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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 

 

ENTRE :

Construction Marcel Blanchard (1993) inc.

(ci-après l'« entrepreneur »)

 

ET :

Antonello Callimaci

(ci-après le « bénéficiaire »)

 

ET :

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc.

(ci-après l'« administrateur »)

 

 

No dossier APCHQ : 082003

No dossier GAMM : 2005-08-005

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

Arbitre :

M. Claude Dupuis, ing.

 

Pour l'entrepreneur :

Me Richard Arcand

 

Pour le bénéficiaire :

Me Denis Beaubien

 

Pour l'administrateur :

Me Elie Sawaya

 

Date d’audience :

17 août 2006

 

Prise en délibéré :

19 septembre 2006

 

Lieu d'audience :

Granby

 

Date de la sentence :

17 octobre 2006

I : INTRODUCTION

[1]                À la demande de l'arbitre, l'audience s'est tenue à la résidence du bénéficiaire.

[2]                À la suite d'une réclamation du bénéficiaire, l'administrateur a procédé à un examen et a émis son rapport de décision daté du 16 novembre 2005.

[3]                Relativement au point 5 du rapport précité, soit Planchers en lattes de bois franc prévernis, l'administrateur concluait en ces termes :

Ainsi, compte tenu de l'importance des dommages notés, l'entrepreneur n'aura d'autre choix que de procéder au remplacement des planchers, et ce, aux deux niveaux de plancher.

[4]                Insatisfait de cette conclusion ayant trait aux planchers, l'entrepreneur, en date du 21 décembre 2005, soumettait le différend à l'arbitrage.

[5]                Dès l'ouverture de l'enquête, le procureur du bénéficiaire signifiait au tribunal une objection préliminaire au motif que la demande d'arbitrage de l'entrepreneur avait été soumise hors délai.

[6]                En cours d'enquête, le procureur de l'entrepreneur signifiait au tribunal deux objections à la preuve, à savoir le dépôt du rapport de décision du 16 novembre 2005 de l'administrateur, son auteur, M. Pierre Rocheleau, étant absent lors de l'audience, ainsi que le témoignage de M. Michel Hamel, inspecteur-conciliateur, en remplacement de M. Rocheleau.

[7]                Lors de l'audience, les personnes suivantes ont témoigné :

·        M. Urbain Archambault, rentier, en sa qualité d'ouvrier ayant participé à la construction de la maison à l'époque

·        M. René Vincent, ingénieur

·        M. Antonello Callimaci, bénéficiaire

·        Mme Cynthia Lessard, bénéficiaire

·        M. Michel Hamel, inspecteur-conciliateur

II : OBJECTION PRÉLIMINAIRE

[8]                Une objection préliminaire a été soulevée par le procureur du bénéficiaire relativement au délai de demande d'arbitrage de la part de l'entrepreneur.

[9]                À l'époque qui nous concerne, l'article 19 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs se présentait comme suit :

19.   Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 15 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur à moins que le bénéficiaire et l'entrepreneur ne s'entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d'en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l'arbitrage est de 15 jours à compter de la réception par poste recommandée de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation.

[10]            L'entrepreneur a reçu la décision de l'administrateur le 24 novembre 2005.

[11]            La demande d'arbitrage de l'entrepreneur adressée au GAMM est datée du 21 décembre 2005; il s'agit donc d'un délai de présentation de l'ordre de 28 jours.

[12]            Avant 2003, les arbitres considéraient ce délai de 15 jours prescrit à l'article 19 du plan de garantie comme un délai de déchéance.

[13]            Jusqu'à ce que la juge Ginette Piché, dans un jugement daté du 9 juillet 2003, fasse une analyse profonde sur la qualité de ce délai. Voici quelques extraits de ce jugement[1] :

[19]       Dans son volume sur l'Interprétation des Lois(2), Pierre-A Côté dira, au sujet de l'emploi du mot "doit" (ou "shall") que, s'il fait présumer le caractère impératif d'une disposition, il ne crée qu'une présomption relative pouvant être écartée.  Il dira:

"Il ne suffit pas qu'une disposition soit impérative pour que sa violation entraîne une nullité, il faut que son observation soit imposée à peine de nullité, ou, si l'on préfère, qu'elle soit de rigueur.  La présence du mot "doit" ne devrait jamais permettre, à elle seule, de décider si une prescription a été imposée à peine de nullité.  L'article 51 de la Loi d'interprétation québécoise, comme l'article 11 de la loi canadienne, "établit bien la distinction entre ce qui est facultatif et ce qui ne l'est pas, mais n'édicte par la nullité de ce qui n'a pas été fait (selon la loi)." (p. 299)

