Sous l’égide de
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
CCAC : S21-060301-NP
GARANTIE ABRITAT : 351709-1-2
ENTRE :
KATHLEEN LAFRENIÈRE
et
DOMINIC LACHANCE
Bénéficiaires
c.
9140-2347 QUÉBEC INC.,
Entrepreneur
et
RAYMOND CHABOT ADMINISTRATEUR PROVISOIRE INC. ÈS QUALITÉ D’ADMINISTRATEUR DE GARANTIE DE LA GARANTIE ABRITAT INC.,
Administrateur
ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE
GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(RLRQ, Chapitre B-1.1, r.8)
DÉCISION ARBITRALE RENDUE LE 3 FÉVRIER 2022
YVES FOURNIER ARBITRE
HISTORIQUE DES FAITS ET DES PROCÉDURES
[1] Le 30 mai 2014 les parties signaient un contrat d’entreprise et un contrat de garantie relativement à la construction d’une résidence située au [...] à Boischatel. La réception du bâtiment prit place le 5 septembre 2014.
[2] Une première dénonciation fut signifiée à l’Administrateur et ce, en deux temps, soit le 31 août 2018 et le 5 septembre 2018. Entre-temps, l’Entrepreneur avait déjà fait cession de ses biens.
[3] Les Bénéficiaires ciblaient initialement l’infiltration d’eau lors de fortes pluies par le haut de la fenêtre du salon. Le second point soulevé traitait du revêtement extérieur qui se décolorait sur les surfaces les plus exposées au soleil.
[4] Une visite des lieux par le conciliateur, Michel Hamel, prit place le 10 octobre 2018 en présence des Bénéficiaires. L’Administrateur rendit sa décision le 29 octobre 2018 dans laquelle il concluait que les situations dénoncées ne rencontraient pas les critères de vice majeur de construction au sens de l’article 10.5 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (1).
[5] Le 27 novembre 2018, les Bénéficiaires s’adressaient au Centre canadien d’arbitrage commercial (CCAC) pour engager le processus d’arbitrage (S18-112701-NP), tel que le prévoit le Règlement.
[6] Le 18 février 2019, ils récidivaient et dénonçaient à l’Administrateur des infiltrations d’eau par d’autres fenêtres. Il était alors précisé :
Dans les mois suivant la dernière dénonciation nous avons eu les mêmes problèmes d’infiltration d’eau mais à différentes autres fenêtres. Suite à la démarche d’arbitrage de la cause du 5 septembre dernier, il m’a été conseillé de faire une nouvelle demande à propos des dernières infiltrations d’eau. (SIC)
[7] Le 10 mai 2019, le conciliateur, Michel Hamel, se rendait à nouveau au domicile des Bénéficiaires pour inspecter les lieux en présence de Dominic Lachance. Monsieur Hamel résumait ainsi sa visite :
Lors de l’inspection, le bénéficiaire nous a présenté des photos sur lesquelles il est possible de constater des infiltrations d’eau par le haut de différentes fenêtres situées dans la salle de lavage, dans la garde-robe de la chambre principale et dans la chambre du rez-de-chaussée.
Le bénéficiaire affirme avoir constaté lesdites infiltrations pour la première fois durant une pluie survenue à l’hiver dernier, suite à notre dernière inspection du 10 octobre 2018 dans le cadre de la plainte 1. Il n’a constaté aucun dommage aux finis intérieurs.
[8] Reprenant le texte de l’alinéa 5 de l’article 10 du Règlement, le conciliateur concluait dans sa décision du 2 juillet 2019 que la situation ne rencontrait pas les critères de vice majeur de construction et rejetait du même coup la dénonciation des Bénéficiaires.
[9] Faisant suite à cette dernière décision, ces derniers sollicitèrent un second arbitrage (S19-071502-NP).
[10] Deux expertises furent produites, l’une datée du 10 mai 2019 et l’autre du 13 août 2019, signées par Pierre Bélanger, inspecteur agréé en bâtiment (A-3, dossier S19-071502-NP). Les lettres de transmission de ces deux expertises sont en date du 4 juin et du 17 septembre 2019.
[11] Le 31 janvier 2020, le soussigné rendait une décision dont les principales conclusions s’énonçaient ainsi :
ACCUEILLE les deux (2) demandes d’arbitrage formulées par les bénéficiaires;
PREND acte du désistement des bénéficiaires quant à la décoloration du revêtement extérieur;
ORDONNE à l’Administrateur de corriger le vice de construction ou de réalisation des fenêtres ayant fait l’objet des expertises de Pierre Bélanger et ordonne la vérification et l’examen de toutes les autres fenêtres de l’immeuble en cause étant entendu que si la construction et l’installation d’une ou plusieurs d’entre elles sont similaires à celles ayant fait l’objet, des deux rapports du conciliateur, l’Administrateur devra intervenir conformément à la présente décision arbitrale, notamment quant à l’application des recommandations de l’expert Bélanger.
ORDONNE à l’Administrateur de s’exécuter d’ici le 15 mai 2021;
[12] L’une des recommandations de l’expert Pierre Bélanger était de « Remettre en place les nouvelles planches provenant du même fabricant « Juste du Pin ».
[13] Toutefois, selon la preuve faite ce produit ne semblait plus être disponible à une certaine époque selon l’Administrateur (Jean François Hudon). Il aurait été à nouveau disponible plus tard, nécessitant par contre l’application d’une coloration choisie à partir d’échantillons de couleur.
[14] La pandémie ayant retardé la possibilité pour l’entrepreneur choisi par l’Administrateur de s’exécuter, l’impossibilité d’obtenir le produit de « Juste du Pin » et les nombreux échanges de courriels entre le Bénéficiaire et le chargé de projet, Jean-François Hudon, en sus des ‘’requêtes’’ formulées par Dominic Lachance, l’ont conduit à rendre une décision signée par Me Marc Baillargeon, datée du 10 mai 2021. Je me permets d’en reproduire le texte:
Monsieur Lachance,
Considérant votre attitude et vos demandes déraisonnables;
Considérant vos demandes répétées, au cours des derniers mois, pour l’obtention d’attestation de qualité de matériaux, échantillons, devis, références, etc., et ce, avant de laisser Abritat procéder à l’exécution des travaux correctifs requis;
Considérant que les délais dont vous vous plaignez ne sont aucunement attribuable à Abritat, mais s’expliquent par votre refus, sans raison valable, de laisser Abritat procéder à l’exécution des travaux;
Considérant qu’un devis n’est pas nécessaire, qu’Abritat n’a pas l’obligation de fournir les documents, références, attestations, que vous demandez, en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs;
Considérant qu’Abritat à titre de mandataire pour l’exécution des travaux correctifs requis, a tout comme l’entrepreneur d’origine, une obligation de résultat, selon l’article 2100 du Code civil du Québec;
Considérant qu’en vertu du Code civil du Québec (art. 2099) « L’entrepreneur (…) a le libre choix des moyens d’exécution du contrat et il n’existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution ».
Considérant que le remplacement complet du revêtement extérieur en bois n’est pas nécessaire, afin de se conformer à la Sentence arbitrale du 31 janvier 2020, et qu’une décision à ce sujet avait déjà été rendue par Abritat, lors d’une plainte précédente;
Considérant que votre propre expert, Pierre Bélanger, ne demande pas dans son rapport déposé devant l’Arbitre, le remplacement complet du revêtement de bois (Voir l’extrait du rapport au par.106 de la Sentence arbitrale, précitée, page 29, 3e paragraphe);
Considérant que vous avez été avisé de laisser l’entrepreneur mandaté par Abritat, procéder aux travaux correctifs requis, et qu’une fois les travaux complétés, si vous n’êtes pas satisfait, vous pouvez demander à l’inspecteur-conciliateur au dossier de retourner sur les lieux afin d’inspecter la conformité des travaux, et de rendre une décision à ce sujet donnant ensuite ouverture à l’arbitrage, en cas d’insatisfaction de la décision rendue;
Considérant qu’une offre de règlement monétaire vous a été transmise par monsieur Jean-François Hudon, chargé de projet aux travaux, en date du 27 avril dernier, vous donnant un délai de 10 jours pour nous faire part de votre choix pour le règlement du dossier, mais que vous avez plutôt répondu le 6 mai, qu’encore une fois vous exigez le remplacement complet du revêtement extérieur, sans répondre à l’offre monétaire qui vous a été faite;
Dans les circonstances, et pour tous ces motifs, Abritat vous avise par la présente qu’elle a procède sans autre avis ni délai, à la fermeture de votre dossier de réclamation et qu’elle en avise la Régie du bâtiment du Québec.
Vous avez été avisé en conséquence.
MOTIFS D’APPEL
[15] Pour les Bénéficiaires, la décision rendue par l’Administrateur en date du 10 mai 2021 ne tient nullement compte de leur droit de renseignement dans le cadre d’une proposition de correction du vice de construction, notamment, pour le choix du matériau.
