ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE
GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM) |
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Dossier no : |
GAMM : 2008-12-002 |
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APCHQ : 096742-1 (08-023LS) |
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ENTRE : ANNIE ASSELIN MARTIN ET LAURENT MARTIN (ci-après les « bénéficiaires »)
ET : LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ (ci-après l’« administrateur »)
ET : CONSTRUCTION STÉPHANE BÉDARD INC. (ci-après l’« entrepreneur »)
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DEVANT L’ARBITRE : |
Me Johanne Despatis |
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Pour les bénéficiaires : |
Mme Annie Asselin Martin |
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Pour l’administrateur : |
Me Luc Séguin |
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Pour l’entrepreneur : |
Aucune |
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Date d’audience : |
27 novembre 2008 |
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Réception des notes sténographiques : |
14 décembre 2008 |
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Date de la sentence : |
28 janvier 2009 |
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SENTENCE ARBITRALE
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Adjudex inc.
0801-8291-GAMM
SA-8054
INTRODUCTION
[1] Dans une demande d’arbitrage présentée le 28 janvier 2008, madame Annie Asselin Martin et monsieur Laurent Martin, les bénéficiaires, contestent en vertu de l’article 19 du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, ci-après le Règlement, la décision suivante rendue le 21 décembre 2007 par la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ inc., l’administrateur :
Tout d’abord, nous désirons préciser les engagements de La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ, lesquels sont exposés au contrat de garantie dans le cadre d’un contrat d’entreprise :
« En cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales et contractuelles, La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., dans les limites et aux conditions décrites dans le présent contrat, garantit au bénéficiaire l’exécution de ces obligations qui résultent d’un contrat pour la vente ou la construction d’un bâtiment neuf… » - section B
De ce fait, les [dispositions] prévues audit contrat en cas de manquement de l’Entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles, avant réception du bâtiment s’appliquent en situation de remboursement d’acompte ou de parachèvement des travaux.
Après avoir pris connaissance des documents fournis, nous comprenons que les travaux de parachèvement sont complétés et que votre réclamation semble porter sur des montants déboursés en surplus de ceux prévus, soit la somme de [...] (35 164,35 S).
Or, le contrat stipule qu’est garanti, en cas de contrat d’entreprise, « …le parachèvement des travaux lorsqu’une entente à cet effet intervient avec la Garantie… » - 2.2 b).
À présent, force est de constater qu’aucune entente ne fût prise au préalable entre la Garantie et vous-même.
Conséquemment, La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ ne peut acquiescer à votre demande. Toutefois, nous voulons vous souligner que la garantie applicable actuellement est celle après réception du bâtiment. À ce sujet, nous vous référons à l’article 3 de votre contrat de garantie.
[...]
[2] En substance, les bénéficiaires contestent le refus de l’administrateur de leur rembourser des sommes qu’ils allèguent avoir déboursées afin de rendre leur résidence habitable suite au défaut de Construction Stéphane Bédard inc., l’entrepreneur, failli, de le faire.
[3] Une première sentence interlocutoire rendue le 12 septembre 2008 rejetait un moyen d’irrecevabilité opposé par l’administrateur à la présente demande, moyen décrit ainsi dans la sentence :
L’administrateur [...] présente en conséquence à l’audience un moyen préliminaire selon lequel, en substance, je ne pourrais valablement me saisir du présent recours puisqu’en donnant au syndic quittance complète, totale et finale de tout recours et de toutes réclamations dans le cadre du litige engagé devant la Cour supérieure, les bénéficiaires auraient du coup également donné quittance complète, totale et finale à l’entrepreneur, et donc à l’administrateur, de tous recours et réclamations pouvant découler des faits à l’origine du présent litige.
Plus précisément, fait valoir l’administrateur, les sommes qui lui sont réclamées dans le cadre du présent recours sont les mêmes qui l’étaient du syndic dans la demande reconventionnelle des bénéficiaires. En somme, selon l’administrateur, la quittance donnée au syndic relativement à la réclamation de ces sommes serait opposable par lui à la réclamation qui lui est présentée en vertu du Règlement.
PREUVE
[4] Les bénéficiaires ont tracé un long historique des événements ayant entouré leurs pourparlers avec l’entrepreneur et la conclusion en octobre 2004 de leur contrat d’entreprise avec celui-ci en vue de la construction de leur résidence.
