ARBITRAGE EN VERTU DU CERTIFICAT DES IMMEUBLES RÉSIDENTIELS DE L’APCHQ
|
||
CANADA |
||
PROVINCE DE QUÉBEC |
||
|
||
Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM) |
||
Dossier no : |
GAMM : 2005-12-007-02 |
|
APCHQ : B-20949c |
||
ENTRE : SYNDICAT DE LA COPROPRIÉTÉ DES HABITATIONS HENRI-DESLONGCHAMPS (ci-après le « bénéficiaire ») ET : LA GARANTIE DES IMMEUBLES RÉSIDENTIELS DE L’APCHQ (ci-après l’ « administrateur ») ET : GESTION GIOVANNI SCALIA INC. (ci-après l’ « entrepreneur »)
|
||
|
||
Devant l’arbitre |
Me Johanne Despatis |
|
|
||
Pour le bénéficiaire |
Me Robin Godbout |
|
Pour l’administrateur |
M. Yvan Gadbois |
|
Pour l’entrepreneur |
M. Sam Scalia |
|
Dates de l’audience |
6 décembre 2005 et 16 octobre 2006 |
|
Lieu de l’audience |
Montréal, Québec |
|
Réception dernière documentation |
24 novembre 2006 |
|
Date de la sentence |
26 décembre 2006 |
|
SENTENCE ARBITRALE
|
||
Adjudex inc.
0506-8219-GAMM
SA 8026
I - LE RECOURS
[1] Cette sentence décide du recours institué par le Syndicat de la copropriété des Habitations Henri-Deslongchamps, le bénéficiaire, à l’encontre d’une décision de la Garantie des immeubles résidentiels de l’APCHQ, l’administrateur, rendue le 21 décembre 2004 concernant la présence d’une lézarde au parement de maçonnerie de la cheminée donnant sur le balcon-terrasse de l’unité 4654 de la copropriété :
Nous avons obtenu de votre entrepreneur une opinion technique concernant la fissure affectant le parement de maçonnerie donnant sur la terrasse de l’unité 4654 de votre immeuble (et non 4652 tel que mentionné aux correspondances antérieures).
Cette opinion nous provient de l’ingénieur ayant agi dans la préparation des plans de votre immeuble. En raison de son implication dans ce dossier, nous sommes en mesure de considérer son opinion et ainsi, ne pas donner suite au mandat que nous avions accordé à un ingénieur conseil en novembre dernier.
Ainsi, l’ingénieur Antonio Gervasi conclut qu’il y a absence de danger structural au bâtiment. Il recommande uniquement de combler l’ouverture dans les joints de mortier, et ce, afin de rendre satisfaisant l’esthétique de la situation.
Considérant que l’opinion technique d’un ingénieur en structure était requise afin que La Garantie des Immeubles résidentiels de l’APCHQ puisse établir la recevabilité de ces manifestations dans le cadre de la couverture sur les vices de construction, nous sommes d’avis que la situation n’a pas le niveau de gravité d’un vice de construction visé par l’article 2118 du Code civil du Québec tel que défini à l’article 2.1.5 du certificat de garantie, catégorie « B ».
Par conséquent, aucune intervention de votre entrepreneur ne sera requise par La Garantie des Immeubles résidentiels de l’APCHQ sur ce point.
[2] La réclamation vise aussi le remboursement de frais d’expertise que le bénéficiaire demande à l’administrateur, qui s’y oppose, de lui rembourser. Les frais visés sont ceux encourus dans le cadre de ce litige de même que d’autres à l’égard d’une réclamation ayant conduit à une première sentence rendue entre les mêmes parties le 4 janvier 2006.
[3] Finalement, j’étais aussi saisie d’une demande du bénéficiaire de fixer un délai d’exécution des travaux correctifs suivants ordonnés dans ma sentence du 4 janvier 2006 relatifs aux solins de maçonnerie de la copropriété :
Pour toutes ces raisons, le recours du bénéficiaire concernant les solins de maçonnerie est accueilli.
Le Tribunal ordonne en conséquence à l’entrepreneur de prendre les mesures nécessaires pour corriger la situation dans un délai raisonnable, convenu entre le bénéficiaire et l’entrepreneur, qu’à défaut d’accord que je déterminerai sur demande.