[16] Dans un second temps, les Bénéficiaires sont d’avis que l’Administrateur doit utiliser une méthode de correction pouvant réparer le vice de construction, et ce, sans causer un préjudice à l’immeuble. En d’autres termes, ils revendiquent que le produit « Juste du Pin » soit substitué au parement en pin en place avec l’application des trois (3) colorations initiales.
PREUVE DES BÉNÉFICIAIRES
Dominic Lachance
[17] Monsieur Dominic Lachance rappelle que sa maison est située à l’intersection de deux rues et que sa visibilité en est dès lors davantage exposée. Pour celui-ci, le revêtement en bois choisi en trois teintes distinctes se voulait un must d’autant qu’il était juxtaposé à des murets de brique.
[18] Suite à la première décision du 31 janvier 2020, monsieur Jean-François Hudon, chargé de projet pour l’Administrateur, se présente à son domicile à la fin mars 2020 pour une visite préliminaire au cours de laquelle plusieurs photos sont prises. Il lui mentionne, entre autres, que la technique de réparation sera déterminée par l’entrepreneur que la Garantie Abritat aura choisi.
[19] Le 24 mars 2020, Sophie Lefebvre, chef d’équipe du personnel administratif pour la Garantie Abritat, l’avise que suite aux mesures prises par le gouvernement du Québec afin de diminuer la propagation de la COVID-19, tous les chantiers de construction seront fermés jusqu’au 12 avril 2020.
[20] N’ayant reçu aucun suivi de l’Administrateur, Dominic Lachance, écrit le 4 mai 2020 à Jean-François Hudon pour s’enquérir de l’avancement de son dossier. Ce dernier l’informe qu’un second entrepreneur souhaiterait se rendre sur les lieux pour préparer une estimation des travaux. Le 3 juin 2020, l’entrepreneur et monsieur Hudon se présentent à la résidence des Bénéficiaires. Le chargé de projet lui notifie qu’il sera fixé quant au choix de l’entrepreneur aux alentours du congé de la construction (fin juillet) et que le revêtement « Juste du Pin » est toujours disponible.
[21] Une deuxième visite se matérialise en présence de Jean-François Hudon et un entrepreneur le 9 juin 2020 en l’absence du Bénéficiaire, bien qu’il en ait été prévenu le 4 juin.
[22] Le 10 juin 2020, le chargé de projet requiert du Bénéficiaire les plans d’architecture du bâtiment. Le même jour, ils lui sont transmis et Dominic Lachance s’enquiert du même coup de la résultante quant à la visite de l’entrepreneur. Le 15 juin 2020, monsieur Hudon donne réponse à son questionnement et ajoute que l’entrepreneur a dénoté un intérêt pour exécuter les travaux et qu’il fera un suivi aussitôt qu’il y aura une confirmation.
[23] Le 15 juin, le Bénéficiaire questionne monsieur Hudon quant au second entrepreneur et ajoute ceci :
‘’Pour le revêtement avez-vous finalisé la façon dont vous aller agencer cela avec le reste’’. (Sic)
[24] Le même jour, monsieur Hudon le rassure ainsi :
‘’Le 2ième entrepreneur va opérer comme le 1er assurément.
Pour le revêtement, le model de planche est toujours disponible. Les entrepreneurs vont s’informer pour la couleur. Sinon, ils vont prendre des échantillons de couleur pour les faire reproduire de sorte que la différence va être minime.’’
(Sic)
[25] Monsieur Lachance rétorque qu’il n’a rien trouvé concernant le matériau « Juste du Pin », ce à quoi Jean-François Hudon indique qu’il serait toujours disponible selon les entrepreneurs.
[26] Le 6 août 2020, le Bénéficiaire Lachance demande un suivi de l’Administrateur. Le 11 août, ce dernier signale qu’il n’a pas reçu de soumissions des entrepreneurs et requiert des informations sur le revêtement extérieur et deux échantillons du revêtement pour remettre aux entrepreneurs. Il mentionne qu’il lui a transmis un courriel le 7 juillet 2020 pour lequel il n’a pas eu de retour.
[27] Le 16 août 2020, Dominic Lachance écrit à monsieur Hudon lui faisant part des délais. Il soutient que le profilé est discontinué depuis plusieurs années et qu’il n’a trouvé aucun équivalent et lui rappelle que les délais doivent être respectés. Monsieur Lachance retracera plus tard le courriel du 7 juillet 2020 transmis par Jean-François Hudon.
[28] Le lendemain, le gérant de chantier réplique au Bénéficiaire en justifiant le délai et termine ainsi son envoi:
« Je vais faire le suivi avec les 2 entrepreneurs pour leur mentionner que ce n’est pas possible d’avoir un échantillon du revêtement. Qu’ils doivent me donner leurs soumissions rapidement et qu’ils remplaceront par un profilé similaire et forme et en couleur, les planches brisées lors de travaux.
En terminant, malheureusement à ce stade-ci, il m’est impossible de vous donner un échéancier des travaux quand le choix de l’entrepreneur n’est même pas fait. »
(Sic)
(Je souligne)
[29] Le 16 septembre 2020, monsieur Hudon fait part que le dossier d’approbation de l’entrepreneur retenu par lui est sous études par un comité de la Garantie Abritat et que suite à sa confirmation, l’entrepreneur retenu communiquera avec lui pour lui faire part de l’échéancier des travaux. (B-6-18).
[30] Les 17 et 30 septembre 2020, le Bénéficiaire fait savoir à Jean-François Hudon qu’il est sans nouvelle de l’entrepreneur (B-6-20). Monsieur Hudon l’avise le 1er octobre 2020 que compte tenu des retards dus à la pandémie les travaux seront exécutés tôt au printemps suivant.
[31] Le 16 novembre, monsieur Lachance requiert le devis des travaux et le détail de l’échéancier envisagé. On lui fait savoir à nouveau que les travaux seront exécutés au printemps.
[32] De son côté, monsieur Lachance procède à obtenir des estimés pour tout refaire la partie du revêtement en bois. Un soumissionnaire évalue les travaux du remplacement intégral du parement en bois à $40,435.01, incluant les taxes (Soumission d’Apogée Construction du 27-10-20).
[33] Le 16 novembre, on lui confirme que les travaux seront exécutés par la compagnie Meunier GPR dans les semaines qui suivent pour ensuite se corriger dans l’heure qui suivit, en ciblant le printemps comme début des travaux. Quant à l’obtention de la soumission de cet entrepreneur, monsieur Hudon lui signifie que :
« Les travaux seront exécutés conformément au recommandation de l’arbitre dans sa décision de janvier 202 .. et qu’Abritat … ne divulgue pas ce genre de document » (B-6-26).
(Sic)
[34] Quant à l’échéancier, il écrit qu’il n’a pas l’information précise et, sous toutes réserves, si la température est clémente, les travaux pourraient se faire sur deux semaines (B-6-25).
[35] Le 9 mars 2021, Dominic Lachance écrit :
Bonjour M. Hudon,
Avec l’approche du printemps, j’aimerais confirmer avec vous l’échéancier prévu pour les travaux correctifs.
Suite à mes démarches auprès du ministre des Affaires municipales et de l’Habitation. Le chef de cabinet adjoint, Madame Andrée Laforest, m’a confirmé que vous allez terminer les travaux nécessaires à mon domicile vers la mi-mai.
A nouveau, j’aimerais connaître la teneur des travaux envisagés avec une description mieux détaillée que la réponse que vous m’avez donnée en date du 16 novembre dernier.
(Sic)
[36] Jean-François Hudon réfute ainsi son assertion :
Bonjour,
De mon côté, j’ai reçu aucunes indications en lien avec vos démarches de mes supérieurs.
Les travaux seront exécutés conformément au recommandation de l’arbitre dans sa décision de janvier 2020.
Pour l’échéancier, c’est l’entrepreneur qui va vous en faire part quelques semaines avant le début des travaux. Les travaux vont se faire en mai comme prévu. Ce dernier va communiquer avec vous bientôt. Mais vous pouvez toujours prendre les devants et l’appeler sans problème.
Merci. (Sic)
[37] Le Bénéficiaire Lachance rapporte que l’entrepreneur désigné lui aurait signifié qu’il avait été mandaté pour enlever uniquement deux planches au-dessus des ouvertures. Il aurait compris que ce dernier n’avait pas à vérifier l’existence de signes de dégradation au pourtour des ouvertures.
[38] Il est indiscutable pour monsieur Lachance qu’il ne doit pas y avoir de clous apparents, alors qu’on l’aurait informé du contraire.
[39] Le 6 avril 2021, monsieur Gagnon représentant de l’entrepreneur retenu, écrit à monsieur Lachance :
Bonjour M. Lachance,
Suite à notre rencontre du 31 mars dernier, j’ai passé chez Spécibois à L’Ange-Gardien pour voir la passibilité de faire fabrique du bois pour votre résidence,
nous pouvons fais fabrique le bois équivalant à votre résidence.
comme convenu je vous demande d’accepter la pose du bois avec des clous en surface (stenless)
merci de me revenir le plus tôt possible
Merci (Sic)
[40] Le lendemain, Dominic Lachance adresse à l’entrepreneur les exigences suivantes (B-6-52) :
Bonjour M. Gagnon,
Afin de pouvoir statuer sur votre proposition de pose de bois avec clou en surface (stainless), j’ai besoin de plus d’informations. Tel que discuté lors de notre rencontre, j’aurais besoin des éléments suivants, fournis de façon écrite, visuelle et détaillée :
J’attends donc la documentation et aussitôt que je l’aurai reçue, je pourrai analyser les travaux proposés et, le cas échéant, les approuver.