[5] Selon leur contrat, leur résidence construite sur un terrain leur appartenant doit leur être livrée à la fin mars 2005 mais n’était pas terminée à cette date. Ce n’est qu’à la fin du mois suivant qu’ils y emménagent, non sans une foule de problèmes longuement décrits par les bénéficiaires.
[6] En substance, selon la preuve non contredite, l’entrepreneur n’a dans les faits jamais terminé la résidence des bénéficiaires. Il a mis fin à ses activités et délaissé le chantier le 1er juin 2005 et toutes les tentatives subséquentes des bénéficiaires pour en arriver à une entente avec lui échouent.
[7] Le témoignage des bénéficiaires reprend essentiellement ce qu’ils écrivaient dans leur réclamation à l’administrateur le 17 octobre 2007 :
Le 21 avril 2005, nous déménageons au […] mais nous ne pouvons rester dans la maison puisque aucune des toilettes n’est installée, aucun des bains ou douche ne sont fonctionnels, et il n’y a de l’électricité que dans la garde robe d’une chambre à coucher. Nous faisons la navette entre les deux maisons et nous dormons sur un matelas gonflable dans notre ancien domicile pendant trois jours. Après ces trois jours, une des trois salles de bain est terminée et nous pouvons dormir dans notre lit.
Trois jours après notre déménagement, le contracteur Stéphane Bédard recommence à quêter pour de l’argent et cette quête devient de plus en plus insistante, de plus en plus fréquente, devenant une négociation (voir menace) continuelle pour faire continuer les travaux.
Le 31 mai 2005, il ne reste que le dernier déboursé à faire. Nous faisons part au contracteur que, d’après nos calculs, il nous faut veaucoup plus que le dernier paiement de $ 46 843.93, dû 30 jours après la fin des travaux, pour compléter la maison et qu’à partir de ce jour, nous nous en tiendrons au contrat et qu’il n’y aura aucun autre déboursé qu’après 30 jours suivant la fin des travaux, tel qu’indiqué dans le contrat. Nous n’avons toujours pas de cuisine, de garde-manger, de lingerie, de salle d’eau, le tiers des planchers, la salle de bain des maîtres n’est pas terminée, la finition extérieure n’est pas faite, la peinture n’est pas finie, et la plupart des fixtures de lumières ne sont pas installées.
Le contracteur cesse tous les travaux. Le contracteur et sa conjointe appellent et se présentent à plusieurs reprises pour avoir plus d’argent. Nous refusons. Le 11 juin 2005, un huissier nous présente une lettre de notre contracteur nous demandant de payer le dernier paiement de $ 46 843.93. Nous lui envoyons une lettre le même jour lui demandant de poursuivre ses obligations contractuelles.
Le 3 juillet 2005, nous engageons un avocat afin de négocier une entente à l’amiable avec le contracteur pour compléter la maison, mais toutes les tentatives échouent puisque le contracteur a épuisé les fonds pour poursuivre la construction de notre maison.
Le 16 septembre 2005, notre maison est enregistrée à la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. (…) et nous recevons notre Certificat d’accréditation le 22 septembre 2005. Le 13 octobre 2005, Construction Stéphane Bédard Inc. fait une banqueroute (…).
[...]
Suite à l’abandon des travaux de la part de Construction Stéphane Bédard Inc., nous avons encouru des dépenses totalisant $ 82,008.27 pour rendre notre maison habitable, montant incluant l’achat et l’installation d’une cuisine, l’achat et l’installation de 800 pi2 de céramique, l’achat et l’installation de vanités (2) et d’une toilette, tous les travaux d’électricité et de plomberie encourus, la finition extérieure, le nivellement du terrain, et tous les achats fait en lieu et place du contracteur tout au long de la construction de notre maison.
Considérant que nous avons déboursé un montant de $ 265,448.95 sur notre contrat d’entreprise avec Construction Stéphane Bédard Inc. de $ 312,292.88, et qu’il nous a fallu $ 82,008.27 pour rendre notre maison habitable, nous calculons avoir déboursé en trop un montant de $35,164.34 avec factures à l’appui (…).
