celle mentionnée au paragraphe 1 de l'article 84 et au paragraphe 1 de l'article 85 lorsqu'il a des raisons de croire que la solvabilité de l'entreprise le requiert. »
[23] Commission de la construction du Québec c. Larivière 2009 QCCS 2653.
[24] Baker c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration) [1999] 2 R.C.S. 817.
[25] Cardinal c. Directeur de l’établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643. Voir p. 653 et ss.
[26] Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190.
[27] Artcad Groupe conseil inc. c Régie du bâtiment du Québec 2011 QCCRT 0458.
[28] Société des services Ozanam inc. c. Québec (Commission municipale), 1994 CanLII 6507 (QC CS).
[29] C.S.M., no. 500-05-011647-904, 5 décembre 1990 (C.S., juge Pierre Viau).
[30] C.A.M., no. 500-09-001881-903, 16 septembre 1991.
[31] Paccar of Canada Ltd c. C.A.I.M.A.W., [1979] 2 R.C.S. 983, p.1008.
[32] Voir aussi note 15 ci-dessus. - Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c C-12; article 23 :
Audition impartiale par tribunal indépendant.
« 23. Toute personne a droit, en pleine égalité, à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé, qu'il s'agisse de la détermination de ses droits et obligations ou du bien-fondé de toute accusation portée contre elle. »
[33] Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110.
[34] R..J.R. MacDonald Inc. c. Procureur Général du Canada et Procureur Général du Québec & als. (1994) 1 R.C.S. 311.
[35] Pomerleau c Flamidor inc. 2008 QCCQ 2484, para. 56 pour les facteurs d’importance et para. 64 pour une analyse du préjudice sérieux.
[36] Article 79.1 de la Loi: “79.1. L'entrepreneur obligé d'adhérer à un plan de garantie prévu à l'article 77 ou 78 est tenu de réparer tous les défauts de construction résultant de l'inexécution ou de l'exécution de travaux de construction couverts par ce plan. Il doit aussi, le cas échéant, compléter l'exécution des travaux ou acquitter les indemnités prévus par règlement de la Régie. […] ».
[37] Entre autre dans l’arrêt phare de la Cour Suprême Banque Nationale du Canada c. Houle [1990] 3 R.C.S. 122.
[38] Laurentienne générale compagnie d’assurance c. Nortem ltée REJB 1998-085054 (C.S.).