En espérant que nous pourrons rapidement entreprendre les travaux, je vous souhaite une bonne journée.
(Sic)
[41] Le 14 avril 2021, Jean-François Hudon articule à Dominic Lachance la position de l’Administrateur quant à l’encadrement de la procédure en pareille situation (B-6-53) :
Bonjour M. Lachance,
Voici la position de la Garantie Abritat concernant les travaux. L’entrepreneur exécutant les travaux détient une licence auprès de la Régie du bâtiment du Québec et peut donc être reconnu comme l’expert dans l’exécution de son contrat.
L’entrepreneur devra exécuter les travaux selon les normes en vigueur et les règles de l’art. Advenant que vous ne soyez pas satisfaits de l’exécution des travaux, la Garantie procèdera à une inspection supplémentaire à la fin de travaux et elle statuera sur les points en litige. Advenant que vous ne soyez pas satisfait de cette nouvelle décision vous pourrez de nouveau la contester en arbitrage.
Évidemment, l’entrepreneur répondra à vos questions au meilleur de sa connaissance. Il vous informera du début des travaux et l’échéancier desdits travaux. Les travaux devant être exécutés sont mineurs et ne nécessitent pas de plan et devis. L’entrepreneur n’a pas l’obligation de vous divulguer des adresses où il a exécuté des travaux semblables ni d’acquiescer à vos autres demandes.
Vos nombreuses interventions ne font que ralentir la progression des travaux. Nous sommes donc en attente de votre accord pour aller de l’avant avec ce projet.
En espérant un règlement rapide du dossier.
[42] Particulièrement, quant au troisième paragraphe, le Tribunal s’est attardé auprès du Bénéficiaire quant à savoir s’il comprenait bien le processus ébauché dans le dernier courriel. Monsieur Lachance répondit négativement au questionnement du Tribunal et d’ajouter :
« Je ne peux comprendre le fonctionnement de ça. »
[43] Malgré deux reformulations du texte entreprises par le Tribunal, monsieur Lachance n’a pas davantage compris.
CONTRE-INTERROGATOIRE
[44] Questionné, monsieur Lachance réclame des « matériaux conformes, l’uniformité, pas de dégradation, pas de clous apparents ». En 2019, il aurait nettoyé le parement de bois et aurait apporté des retouches à celui-ci, « je pense », ajoute-t-il.
[45] Il fut contre-interrogé par Me Marc Baillargeon sur le fait qu’il s’était désisté, lors de l’arbitrage menant à la décision du 31 janvier 2020, du point 2 du rapport de conciliation du 29 octobre 2018, signé par Michel Hamel. Le point 2, intitulé « Revêtement extérieur- planches décolorées », ciblait le revêtement extérieur qui était décoloré sur les surfaces exposées au soleil. Il explique son désistement par le fait que « la problématique » était au niveau des fenêtres et qu’il a plutôt appliqué une teinture recommandée par le fabriquant, sauf sur le côté droit de la maison. Il indique dans un premier temps que le travail fut exécuté par « quelqu’un » pour avouer plus tard qu’il s’agissait de l’une de ses connaissances et de son père.
[46] Interrogé sur les infiltrations d’eau il mentionne que d’autres sont survenues ultérieurement à la dernière décision, mais qu’il a « su les enlever ».
[47] Il exige de l’Administrateur une proposition écrite, un devis du sous-traitant, de voir préalablement les échantillons et d’obtenir les références quant aux produits. L’entrepreneur Gagnon lui a effectivement requis d’accepter sa proposition quant aux travaux à exécuter, sauf qu’il ignore « en quoi elle consiste précisément ».
[48] Le Tribunal le questionne ainsi et sa réponse surprend pour le moins:
YF : Qui vous a indiqué que vous étiez en droit d’exiger toutes les conditions dont vous avez fait état depuis le début ?
D.L. : C’est suite à la vérification de différents corps de métiers, au niveau des entrepreneurs, des avocats.
[49] Après des explications, le Bénéficiaire confie contradictoirement qu’il ne « savait pas comment ça procédait ». Relativement au courriel de Jean-François Hudon du 14 avril 2021 (B-6-53), il blâme ce dernier, exposant qu’il considérait ce courriel « comme une menace, t’as rien à dire, on fait les travaux, point ».
[50] Questionné à nouveau par son procureur, Me Marc-André Michaud, quant à savoir si les teintures appliquées en 2019 sur le revêtement de bois amenaient le même résultat que le revêtement d’origine, monsieur Lachance répondit positivement.
[51] Dominic Lachance indique à une question du Tribunal qu’il n’a jamais eu quelque communication et/ou conversation avec Me Marc Baillargeon et/ou monsieur Jean-François Hudon le sommant de cesser d’intervenir à défaut de quoi l’Administrateur renoncerait à exécuter la décision arbitrale.
Pierre Bélanger, expert
[52] Monsieur Pierre Bélanger agit comme expert pour le compte des bénéficiaires. Il détient une expérience dans le domaine des bâtiments acquise au cours des 40 dernières années. Il a également œuvré dans l’évaluation de bâtiments et il a acquis une formation technique entre 1971 et 1996. De 1999 à 2011, il a été membre de l’Ordre des technologues professionnels du Québec et depuis 1999 il est membre de l’Association des inspecteurs en bâtiments du Québec (AIBQ) et membre de l’Association canadienne des inspecteurs de biens immobiliers (CAPBI).
[53] Monsieur Pierre Bélanger a soumis un rapport d’expertise en date du 16 novembre 2021 dans lequel il insiste sur le fait de bien s’assurer de l’étanchéité sur tout le pourtour des fenêtres et non pas seulement au-dessus de celles-ci faisant référence au point 3 du paragraphe 106 de la décision arbitrale du 31 janvier 2020.
[54] Son commentaire découle de la position du représentant de Garantie Abritat qui limite la vérification et l’étanchéité des fenêtres qu’au-dessus de celles-ci. Il rappelle que les membranes en place sont disposées de façon problématique, car l’eau est potentiellement emprisonnée et pourrait être en contact avec diverses composantes autour et par conséquent sous la fenêtre, engendrant une dégradation progressive de celles-ci au contact avec l’eau.
[55] Il a estimé qu’environ 20% du revêtement de bois est en cause pour l’exploration au pourtour des fenêtres.
[56] Traitant du pin blanc distribué par « Spécibois », qui est ce revêtement proposé par l’entrepreneur sous-traitant, il le déconseille, notamment, car le traitement recommandé par le distributeur est une huile colorée qui n’est pas compatible avec le revêtement en place.
[57] Le Tribunal se permet de rapporter des passages importants de la conclusion du rapport de Monsieur Bélanger :
Ainsi, si l’entrepreneur procède au remplacement de ces planches par le biais de la solution proposée, une différence esthétique sera visible auprès de chacune des fenêtres de l’immeuble. À noter que l’immeuble comporte quatre importantes fenêtres en façade. Une telle différence sera donc facilement perceptible entre le revêtement d’origine et les nouvelles planches causant ainsi un préjudice esthétique à l’immeuble. En effet, il a lieu de rappeler que l’entrepreneur avait l’obligation de fournir un revêtement uniforme et conforme au contrat signé par Mme Lafrenière et M. Lachance. Toutefois, la solution proposée ne réponde pas au contrat initialement signé par ces derniers.
Par ailleurs, toutes les alternatives recherchées par les clients ainsi que par le représentant de Garantie Abritat afin de trouver des planches de revêtement s’apparentant au revêtement en place (discontinué) ne sont pas concluantes au motif qu’une différence apparente demeure toujours présente.
[…]
Nous sommes d’opinion que l’option proposées n’est pas acceptable pour toutes les raisons énumérées précédemment. Elle serait de nature à dénaturer l’apparence de la résidence et susceptible d’en affecter la valeur marchande. Par conséquent, l’unique solution afin d’éviter un préjudice esthétique à l’immeuble est de refaire l’ensemble du revêtement extérieur, sauf pour la section en brique. Il s’agit de l’unique solution afin d’uniformiser l’apparence d’un revêtement extérieur dans les conditions actuelles.
(Sic)
[58] Pour l’expert, il n’y aurait pas actuellement de revêtement équivalent à « Juste du Pin » sur le marché car ce dernier utilise une technique particulière, un angle d’attaque différent. Les clous sont non apparents et les profilés et teintures sont uniques.