[4] Suite aux échanges intervenus entre les parties à l’audience, l’entrepreneur s’est engagé à procéder à ces correctifs d’ici le 30 avril 2007, à défaut de quoi l’administrateur y procédera; une solution agréée par le bénéficiaire et dont je donnerai acte en conclusion.
II- PREUVE
[5] La réclamation concernant la lézarde affectant le parement de maçonnerie décrit plus haut vise une partie commune de cette copropriété construite par Gestion Giovanni Scalia inc., l’entrepreneur, et dont la déclaration de copropriété a été signée le 24 juillet 1998. Il est admis que cette copropriété est couverte par le Certificat de garantie des immeubles résidentiels de l’APCHQ, le « Certificat ».
[6] Ce problème de fissure a été constaté par monsieur Yvan Gadbois, inspecteur conciliateur au service de l’administrateur, dans le cadre d’une inspection le 23 septembre 2003. Dans son rapport, monsieur Gadbois écrit au sujet de cette fissure :
Nous avons pu observer une lézarde au parement de maçonnerie dans la partie supérieure du mur donnant sur l’ouest de la terrasse [4654]
[...]
Considérant la conception de l’immeuble et la présence d’une lézarde dans le parement de maçonnerie à la partie supérieure du mur ouest de la terrasse du [4654], la Garantie des immeubles résidentiels de l’APCHQ est en mesure de demander une intervention de l’entrepreneur.
Par conséquent, l’entrepreneur devra mandater un ingénieur en structure qui devra établir l’origine de la fissuration de parement de maçonnerie à la partie supérieure du mur ouest de la terrasse du [4654] et soumettre ses conclusions et recommandations à la Garantie des immeubles résidentiels de l’APCHQ.
À la réception des conclusions et recommandations de l’ingénieur en structure, la Garantie des immeubles résidentiels de l’APCHQ sera en mesure de prendre position sur ce point dans le cadre de l’application du certificat de garantie, catégorie «B».
[7] Une première inspection est faite le 20 avril 2004 et l’inspecteur Gadbois conclut le 3 mai suivant :
La présente fait suite à l’inspection du 20 avril dernier [...]
Étaient présents lors de cette rencontre, MM. Sam et Pat Scalia (entrepreneur), M. Campanella, architecte de l’entrepreneur, Mme Marie-Claude Laberge (inspectrice du chantier de la Garantie des immeubles résidentiels de l’APCHQ) ainsi que le soussigné.
Il fut convenu que l’ingénieur ayant participé à la conception des plans de votre immeuble, verra à émettre une opinion sur la présence de la fissure au parement de maçonnerie du mur ouest de la terrasse du [4654] dans les meilleurs délais. Vous serez informé de notre position sur ce point.
[8] Le 28 novembre 2004, l’ingénieur Antonio Gervasi constate à son tour la présence de cette fissure et fait rapport à l’entrepreneur :
Selon votre demande, j’ai visité le bâtiment [...] jeudi le 28 novembre dernier avec M. Sébastian Campanella, architecte.
Le but de la visite était de donner mon opinion sur la présence de la fissure au parement de maçonnerie du mur ouest de la terrasse. Cette fissure est localisée à un secteur local à approximativement 7 pieds au-dessus du niveau de terrasse et avec une longueur d’approximativement 2 pieds. L’accès au niveau de terrasse n’était pas possible que les occupants n’étaient pas là.
C’est de mon opinion que la fissure actuelle, bien que ne satisfassent pas esthétiquement, ne pose aucun danger structural au bâtiment. Par contre les joints, en question, devraient cependant être remplis.
[9] C’est sur la foi de
l’opinion de l’ingénieur Gervasi que l’inspecteur Gadbois rend le
21 décembre 2004 la décision contestée reproduite plus haut.
[10] L’ingénieur Dominic D’Aquila a été entendu comme expert à la demande du bénéficiaire. Il avait reçu mandat au printemps 2006 de mesurer et d’identifier la cause de la fissuration observée dans le parement de briques de la cheminée donnant sur la terrasse de l’unité 4654 ainsi que d’une autre apparue sur la façade avant adjacente à la porte coulissante du balcon de la même terrasse.
