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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)
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ENTRE : |
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Syndicat de copropriété Les Jardins Saint-Hippolyte |
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(ci-après le « bénéficiaire »)
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ET : |
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9129-2516 Québec inc. |
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(ci-après l'« entrepreneur »)
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ET : |
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La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. |
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(ci-après l'« administrateur »)
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No dossier APCHQ : 74352-3 No dossier GAMM : 2009-09-018
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SENTENCE ARBITRALE
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Arbitre : |
M. Claude Dupuis, ing. |
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Pour le bénéficiaire : |
M. Michel Bruyère |
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Pour l'entrepreneur : |
M. Ernest Marcil |
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Pour l'administrateur : |
Me François Laplante |
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Date d’audience : |
16 novembre 2010 |
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Lieu d’audience : |
Salaberry-de-Valleyfield |
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Date de la sentence : |
10 décembre 2010 |
[1] Il s’agit ici d’un bâtiment détenu en copropriété divise, comprenant 15 unités d’habitation.
[2] La date de réception des parties communes a été fixée au 27 février 2007 par l’arbitre Me Johanne Despatis[1].
[3] À la suite d’une réclamation du syndicat auprès de la garantie, l’administrateur, en date du 26 novembre 2009, émettait un rapport de décision.
[4] Insatisfait de cette décision, le syndicat, en date du 21 décembre 2009, soumettait au GAMM une demande d’arbitrage relativement aux éléments suivants du rapport de l’administrateur :
− Soulèvement des bardeaux par le vent
− Joints de calfeutrant pour toutes les ouvertures extérieures sont séchés et craqués
− Présence de buée dans le thermos d’une fenêtre
[5] Toutefois, à compter de la demande d’arbitrage (décembre 2009) et jusqu’en mai 2010, il y eut rencontres et discussions entre les parties, en plus de l’émission de rapports d’experts, de sorte que le 1er juin 2010, l’administrateur a émis un second rapport de décision donnant gain de cause au syndicat sur l’élément de toiture ou soulèvement des bardeaux.
[6] Cependant, l’administrateur refuse de rembourser au syndicat une facture au montant de 1 736,78 $ émanant d’Inspec-Sol, firme retenue par le syndicat pour contribuer à solutionner l’élément relatif à la toiture.
[7] Le présent dossier traitera donc dorénavant des éléments suivants :
− Frais d’expertise
− Joints de calfeutrant pour toutes les ouvertures extérieures sont séchés et craqués
− Présence de buée dans le thermos d’une fenêtre
[8] Après avoir été dûment convoqué, l’entrepreneur ne s’est point présenté à l’audience.
[9] En cours d’enquête, les personnes suivantes ont témoigné :
− M. Marc Morin, copropriétaire
− M. Richard Berthiaume, inspecteur-conciliateur
[10] Rappelons les faits, par ordre chronologique :
− À l’hiver 2009, le syndicat a mandaté un sous-traitant afin de réparer des bardeaux soulevés par le vent sur le toit; la facture du sous-traitant s’élève à 897,35 $.
− En juin 2009, le syndicat adresse une réclamation à l’administrateur relativement au toit ainsi qu’à d’autres éléments.
− Le 26 novembre 2009, l’administrateur, dans son rapport de décision, ordonne à l’entrepreneur de rembourser la facture du sous-traitant pour la réparation des bardeaux; toutefois, l’administrateur, à la suite de son inspection, n’a pas jugé bon de pousser plus à fond l’examen de l’état de la toiture.
− Le 22 décembre 2009, le syndicat, insatisfait, soumet au GAMM une demande d’arbitrage, laquelle concerne la toiture ainsi que deux autres éléments.
− Le 23 mars 2010, à la demande du syndicat, Inspec-Sol soumet un rapport d’expertise à la toiture en bardeau; les honoraires de cette firme sont de 1 736,78 $.
− À la suite du rapport d’Inspec-Sol, l’administrateur procède à une contre-expertise pour la toiture; le rapport de la firme Toitech est daté du 22 mai 2010.