[59] En contre-interrogatoire, il reconnaît qu’une teinture peut être appliquée sur les clous et que des clous de couleur existent. Il prétend qu’il en coûte le même prix de remplacer 20% du parement en bois que de tout refaire. Il signale qu’il existe actuellement des « petits écaillages » sur le parement de bois.
PREUVE DE L’ADMINISTRATEUR
Michel Hamel, conciliateur
[60] Monsieur Michel Hamel était présent lors de la visite préalable du bâtiment au matin de l’audience. Il apporte une observation quant aux travaux exécutés en mai 2019 au niveau d’une fenêtre. Aucun commentaire n’a été fait concernant la remise en place du revêtement initial pour fermer l’ouverture faite au-dessus du salon, note-t-il. Il poursuit ainsi :
« Avez-vous vu un correctif? On ne voit pas que ça été corrigé. C’est bien fait. Le joint était apparent mais personne n’a sursauté sur l’aspect esthétique, même si ça été réparé temporairement. Pour les clous, on peut utiliser un clou galvanisé teinté ».
[61] Le Bénéficiaire s’est alors permis d’intervenir en indiquant que le travail fut fait « sans suivre les règles de l’art », sans préciser lesquelles ont été ignorées ou sans expliquer davantage.
Jean-François Hudon
[62] Jean-François Hudon est diplômé en architecture de l’Université Laval. Il fut inspecteur pour l’APCHQ de 2008 à 2012 et est chargé de projet chez la Garantie Abritat depuis 2012.
[63] Ses fonctions consistent à récupérer le dossier après la décision du conciliateur dans le cas de faillite de l’entrepreneur afin de mener à terme la décision.
[64] Il procède dans un premier temps à une analyse du dossier, il communique avec le bénéficiaire et procède à une visite préliminaire. Par la suite, il contacte des entrepreneurs et il visite le chantier. Les entrepreneurs lui présentent leur soumission. Finalement, un choix se fait parmi les soumissionnaires. Garantie Abritat donnera son approbation quant à l’un d’eux. Le bénéficiaire est alors avisé par courriel du choix de l’entrepreneur.
[65] La chronologie des courriels échangés avec le Bénéficiaire n’est pas contestée. Il explique que les délais normaux avant la pandémie étaient de 3 à 4 mois pour déterminer un entrepreneur. En l’espèce, deux entrepreneurs devaient soumissionner. Depuis la pandémie la main-d’œuvre se fait plus rare tout comme pour les matériaux.
[66] Pour monsieur Hudon, les correctifs à apporter dans le présent dossier ont toujours été en lien avec ce que l’expert Bélanger avait déterminés. En détail, il développe ainsi :
« On enlevait l’équivalent de deux planches au-dessus de chaque ouverture, ensuite on refaisait le solinage, on remettait la membrane, on faisait un test d’eau, pis on remettait le revêtement. L’entrepreneur devait investiguer toutes les ouvertures, ça faisait partie de la soumission. »
[67] Il indique que le revêtement préconisé était « Juste du Pin ». Les entrepreneurs lui auraient fait mention qu’ils pouvaient obtenir le même profilé mais qu’ils se devaient de faire des tests de teinture. Par la suite, ils se sont rendus compte qu’ils ne pouvaient obtenir le même profilé. Plus tard, ce produit en pin avec le même profilé, le même motif, la même texture aurait été disponible et en application avec des tests couleurs aurait débouché sur un résultat qui aurait été très similaire au produit actuel. Assez curieusement, ceci lui aurait été confirmé par l’entrepreneur avant d’entreprendre les travaux. Le Tribunal doit avouer que son récit chronologique semblait parfois difficile à suivre et à comprendre. Même les procureurs des parties en ont fait la remarque au passage et même lors de leur plaidoirie.
[68] Le chargé de projet admet que le nom du revêtement n’est pas spécifié dans la soumission de monsieur Meunier. Le Tribunal se permet de le questionner :
YF : Donc l’entrepreneur ne vous garantit pas quel produit il doit poser.
JFH : Non, mais en discutant avec lui par la suite on s’est rendu compte que c’était pas le même produit, mais qu’on était capable d’avoir le même profilé avec un choix de couleur qui se marie avec la coloration actuelle.
[69] Comment comprendre cette affirmation alors que l’entrepreneur proposera un tout autre produit, soit Spécibois, dans son courriel du 6 avril 2021 adressé au Bénéficiaire.
[70] Le témoin relate qu’en décembre 2020, il a supervisé deux (2) dossiers similaires à la présente situation et à la problématique actuelle, pour des travaux correctifs équivalents sur deux immeubles à Val-Morin.
[71] Il a alors procédé à la même intervention avec le produit « Juste du Pin ». Il a utilisé le même profilé de ce fabriquant et avec la même essence de bois. Des tests de couleurs furent entrepris pour en arriver à agencer le produit initial avec celui utilisé pour corriger la situation. Le même type de travail était exigé. Et de conclure, les travaux furent exécutés à l’entière satisfaction des bénéficiaires.
[72] En l’espèce, l’entrepreneur avait décidé de reporter au printemps son exécution puisqu’il n’était pas approprié d’appliquer un nouveau revêtement en période hivernale. Le bénéficiaire fut avisé.
[73] Pour le témoin, en mars 2021, monsieur Lachance exigeait trop d’informations ou de documents ou de références, lesquels n’avaient pas lieu d’être. De là, sa décision de soumettre cette problématique à ses supérieurs.
[74] Il assure le Tribunal qu’il a remis à l’entrepreneur Meunier Construction copie de la décision du 31 janvier 2020, avec l’encadrement retenu par le Tribunal. Pour le témoin ceci constituait le devis pour l’Administrateur.
[75] Le Tribunal se permet de reproduire la « soumission » de Meunier Construction datée du 19 août 2020.
La garantie ABRITAT Inc.
7333, Place des Roseraies, bureau 300
Anjou (Québec)
H1M 2X6
À l’attention de Monsieur Jean-François Hudon
Objet : Dossier # 351709
[...], Boischatel, Québec
Monsieur,
Tel que demandé, il nous fait plaisir de vous soumettre notre prix
de 8 000$, plus les taxes applicables soit un total de 9 198.00$
pour effectuer les réparations.
Détails des travaux :
Enlever 1 ou 2 planches de bois à la tête des fenêtres
(13)
Allocation $1000 + taxes pour achat de bois
Fournir et poser moulures à la tête des fenêtres (solin et ventilation) tel que les normes actuelles
Sceller les fenêtres
Refaire le lattage
Poser nouvelle planche
Reprise de teinture (s’il y a lieu)
Échafaudage
Ménage quotidien et à la fin des travaux
Nous espérons le tout conforme et attendons vos instructions avant de procéder.
Veuillez agréer l’expression de nos sentiments les meilleurs.
(S) Errol Gagnon
_______________________
Errol Gagnon
Président
(Sic)
CONTRE-INTERROGATOIRE
[76] Le témoin apprend que le revêtement de « Juste du Pin » est discontinué au 15 juin 2020. Il avise les entrepreneurs de trouver un parement en bois équivalent. Plus tard, il est informé que le produit « Juste du Pin » est en inventaire et qu’ils peuvent obtenir une coloration qui se marie avec celle en place.
[77] Curieusement, monsieur Hudon doit reconnaître que l’entrepreneur Meunier Construction notifia le Bénéficiaire le 6 avril 2021 qu'il installerait le produit de Spécibois et ce, sans qu’il y ait eu consultation préalable avec l’Administrateur.
[78] Toutefois, monsieur Hudon assure, sans équivoque, qu’il peut avoir actuellement de « Juste du Pin », le même matériau, le même profilé avec la même essence de couleur.
[79] Me Michaud fait remarquer au témoin que la soumission du 19 août 2020 de Meunier Construction indique notamment : « Poser nouvelle planche ». Ce à quoi monsieur Hudon explique qu’il présumait que l’entrepreneur respecterait la décision.
[80] Le Tribunal trouve pertinent de rapporter certains passages du contre-interrogatoire :
Q. Voyant que l’entrepreneur choisi ne respectait pas les recommandations de l’expert, suivant la décision, vous n’avez pas cru bon de vous asseoir avec le bénéficiaire pour trouver une solution ?
R. Non, parce que le comportement de M. Lachance à notre égard, n’était pas acceptable pour nous.
Q. Mais voyant qu’il était stressé et que l’une des recommandations ne tenait plus, vous n’avez pas cru bon d’échanger avec lui ?
R. Je pas tenu bon de procéder ainsi.
Q. Si on met l’une ou l’autre des 3 planches, il y aura une différence avec le revêtement actuel?
R. Faudrait procéder à des tests d’échantillonnage pour trouver.
Q. Pensez-vous qu’il va y avoir une différence?
R. Le revêtement qui est là, ça fait 6, 7 ans. C’est sûr qu’il peut y avoir un minimum de différence avec des tests de couleur auprès d’une Cie spécialisée. Ce bois-là va être soumis au soleil, aux intempéries. Avec les années les couleurs se retrouvent à être pareilles. C’est basé sur mon expérience et la littérature. Pour les clous, oui ils seront apparents pour la dernière planche seulement, on n’a pas le choix. Ça s’applique pour tous les produits proposés. Forcément on doit clouer la dernière planche. Un clou en acier galvanisé déjà coloré avec un caoutchouc sur la tête pour ne pas endommager la couleur fait un excellent travail. Pour ce travail dans son ensemble, on s’assure d’avoir la même couleur. On applique une teinture 3 couches avec une garantie de 25 ans sur le produit.