[11] Selon l’ingénieur D’Aquila, plusieurs déficiences du bâtiment expliquent les fissures observées qui sont apparues une après l’autre. Il écrit dans son rapport :
Nos analyses, études et calculs des conditions existantes ont démontré ce qui suit :
1) La poutre d’acier est chargée excentriquement (sur la plaque) qui supporte à cet endroit le poids d’environ 20’ - 0’’ de briques, y compris des charges plus concentrées adjacentes à l’ouverture de la porte provenant du linteau de l’ouverture de la porte.
2) Cette poutre devrait, en principe, porter également une charge concentrée d’un linteau d’acier supportant le mur de briques nord de la cheminée située du côté sud de la porte. Cependant, basé sur nos observations sur place (jointage de mortier d’environ 1’’ réparé antérieurement) et dû à l’absence d’information sur les plans, nous sommes d’avis que le parement de briques nord de la cheminée repose sur la structure de bois du plancher. (…)
3) La charge concentrique provenant du mur de bois de la façade qui repose sur la poutre est très minimale compte tenu qu’il n’y a aucune charge de toit ou de la mezzanine qui est transférée à la poutre d’acier. Par conséquent, la poutre a besoin d’être retenue davantage sur toute sa longueur pour prévenir sa rotation provoquée par la charge excentrique de la brique. Bien qu’il y ait de la boiserie et d’éléments architecturaux en place, ce ne sont pas des éléments structuraux installés adéquatement dans le but de prévenir la rotation de la poutre. De plus, la pourriture éventuelle de ces éléments de bois serait très dangereuse.
4) En plus de la déficience décrite ci-dessus, la poutre d’acier repose sur des poteaux de bois à son extrémité, ce qui pose deux problèmes, à savoir :
Premièrement, cette poutre supporte de la brique, qui n’est pas combustible et ne se comporte pas comme du bois en terme de retrait dû au sèchement et déformation à long terme. Conséquemment, la poutre d’acier n’aurait pas dû être supportée sur des poteaux de bois mais par des poteaux d’acier, pour être conforme à la sous-section 9.20.5 du CNBC 1990, et autres normes applicables, de façon à prévenir le problème que les poteaux de bois représentent.
Deuxièmement, le fait que la poutre soit simplement appuyée à ses extrémités, il n’existe rien pour empêcher sa rotation aux extrémités, de sorte que même si la poutre avec sa plaque avait la rigidité et la capacité en torsion pour résister à la torsion provoquée par l’excentricité de la charge de briques, l’absence d’un encastrement à ses extrémités capable de résister à la torsion rend la poutre instable. Encore une fois, un poteau d’acier et un assemblage approprié avec la poutre pour fournir l’encastrement (empêcher la rotation aux extrémités) auraient dû être installés. Alternativement, on aurait pu installer l’axe de la poutre centrée sous l’axe du parement de briques et charger la plaque avec le faible poids du mur en 2 X 6. La poutre aurait pu être assise sur un poteau tubulaire d’acier installé à l’intérieur du mur de colombage.
5) Une autre déficience qui
est probablement présente et qui affecte le parement de briques est reliée à la
construction du mur de 20' - 0" de haut de ce condo, car il est peu
probable que les colombages qui furent installés pour construire ce mur sont
continus de haut en bas. De plus, du fait que les plans, et l’apparence à
l’intérieur, indiquent que ce mur est construit uniquement de
2 X 6, ce mur est trop flexible comme arrière mur pour supporter latéralement
un parement de briques, les charges de vent, et l’ossature de l’ouverture de la
porte et fenêtre dans ce mur, même si les 2 X 6 étaient continus, c’est-à-dire
environ 20' - 0" de long.
6) Finalement, compte tenu de la position de la poutre, une plinthe chauffante située à l’intérieur vis-à-vis de la poutre, et le peu d’isolant que l’on peut installer pour isoler la poutre, il existe un problème potentiel de pont thermique et de condensation de la poutre qui pourrait affecter le plafond (tâches d’eau) du condo en dessous. Cependant, cet aspect ne fait pas partie de notre mandat, ni des compétences d’un ingénieur en structure ou du soussigné et conséquemment nous le mentionnons afin que la solution du problème structural de cette poutre adresse cette situation également et que cela soit regardé par un expert dans ce domaine, tel que l’ingénieur Marc Villagi qui est déjà impliqué au dossier.
