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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)
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ENTRE : |
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Eva Polyi et Larry Elliot |
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(ci-après les « bénéficiaires »)
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ET : |
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Constructions G.S. |
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(ci-après l'« entrepreneur »)
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ET : |
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La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. |
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(ci-après l'« administrateur »)
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No dossier de La Garantie des maisons neuves de l'APCHQ : 095021
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SENTENCE ARBITRALE SUR UNE REQUÊTE EN IRRECEVABILITÉ
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Arbitre : |
M. Claude Dupuis, ing. |
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Pour les bénéficiaires : |
Me Sylvain Lauzon |
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Pour l’entrepreneur :
Pour l'administrateur : |
Me Michel Ferland
Me Luc Séguin |
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Date d’audience : |
2 juin 2006 |
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Lieu d'audience : |
Anjou |
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Date de la sentence : |
20 juin 2006 |
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[1] À la demande de l’arbitre, l’audience s’est tenue dans les locaux de l’administrateur.
[2] Les bénéficiaires ont fait construire une maison unifamiliale isolée par l’entrepreneur précité.
[3] Une fois la propriété reçue, les bénéficiaires ont acheminé à l’administrateur une réclamation comportant 161 points.
[4] La décision de l’administrateur relativement à cette réclamation est datée du 7 novembre 2005.
[5] Insatisfaits de la décision de l’administrateur sur environ 50% des éléments réclamés, les bénéficiaires ont acheminé auprès du GAMM une demande d’arbitrage.
[6] Une première audience sur le fond s’est tenue le 15 mars 2006. Le matin de la deuxième journée d’audience, soit le 2 mai 2006, dès l’ouverture de l’enquête, le procureur de l’entrepreneur a soulevé une requête en irrecevabilité.
[7] L’entrepreneur prétend que le Plan de Garantie ne trouve pas application dans le présent dossier puisque, ayant été construite sur des fondations existantes, cette propriété ne constitue pas un bâtiment résidentiel neuf.
[8] L’entrepreneur appuie ses prétentions sur l’extrait d’une brochure explicative émise par la Régie du bâtiment (Québec) en mars 2006 et intitulée : Les mesures à prendre / Le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[9] Cet extrait est situé au bas de la page 3 du document et se présente comme suit :
« Le plan obligatoire s’applique uniquement aux bâtiments complètement neufs. Ainsi, un bâtiment construit sur des fondations existantes n’est pas couvert. »
[10] En cours d’enquête ont témoigné :
- M. Gilbert Poirier, directeur projets spéciaux, pour l’APCHQ
- M. Gaétan Lemaire, Directeur des opérations, pour l’entrepreneur
[11] Le procureur explique qu’il s’agit ici d’un bâtiment reconstruit, à la suite d’un incendie, sur des fondations existantes.
[12] La Garantie ne s’applique donc pas en espèce car il ne s’agit pas d’un bâtiment résidentiel neuf.
[13] Ainsi, l’arbitre n’a pas juridiction et il ne peut rendre une décision sur le fond. Le procureur cite par la suite le document préparé par la Régie du bâtiment (ci-devant cité), document préparé à partir du Règlement.
[14] Relativement à l’allégation faite par l’administrateur à l’effet que ce dernier peut, si un bâtiment ne rencontre pas les conditions du plan obligatoires, quand même l’enregistrer sur ce plan à condition qu’il y ait consentement entre l’entrepreneur et les bénéficiaires, l’entrepreneur réplique comme suit.
[15] Le procureur fait état d’une conversation entre Monsieur Lemaire et Monsieur Poirier survenue en juin ou juillet 2005, concernant l’enregistrement de ladite propriété sur le Plan de Garantie.
[16] Monsieur Lemaire aurait expliqué qu’il venait d’apprendre que la fondation n’avait pas été protégée durant un an et demi ; Monsieur Poirier aurait alors dit à Monsieur Lemaire qu’il ne s’agissait pas d’un bâtiment résidentiel neuf. À la grande surprise de Monsieur Lemaire, subséquemment, le bâtiment a été enregistré à la Garantie. Une lettre d’ingénieur datée de 2003 atteste que les fondations étaient conformes, la construction a débuté en 2004, l’enregistrement a été effectué en 2005.