[8] En somme, les bénéficiaires expliquent qu’ils ont dû en raison de l’abandon des travaux par l’entrepreneur, eux-mêmes prendre en charge la complétion de leur résidence, retenant les services de sous-contractants ou en exécutant eux-mêmes certains travaux. Madame Asselin Martin décrit avec force précisions les difficultés rencontrées avec certains sous-traitants en raison notamment de la faillite de l’entrepreneur ainsi que les travaux exécutés.
[9] Les bénéficiaires affirment avoir ignoré à l’époque qu’ils pouvaient demander l’intervention de l’administrateur pour le parachèvement des travaux. Ils ajoutent que l’entrepreneur ne leur a jamais remis copie du contrat de garantie de sorte qu’ils n’auraient été informés de l’existence de ce recours qu’en 2007, soit deux ans après avoir eux-mêmes assuré le parachèvement de leur maison. Ils ajoutent que s’ils avaient été informés de ce recours et de ses conditions à l’époque, ils n’auraient jamais entrepris les travaux eux-mêmes et plutôt présenté une réclamation à l’administrateur dès l’été 2005.
[10] Les bénéficiaires n’ont souvenir que d’avoir signé un seul document avec l’entrepreneur soit le contrat d’entreprise en octobre 2004. Rien d’autre. Tout en reconnaissant leur signature, ils se disent incapables d’en expliquer la présence sur un document intitulé Contrat de garantie daté du 17 février 2005. Les bénéficiaires affirment n’avoir jamais rien signé ce jour-là en outre de n’avoir aucun souvenir d’un tel document. Madame Asselin Martin dira par contre avoir un vague souvenir d’une conversation avec une représentante de l’entrepreneur au moment de la signature du contrat d’entreprise en octobre 2004 concernant un don à l'APCHQ.
[11] Madame Asselin Martin raconte avoir été surprise de recevoir en septembre 2005 un envoi de l’administrateur l’informant que leur résidence était enregistrée auprès de la Garantie de l'APCHQ. Elle se souvient que des dépliants informatifs accompagnaient cet envoi mais dit ne pas y avoir porté une attention particulière, croyant qu’il fallait finir la construction d'abord, puis là, après, on aurait besoin de l'APCHQ pour couvrir, s'il y avait des vices. De toute façon, dit-elle, à ce moment, les travaux de parachèvements étaient déjà bien entamés.
[12] Monsieur Jocelyn Dubuc est coordonnateur du service d’inspection et de conciliation de l’administrateur. Il explique avoir compris à la lecture de la réclamation des bénéficiaires reçue en octobre 2007 que ceux-ci avaient pris en charge les travaux pour terminer leur résidence et encouru des dépenses de quelque 35 000 $ de plus que ce qu'ils auraient payé si l'entrepreneur avait parachevé leur maison et que c’est cette somme excédentaire qu’ils réclamaient de l’administrateur au titre de la garantie.
[13] Monsieur Dubuc, estimant cette réclamation non couverte par le Règlement, la rejette pour ce motif. Selon lui, il ne s’agissait pas d’une demande de parachèvement mais bien une demande de remboursement de travaux parachevés. Au surplus, ajoute monsieur Dubuc, il ne s’agissait pas non plus d’une demande de remboursement de réparations conservatoires, nécessaires et urgentes au sens du Règlement.
[14] Interrogé au sujet de la procédure usuelle en matière de demande de parachèvement de travaux, monsieur Dubuc explique que dans un tel cas un inspecteur est désigné par l’administrateur pour examiner le chantier et évaluer les travaux à faire selon le contrat intervenu avec l'entrepreneur fautif. Cette inspection est suivie de la préparation d’un estimé et éventuellement de la décision de l’administrateur sur l’à-propos de parachever les travaux ou rembourser les acomptes.
[15] C’est là, pour nos fins, l’essentiel de la preuve.
PLAIDOIRIES
Bénéficiaires
[16] Les bénéficiaires réitèrent n’avoir jamais reçu le contrat relatif à la garantie, affirmant en avoir ignoré l’existence jusqu’en 2007 d’où leur façon d’avoir fait les choses auprès de l’administrateur. Les bénéficiaires ajoutent que s’ils avaient connu la procédure en usage, ils n’auraient jamais entrepris les travaux eux-mêmes mais présenté dès le départ leur réclamation en ce sens auprès de l’administrateur.