− Le 1er juin 2010, l’administrateur émet un second rapport de décision par lequel il accueille la demande de réclamation du syndicat et par lequel il ordonne à l’entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs requis sur la toiture; toutefois, l’administrateur refuse de rembourser au syndicat le montant de la facture d’Inspec-Sol.
[11] Selon le syndicat, le rapport d’Inspec-Sol a confirmé qu’il y avait un problème sur la toiture, tant et si bien que l’administrateur a demandé une contre-expertise.
[12] Le syndicat trouve sa demande de remboursement raisonnable et pertinente, car le rapport d’Inspec-Sol a permis de mener à terme ce dossier.
[13] De son côté, l’administrateur prétend que la dénonciation originale du syndicat portait sur le remboursement des travaux d’urgence et aussi sur son inquiétude quant au comportement futur de la toiture.
[14] M. Berthiaume témoigne que lors de son inspection, il n’a pas noté d’infiltration d’eau et que de sa position au sol, il n’a pas remarqué de soulèvement de bardeaux.
[15] L’inspecteur-conciliateur affirme que l’expertise d’Inspec-Sol, firme retenue par le syndicat, avait démontré des problèmes d’installation, d’adhérence et un risque de soulèvement, tandis que l’expertise de Toitech, firme retenue par l’administrateur, avait soulevé des problèmes majeurs nécessitant un remplacement; d’où la deuxième décision du 1er juin 2010.
[16] Selon le témoin, le rapport d’Inspec-Sol constitue une deuxième plainte provenant du syndicat, et dans le cas d’un rapport d’expert accompagnant une plainte, l’administrateur ne rembourse pas nécessairement les frais de cet expert.
[17] Le procureur de l’administrateur estime que la décision de M. Berthiaume répond à la dénonciation originale, soit un dédommagement; le syndicat, non satisfait, procède à une demande d’arbitrage.
[18] En mars 2010, survient l’expertise d’Inspec-Sol, indiquant un problème plus grave; alors, l’administrateur le traite comme une nouvelle plainte et procède à une contre-expertise.
[19] Selon le procureur, l’action ne se situe pas dans le cadre d’un arbitrage, mais plutôt dans le cadre d’une deuxième plainte.
[20] Le procureur soutient que les articles 27 et 34 du plan de garantie ne peuvent s’appliquer dans ce dossier; seul l’article 38 pourrait s’appliquer, mais seulement dans le cas où le litige serait tranché par l’arbitre.
[21] Afin que cette réclamation monétaire soit accordée, il faut qu’il y ait arbitrage et que l’expert soit entendu.
[22] Le procureur admet que le rapport d’Inspec-Sol a fait bouger les choses; cependant, il s’agissait d’une deuxième plainte.
[23] En accord avec le procureur de l’administrateur, le soussigné est d’avis que le seul article du plan de garantie qui peut être retenu afin de répondre à la demande de remboursement du syndicat est l’article 38 :
38. L'arbitre doit statuer, s'il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d'expertises pertinentes que l'administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.
[24] L’administrateur prétend que le rapport d’Inspec-Sol a donné naissance à une deuxième plainte de la part du syndicat; en effet, ce rapport accompagnait la deuxième plainte et ne constituait pas un appui à la demande d’arbitrage déjà en cours.
[25] Avec respect pour l’opinion contraire, la preuve m’a plutôt démontré que ce rapport d’Inspec-Sol se situait dans la continuité de la dénonciation originale du syndicat.
[26] Cette dernière, datée du 29 mai 2009, a donné naissance au premier rapport de décision de l’administrateur; voici un extrait de cette dénonciation :
Le troisième problème se situe au niveau de la couverture de la bâtisse entière. Au cours de l’hiver 2009, le vent a soulevé plusieurs bardeaux de goudron provoquant ainsi des espaces sans protection de la pluie. Ce problème risque de créer des dégats [sic] à court et long terme.
En tant qu’administrateur du syndicat de copropriété, je vous demande d’apporter les correctifs nécessaires. Vous avez jusqu’au 19 juin 2009 pour nous donner satisfaction.