"À défaut de texte formel, l'intention du législateur de sanctionner ou non de nullité l'inobservation d'une règle de forme devra être déduite d'un ensemble de facteurs.  À ce sujet, il a été dit qu'"aucune règle générale ne peut être formulée et que, dans chaque cas d'espèce, on doit considérer l'objet de la loi." (p. 300)

"Les tribunaux porteront une attention particulière au préjudice causé dans les circonstances par le vice de forme et au préjudice que causerait une déclaration de nullité." (p. 302)

[...]

[21]       La Cour d'appel dans l'arrêt de Entreprises Canabec inc. c. Raymond Laframboise(4) dira que "la déchéance n'est pas la règle et ne se présume pas.  Hormis les cas où le législateur s'est exprimé de façon claire, précise et non ambiguë, il n'existe aucun délai de déchéance véritable".

[22]       Dans la cause de Marc Deschambault c. Patrick DeBellefeuille(5) M. le juge Hébert rappellera que "pour décider s'il existe une raison véritable de proroger le délai, les tribunaux prennent en compte les circonstances générales et lorsque la partie poursuivie pouvait ne subir aucun préjudice réel autre que la perte du droit de se prévaloir de la prescription, la prorogation paraît être dans le meilleur intérêt de la justice". (…)

[...]

[24]       M. le juge Charrette dans la cause de Champagne c. Racicot(7) rappellera que si le délai est un délai de procédure, il peut être prorogé.  S'il s'agit d'un délai de déchéance, la prorogation est impossible.  On sait aussi qu'en l'absence d'un texte exprès, l'expiration du délai n'emporte pas déchéance.  Dans son volume sur Les Obligations(8), le juge Baudouin rappelle que comme elle est exceptionnelle, la déchéance ne se présume pas, mais doit résulter d'un texte exprès.  C'est l'article 2878 du Code civil du Québec qui édicte d'ailleurs que:

"Le tribunal ne peut suppléer d'office le moyen résultant de la prescription.  Toutefois, le tribunal doit déclarer d'office la déchéance du recours lorsque celle-ci est prévue par la loi.  Cette déchéance ne se présume pas; elle résulte d'un texte exprès."

[14]            Dans le présent dossier, il a été démontré qu'il y a eu erreur de l'avocat dans la demande d'arbitrage; la juge Piché estime qu'une erreur d'avocat ne peut faire perdre son droit au requérant.

[15]            Également, dans le présent dossier, il n'a été démontré aucun préjudice causé par ce vice de forme.

[16]            Le délai indiqué à l'article 19 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs étant un délai de procédure et non pas un délai de droit, le tribunal proroge le délai de production de demande d'arbitrage de l'entrepreneur et rejette l'objection préliminaire soulevée par le procureur du bénéficiaire.

III : OBJECTIONS À LA PREUVE

[17]            Le rapport de décision de l'administrateur, daté du 16 novembre 2005, a été préparé et signé par M. Pierre Rocheleau, inspecteur-conciliateur.

[18]            En congé de maladie prolongé, M. Rocheleau n'était pas présent lors de l'audience et il a été remplacé par M. Michel Hamel, inspecteur-conciliateur pour La Garantie des maisons neuves de l'APCHQ.

[19]            Le procureur de l'entrepreneur s'est donc objecté au dépôt de ce rapport ainsi qu'au témoignage de M. Hamel, sous prétexte que la partie adverse ne peut contre-interroger le signataire du document et que M. Hamel n'est pas habilité à se substituer à ce signataire.

[20]            À l'appui de son argumentation, le procureur cite l'article 402.1 du Code de procédure civile, lequel se lit comme suit :

402.1.   Sauf avec la permission du tribunal, nul témoin expert n'est entendu à moins que son rapport écrit n'ait été communiqué et produit au dossier conformément aux dispositions des sections I et II du chapitre I.1 du présent titre. Toutefois, dans le cas d'une requête autre qu'une requête introductive d'instance, une copie du rapport doit être signifiée aux parties, au moins 10 jours avant la date de l'audition, à moins que le tribunal n'en décide autrement.

La production au dossier de l'ensemble ou d'extraits seulement du témoignage hors cour d'un témoin expert peut tenir lieu de son rapport écrit.