Michel Hamel
[81] Le témoignage de monsieur Michel Hamel en interrogatoire principal est cadré dans la verbatim suivant :
« On peut avoir aujourd’hui le produit « Juste du Pin » seul qu’on va remettre dans le même style qu’on a déjà en place. On va trouver un fournisseur qui va appliquer une teinture qui va se rapprocher le plus possible de ce qui est déjà existant. Il y a 3 teintes différentes apparentes sur la maison. Ça devrait pas être trop compliqué d’arriver à une teinte semblable. Une fois qu’on aura mis les planches, la dernière, il va falloir les clouer pour que l’ensemble se tienne. Il est certain que l’on n’arrivera pas à la perfection avec les planches à côté. Mais avec le temps, le soleil, la neige ainsi de suite, de fait monsieur Lachance l’a dit, il y a des côtés du bâtiment qui réagissent au soleil et qui n’ont pas les mêmes teintes. D’ailleurs il va falloir en remettre une couche de teinture sur le revêtement existant. Et elle sera apposée aussi sur celles qu’on vient de poser. L’ensemble sera harmonieux. »
[82] Monsieur Hamel reconnaît que le prix joue pour beaucoup, mais ajoute qu’il faut admettre que le produit en place a été altéré et a mué au fil des sept dernières années. Il rappelle que la première dénonciation remonte au 5 septembre 2018 mais que lors de l’audition menant à la décision du 31 janvier 2020, le Bénéficiaire s’est désisté du point traitant de la décoloration du revêtement extérieur.
ANALYSE ET DÉCISION
Trois points potentiellement en litige
[83] Les trois questions auxquelles le Tribunal devra répondre peuvent s’énoncer ainsi :
1. La décision de l’Administrateur rendue le 10 mai 2021 mettant fin unilatéralement au processus d’exécution de la décision arbitrale du 31 janvier 2020 était-elle justifiée dans les circonstances ?
2. Si le Tribunal donne raison aux Bénéficiaires, les parties requièrent du Tribunal la détermination du matériau pour remplacer le revêtement actuel après l’examen et la correction s’il y a lieu quant à l’étanchéité des matériaux au pourtour des fenêtres.
3. Est-ce qu’il y a lieu de remplacer l’entièreté du parement « Juste du Pin » qui est déjà en place?
FARDEAU DE PREUVE
[84] Les Bénéficiaires contestant le bien-fondé de la décision de l’Administrateur, conséquemment le fardeau de preuve repose sur leurs épaules. L’article 2803 du Code civil du Québec énonce :
« Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu’un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa présentation est fondée. »
[85] Sous la plume du juge Monet, la Cour d’appel du Québec, dans l’affaire Boiler Inspection and Insurance Company of Canada c. Moody Industries Inc. (1), apportait l’enseignement suivant :
[57] La première juge a attentivement examiné les divers éléments de preuve, à la fois de nature profane et technique, pour déterminer où se situe la vérité. Cette vérité demeure relative plutôt qu’absolue, sans avoir à atteindre un niveau de certitude, puisque s’applique la norme de la prépondérance de preuve fondée sur la probabilité (art. 2804 C.c.Q.), soit celle qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence, laquelle excède la simple possibilité.
Lorsque la preuve offerte de part et d’autre est contradictoire, le juge ne doit pas s’empresser de faire succomber celui sur qui reposait la charge de la preuve mais il doit chercher d’abord à découvrir où se situe la vérité en passant au crible tous les éléments de conviction qui lui ont été fournis et c’est seulement lorsque cet examen s’avère infructueux qu’il doit décider en fonction de la charge de la preuve. »
1- LA DÉCISION DU 10 MAI 2021
[86] En résumé l’Administrateur reproche à monsieur Dominic Lachance principalement son « attitude » et ses « demandes déraisonnables ».
[87] Il faut retenir au point de départ que la proposition de l’Administrateur a toujours différée (du moins jusqu’à l’audition) de la décision arbitrale du 31 janvier 2020 relativement à l’une des recommandations de l’expert Bélanger, à savoir :
6. Remettre en place les nouvelles planches du même fabricant « Juste du Pin ».
[88] Il a existé une nette différence entre les propos monsieur Hudon et le résultat traduit dans le courriel du 6 avril 2021, de l’entrepreneur. Le Tribunal retient que l’Administrateur se fiait alors aux affirmations des entrepreneurs soumissionnaires, lesquels laissaient entendre que le produit « Juste du Pin » était disponible. Ce prétendu inventaire s’est avéré infirmé par la suite.
[89] N’oublions pas qu’en décembre 2020, la seule solution proposée par l’entrepreneur et par incidence par l’Administrateur était un revêtement en clin de bois de pin blanc distribué par Spécibois pour lequel l’expert Bélanger s’est questionné sérieusement sur ce produit dans cette portion de son rapport du 16 novembre 2021 et qui n’a pas été contesté.
« … nous ne disposons d’aucune information technique (données, études ou tests en laboratoire) se rapportant au comportement des revêtements distribués par Spécibois lorsqu’ils sont posés à l’extérieur. Il est par conséquent difficile de vérifier et de valider la durée de vie des revêtements de pin blanc ou rouge, la stabilité de ceux-ci (résistance à la torsion, à la dilatation ou à la contraction) ainsi que la décoloration du matériel causée par le rayonnement UV selon les conditions climatiques qui prévalent au Québec. De plus, nous constatons que les revêtements proposés présentent de nombreux nœuds. Les nœuds réagissent différemment lorsqu’ils sont plus ou moins exposés au soleil durant le jour. Ils pourraient également être grandement affectés par les conditions climatiques qui prévalent au Québec.
[90] Les trois premiers matériaux de remplacement suggérés initialement au Bénéficiaire sont en fait constitués d’agglomérés dont les profilés, les coloris ainsi que les ancrages ne correspondent aucunement aux caractéristiques du matériau en place.
[91] Il s’est écoulé 298 jours (après avoir retranché la période de 39 jours de fermeture des chantiers) avant que les Bénéficiaires soient tenus d’accepter le matériau proposé par l’entrepreneur. Cette période s’étale du 31 janvier 2020 au 6 avril 2021, date à laquelle l’entrepreneur confirme qu’il utilisera le produit offert par Spécibois.
[92] J’estime et ce, avec respect pour l’opinion contraire, que le délai était déraisonnable pour des travaux évalués à $ 8,000.00 dollars par l’Administrateur. La diligence n’était certes pas au rendez-vous pour celui-ci. Les Bénéficiaires n’avaient pas et n’ont pas à souffrir du manque de personnel de l’Administrateur.
[93] Il est particulier que le chargé de projet de l’Administrateur ait refusé de fournir l’étendue de la garantie du matériau retenu, alors qu’interrogé par le Tribunal, il affirme qu’il n’avait pas objection à la livrer au Bénéficiaire.
[94] Monsieur Lachance exigeait dans son courriel du 21 avril 2021 une proposition explicite et respectant la décision arbitrale et non pas une proposition plus que succincte offerte sur quelques lignes par l’entrepreneur. Cela se justifiait.
[95] Je reprends un passage du témoignage de Jean-François Hudon répliquant en bout de piste ainsi au Bénéficiaire :
« …
Vous constaterez que même votre expert ne demande pas le remplacement complet du revêtement extérieur.
En conséquence, l’administrateur ne pouvant se plier à toutes vos demandes, celui-ci vous offre de vous remettre le montant prévu pour finaliser les correctifs soit 8000$ plus taxes. Nous vous demanderons dans ce cas de signer une quittance concernant ce point de décision. Vous pourrez ainsi vous-même faire effectuer les correctifs comme bon vous semble.
Vous avez donc le choix ou bien vous laissez l’administrateur procéder à l’exécution des travaux, tels que décrits ci-avant, et ce, selon un échéancier qui sera déterminé, ou bien vous acceptez l’offre monétaire qui vous est proposée. »
(Je souligne)
[96] L’Administrateur devait-il à ce stade acquiescer à cette exigence du Bénéficiaire de reprendre le revêtement en bois dans sa totalité pour en apposer un nouveau, alors que la décision arbitrale n’en faisait pas état? Bien sûr que non, et ce en vertu de la décision du 31 janvier 2020. Mais le produit proposé n’était pas « Juste du Pin’’ ni une réplique.
[97] Il est vrai que certaines revendications du Bénéficiaire m’apparaissent nettement déraisonnables mais pour la majorité ce sont des renseignements qui peuvent être livrés à tout bénéficiaire.