[27] Contrairement aux prétentions de l’administrateur, le soussigné est d’opinion qu’il ne s’agit pas ici uniquement d’une demande de remboursement pour les travaux d’urgence, le syndicat voyant des risques de dégâts à venir et demandant des correctifs.
[28] Dans son deuxième rapport de décision daté du 1er juin 2010, où finalement l’administrateur accède à la réclamation du syndicat sur la toiture, ce dernier inscrit comme date de réclamation le 3 juin 2009, soit la même date que sur son rapport de décision original du 26 novembre 2009; s’il s’agissait d’une nouvelle réclamation ou dénonciation, l’administrateur aurait dû indiquer sur son deuxième rapport la date du 23 mars 2010, soit la date à laquelle a été émis le rapport d’Inspec-Sol.
[29] Les travaux préalablement exécutés par le couvreur ont été qualifiés par les deux parties comme étant des travaux d’urgence ou comme étant une mesure conservatoire; jamais ces travaux n’ont été qualifiés de définitifs, d’autant plus qu’ils ont été réalisés en période hivernale.
[30] Selon le témoignage de M. Berthiaume, inspecteur-conciliateur, celui-ci n’est pas monté sur le toit lors de son inspection; il va de soi que cette dernière ne peut être qualifiée de concluante.
[31] Je soumets que le procureur de l’administrateur a admis que le rapport d’Inspec-Sol avait fait bouger les choses.
[32] Le soussigné est d’avis que le rapport d’Inspec-Sol demandé par le bénéficiaire se situe dans une période d’arbitrage déjà engagée et non pas dans le cadre d’une seconde dénonciation.
[33] La clause 38, ci-devant citée, se retrouve dans la section « Recours » du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[34] Le rapport d’Inspec-Sol a été émis durant la période de recours du syndicat.
[35] Contrairement aux prétentions de l’administrateur, le soussigné est d’avis que l’article 38 n’oblige pas la présence de l’expert comme témoin afin que l’arbitre puisse ordonner le remboursement de ses frais au demandeur par l’administrateur.
[36] Dans le présent dossier, la preuve est concluante à l’effet que le rapport d’Inspec-Sol a déclenché la solution du problème de la toiture, a forcé l’administrateur à obtenir une contre-expertise, a conduit ce dernier à réviser sa décision originale et a évité la poursuite en arbitrage sur cet élément.
[37] Pour ces motifs, la présente réclamation est favorablement ACCUEILLIE.
[38] Le tribunal ORDONNE à l’entrepreneur, dans les trente (30) jours de la présente, de rembourser au syndicat un montant de mille sept cent trente-six dollars et soixante-dix-huit cents (1 736,78 $), correspondant à la facture numéro 102575 d’Inspec-Sol, datée du 26 mars 2010.
[39] À défaut par l’entrepreneur de se conformer à l’ordonnance précédente, le tribunal ORDONNE à l’administrateur de procéder au remboursement selon les modalités décrites ci-devant.
[40] La visite des lieux a démontré que la majorité des joints de calfeutrant à l’extérieur sont fissurés et séchés.
[41] Selon le syndicat, à date, il y a eu quelques infiltrations d’eau, et on a dû procéder à l’ajout de calfeutrant sur quelques ouvertures.
[42] Le remplacement des joints de calfeutrant pour la totalité des ouvertures pourrait coûter tout près de 10 000 $, taxes incluses.
[43] Toujours selon le syndicat, l’état actuel du calfeutrage devrait nuire à la revente des unités d’habitation.
[44] Le syndicat prétend qu’il s’agit ici d’une situation de vice caché résultant d’une mauvaise qualité de calfeutrant.
[45] La situation est progressivement apparue et n’était pas détectable lors de la prise de possession.
[46] Selon le syndicat, l’entrepreneur a l’obligation d’installer des matériaux de qualité, évitant ainsi l’infiltration d’eau qui rend l’immeuble impropre à l’usage auquel il est destiné.