[21]            Le tribunal rappelle que le signataire du rapport de l'administrateur n'est pas un témoin expert au sens de l'article 402.1 ci-devant cité.

[22]            À la section Recours, article 19 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, on peut lire : Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur [...].

[23]            Il s'agit donc d'un rapport de décision et non d'un rapport d'expert, et ce document constitue la position de l'administrateur du plan de garantie face à un événement donné; il ne s'agit pas de l'opinion d'un expert indépendant embauché à cet effet. Cette position de l'administrateur du plan de garantie peut donc être exposée par un personnel qualifié mandaté par celui-ci.

[24]            D'ailleurs, il arrive parfois que l'administrateur fasse appel à un expert (neutre) pour étayer sa décision, ce qui n'est pas le cas dans le présent dossier.

[25]            Pour ces motifs, le tribunal permet le dépôt du rapport de décision de l'administrateur ainsi que le témoignage de M. Hamel, inspecteur-conciliateur.

IV : LE FOND

Position de l'entrepreneur

[26]            Il s'agit ici de planchers sur deux étages, en lattes de bois franc prévernies.

[27]            M. Archambault nous explique qu'il a installé ces planchers en septembre-octobre 2004, qu'il a exercé un contrôle sur l'humidité dès la réception du bois jusqu'à la pose et qu'il a par la suite exercé un contrôle quotidien sur la température et l'humidité jusqu'à la signature du contrat en février 2005.

[28]            Selon le témoin, à son départ en février 2005, les planchers étaient en bon état.

[29]            À la fin mars 2005, à la demande du bénéficiaire, M. Archambault est retourné visiter la propriété et a constaté des ondulations sur les planchers; selon le témoin, l'échangeur d'air était fermé.

[30]            Il affirme avoir installé des planchers dans une autre propriété avoisinante avec du bois provenant du même lot et qu'aucune défectuosité n'est survenue.

[31]            M. Archambault avoue que lors de l'inspection commune en février 2005, il a procédé à quelques réparations sur les planchers (éclats, fissures, etc.); toutefois, ce n'est que vers la fin mars 2005, suite à une inspection plus adéquate, qu'il a aperçu des coups de marteau sur le rebord des lattes.

[32]            Le témoin rappelle que la déclaration de réception a été signée par l'entrepreneur et le bénéficiaire sans aucun renvoi de réparation ou de correction relativement aux planchers.

[33]            M. René Vincent, ingénieur, est l'expert retenu par l'entrepreneur pour l'observation des planchers; les conclusions de son rapport sont les suivantes :

Compte tenu de nos observations, nous considérons que les planchers du rez-de-chaussée pourraient être refaits alors que plusieurs lattes sont brisées ou endommagées principalement par l'ajustement de l'appareil de fixation des planches qui n'était pas adéquat et que les rebords de planches sont endommagés en de multiples endroits.

Pour ce qui est de l'étage, nous considérons que les planchers sont acceptables et ne devraient pas être remplacés, à l'exception des lattes de bois brisées au pied du lit de la chambre d'enfant.

Quant aux déformations, elles sont très faibles et causées par la variabilité normale de l'humidité intérieure et par la dureté relative entre les noeuds et, plus généralement, les veinures du bois lors du sablage.

Il est important de rappeler que l'ensemble des dégradations observées sont selon nous similaires à celles présentes lors de la livraison de l'immeuble. Rappelons également que les travaux à réaliser au rez-de-chaussée représentent un avantage intéressant pour les propriétaires alors qu'ils redonneront aux planchers une apparence conforme aux règles de l'art, mais corrigeront également les dégradations causées par l'usage que les occupants en ont fait.

[34]            Contredisant l'entrepreneur, M. Vincent est d'avis que les dommages ne sont pas reliés à l'humidité.

[35]            Selon le témoin, le problème principal est relié à l'utilisation du marteau et résulte de l'inattention de l'ouvrier lors de la pose.

[36]            Le fendillement des lattes est causé par des défauts dans les matériaux lors de la livraison.

[37]            À l'exception évidemment des coups de marteau, le témoin explique que les problèmes aux planchers apparaissent dans le premier mois et que le tout s'atténue au bout de quatre mois.

[38]            Relativement aux coups de marteau, ils étaient apparents lors de la livraison ou de l'inspection.

Argumentation

[39]            Le procureur estime que seules les fissures demeurent en litige, les autres défauts n'ayant pas fait l'objet de réclamation; il rappelle que la déclaration de réception a été signée par le bénéficiaire.