4.0 CONCLUSION
D’après nos vérifications sur place, nos analyses, études et calculs tels que décrits ci-dessus, nous concluons que les fissures qui se sont manifestées dans le parement de briques de la façade du condo mentionné en rubrique ainsi que le mur nord du parement de briques de la cheminée adjacent sont causées par une ou plusieurs des déficiences découvertes. A savoir :
1) Raccourcissement des poteaux de bois (3 - 2 x 6) dû à l’assèchement et aux charges provenant de la poutre d’acier.
2) Manque de support latéral adéquat du dessus de la poutre d’acier pour prévenir la rotation provoquée par les charges excentriques et importantes du parement de briques.
3) Manque de retenue ou encastrement aux extrémités de la poutre d’acier pour résister à la torsion dans la poutre, même si celle-ci était adéquate pour résister à la torsion.
4) De toute évidence, l’absence d’un élément d’acier bien supporté sous le parement de briques latéral du mur de la cheminée.
5) Structure en 2 x 6 trop flexible derrière le parement de briques du mur avant, particulièrement en haut de l’ouverture de porte et fenêtre.
[12] En conclusion, monsieur D’Aquila suggère les mesures correctives suivantes :
Afin de corriger et adresser les causes ayant provoquées de la fissuration sur les revêtements de briques, il est nécessaire de :
1) Éliminer la torsion et corriger les appuis aux extrémités de la poutre d’acier. La façon la plus simple d’effectuer cette correction et [sic] d’installer une poutre d’acier, [...] sous la plaque de la poutre dans l’axe du revêtement de briques. Cette nouvelle poutre d’acier devra être connectée à la poutre existante et l’asseoir à chaque extrémité sur des poteaux d’acier en HSS continus jusqu’au mur de fondation.
Il faut prendre note que pour exécuter cette réfection en toute sécurité, il est important de décharger la poutre existante de la brique et de supporter la brique sur des supports, et étais temporaires, faute de quoi le parement de briques risque de s’effondrer lorsque la poutre existante sera dégarnie de ses éléments et boiserie architecturaux, qui sont possiblement déjà dans un état de pourriture dû à de l’infiltration d’eau à ces endroits.
2) Installer (ou corriger, le cas échéant) un linteau d’acier sous le revêtement de briques du mur latéral de la cheminée. Ce linteau devra porter sur la nouvelle poutre d’acier que l’on ajoutera à l’existante, et sur le revêtement de briques du coté avant (est).
[13] Toujours selon monsieur D’Aquila, il y a dans les circonstances risque d’effondrement en raison de la présence de plusieurs vices cumulatifs énumérés dans les conclusions de son rapport et qui expliqueraient la lézarde à la cheminée ainsi que les fissures horizontales apparues dans le parement de briques donnant sur la terrasse du 4654.
[14] En substance, selon monsieur D’Aquila, les fissures observées proviennent d’une part, du fait que la poutre installée sous la porte coulissante du balcon de l’unité 4654, et sur laquelle repose la brique, n’est pas stable et qu’elle a vraisemblablement bougé puisque rien ne prévient sa rotation. D’autre part, la fissure sur la cheminée serait due à l’absence de linteau d’acier sur ce mur et essentiellement, au fait que cette maçonnerie reposerait entièrement sur la structure de bois du plancher.
[15] Répondant au point de vue exprimé par l’ingénieur D’Aquila au sujet des déficiences alléguées, l’ingénieur Michel Paparella, présent lors de l’inspection menée par monsieur D’Aquila, nie la présence de quelque vice de construction. Contrairement à l’expert D’Aquila, il affirme non seulement n’avoir observé aucun rétrécissement du bois mais si tel avait été le cas, il y aurait eu fissuration du gypse. Toujours contrairement à monsieur D’Aquila, il soutient qu’il est permis d’installer pareille maçonnerie sur du bois à condition de respecter la partie 4 du Code national du Bâtiment.
[16] Monsieur Paparella dit au sujet de la poutre d’acier incriminée par son vis-à-vis que celle-ci n’a pas bougé, qu’elle est bien retenue à ses extrémités et qu’il n’y a observé aucune torsion.
[17] En substance, monsieur Paparella affirme que si, comme le soutient son vis-à-vis, la poutre était effectivement mal retenue, elle aurait déjà bougé et il y aurait effectivement alors risque d’effondrement. Or, selon ses observations, ce n’est pas le cas et cette poutre est assez forte pour supporter la brique. Au surplus, selon lui, si comme le soutient le bénéficiaire, cette poutre avait bougé, le mur de briques se serait déjà effondré.