[47] L’administrateur soumet que la date de réception des parties communes a été fixée par arbitrage au 27 février 2007; toutefois, les travaux de construction se sont terminés à l’été 2005; le bâtiment a donc quatre à cinq ans d’âge.
[48] Le syndicat a constaté cette situation en mai 2009.
[49] Il y a eu infiltration d’eau à certains endroits, on a réparé, et le problème a été réglé.
[50] M. Berthiaume indique qu’il s’agit ici d’un problème d’entretien normal appartenant au syndicat.
[51] Le procureur de l’administrateur insiste sur la différence entre la garantie d’un manufacturier et la garantie indiquée au Règlement.
[52] La présente situation est considérée par les arbitres comme un ouvrage d’entretien résultant du comportement normal des matériaux, tel que prévu à l’article 29.2° du plan de garantie.
[53] Il n’existe aucune preuve de gravité; le syndicat plaide plutôt la crainte; la qualité de vie n’est pas affectée.
[54] Le soussigné rappelle que la réception des parties communes a été fixée au 27 février 2007.
[55] La découverte de l’état du calfeutrage ainsi que sa dénonciation à l’administrateur ont été faites dans la troisième année de la garantie.
[56] Pour être couvert, le défaut doit donc s’apparenter à la notion de vice caché, selon la définition que l’on retrouve à l’article 1726 du Code civil du Québec :
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
[57] La visite des lieux a démontré qu’il y avait du fendillement et du séchage sur le calfeutrant à l’extérieur des ouvertures.
[58] Il y a eu deux infiltrations d’eau dont la cause a été rapidement réparée.
[59] Comme l’a à juste titre souligné le procureur de l’administrateur, même si la garantie des parties communes débute en février 2007, ces joints ont quand même de quatre à cinq ans d’usure, vu que la construction s’est terminée à l’été 2005.
[60] À la suite de la visite des lieux, il m’apparaît que l’état actuel du calfeutrage résulte du manque d’entretien régulier que nécessite un usage d’une durée de cinq ans.
[61] Il n’a pas été prouvé que la déficience causait un préjudice important réduisant la valeur du bâtiment.
[62] Le montant de la correction, réparti entre 15 copropriétaires, ne peut être considéré comme exorbitant.
[63] Le tribunal est donc d’avis que la présente situation ne répond pas aux critères du vice caché.
[64] Pour ces motifs, la présente réclamation est REJETÉE.
[65] Il s’agit ici d’une seule fenêtre affectée par la présence de buée; la constatation a eu lieu au printemps 2009.
[66] Comme à l’élément précédent, la découverte et la dénonciation ont été faites dans la troisième année de la garantie; pour être couvert, le défaut doit s’apparenter à la notion de vice caché.
[67] Le soussigné est d’avis que la présence de buée dans une seule fenêtre de l’ensemble de l’immeuble ne peut être considérée comme un vice caché. Cette défectuosité doit être considérée comme une malfaçon; il en serait autrement si la presque totalité des fenêtres présentaient la même manifestation.
[68] Aucune preuve de la réduction de la qualité de vie ou de la diminution de la valeur du bâtiment ne m’a été soumise.
[69] Pour ces motifs, la présente réclamation est REJETÉE.
[70] Pour les motifs ci-devant énoncés, le tribunal :
ACCUEILLE favorablement la réclamation relative à l’élément « Frais d’expertise »;
REJETTE les réclamations ayant trait aux éléments « Joints de calfeutrant pour toutes les ouvertures extérieures sont séchés et craqués » et « Présence de buée dans le thermos d’une fenêtre ».
[71] Conformément à l’article 37 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, les coûts du présent arbitrage sont totalement à la charge de l’administrateur.
BOUCHERVILLE, le 10 décembre 2010.
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__________________________________ Claude Dupuis, ing., arbitre |
[1] Le Syndicat de copropriété Les Jardins St-Hippolyte et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ et 9129-2516 Québec inc., SA, 20 novembre 2008, arbitre Me Johanne Despatis.