[17] Les bénéficiaires invoquent notamment l’article 138 du Règlement. Ainsi, poursuivent les bénéficiaire, n'ayant pas eu de copie du contrat de garantie, ils n’ont pas pu s’en prévaloir ni donc en suivre les termes en vue du parachèvement de concert avec l'administrateur.
[18] Tout en reconnaissant que le Règlement est public et accessible, les bénéficiaires répètent qu’encore leur fallait-il en connaitre l’existence et qu’on ne peut pas raisonnablement s’attendre qu’un profane connaisse toutes les lois.
[19] Se tournant ensuite vers l'article 9 du Règlement, les bénéficiaires soutiennent que cette disposition prévoit soit le parachèvement des travaux ou soit le remboursement d’acomptes versés lorsqu'on se trouve dans une situation d'avant réception. Or, disent-ils, la réception de l’immeuble n'a jamais eu lieu. De la sorte, poursuivent les bénéficiaires, leur situation est assimilable à celle d’un bénéficiaire n’ayant pas procédé à la réception de son immeuble et ainsi il serait toujours possible de traiter en conformité du Règlement la question du parachèvement des travaux.
[20] Selon les bénéficiaires, l’administrateur ne pouvait ignorer à l’époque la faillite de l’entrepreneur et il aurait dû lui-même prendre la relève et faire les vérifications nécessaires pour le parachèvement des travaux et la réception du bâtiment.
[21] En terminant, les bénéficiaires soulignent que les documents reçus de l’administrateur en septembre 2005, ne les ont pas éclairés mais plutôt amenés à croire qu’ils n’avaient pas besoin d’intervenir immédiatement auprès de l’administrateur. Au surplus, ajoutent les bénéficiaires, la majeure partie des travaux de parachèvement pour lesquels ils réclament le remboursement aujourd’hui avaient déjà été faits.
[22] Les bénéficiaires ont invoqué les autorités suivantes : Cherubim c. La Garantie Qualité Habitation, SA, 28 novembre 2005, arbitre Claude Mérineau; Proulx et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., SA, 19 juin 2006, arbitre Johanne Despatis; Labelle c. Construction Rapex inc., 2007 QCCQ 14605 ; Excavation Bouchard ltée c. 9096-2556 Québec inc., 2007 QCCQ 13808 ; Nova Construction Plus (JPR) inc. c. Fiducie Sylvie Vallée, CS, 18 avril 2005, juge Jean Lemelin; Gruodis c. 9050-2014 Québec inc., 2006 QCCS 5270 ; Remix Entretien (Re), 2007 CanLII 53198 (QC R.B.Q.), Construction J.G.F. Enr. (Re), 2007 CanLII 52995 (QC R.B.Q.).
Administrateur
[23] D’entrée de jeu, le procureur rappelle que la Cour d’appel dans La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc. c. Maryse Desindes, AZ-50285725 , confirme le caractère d’ordre public du Règlement et qu’en conséquence puisque nul n'étant censé ignorer la loi, les bénéficiaires sont présumés connaître le Règlement et ne peuvent donc pour s’y soustraire en invoquant l’ignorance.
[24] Au surplus, selon le procureur, la preuve démontre que les bénéficiaires savaient très bien qu'une garantie couvrait leur bâtiment notamment en raison du fait que certaines dispositions du contrat d’entreprise signé en octobre 2004 s’y réfèrent explicitement. En outre, dit-il, la lettre et les dépliants qui accompagnaient le certificat d’enregistrement de leur résidence que l’administrateur leur a transmis en septembre 2005 les prévenaient de s’assurer de bien avoir une copie du contrat de garantie que l'entrepreneur avait l’obligation de leur remettre. Finalement, le procureur rappelle que le contrat de garantie produit au dossier porte bel et bien la signature des bénéficiaires.
[25] Se tournant ensuite vers l’article 138 du Règlement, le procureur fait valoir que si en dépit de la preuve, j’en venais à la conclusion que les bénéficiaires n'avaient jamais reçu de copie du contrat de garantie, cela ne les dispensait pas pour autant de leur obligation en vertu du Règlement de dénoncer leurs problèmes à l’administrateur avant de parachever l’immeuble.
