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ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie

des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI)

 

 

 


ENTRE               SYNDICAT DE COPROPRIÉTÉ DU 3546-3552 RUE ÉDITH À LAVAL

(ci-après « le Bénéficiaire »)

 

ET                       HABITATION DANIEL MELANÇON INC          

(ci-après « l’Entrepreneur »)

 

ET :                     LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC (Qualité-Habitation)

(ci-après « l’Administrateur »)

 

No dossier Garantie:          QH -13827-1

No dossier SORECONI :   080826001

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

Arbitre :                                    Guy Pelletier

Pour le Bénéficiaire :                 Madame Linda Riopel

Pour l’Entrepreneur :                  Monsieur Daniel Melançon

Pour l’Administrateur :               Me Avelino De Andrade

Date de la décision:                   le 29 décembre 2008

 

Mandat :

L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI  le 2 octobre 2008.

 

Historique et pièces :

 

15 novembre 2003 :       Réception des parties communes du bâtiment

22 mars 2004 :              Dénonciation adressée à l’Entrepreneur et à l’Administrateur par le Bénéficiaire

23 mars 2004 :              Dénonciation adressée à l’Entrepreneur à l’Administrateur par Me Alain Klotz

15 novembre 2004 :       Réclamation du Bénéficiaire adressée à l’Administrateur

27 avril 2005 :                Décision de l’Administrateur

23 février 2006:              Lettre de dénonciation  à l’Entrepreneur et à l’Administrateur

4 août 2006 :                 Lettre de dénonciation  à l’Entrepreneur et à l’Administrateur

28 avril 2008 :                Réclamation adressée à l’Entrepreneur et à l’Administrateur

4 août 2008 :                 Décision de l’Administrateur

26 août 2008;                Demande d’arbitrage

 

 Introduction :

 

[1]            Le 22 mars 2004, le Bénéficiaire dénonce à l’Entrepreneur plusieurs problèmes, dont un concernant la perte de bardeaux sur la toiture.

[2]            Suite à une réclamation, une décision favorable au Bénéficiaire est rendue sur ce dernier point le 27 avril 2005, par l’Administrateur.

[3]            En février 2006, constatant que des bardeaux sont de nouveau manquants sur la toiture, le Bénéficiaire demande à l’Entrepreneur de faire les réparations requises.

[4]            En août 2006, l’Entrepreneur informe le Bénéficiaire qu’il n’est pas responsable de cette situation. L’Administrateur pour sa part, avise le Bénéficiaire d’adresser sa réclamation à ses assurances.

[5]            En avril 2008, le Bénéficiaire fait une autre réclamation à l’Administrateur.

[6]            Le 4 août 2008, l’Administrateur rejette la réclamation du Bénéficiaire. Sa décision concernant la toiture se lit ainsi :

  (extrait de la décision)

[7]            Insatisfait de la décision, le Bénéficiaire demande l’arbitrage le 26 août 2008.

 

L’audition :

 

[8]            Le témoignage de madame Linda Riopel est à l’effet que, depuis 2004, le problème de la toiture est toujours présent. À l’automne 2004, l’Entrepreneur a fait réparer le toit pas son sous-traitant Couvre-toit Laval. Il est revenu par la suite pour faire d’autres réparations sauf dernièrement en 2008.

[9]            Elle rappelle que l’Administrateur a accueilli la réclamation du Bénéficiaire en 2005, puisqu’il considérait alors qu’il y avait malfaçon.

[10]        Madame Riopel dépose les réponses qu’elle a reçues de l’Entrepreneur et de l’Administrateur suite aux dénonciations qu’elle a faites en février et juillet 2006.

[11]        L’Entrepreneur l’informe «qu’il n’est pas responsable des dommages causés par des conditions climatiques hors de l’ordinaire puisqu’il y avait des vents de plus de 100km à l’heure. » L’Administrateur, pour sa part rappelle dans sa lettre, que « les revêtements sont conçus pour résister aux vents d’une certaine vitesse. Toutefois, ceux que nous avons connus le 17 février dernier dépassaient les capacités de résistance aux vents des bardeaux standards de l’industrie. »

[12]        Contre-interrogée par Me De Andrade, madame Riopel confirme que l’Entrepreneur a remplacé les bardeaux manquants et que, pour cette raison, elle n’a pas contacté ses assurances. Elle confirme de plus qu’il y a eu des infiltrations d’eau.

[13]        Monsieur Daniel Melançon témoigne qu’il a toujours répondu à la demande du Bénéficiaire, au moins trois fois, sauf en 2008. Il précise aussi qu’il a demandé au manufacturier des revêtements de toiture EMCO de venir inspecter le toit. Il dit qu’il n’a jamais reçu le rapport de la compagnie EMCO malgré plusieurs appels. Son témoin, monsieur Sylvain Poirier, le couvreur qui a fait les travaux, confirme lui aussi qu’il n’a jamais reçu le rapport d’inspection du manufacturier.

[14]        Monsieur Poirier dit que ce sont les dents, soit la partie inférieure du bardeau, qui se brisent par grands vents. Selon lui, cette situation est moins problématique car la toiture est encore protégée par la partie qui est demeurée en place.

[15]        Monsieur Poirier signale que la bâtiment est très exposé car il est le premier à affronter les vents qui viennent du corridor dénudé créé par l’emprise de la ligne d’Hydro-Québec. Il rappelle qu’il existe des bardeaux spécialement conçus pour les grands vents, mais dans ce cas-ci, il a installé un bardeau de type « standard ».