[40]            Avant la réception, le bénéficiaire a constaté un certain nombre de fissures; quelques semaines plus tard, elles se sont multipliées sans aucune explication scientifique.

[41]            Le procureur est d'avis que les défauts, encore plus les coups de marteau, étaient là lors de l'inspection et que le bénéficiaire aurait dû s'en apercevoir avant de signer le document par lequel il renonce à réclamer tout ce qui était apparent lors de la réception.

[42]            Le même bois provenant du même lot et du même fabricant a été installé dans une maison voisine sans aucun défaut ultérieur.

[43]            Le procureur est d'avis que le vice était apparent et n'a pas été dénoncé.

[44]            L'expert de l'entrepreneur a indiqué que 90 % des défauts étaient dus au martelage et 10 % aux fissures; or, les dommages causés par le marteau étaient apparents lors de la livraison.

Position des bénéficiaires

[45]            Hormis quatre à cinq anomalies notées avant la signature du contrat en février 2005, les bénéficiaires témoignent à l'effet qu'ils n'ont pas trouvé d'autres défauts à ce moment - là sur les planchers. En mars 2005, ils ont inventorié 136 défectuosités, et à l'automne 2005, ils en ont dénombré 200.

[46]            En mars, ils ont contacté M. Archambault, lequel est venu visiter la propriété; ce dernier aurait communiqué avec le fabricant qui n'a pas voulu donner suite.

[47]            Les bénéficiaires témoignent à l'effet que leur propriété leur apparaît maintenant moins belle, qu'ils accrochent leurs bas sur les éclats de bois et que leur habitation a perdu de la valeur.

Argumentation

[48]            Le procureur rappelle que lors de la livraison, les bénéficiaires ont constaté que très peu de lattes de bois étaient brisées, cinq à dix environ, et ce, après une inspection minutieuse de leur part; ceux-ci auraient-ils mentionné de ne point réparer les 200 autres défauts?

[49]            Les témoignages des deux bénéficiaires n'ont pas été contredits.

[50]            Quant à M. Archambault, il a plutôt été évasif à cet égard; il a d'abord cru à un problème de fabrication, car son premier réflexe a été de contacter son fournisseur.

[51]            Par la suite, M. Archambault attribue cette situation à un problème d'humidité; il n'a jamais avoué que cette situation existait au moment de la prise de possession; or, si l'entrepreneur ne s'en est pas rendu compte à ce moment-là, comment les bénéficiaires auraient-ils pu voir ces défauts?

[52]            Il est plus que plausible que les problèmes soient apparus après la livraison, et l'argumentation relative à la propriété avoisinante n'est point pertinente.

Position de l'administrateur

[53]            M. Hamel explique que les fissures sur lattes résultent d'un problème de fabrication, que ce problème peut évoluer dans le temps et qu'il est possible que 150 fissures apparaissent dans un laps de temps de trois semaines; ceci provient du séchage du bois dans le four du fabricant.

[54]            Ce type de problème est particulier aux planchers prévernis; il peut ne rien se passer durant quatre mois, et tout à coup les défauts surviennent au cours des trois semaines suivantes.

[55]            Toutefois, M. Hamel ne peut expliquer ce phénomène.

[56]            Selon le témoin, un problème d'humidité ne cause pas des fendillements, mais plutôt des interstices.

Argumentation

[57]            Le procureur estime qu'en vertu de l'article 10.3° du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, la garantie trouve application dans le présent dossier.

[58]            La source des défauts est double, soit une utilisation inadéquate du marteau lors de la pose ainsi qu'une défectuosité lors de la fabrication.

[59]            Le problème était inexistant au départ; il s'est développé de façon progressive.

[60]            Le procureur est d'avis qu'on ne peut établir une comparaison avec les planchers d'une autre propriété sans prouver qu'ils ont bien été fabriqués avec du bois provenant du même lot.

Décision et motifs

[61]            Les trois parties s'accordent pour exprimer que les planchers de bois franc du rez-de-chaussée et de l'étage comportent des vices et malfaçons.

[62]            L'expert retenu par l'entrepreneur conclut que les planchers du rez-de-chaussée pourraient être refaits, alors que ceux de l'étage sont acceptables.

[63]            Les défectuosités consistent en des lattes fendues et des écorchures.

[64]            La preuve est prépondérante à l'effet que les sources des défectuosités sont une mauvaise utilisation du marteau (cloueuse à plancher) ainsi que le matériel.