[17] Selon l’entrepreneur, l’enregistrement n’a pas été effectué en 2004, car il s’agissait d’une reconstruction (une énorme rénovation) comme il a l’habitude de faire sans enregistrement.
[18] Le procureur rappelle donc que la garantie sur ce bâtiment a été enregistrée un an après la conclusion du contrat, alors qu’il y avait déjà des réclamations, il rappelle de plus que Monsieur Lemaire est catégorique à l’effet que cet immeuble n’avait pas été enregistré.
[19] Si l’administrateur doit déroger à la règle, ça prend le consentement des deux parties ; or, le présent enregistrement s’est fait à l’insu de l’entrepreneur. Le procureur souligne le fait que ladite propriété non éligible au Plan obligatoire aurait dû se retrouver sous la Garantie des Immeubles Résidentiels de l’APCHQ, plan moins avantageux que le plan obligatoire.
[20] La position des bénéficiaires est que le bâtiment concerné n’est pas un bâtiment résidentiel neuf vu qu’il a été construit sur des fondations existantes. Toutefois, la prétention de l’administrateur est que ce bâtiment est quand même assujetti au certificat de garantie.
[21] Monsieur Poirier s’occupe du suivi d’enregistrement à l’APCHQ.
[22] Le témoin affirme que selon le règlement, tout ajout à un bâtiment existant ne constitue pas une construction neuve ; il ne peut toutefois expliquer pourquoi un bâtiment érigé sur une fondation existante n’est pas obligatoirement éligible au Plan de Garantie. L’enregistrement est un document qui atteste un certificat de garantie, lequel est émis aux bénéficiaires et à l’entrepreneur.
[23] Même si le bâtiment est non éligible au Plan de Garantie obligatoire, l’administrateur donne à l’entrepreneur l’opportunité de demander l’enregistrement de ce bâtiment sur ce plan, pour question d’hypothèque ou autre ; pour considérer la demande, l’administrateur exige le consentement et de l’entrepreneur et des bénéficiaires.
[24] L’entrepreneur est libre d’agir ainsi et l’administrateur est libre d’accepter.
[25] L’enregistrement des maisons usinées est obligatoire sur une fondation fournie par le consommateur à condition que cette dernière soit neuve. Toujours selon monsieur Poirier, la décision d’enregistrer la présente propriété origine du « contrat d’entreprise et contrat de garantie » signé par l’entrepreneur et les bénéficiaires le 21 août 2004 auquel est intégré le contrat de garantie des bâtiments résidentiels neufs ; d’ailleurs, à la page 1 de l’Annexe A, on peut lire :
« Garantie Maison Neuve APCHQ »
[26] Le formulaire d’enregistrement général du bâtiment a donc été émis par monsieur Poirier en date du 9 août 2005.
[27] Dès ce moment donc, l’entrepreneur sait, hors de tout doute, que l’immeuble est assujetti à Plan de Garantie. Habituellement, l’enregistrement intervient 30 à 90 jours après la signature du contrat ; toutefois, de 600 à 700 enregistrements par année accusent des retards.
[28] Dans un tel cas, il appartient à l’entrepreneur de vérifier si la fondation existante est conforme. D’août 2005 au 2 mai 2006, l’entrepreneur n’a jamais contesté cet enregistrement ; ce n’est qu’à ce moment là que l’entrepreneur a invoqué le fait que le bâtiment n’était pas assujetti au Plan de Garantie.
[29] Monsieur Poirier nous informe que lorsque l’entrepreneur ne paye pas les frais d’enregistrement, c’est l’administrateur qui les absorbe.
[30] La première réclamation des bénéficiaires sur ce bâtiment est datée du 17 août 2005.
[31] Le témoin indique qu’il ne s’agit pas ici d’une première, car depuis 1999, l’administrateur a la liberté d’enregistrer tout bâtiment s’il y a consentement entre les deux parties.