[16]        Contre-interrogé par Me De Andrade, monsieur Poirier dit que les bardeaux sont bien cloués et que les travaux ont été réalisés selon les règles de l’art. Il ajoute, pour expliquer le problème que «des fois on est à la mauvaise place. »

[17]        Monsieur Normand Pitre, conciliateur de l’Administrateur, est invité par Me De Andrade à expliquer sa décision. Il dit que l’Administrateur avait reconnu en 2004 qu’il y avait malfaçon, mais que, quatre ans plus tard en 2008, il devait statuer dans le cadre d’un vice de construction. Selon lui, de façon générale, la toiture qui n’est pas neuve, «est correcte ». Il ajoute qu’il y a quelques dents de brisées, mais il ne s’agit certainement pas d’un vice de construction grave.

[18]        Madame Riopel argumente que ce n’est pas normal de perdre des bardeaux continuellement pendant 5 ans.

[19]        L’Entrepreneur dit que la toiture a été faite selon les règles de l’art et qu’il est venu la réparer à chaque fois. Il ne peut toutefois pas expliquer pourquoi il a cessé de le faire en 2008.

[20]        Me De Andrade argumente que les dommages ont été causés par des vents exceptionnellement violents en  2006 et la situation géographique du bâtiment. Il conclut que la garantie pourrait s’appliquer s’il s’agissait d’un vice de construction, mais ce n’est pas le cas puisque le bâtiment n’est pas en péril.

 

Analyse :

 

[21]              Dans le présent cas, l’arbitre a entendu plusieurs arguments à l’effet que les travaux avaient été réalisés selon le règles de l’art, que les dommages ont été causés par des conditions climatiques inhabituelles et que la position défavorable du bâtiment dans le corridor de vent le rendait plus vulnérable.

[22]              Par contre, en avril 2005, l’Administrateur a accueilli la réclamation du Bénéficiaire car il considérait être en présence d’une malfaçon. L’arbitre doit donc déterminer si le problème de toiture qui persiste depuis ce temps est la conséquence d’une réparation inadéquate en 2005 et auquel cas, si la réclamation d’avril 2008 n’est que la répétition de la précédente.

[23]              Il convient de rappeler le droit applicable dans le cas où le Bénéficiaire fait une dénonciation par écrit à l’Administrateur dans la première année de garantie.

27.   La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:

  …

  3°    la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

(les soulignements sont de l’arbitre)

 

[24]        Le Bénéficiaire a dénoncé les problèmes de toiture dans la première année de garantie conformément à l’article 27 du règlement. En conséquence, l’Entrepreneur a l’obligation de corriger les malfaçons qui, par ailleurs, ont été reconnues par l’Administrateur en 2005.

[25]        L’Entrepreneur est revenu sur place à au moins trois reprises, pour réparer le toit en remplaçant et en recollant les bardeaux manquants, suite aux demandes répétées du Bénéficiaire.

[26]        Le manufacturier EMCO qui a fait l’inspection de la toiture n’a jamais transmis son rapport à l’Entrepreneur malgré plusieurs rappels en ce sens. La non divulgation des résultats laisse l’arbitre perplexe.

[27]        L’argument avancé par l’Entrepreneur et l’Administrateur voulant que les dommages à la toiture soient la conséquence de vents violents et exceptionnels survenus le 17 février 2006 n’explique pas qu’il ait fallu réparer la toiture à au moins trois reprises. L’exposition du bâtiment aux grands vents à proximité d’une servitude d’Hydro-Québec n’atténue pas les obligations de résultat de l’entrepreneur qui doit réaliser des travaux exempts de malfaçons.

[28]        L’arbitre doit donc se demander si les réparations effectuées entre 2005 et 2008, soit le remplacement des bardeaux manquants, ont été appropriées et si l’Entrepreneur a rempli ses obligations dictées par l’article 27 du règlement.

[29]        La réponse à cette question apparaît à l’article 116 du Règlement rédigé ainsi :

« 116. Un arbitre statut conformément aux règles de droit, il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient. »

 

[30]        L’article 116 autorise l'arbitre à interpréter les textes en faveur du Bénéficiaire en cas de doute sur la qualité des réparations effectuées par l’Entrepreneur, à reconnaître que le problème dénoncé en 2008 est le même que celui qui avait fait l’objet d’une décision favorable de l’Administrateur en 2005.

[31]        L’Administrateur a invoqué le délai tardif du Bénéficiaire pour dénoncer la situation et a ainsi rejeté la réclamation. Avec respect pour l’opinion contraire, le Tribunal se doit de conclure que l’Entrepreneur n’a pas rempli son obligation de réparer les malfaçons dénoncées en 2004 et que, malgré le temps écoulé, le règlement ne met pas fin à cette obligation.

DÉCISION :

[32]        L’arbitre doit statuer « conformément aux règles de droit;  il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.»

[33]         À titre d’arbitre désigné, le soussigné est autorisé par la Régie du bâtiment du Québec à trancher tout différend découlant des plans de garantie.  La décision doit prendre appui sur le texte du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

[34]        Suivant mon appréciation des faits, de la preuve versée au dossier et présentée à  l’audition et du droit applicable, je suis d’avis que le problème dénoncé par le Bénéficiaire est couvert par la garantie conformément aux exigences du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

[35]        En vertu de l’article 123 de ce règlement et vu que le Bénéficiaire a obtenu gain de cause, les frais d’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur;

POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ANNULE la décision du 4 août 2008 de l’Administrateur concernant ce point;

CONDAMNE l’Administrateur à payer les frais d’arbitrage.

 

Guy Pelletier

Guy Pelletier

Architecte et arbitre

Laval, ce 29 décembre 2008