[18] Quant à la lézarde elle-même, le témoin l’attribue à un facteur externe comme la température, le mur en question étant exposé aux grands froids. Il exclut comme cause possible l’absence de linteau libre puisqu’il affirme en avoir de visu constaté la présence.
[19] En effet, monsieur Paparella affirme avoir lui-même constaté la présence de ce linteau lors de la réparation d’une des fissures horizontales apparues dans le parement de briques. Selon monsieur Paparella, ces fissures horizontales s’expliquent du fait que les cinq premières rangées de briques qui donnent sur la terrasse sont effectivement supportées par du bois. Selon lui, ces briques n’ont en fait qu’une fonction esthétique et cette façon de les avoir posées ne contrevient à aucune norme de construction. Toujours selon lui, il n’y a aucun lien entre la lézarde en litige et les fissures horizontales.
[20] L’architecte Sébastien Campanella affirme aussi avoir été à même d’observer que la poutre d’acier mise en cause par monsieur D’Aquila est non seulement bien appuyée mais qu’elle est également bien ancrée à chaque extrémité. Il confirme aussi la vocation purement esthétique des cinq premières rangées de briques donnant sur le balcon terrasse.
[21] L’inspecteur conciliateur Yvan Gadbois a également témoigné. Selon lui, la seule fissure en litige est la lézarde observée en septembre 2003 au parement de la cheminée, aucune autre. Il affirme avoir jugé bon à l’époque, même si la garantie quinquennale portant sur les vices de construction était échue, de faire vérifier cette fissure. Il rappelle que l’ingénieur concepteur lui avait affirmé dans un document que la fissure en litige ne résultait d’aucun problème majeur, était sans gravité et n’affectait pas la stabilité de l'immeuble.
[22] Vérifications faites, monsieur Gadbois en a conclu que la situation ne présentait aucun risque et ne constituait pas un vice de construction, essentiellement pour les raisons données par messieurs Paparella et Campanella.
III- ANALYSE ET DÉCISION
[23] Le Certificat de garantie émis en l’espèce énonce et encadre les obligations respectives de l'entrepreneur et de l’administrateur envers le bénéficiaire. Dans ma sentence rendue le 4 janvier 2006 entre ces parties, je fais état dans les termes suivants de l’étendue de ces obligations relativement aux parties communes d’une copropriété. J’y réfère par souci de cohérence :
Le Certificat [...] encadre les obligations respectives de l'entrepreneur et de l’administrateur envers le bénéficiaire. C’est donc en vertu de ce document contractuel que je dois déterminer les droits et obligations de chacun, ce qui ne signifie pas que d’autres recours ne pourraient pas être institués par le bénéficiaire. Il reste cependant que pour les fins des présentes ma compétence se confine essentiellement à assurer que la garantie offerte par le Certificat a été respectée.
Selon le Certificat, l’administrateur s'engage à exécuter certaines obligations de l'entrepreneur résultant du contrat de vente si celui-ci n'y satisfait pas et ce, à l’intérieur des limites définies au Certificat. C’est dans ces paramètres que le présent tribunal peut agir.
Les obligations qu’il est allégué que l’entrepreneur n’aurait pas exécutées visent des parties communes d’une copropriété. Il y a donc lieu de rappeler d’abord l’étendue des obligations de l’entrepreneur, et le cas échéant de l’administrateur, relativement aux parties communes d’une copropriété. Précisons tout de suite que cette étendue est limitée.
[...]
Le Certificat limite la couverture des obligations de l’entrepreneur relatives aux parties communes à trois circonstances. Il y est question (1) de leur parachèvement; (2) de malfaçons cachées et finalement, (3) de vices de construction.
D’abord, le parachèvement des travaux sera couvert dans la mesure où il s’agit du parachèvement de parties communes « essentielles à l’utilisation réelle des unités résidentielles ». [...]
En second, les malfaçons cachées dans les parties communes, i.e. celles résultant d’une déficience d’un des matériaux ou de l’exécution des travaux de construction, sont également couvertes par le Certificat. Elles le sont à deux conditions : d’abord, celle d’avoir été découvertes dans les deux ans suivant la date de publication de la déclaration de copropriété et deuxièmement, d’avoir été dénoncées en conformité du Certificat.