[32] Le procureur est d’avis que le Plan de Garantie obligatoire ne s’applique pas dans le présent dossier ; mais les parties, par convention, peuvent s’assujettir à ce plan. Lorsqu’il y a consentement entre les parties, l’administrateur peut consentir à ce que le bâtiment soit assujetti, car la Régie prévoit de couvrir des bâtiments non visés par le plan obligatoire.
[33] Or, dans le présent dossier, le consentement existe. Il a été exprimé au contrat, lequel contient en annexe les dispositions du contrat de garantie. À la page 1 de l’Annexe A du contrat, l’on retrouve une adhésion à la garantie des maisons neuves de l’APCHQ ; l’entrepreneur y a apposé ses initiales.
[34] Le contrat a été signé par les bénéficiaires et l’entrepreneur. D’où l’émission de l’enregistrement le 9 août 2005. À partir de ce moment-là, monsieur Poirier n’avait pas à demander à l’entrepreneur l’autorisation de procéder à l’enregistrement.
[35] Tout le long du déroulement du dossier, l’entrepreneur n’a jamais démontré sa non volonté de participer au Plan de Garantie. Suite à la réclamation des bénéficiaires, l’entrepreneur était présent lors de l’inspection de l’administrateur ; il était présent lors de la première journée d’audience sur le fond. Il est clair que l’entrepreneur tente de se défiler de son obligation ; or, la loi entre les parties c’est le contrat.
COÛTS DU PRÉSENT ARBITRAGE
[36] Dans le présent dossier, le demandeur de l’arbitrage est le bénéficiaire et dans ce cas, les coûts, d’après le règlement, sont partagés entre l’administrateur et le bénéficiaire. Selon le procureur de l’administrateur, les coûts de l’arbitrage relatifs à la présente requête soulevée par l’entrepreneur n’ont pas à être assumés ni par les bénéficiaires, ni par l’administrateur.
[37] Cette requête n’a pour seul objectif que de retarder le dossier et de causer préjudice aux bénéficiaires ; il s’agit donc d’un délai injustifié.
[38] Dans sa décision à cet égard, l’arbitre est invité à considérer l’article 116 du règlement, soit l’équité.
IV : DÉCISION ET MOTIF
A) LA REQUÊTE
[39] Les trois parties s’entendent pour affirmer qu’un bâtiment construit sur des fondations existantes n’est pas obligatoirement couvert par le Plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[40] Aucune des parties n’a pu justifier cette affirmation, sinon par la déclaration de la Régie du bâtiment apparaissant dans sa publication de mars 2006 et auparavant citée.
[41] Interrogé par le soussigné à cet égard, monsieur Poirier, directeur à la division des garanties à l’APCHQ, affirme qu’il ne peut expliquer pourquoi un bâtiment érigé sur une fondation existante n’est pas obligatoirement éligible ; il ajoute : « Cette publication de la Régie a pour objectif de renseigner les gens ; mais cette phrase n’aurait pas dû être là. »
[42] Malgré cette position commune, le soussigné n’est pas du tout convaincu qu’un bâtiment construit sur des fondations existantes soit automatiquement exclu du plan obligatoire.
[43] Le Règlement nous donne une définition d’un « bâtiment » mais ne nous transmet aucune définition d’un « bâtiment résidentiel neuf ».
[44] L’article 12.1 du Règlement ouvre la porte aux bénéficiaires de pouvoir fournir des matériaux et de l’équipement :
« 12. Sont exclus de la garantie :
1- la réparation des défauts dans les matériaux et l’équipement fournis et installés par le bénéficiaire ; »
[45] Ainsi, selon cet article, un bénéficiaire pourrait fournir une serrure, une porte ou un foyer ; évidemment, ces éléments ne seraient pas couverts par la garantie obligatoire. L’article 12 ne spécifie pas si ces éléments doivent être neufs.
[46] Qu’en est-il d’une fondation fournie par le bénéficiaire ?
[47] Évidemment, cette fondation ne serait pas couverte par la garantie, de même que tous les dommages originant du comportement de cette fondation.