[98] La requête du Bénéficiaire concernant l’obtention d’un devis n’est pas frivole en l’espèce. On doit savoir que le devis constitue un document écrit énonçant la nature et les travaux à réaliser. Il comporte notamment les spécifications techniques et une description détaillée des matériaux utilisés. En sus, il établit le prix des travaux à exécuter et il doit normalement établir la durée des travaux. Le devis se distincte des plans qui constituent la présentation graphique et technique, fait à l’échelle, d’une construction.
[99] L’Administrateur ne peut prétendre que le devis se retrouve dans la décision de l’arbitre du 31 janvier 2020. Mais il n’existe pas dans le présent dossier, sous quelque forme écrite, un texte clair encadrant spécifiquement l’entrepreneur quant aux travaux à exécuter et avec quels paramètres, ou vice versa. Encore une fois, la preuve est concluante si on lit le courriel du 6 avril 2021 de l’entrepreneur.
[100] En l’espèce, l’Administrateur devient l’entrepreneur suite à la faillite de l’Entrepreneur initial. D’abord parce qu’il est caution de dernier, il agit donc au lieu et place de ce dernier et il devient responsable en tous points du sous-traitant (entrepreneur Meunier Construction). D’autant que le Bénéficiaire n’a pas de recours contre cet entrepreneur, sous-traitant et qu’il n’existe aucun lien de droit entre ce dernier et le Bénéficiaire. L’Administrateur doit donc en pareille situation encadrer, superviser et diriger adéquatement, suffisamment et rigoureusement l’entrepreneur sous-traitant.
[101] Dans le litige sous étude, il y a lieu de souligner et de rappeler que la Garantie Abritat à titre de mandataire pour l’exécution des travaux correctifs requis, a tout comme l’entrepreneur d’origine, une obligation de résultat selon l’article 2100 du Code civil du Québec
[102] Il n’est pas dans l’esprit du Règlement de laisser s’exécuter cet entrepreneur sans s’assurer que les règles imposées par le Code civil du Québec soient respectées et appliquées d’autant que l’Administrateur est devenu le maître d’œuvre.
[103] Le Tribunal rappelle le texte du paragraphe 2 de l’article 73 du Règlement applicable (2) en l’espèce :
Sur demande du bénéficiaire, l’administrateur doit donner accès au dossier concernant son bâtiment, lequel peut comprendre entre autres des rapports d’inspection ou d’intervention, des défectuosités constatées, des correctifs apportés, des plans et devis, des expertises utilisées pour les fins du rapport de l’administrateur et autres documents de même nature.
[104] Les questionnements du Bénéficiaire peuvent-ils être qualifiés de déraisonnables? Le Tribunal répond que majoritairement ils étaient appropriés sous l’angle où il s’agissait d’une proposition distincte de celle imposée par l’arbitre.
[105] Un bénéficiaire a certes le droit d’être informé sur la qualité des matériaux et sur l’avancement des travaux selon l’échéance présentée et convenue avec l’entrepreneur. Ces informations ne doivent toutefois pas être comprises comme une ingérence dans le choix des méthodes d’exécution par l’entrepreneur au sens de l’article 2099 C.c.Q... Le Bénéficiaire conservera toujours, faut-il le rappeler, tous ses recours suite au résultat final des travaux.
[106] le Tribunal se permet de revenir sur la recommandation 2 du premier rapport de l’expert, à savoir :
« … les travaux effectués devront être supervisés par un technologue professionnel ou un architecte afin d’en vérifier la conformité. »
[107] Pour le soussigné, cette supervision exigée dans cette recommandation s’adresse à l’Administrateur. Il est possible pour le Bénéficiaire de retenir à ses frais un représentant qualifié, lequel pourra émettre des commentaires à l’architecte ou un technologue professionnel retenu par l’Administrateur, sans plus, et il ne pourra intervenir dans l’exécution de l’entrepreneur retenu par Garantie Abritat.
[108] Ainsi s’exprimait Me Michel A. Jeanniot : (3)
[19] Toutefois, le Tribunal croit que des nuances doivent être apportées quand il s’agit d’effectuer des travaux correctifs requis à la suite de la découverte d’une malfaçon, d’un vice caché ou d’un vice de construction reconnu (tant par l’Administrateur, les Bénéficiaires que l’Entrepreneur) comme c’est le cas en l’espèce. Ainsi, lorsque le Tribunal est offert de part et d’autre, est-ce que les moyens envisagés par l’Administrateur pour corriger la situation permettront d’atteindre la performance attendue dans le respect du droit, du contrat, des règles de l’art et des usages du marché?
[20] L’Administrateur et les Bénéficiaires peuvent donc avoir un certain droit de regard sur le déroulement des travaux effectués par l’Entrepreneur; ce dernier (l’Entrepreneur) conserve le libre choix des moyens d’exécution des travaux; ceci implique le choix de la main-d’œuvre et des matériaux, l’organisation des travaux, etc. Cette autonomie dans l’exécution des travaux a, d’une part, pour effet de refuser aux Bénéficiaires le droit de s’immiscer dans l’exécution des travaux et, d’autre part, de faire assumer la responsabilité de l’ouvrage à l’Entrepreneur. Rien de ceci ne proscrit l’identification par l’Administrateur (ou le tribunal d’ailleurs) des désordres et/ou sur l’étendue des possibles désordres prévisibles source et des travaux proposés.
[109] Plusieurs des demandes itérées par le Bénéficiaire et déplorées par l’Administrateur questionnaient les délais, le produit retenu, l’échéancier, la garantie du produit, bref des chainons qui encadrent ce type d’ouvrage. Bien que certaines furent ramenées à quelques reprises, cela n’avait rien d’agressif, de transgressant ou d’incongrus.
[110] Les paragraphes 2 et 4 de la lettre, du 10 mai 2021, de la Garantie Abritat se recoupent. Le Tribunal reproduit le 4ième paragraphe :
Considérant qu’un devis n’est pas nécessaire, qu’Abritat n’a pas l’obligation de fournir les documents, références, attestations, que vous demandez, en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs;
[111] Dans le présent dossier, l’Administrateur a lui-même ouvert la porte au Bénéficiaire lui permettant d’avoir son approbation quant au revêtement à installer. Des échantillons furent présentés à monsieur Lachance. Monsieur Hudon, lors de l’audience, affirme qu’il n’a aucune objection à fournir un document établissant la garantie du produit proposé. Même le procureur de Garantie Abritat a reconnu de façon transparente que le Bénéficiaire était en droit de recevoir plusieurs des informations qu’il avait revendiquées. Alors comment comprendre que monsieur Hudon ait pu chinoiser?
[112] Le Tribunal rappelle la proposition elliptique de l’entrepreneur, Meunier Construction, quant au matériau qu’il utilisera (lettre du 19 août 2020), laquelle proposition peut insécuriser tout bénéficiaire:
-Refaire le lattage
-Poser nouvelle planche
[113] Le Bénéficiaire était justifié de s’opposer à la proposition finale de monsieur Gagnon, formulée le 6 avril 2021. Le produit proposé, soit celui de Spécibois n’était pas un « équivalent », mais davantage un avoisinant.
[114] Dans les circonstances, la décision de l’Administrateur est disproportionnée tenant compte de la preuve soumise. Il m’apparait qu’il a délaissé la rigueur dans ce dossier sous prétexte du manque de personnel et de l’accumulation de dossiers à traiter. Certes, cela est crédible mais ces carences ne doivent pas être faites au détriment des Bénéficiaires.
[115] Il est reconnu par la jurisprudence que les décisions de l’administrateur constituent des actes de nature quasi judiciaires qui déclenchent l’obligation de statuer selon un processus quasi judiciaire. Dans l’affaire Riodel Inc. c. Garantie Abritat (4), notre collègue Me Jean Philippe Ewart écrit :
[72] En sommaire, l’Administrateur dans le cadre de décisions qui touchent les droits, privilèges ou biens d’une personne et tenant compte de l’importance de la décision pour les personnes visées, se doit d’agir dans un cadre quasi judiciaire et de respecter les règles de justice naturelle, d’obligation d’équité procédurale, qui regroupent la règle audi alteram partem, soit le droit d’être entendu, dans un cadre de procédure quasi judiciaire, et la nécessité d’assurer que la décision comprenne les éléments qui supportent, ou précisent si requis, le fondement de la position adoptée par le décideur.
[116] Les reproches formulés à l’endroit de monsieur Lachance ne pouvaient déboucher sur le refus de poursuivre l’exécution de la décision arbitrale même si ce dernier éperonnait fort certaines revendications et ne semblait pas comprendre un texte clair livré par monsieur Hudon traitant de la procédure d’exécution d’une décision. Qui plus est, en l’espèce, l’Administrateur a certes négligé et/ou omis d’appliquer le paragraphe précédent, rendant ainsi sa décision inopérante.