Finalement, certains vices de construction affectant les parties communes sont aussi couverts. Lesquels? Ces vices, qualifiés de « sérieux », pouvant entraîner la perte de l’ouvrage. Nous parlons ici de vices au sens de l’article 2118 du Code civil du Québec. Ils le seront à deux conditions : premièrement d’avoir été découverts dans les cinq ans suivant la date de publication de la déclaration de copropriété et, deuxièmement, d’avoir eux aussi été dénoncés en conformité du Certificat.
C’est donc là l’étendue, et les limites, de la protection susceptible d’être recherchée en vertu du Certificat à l’égard des parties communes d’une copropriété.
Une fois circonscrit le champ de la protection offerte par la garantie, il y a aussi lieu de rappeler le principe général valable dans n’importe quelle instance civile et voulant que quiconque exerce un recours en justice a le fardeau de démontrer le bien fondé de ce qu’il avance au moyen d’une preuve convaincante (voir les articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec).
[24] C’est sur cette trame juridique qu’il y a lieu de décider du bien fondé du présent recours à la lumière de la preuve présentée.
[25] Il s’agit essentiellement de déterminer si la fissure (la lézarde) apparue au mur de la cheminée et dénoncée en septembre 2003 résulte d’un vice de construction au sens du Certificat.
[26] Un vice de construction affectant une partie commune d’une copropriété est couvert par le Certificat s’il peut être qualifié de sérieux et qu’il est susceptible d’entraîner la perte de l’ouvrage. (voir les clauses 1 m) et 2.1.5 du Certificat).
[27] L’apparition de fissures dans un mur de briques est certes le signe d’une défectuosité quelconque, que quelque chose ne va pas. Toutefois sa qualification de vice de construction au sens du Certificat exige plus.
[28] La notion de « vice de construction » au sens du Certificat provient de l'article 2118 du Code civil du Québec qui dispose :
À moins qu'ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l'entrepreneur, l'architecte et l'ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu'il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l'ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d'un vice de conception, de construction ou de réalisation de l'ouvrage, ou, encore, d'un vice du sol.
[29] Dans Gérard Goulet inc. c. S.M. Constructions commerciales et installations pétrolières inc., AZ-50331285 , la Cour du Québec écrit : [paragraphes 19 et ss]
[19] Quant à l’article 2118 C.c.Q., il vise la perte, totale ou partielle, de l’immeuble qui résulte d’un des vices qui y est mentionné. Outre le titulaire de la garantie et le débiteur visé, trois conditions sont nécessaires pour la mise en œuvre de la présomption de responsabilité qui y est prévue, comme le soulignent les auteurs Baudouin et Deslauriers :
« 1608 - Mise en application - Outre les conditions relatives aux personnes visées et aux titulaires de la présomption, trois autres éléments essentiels doivent être réunis pour mettre en œuvre le régime de responsabilité prévu à l’article 2118 C.c. D’une part, il doit s’agir d’un ouvrage immobilier. D’autre part, l’ouvrage doit avoir subi une perte dans les cinq ans de la fin des travaux. Enfin, cette perte doit avoir été causée par un vice de conception, de construction, de réalisation ou encore par un vice du sol. » [Caractères gras ajoutés]
[30] Dans Argonal inc. c. Sector Barbacki Shemie & Associés ltée, AZ-50081857 , la Cour supérieure écrit : [paragraphes 23 et ss]
[23] La notion de « perte » [...] doit donc recevoir une interprétation large et s'étendre notamment à tous dommages sérieux subis par l'ouvrage immobilier.
[24] [...], il n'est pas nécessaire d'établir ni le fait que l'ouvrage a péri ni le moment auquel il va s'écrouler. Il suffit de démontrer que le défaut de construction constituait un vice important et sérieux qui risquait de nuire à la solidité et à l'utilité du bâtiment, c'est-à-dire une perte potentielle. La simple menace de perte d'un ouvrage constitue déjà un préjudice né et actuel, car elle entraîne, de manière immédiate, une diminution importante de sa valeur marchande et de son utilité.
[31] Ainsi, il s’agit de voir, si en l’espèce, le bénéficiaire a démontré de manière prépondérante la présence d’un vice de construction, i.e. d’un problème grave susceptible d’entrainer la perte de l’ouvrage.