[65]            La source d'un mauvais contrôle d'humidité par les bénéficiaires invoquée par l'entrepreneur a été rejetée par son propre expert, alors que l'administrateur affirme, avec raison, qu'un mauvais contrôle d'humidité cause plutôt des interstices entre les lattes, ce qui n'est pas le cas dans le présent dossier.

[66]            L'expert de l'entrepreneur témoigne à l'effet que le marteau a causé 90 % des défectuosités actuellement apparentes sur les planchers.

[67]            L'entrepreneur soutient que ces écorchures causées par le marteau étaient apparentes lors de l'inspection commune et que de ce fait, les bénéficiaires ont renoncé à leur droit de réclamation.

[68]            Il existe une preuve prépondérante à l'effet que les fissures pouvaient ne pas être apparentes lors de l'inspection et se seraient progressivement développées par la suite.

[69]            Le tribunal est d'avis que les écorchures causées principalement par une mauvaise utilisation du marteau, tel qu'affirmé par l'expert de l'entrepreneur, constituent des malfaçons existantes et non apparentes au sens de l'article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

[70]            En effet, M. Archambault, ouvrier d'une très grande expérience dans la pose de planchers, a témoigné à l'effet que lorsqu'il a cédé la maison aux bénéficiaires en février 2005, il n'existait aucun problème de plancher.

[71]            Si un expert de pose ne peut, dans une position normale debout, constater ces problèmes, peut-on prétendre que les bénéficiaires, eux, pourraient le faire?

[72]            Selon le soussigné, l'article 10.2° vise les vices et malfaçons apparents à la suite d'une inspection normale, ne nécessitant ni l'embauche d'un expert ni un examen à genoux avec une loupe. Il s'agit de vices et de malfaçons que tout individu non expert dans le domaine de la construction peut déceler assez facilement.

[73]            La preuve a démontré que ce n'est qu'ultérieurement, à l'usage, que les éclats de bois s'accrochaient dans les bas des occupants; ces derniers ont alors regardé de plus près et ont pu inventorier quelque 200 défectuosités.

[74]            Lors de l'audience, le soussigné a soigneusement visité les lieux en deux occasions. En accord avec l'expert de l'entrepreneur, je suis d'avis que les planchers de l'étage sont acceptables et ne devraient pas faire l'objet d'un remplacement; en effet, l'état de ces planchers ne porte pas atteinte à la qualité, à la sécurité ou à l'utilisation du bâtiment.

[75]            Toutefois, l'état actuel des planchers du rez-de-chaussée est inacceptable et porte atteinte à la qualité du bâtiment; lors de l'inspection, ces malfaçons étaient non apparentes au sens de l'article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

[76]            Pour ces motifs, le tribunal accueille partiellement la réclamation de l'entrepreneur et lui ordonne de remplacer les planchers du rez-de-chaussée.

[77]            Pour ce qui est des planchers de l'étage, l'entrepreneur effectuera uniquement les réparations recommandées par son expert dans son rapport.

[78]            Le tribunal accorde à l'entrepreneur un délai de soixante (60) jours à compter des présentes pour effectuer ces travaux, à moins que l'entrepreneur et les bénéficiaires ne conviennent d'un autre délai.

V : RÉSUMÉ

[79]            Pour les motifs ci-devant énoncés, le tribunal

            REJETTE                   l'objection préliminaire soulevée par le bénéficiaire relativement au délai de soumission à l'arbitrage; et

            REJETTE                   les objections à la preuve soulevées par l'entrepreneur relativement au dépôt du rapport de décision de l'administrateur ainsi qu'au témoignage de M. Hamel; et

            ACCUEILLE              partiellement la réclamation de l'entrepreneur.

[80]            Conformément au premier alinéa de l'article 21 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, les coûts du présent arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur.

[81]            Conformément à l'article 22 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et compte tenu des conclusions dans ce dossier, le tribunal ordonne à l'administrateur de rembourser à l'entrepreneur 50 % des frais d'expertise encourus par ce dernier, soit un montant de neuf cent vingt-deux dollars et soixante cents (922,60 $).

 

BELOEIL, le 17 octobre 2006.

 

 

 

 

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Claude Dupuis, ing., arbitre [CaQ]

 



[1]     Takhmizdjian et Bardakjian c. Soreconi (Société pour la résolution des conflits inc.) et Betaplex inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'A.P.C.H.Q. inc., C.S. Laval 540-05-007000-023, Mme la juge Ginette Piché, 2003-07-09, pages 6 et 7.