[48] Il n’en demeure pas moins que même si une fondation serait fournie par le bénéficiaire, l’entrepreneur conserve la responsabilité professionnelle d’analyser et de vérifier la conformité de cette fondation avant d’ériger le bâtiment ; ce même entrepreneur ne peut donc pas aujourd’hui ne plus vouloir respecter cette garantie du fait qu’il vient d’apprendre que la fondation a souffert de protection durant un an et demi.
[49] Suite à la preuve recueillie et suite à la visite des lieux, le bâtiment actuel m’apparaît être, dans son essence et dans sa substance, une maison neuve. Cette dernière opinion du soussigné ne sera pas sa principale pierre d’assise à sa décision.
[50] Car il existe une preuve prépondérante à l’effet que et l’entrepreneur et le bénéficiaire ont volontairement adhéré au Plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[51] Dès la signature du contrat le 21 août 2004, l’entrepreneur a donné son consentement. Il a apposé sa signature au contrat ; à ce dernier était joint le contrat de garantie correspondant au Plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs. À l’Annexe A du même contrat où apparaît l’initiale du représentant de l’entrepreneur, on peut lire : « Garantie maison neuve APCHQ ».
[52] Du début de ce contrat jusqu’au 2 mai 2006, le comportement de l’entrepreneur témoigne à l’effet qu’il a adhéré à ce plan.
[53] De toute évidence, ce n’est que lorsqu’il prend connaissance de la brochure de la Régie, soit en mai 2006, qu’il change son fusil d’épaule.
[54] Je cite partiellement l’article 10 du décret :
« 10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir : (…) »
[55] Dans le présent dossier, l’entrepreneur renie ses obligations légales et contractuelles, car il a adhéré de façon non équivoque au Plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs ; le consentement a bel et bien été démontré. Cette fin de non recevoir peut causer d’énormes préjudices aux bénéficiaires qui, de bonne foi, avaient mis leur confiance dans ce Plan de Garantie.
[56] Pour ces motifs, la présente requête en irrecevabilité est rejetée.
B) LES COÛTS D’ARBITRAGE RELATIFS À LA REQUÊTE
[57] L’article 21 du décret dicte la répartition des coûts d’arbitrage :
« 21. Les coûts de l’arbitrage sont partagés à parts égales entre l’administrateur et l’entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l’administrateur à moins que le bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l’arbitre départage ces coûts. »
[58] Cet article ne souffre ni d’interprétation ni d’exception.
[59] Dans le présent dossier, les demandeurs sont les bénéficiaires ; c’est donc le deuxième alinéa de l’article 21 qui s’applique.
[60] Est-ce que les coûts d’arbitrage de la présente requête émanant de l’entrepreneur devraient lui être attribués ?
[61] Je ne crois pas. Une requête, une demande de remise, une preuve fastidieuse et trop longue font partie du processus d’arbitrage auquel doit s’attendre tout demandeur.
[62] Le tribunal pourrait décider autrement s’il jugeait qu’une partie, non payeuse par surcroît, multiplie indéfiniment les moyens ou constate qu’il y a abus de moyen.
[63] Les représentants des parties ont des obligations de moyens pour assurer la défense de leur client.
[64] Dans le présent dossier, le tribunal n’a pu constater tel abus ; d’autant plus que la présente requête repose essentiellement sur un écrit provenant de la Régie du Bâtiment.
[65] Pour ma part, je préfère faire intervenir la notion d’équité (article 116 du décret) pour des questions fondamentales résultant de l’application de l’article 10 ou autre du décret, plutôt que pour des questions de procédure résultant du cours normal de l’arbitrage.
RÉSUMÉ
[66] Pour les motifs ci-devant énoncés, le tribunal rejette la requête en irrecevabilité présentée par l’entrepreneur.
[67] Le tribunal communiquera sous peu avec les parties concernant la poursuite de l’audience sur le fond du litige.
[68] L’arbitre réserve pour plus tard le partage des coûts de l’arbitrage, une fois que les résultats au mérite sur chacun des aspects de la présente réclamation seront connus, le tout conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 21 du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
BELOEIL, le 20 juin 2006.
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__________________________________ Claude Dupuis, ing., arbitre [CaQ] |