2- DÉTERMINATION DU MATÉRIAU À POSER
[117] L’arbitre dans le cadre de ses pouvoirs peut ordonner que les recommandations formulées par un expert soient empruntées et respectées. La décision de Me Jean Philippe Ewart, dans le dossier SDC Place Marien 4 c. Développement Allogio Inc. et la Garantie Abritat Inc. (5) confirme cette prérogative :
« [89] Le Tribunal a compétence pour conclure à travaux correctifs, incluant ordonner l’obligation dans le cadre des travaux correctifs de vérifier les conclusions du Rapport Boucher (et celles de la propre plume de l’Administrateur au Devis correctif PM6/90) tel que confirmé entre autre par la Cour supérieure dans Sotramont où, sous la plume du juge Dufresne, J. (maintenant de notre Cour d’appel) :
[91] …L’arbitre a-t-il, toutefois, excéder sa compétence en imposant à l’entrepreneur de vérifier certaines composantes de la structure avant de procéder au relèvement du plancher de bois franc? Le Tribunal ne le croit pas.
[92] Après avoir constaté, à la lumière de la preuve entendue, dont la preuve d’expert présentée par les parties, l’existence et la nature du vice, l’Arbitre agit à l’intérieur de sa compétence lorsqu’il fixe les conditions des corrections ou de réfection du plancher. En ce faisant l’Arbitre accomplit son mandat à l’intérieur de la compétence que lui accorde la loi. (6)
(Soulignés de l’arbitre)
[118] En 2011, notre Cour d’appel confirme à nouveau en 2011 ce principe dans l’affaire Rae (7) alors que l’arbitre Me Despatis souscrit aux propos de Me Morissette sous l’affaire Ménard (8) et ajoute :
(116) .. L’administrateur a l’autorité, … de statuer sur les travaux que doit faire l’entrepreneur assujetti au Plan.
(117) Cet énoncé, avec égards, ne contredit pas celui de l’argument de l’administrateur voulant que l’entrepreneur ait le libre choix des méthodes correctives, […] En cela le choix des travaux et méthodes d’exécution, renvoie à des réalités distinctes, la première désignant l’objet à faire et la seconde la façon d’y arriver.
(118) De nier en l’espèce à l’administrateur cette faculté … à ordonner tels ou tels travaux correctifs. Ce serait là une interprétation absurde de la législation et contraire à l’esprit du plan.
(119) Il est de commune renommée qu’une sentence arbitrale à l’instar de tout jugement doit être exécutable … Cela signifie que si l’administrateur peut suivant le plan indiquer les travaux à faire, l’arbitre susceptible de réviser la décision de l’administrateur peut donc également le faire lorsque l’administrateur ne l’a pas fait en conformité du Plan. (9)
(Soulignés de l’arbitre)
[119] La preuve a révélé que le revêtement « Juste du Pin » déjà en place actuellement sur le bâtiment n’est pas disponible dans son intégrité. Toutefois, Jean-François Hudon et Michel Hamel attestent et assurent que « Juste du Pin » peut livrer un parement offrant le même profilé, le même motif et la même texture laissant ainsi libre choix à la coloration de la teinture.
[120] Monsieur Hudon, je le souligne, a fait état de deux cas presqu’identiques, où « Juste du Pin » était le produit en cause et où le choix d’une teinture appropriée s’est avéré à la hauteur des attentes des syndicats en cause.
[121] L’expert Bélanger a discuté uniquement du produit de Spécibois contre-indiquant son utilisation pour différentes raisons. Faut-il se souvenir qu’il a informé le Tribunal qu’il n’y avait pas actuellement de revêtement équivalent à « Juste du Pin » à l’époque et de sa seconde expertise écrite et lors de son témoignage. Monsieur Bélanger a quitté après son témoignage sans avoir pu entendre les deux témoins de l’Administrateur, à savoir messieurs Jean-François Hudon et Michel Hamel.
[122] Cette avenue préconisée par l’Administrateur rencontre-t-elle le degré de complétion et d’achèvement approprié et adéquat? Le Tribunal y répond positivement.
[123] L’auteur, Me Vincent Karim enseigne (10) :
1242. Il nous semble que sur le plan juridique, l’obligation de l’entrepreneur quant à la qualité de l’ouvrage et sa conformité aux règlements, ne peut être transformée en obligation de moyens. La seule dérogation offerte au cocontractant est d’exclure la garantie légale pour les malfaçons après la réception de l’ouvrage, soit pour la durée prévue à l’article 2120 C.c.Q. L’obligation de l’entrepreneur ou des intervenants quant à la qualité de l’ouvrage et sa conformité aux règles de l’art ne peut être qu’une obligation de résultat […]
(…)
1251. L’article 2120 C.c.Q. établit donc une garantie légale qui oblige l’intervenant en construction à un résultat précis et déterminé […]
(Je souligne)
[124] Madame Thérèse Rousseau-Houle, autrefois juge à la Cour d’appel, écrivait dans son ouvrage, Les contrats de construction en droit public et privé (11) :
Certaines normes présentent la nature juridique d’un règlement administratif. Tel est le Code national du bâtiment lorsqu’il est adopté comme règlement … Le défaut de s’y conformer constitue automatiquement l’entrepreneur en faute …
Si les règles de l’art sont celles qui assurent la perfection de l’ouvrage, elles visent aussi à assurer au propriétaire une exécution complète et totale de l’ouvrage.
[125] Notre Cour d’appel dans l’arrêt P. Talbot Inc. c. Entreprises Mirgil Inc. (12) en traite dans ces termes :
(54) L’entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d’agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l’ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d’agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s’assurer, le cas échéant que l’ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.
[126] La perfection absolue étant irréalisable c’est alors que la règle de l’art doit être appliquée et évaluée.
[127] Le Bénéficiaire soumet qu’il ne faut pas corriger une malfaçon par une malfaçon. Il faudrait définir dans un premier temps la malfaçon.
[128] Dans l’affaire Jean-Louis Robitaille c. 97944357 Canada et al (13) l’arbitre apporte la définition suivante de la malfaçon :
Une malfaçon est un défaut dans un ouvrage qui porte atteinte à la qualité du bâtiment; un manquement aux normes qui assurent que les ouvrages de construction seront faits avec soin; un manquement aux règles qui régissent un métier et qui assurent la perfection de l’ouvrage, et dont l’inobservance conduit à un manquement à une obligation essentielle de livrer un ouvrage de bonne qualité.
(Je souligne)
[129] L’arbitre Albert Zoltowski écrit dans l’affaire Sotramont Bois-Franc Inc. c Mai Linh Duong et Simon Azoulay et GCR (14) :
90. Ce Tribunal retient comme définition de malfaçon ce que le Juge Tôth écrit au paragraphe 85 de sa décision : une non-conformité au contrat, aux plans ou aux devis ou une non-conformité aux règles de l’art ou aux normes de la construction.
[130] La malfaçon peut se définir également comme l’absence d’une qualité dont l’entrepreneur avait promis l’existence, tels les matériaux mentionnés dans le descriptif de construction sont des qualités attendues, celles qui n’ont pas été promises par l’entrepreneur mais sur lesquelles le bénéficiaire pouvait compter selon les règles de la bonne foi, compte tenu que l’entrepreneur doit s’exécuter avec un produit neuf tout en respectant notamment les règles de l’art.
[131] Comment ne pas faire état de la définition livrées par les auteurs Mes Olivier F. Kott et Claudine Roy dans leur ouvre La Construction au Québec et perspective juridiques (15) :
Comme son nom l’indique, une « malfaçon » est un travail mal fait ou mal exécuté. Or, un travail donné est considéré « bien » ou « mal » fait selon les normes qui lui sont applicables. Deux types de normes sont couramment employés pour établir l’existence d’une malfaçon. Premièrement, ce sont les conditions contractuelles fixées, que celles-ci soient écrites ou verbales, entre les parties. Deuxièmement, en l’absence de conditions précises expressément arrêtées, recours est fait aux « règles de l’art » qui sont suivies par chaque corps de métier ou secteur pertinent. Les règles de l’art sont considérées comme intégrées par renvoi dans le contrat. Signalons aussi que le travail non fait, ou incomplet, constitue également, de manière implicite, une malfaçon car il est tout autant contraire aux règles de l’art et non conforme aux stipulations contractuelles.
[132] L’utilisation du produit « Juste du Pin », le matériau utilisé lors de la construction du bâtiment, i.e. avec le même profilé, le même motif et la même texture en y ajoutant une teinture de qualité qui permettra un agencement en communion avec la teinture en place, créera-t-il une malfaçon? Je dois répondre par la négative.
[133] D’abord, il correspond en très grande partie à la recommandation de l’expert Bélanger.
[134] Dans un deuxième temps, il n’existe pas d’autres produits aux dires du même expert.
[135] Dans un troisième temps, on ne peut être plus près d’un résultat recherché qu’un utilisant le matériau de « Juste du Pin ». Au surplus, pour prétendre qu’il y aura malfaçon il faudra voir le résultat final des travaux à entreprendre.
[136] Il faut se rappeler du témoignage de Dominic Lachance affirmant qu’il a appliqué 3 teintures pour les 3 colorations du matériau et que les teintures utilisées procuraient le même résultat que les colorations d’origine. Dès lors, il semble, ou même, il est pratiquement certain que l’utilisation des mêmes teintures apporterait un achèvement idoine et concordant.