[26] Selon le procureur, l’interprétation donnée à l’article 138 du Règlement dans les sentences Komelco puis Proulx [précitées] serait erronée, en ce sens que les obligations dont il est question à cette disposition ne sont pas celles d’un bénéficiaire aux termes du contrat de garantie mais plutôt du contrat d'entreprise conclu avec l’entrepreneur. Ainsi, poursuit Me Séguin, les bénéficiaires n’étaient pas eux-mêmes tenus d’exécuter leurs obligations envers l’entrepreneur tant qu’ils n’avaient pas reçu un double de leur contrat de garantie. Cela étant, selon lui, ils auraient pu ne pas verser d’acomptes.
[27] De plus, poursuit le procureur, la situation factuelle de l’espèce la distingue des cas Komelco et Proulx où les travaux de réparation ou de parachèvement n’avaient pas été effectués par les bénéficiaires alors qu’ils l’ont été ici, plaçant de la sorte l’administrateur devant un fait accompli.
[28] Or, en agissant ainsi, poursuit le procureur, on a privé l’administrateur de la possibilité de se pencher sur le bien-fondé de la réclamation. Ce dernier n’a donc pas pu obtenir la version des intéressés ni procéder à quelque inspection qui lui aurait permis de quantifier, estimer, évaluer les obligations qu’on lui demandait de rencontrer. En particulier, l’administrateur se voyait privé du choix de décider de parachever la résidence ou de plutôt opter pour rembourser les acomptes versés.
[29] Quoi qu’il en soit, poursuit le procureur, le Règlement ne prévoit pas le paiement ou le remboursement des frais engagés par un bénéficiaire ayant de son propre chef décidé de parachever un bâtiment sans avis à l’administrateur.
[30] En effet, le procureur fait valoir que le Règlement ne prévoit que deux cas où il peut y avoir remboursement de frais engagés à l’initiative d’un bénéficiaire : d’une part, celui des frais de relogement, déménagement ou entreposage au cas de retard dans la livraison du bâtiment; d’autre part, celui des frais de réparations conservatoires, nécessaires et urgentes. Deux situations non présentes en l’espèce.
[31] Se tournant enfin vers la juridiction de l’arbitre en matière d’équité, le procureur soutient qu’il serait inéquitable en l’espèce d'obliger l'administrateur de rembourser quelque somme que ce soit aux bénéficiaires dans les circonstances de ce dossier.
[32] Le procureur a également invoqué les autorités suivantes : Demers et La Garantie Qualité Habitation, SA, 31 janvier 2007, arbitre Claude Dupuis; Goulet c. Poissonnerie de la Baie inc., AZ-50179892 ; DOYON, Gilles, CROCHETIÈRE, Serge, Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs commenté, Les Éditions Yvon Blais inc., 1999, articles 137-138.
ANALYSE ET DÉCISION
[33] Il s’agit de décider si le Règlement permet l’indemnisation recherchée par les bénéficiaires. Précisément, la question est de savoir si je peux en vertu du Règlement ordonner à l’administrateur de rembourser à un bénéficiaire des dépenses encourues hors la connaissance de l’administrateur en vue de rendre habitable leur maison en raison du défaut de leur entrepreneur de l’avoir fait.
[34] Le Règlement impose, sujet à certaines conditions, à l’administrateur l’obligation d’exécuter au profit de l’acquéreur d’une propriété les obligations contractées par un entrepreneur notamment dans un contrat d’entreprise, si celui-ci ne s’en acquitte pas. C’est toutefois seulement à l’intérieur des paramètres définis que l’administrateur est engagé et conséquemment que l’arbitre peut lui ordonner d’agir.
[35] Or, avec égards, le Règlement ne comporte aucune disposition prévoyant le remboursement à un bénéficiaire des frais engagés pour le parachèvement d’une résidence, en cas de défaut de l’entrepreneur, si le bénéficiaire y a procédé de son propre chef et hors la connaissance de l’administrateur.
[36] L’article 9 du Règlement stipule :
9. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception du bâtiment doit couvrir:
[…]
2° dans le cas d'un contrat d'entreprise:
a) soit les acomptes versés par le bénéficiaire à la condition qu'il n'y ait pas d'enrichissement injustifié de ce dernier;
b) soit le parachèvement des travaux lorsqu'une entente à cet effet intervient avec l'administrateur;
[37] Ainsi, ce que l’article 9 du Règlement prévoit est que, dans le cas d’un contrat d’entreprise, si le défaut d’un entrepreneur survient avant la réception du bâtiment, comme le soutiennent ici les bénéficiaires, l’administrateur peut alors soit parachever les travaux si une entente intervient en ce sens; soit rembourser aux bénéficiaires les acomptes versés à la condition qu'il n'y ait pas d'enrichissement injustifié de ces derniers.