[32] La jurisprudence n’exige pas que l'édifice s'écroule pour qu'il y ait perte de l’ouvrage au sens du Code civil du Québec. La présence d'un danger sérieux susceptible d’entraîner une perte potentielle de l'ouvrage ouvre droit à la protection. En somme, on dira qu’il y a perte de l’ouvrage lorsqu’est démontré un vice de construction grave propre à affecter la solidité de l'ouvrage.
[33] En l’espèce, la preuve est contradictoire. Selon le bénéficiaire, il y a, en substance, plusieurs vices de construction expliquant les fissures observées, vices susceptibles d’entrainer la perte de l’ouvrage. Ces affirmations reposent essentiellement sur l’avis de son expert que nous avons résumé plus haut.
[34] De l’autre côté, on nie à la fois la matérialité des faits allégués et leur portée éventuelle sur l’intégrité de l’ouvrage.
[35] En cette matière, le fardeau de la preuve incombe au bénéficiaire et même en présence d’une expertise, le tribunal doit, comme c’est la règle, appliquer la norme de la prépondérance pour décider quelle version retenir.
[36] Essentiellement, les conclusions de l’expert D’Aquila reposent sur des hypothèses qu’avec égards la preuve matérielle prépondérante ne supporte pas. En effet, subséquemment à son inspection des lieux et alors que des ouvertures avaient été pratiquées dans le mur, une inspection visuelle a été faite, donc par des témoins oculaires, témoins dont on ne m’a pas donné de raison d’écarter les propos, et qui affirment qu’il n’y a eu aucun rétrécissement du bois, que la poutre n’avait pas bougé, qu’aucune torsion des ancrages n’avait eu lieu et qu’un linteau libre a bel et bien été installé sur le mur de la cheminée à hauteur de la cinquième rangée de briques. La présence ou non de ces éléments matériels est une question de fait essentielle à l’issue de cette cause. Or, selon la preuve prépondérante, la maçonnerie en question, i.e. le mur de la cheminée où la lézarde est observée, ne présente pas les caractéristiques suggérées par l’expert du bénéficiaire à l’évidence de bonne foi, mais plutôt celles rapportées par des témoins oculaires, deux professionnels assujettis à une code de déontologie et à un serment d’office.
[37] Ces éléments de preuve suffisent pour écarter l’affirmation que nous serions en présence d’une perte potentielle de l’ouvrage au sens de la jurisprudence et donc d’un vice de construction au sens du Certificat.
[38] Qu’en est-il de la réclamation du bénéficiaire concernant les frais d’expertise? Je souscris à ce qu’écrivait au sujet de cette question l’arbitre Jeffrey Edwards dans Bordeleau et La Garantie des immeubles résidentiels de l’A.P.C.H.Q., SA, 30 septembre 2004 : (page 5)
Le Bénéficiaire réclame également les frais d’expertise qu’il a encourus pour faire valoir ses droits. Il est vrai que ces frais sont normalement accordés dans le cadre d’une instance judiciaire devant les Tribunaux ordinaires. Cependant, le procureur de l’A.P.C.H.Q. s’objecte pour le même motif, à savoir, que ces frais ne font pas l’objet de l’obligation de cautionnée. Le Tribunal d’arbitrage donne également raison sur ce point au procureur de l’A.P.C.H.Q.
[39] Ainsi, faute d’arguments à l’effet contraire, la réclamation du bénéficiaire relative au remboursement des frais d’expertise est mal fondée.
IV - CONCLUSION
[40] Pour toutes les raisons qui précèdent, la réclamation concernant la lézarde dans le parement de maçonnerie à la partie supérieure du mur de la cheminée donnant sur la terrasse de l’unité 4654 de même que celle relative aux frais d’expertise sont rejetées.
[41] Donnant acte à l’entente intervenue relative au délai dans lequel seront effectués les travaux correctifs relatifs aux solins de maçonnerie ordonnés dans ma sentence du 4 janvier 2006, j’ordonne à l’entrepreneur d’y procéder d’ici le 30 avril 2007.
[42] Je décide en conformité des dispositions du Certificat, que les coûts des présentes sont à la charge de l'administrateur.
Montréal le 26 décembre 2006
|
|
|
__________________________________ Johanne Despatis, avocate Arbitre |
Adjudex inc.
0506-8219-GAMM
SA 8026