[137] Le courriel du 6 mai 2021 adressé à Jean-François Hudon par monsieur Lachance fait état de sa position quant au nouveau revêtement :
Vous trouverez plus bas un extrait de la brochure du bois présentement en place sur ma résidence. J’imagine que vous comprenez bien que le revêtement a été choisi en fonction de tous ces caractéristiques, il est donc de votre ressort de trouver un équivalent qui est au minimum de qualité égale et non moindre à celui-ci. Vous avez déjà disposé d’une année de sursis à cet égard et je me répète, aucun équivalent ne m’a toujours été présenter. De ce fait, les recommandations de replacer l’ensemble de l’œuvre, ce trouve forcer d’admettre être une étape qui doit être mise en place.
(Sic)
(Je souligne)
[138] Le Tribunal est convaincu que la proposition de l’Administrateur quant au matériau « Juste du Pin » qui est en inventaire, utilisé avec une teinture adéquate, concordante et de qualité doit être retenue en remplacement des planches à retirer au pourtour des fenêtres à investiguer. Encore faudra-t-il que le résultat soit celui qui est promis par l’Administrateur.
[139] Il est essentiel de retenir et d’appliquer les propos de Me Johanne Despatis, dans Michael Nuter et Lisa Rae c. Constructions Réal Landry et Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ. (15)
[…] l’article 2099 du Code civil du Québec reconnaît […] à l’entrepreneur le libre choix des moyens d’exécution de son contrat […]
Ce droit comporte en corollaire un certain nombre d’obligations dont, à l’article 2100 du Code civil du Québec, celle pour l’entrepreneur d’agir, au mieux des intérêts de son client, avec diligence et aussi, cette familière ici, de se conformer aux usages et règles de leur art.
Cette liberté, cette latitude, tiennent à la reconnaissance par le législateur de l’expertise de certains dans le domaine de la construction. Pratiquement, cette reconnaissance a comme contrepartie chez l’entrepreneur une obligation dite de résultat à l’égard de son client, i.e. l’obligation de livrer une chose normalement attendue et qui soit conforme.
(Je souligne)
3- NECESSITÉ DE REMPLACER L’ENTIÈRETÉ DU PAREMENT
[140] La dernière question qui nécessite une décision du Tribunal peut se traduire ainsi : Est-ce qu’il y a nécessité de remplacer l’entièreté du parement « Juste du Pin » déjà en place ? Je dois répondre par la négative.
[141] Il faut réitérer le fait que le bénéficiaire a déjà fait l’application d’une teinture identique à la coloration déjà en place et qu’une telle teinture donnera assurément un résultat adéquat sur les planches à remplacer. De là, la non-nécessité de reprendre tout le parement en bois.
[142] L’utilisation des clous galvanisés et colorés sur la dernière planche à poser ne cause surement pas un préjudice esthétique en l’espèce.
[143] Le désistement par le bénéficiaire quant au point de la décoloration du revêtement extérieur n’est pas sans conséquence en l’espèce.
[144] Ce point faisait l’objet de la même dénonciation qui traitait des infiltrations d’eau et qui amena le Tribunal à retenir les conclusions du rapport Bélanger. Toutefois, l’expert Bélanger n’a pas cru bon alors d’exiger le remplacement de l’entièreté du parement « Juste du Pin » et ce, avec raison. Ledit produit, avait-on présumé, était encore disponible lors de l’audition. L’Administrateur a déclaré que ce même produit (sans teinture appliquée) existe. L’application d’une teinture adéquate et conforme jumelé au produit ‘’Juste du Pin’’ présentant le même profilé, la même texture et la même composition m’amène à conclure que le remplacement se fera uniquement pour le retrait des planches au pourtour des fenêtres.
[145] Le Tribunal reprendra certaines conclusions du jugement du 31 janvier 2020 dans le présent jugement afin de dresser un encadrement complet des travaux à exécuter. Le Tribunal retient la rectification de l’expert Bélanger et y souscrit à l’effet que les explorations devront être faites au pourtour des fenêtres.
[146] Je retiens également les propos de monsieur Jean-François Hudon lorsqu’il écrit le 4 avril 2021 que « les travaux sont mineurs » et ce, dans la détermination du délai d’exécution. Cela est également corroboré par l’offre de $8,000.00 dollars faite au Bénéficiaire.
[147] Toutefois il y a lieu de faire droit à la demande des Bénéficiaires quant à renverser la décision de l’administrateur datée du 10 mai 2021.
LES FRAIS D’EXPERTS
[148] Les Bénéficiaires réclament les frais d’expertises de monsieur Pierre Bélanger, relativement à ses services professionnels pour la somme de
$ 1,923.32 dollars (facture 21-12-081 et 21-1026-3), incluant les taxes.
[149] L’article 124 du Règlement stipule que l’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur doit rembourser au bénéficiaire lorsque ce dernier a gain de cause en totalité ou en partie.
[150] Les Bénéficiaires, en l’espèce, avaient le fardeau de preuve. La nécessité de retenir les services d’un expert se voulait évidemment essentielle puisque l’Administrateur voulait utiliser initialement un autre produit que « Juste du Pin ».
Le Tribunal retient également que la preuve que ce produit existe encore, mais sans coloration, fut présentée uniquement lors de la preuve par témoignages de l’Administrateur.
[151] Il y a donc lieu de faire droit à la demande des bénéficiaires et d’ordonner remboursement desdits frais et/ou honoraires par l’administrateur, d’autant que le procureur de l’administrateur a acquiescé à cette demande.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE la demande d’arbitrage formulée par les Bénéficiaires quant à la décision du 10 mai 2021;
ANNULE la décision de l’Administrateur datée du 10 mai 2021;
ORDONNE à l’Administrateur de corriger le vice de construction rattaché aux fenêtres ayant fait l’objet des expertises de Pierre Bélanger;
ORDONNE une vérification et un examen complet des autres fenêtres de l’immeuble en cause étant entendu que si la construction et l’installation d’une ou plusieurs d’entre elles sont similaires à celles ayant fait l’objet des deux rapports du conciliateur, l’Administrateur devra intervenir conformément à la présente décision arbitrale et corriger le vice de construction pour l’entièreté des fenêtres, s’il y a lieu;
ORDONNE l’application stricte des procédures suivantes par l’Administrateur;
ORDONNE à l’Administrateur d’incorporer les procédures à suivre (1 à 9) au contrat à intervenir avec le futur entrepreneur;
ORDONNE à l’Administrateur de s’exécuter d’ici le 30 juin 2022 au plus
tard :
ORDONNE à l’Administrateur de payer aux Bénéficiaires la somme de $ 1,983.32 dollars dans les 30 jours de la présente décision, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec au terme de ce 30 jours;
RÉSERVE à la Garantie Abritat Inc. (l’Administrateur) ses droits à être indemnisée par l’Entrepreneur et/ou sa caution, pour toute somme versée incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par. 19 de l’annexe du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.
LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage à la charge de la Garantie Abritat Inc. (l’Administrateur) conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.
LAVAL, CE 3 FÉVRIER 2022
Yves Fournier
_____________________________
YVES FOURNIER, Arbitre
_______________________
1. Dumais c. Farrugia (1985) R.D.J. 223 (C.A.) p. 228
2. L.R.Q. c. B-1.1, a
3. Gestion Titanium Inc. c. Tremblay et Hotte et Garantie Construction Résidentielle, CCAC : S18-102901-NP, 7 janvier 2019
4. Riodel Inc. c. La Garantie Abritat, 2014 CANLII 150086 (OAGBRN)
5. SORECONI 132604001, 22 mai 2015
6. La Garantie Habitation du Québec Inc. et Sotramont Québec Inc. c. Gilles
Lebire et SORECONI et Lise Piquette et Claude Leguy et Maurice Garzon
Cour supérieure, 12 juillet 202, 540-05-006049-013
7. Construction Réal Landry Inc. c. Rae, 2011 QCCA 1851
8. Ménard c. Les Entreprises Christian Dionne et Fils Inc. et La Garantie des maisons
neuves de L’APCHQ Inc., SA, 3 juillet 2006, Jean Morissette, Arbitre
9. Rae et Nutter et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ c. Construction
Réal Landru Inc., Me Johanne Despatis, arbitre, 10 juin 2008; GAMM 2007-09-013.
10. Contrats d’entreprise (Ouvrages mobiliers et immobiliers : construction et rénovation), Wilson & Lafleur, para 1242, p. 524 et ss.
11. Coéditions Wilson & Lafleur, 1982, SOREJ, Montréal, p. 236
12. SOQUIJ, AZ-50225280 (C.A.), 2004-03-11
13. CCAC : S05-000401-NP, para 54, 55, Me Robert Masson, arbitre
14. SORECONI ; 182401001, 30 août 2019
15. Me Olivier F. Kott et Me Claudine Roy, La Construction au Québec : perspectives juridiques, Montréal, Wilson & Lafleur, p. 434