[38] En somme, dans de telles circonstances, deux options s’offrent : le parachèvement ou le remboursement d’acomptes, les deux après dénonciation préalable à l’administrateur et sur décision de celui-ci.
[39] On le sait, les bénéficiaires ne demandent pas le parachèvement de leur maison, celle-ci est terminée. Ils demandent plutôt le remboursement non pas d’acomptes versés à leur entrepreneur fautif mais des frais qu’ils ont encourus pour parachever eux-mêmes leur résidence. Précisément, ils demandent la partie des coûts de parachèvement excédant les coûts initialement prévus avec l’entrepreneur. Or, pareille réclamation n’est pas prévue au Règlement.
[40] Qu’en est-il de l’argument des bénéficiaires fondé sur l’article 138 du Règlement selon lequel ils invoquent leur ignorance du Règlement à l’époque des faits pour être dispensés des conséquences de ne pas s’y être conformés.
[41] L’article 138 dispose :
Le bénéficiaire n'est tenu à l'exécution de ses obligations prévues au contrat conclu avec l'entrepreneur qu'à compter du moment où il est en possession d'un double du contrat de garantie dûment signé
[42] En substance, les bénéficiaires affirment ne pas avoir eu connaissance du Contrat de garantie et que s’ils en avaient reçu copie en temps utile, ils auraient suivi la procédure prévue au Règlement et demandé à l’administrateur de prendre en charge les travaux plutôt que de s’en charger eux-mêmes et n’auraient donc pas eu à débourser les sommes qu’ils réclament aujourd’hui.
[43] Messieurs Gilles Doyon et Serge Crochetière dans leur ouvrage Le règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs commenté [précité] écrivent le commentaire suivant au sujet de son article 138 :
L’autorité règlementante [sic], s’inspirant encore une fois de l’article 33 de la Loi sur la protection du consommateur citée ci-dessus, édicte ici une disposition à caractère contraignant pour l’entrepreneur général.
En effet, l’omission de remettre un double du contrat de garantie au bénéficiaire pourrait autoriser ce dernier à retenir, à titre d’exemple, un acompte devenu par ailleurs exigible en vertu du contrat. Dans une telle situation, l’entrepreneur négligent devra remédier immédiatement à son omission en remettant au bénéficiaire un double du contrat de garantie dûment signé, de telle sorte que le bénéficiaire sera alors tenu de s’acquitter du versement exigible.
[44] Avec égards, l’article 138 n’a pas la portée que soutiennent les bénéficiaires. Comme le soulignent les auteurs, cette disposition peut avoir l’effet de suspendre les obligations d’un bénéficiaire à l’égard d’un entrepreneur. Rien de plus.
[45] Or, ce que les bénéficiaires me demandent n’est pas d’être dispensés d’une obligation envers leur entrepreneur mais plutôt d’être dispensés des conséquences juridiques de ne pas s’être conformés au Règlement en matière de parachèvement des travaux.
[46] Il y a lieu de rappeler qu’en vertu du Règlement, l’administrateur fournit une assurance parachèvement dès lors que ce parachèvement fait l’objet d’une entente. Il s’ensuit que toute réclamation relative au parachèvement est conditionnelle à la conclusion d’une entente préalable avec l’administrateur. Or, les bénéficiaires reconnaissent ne pas s’être conformés à cette condition.
[47] Et même si on devait donner à l’article 138 le sens, mal fondé, que suggèrent les bénéficiaires, cela ne pourrait de toute façon pas avoir la portée qu’ils soutiennent. En effet, le Règlement ne prévoit tout simplement pas qu’il puisse y avoir indemnisation pour une question de parachèvement sans entente préalable; et cela, sans exception. Malheureusement pour les bénéficiaires, l’ignorance de la loi n’est pas une dispense de s’y conformer.
[48] Pour toutes ces raisons, le recours est rejeté.
[49] Je décide à propos dans les circonstances que les coûts d’arbitrage seront défrayés par l’administrateur.
Montréal, le 28 janvier 2009
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__________________________________ Johanne Despatis, avocate Arbitre
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Adjudex inc.
0801-8291-GAMM
SA-8054