ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
(Loi sur le bâtiment, L.R.Q., c. B-1.1)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (« CCAC »)
ENTRE : MONSIEUR RAYMOND GAUTHIER
(ci-après « le Bénificiaire »)
ET : CONSTRUCTION MARIO BLONDIN INC
(ci-après « L’Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.
(ci-après « l’Administrateur »)
No dossier CCAC : S10-241201-NP
Arbitre : |
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Me Albert Zoltowski |
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Pour le Bénéficiaire : |
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Monsieur Raymond Gauthier |
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Pour l’Entrepreneur : |
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Me Alain Brophy |
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Pour l’Administrateur : |
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Me Luc Séguin |
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Date de la décision : |
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Le 28 octobre 2011 |
Identification complète des parties
Arbitre : |
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Me Albert Zoltowski 1010, de la Gauchetière Ouest Bureau 950 Montréal (Québec) H3B 2N2 |
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Bénéficiaire : |
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Monsieur Raymond Gauthier 285, rue de la Rive Sainte-Anne-de-Sorel (Québec) J3P 1K5 |
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Entrepreneur : |
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Construction Mario Blondin inc. 1233, Chemin des Patriotes Sorel-Tracy (Québec) J3P 2N3
À l’attention de Monsieur Mario Blondin, président |
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Représenté par son procureur Me Alain Brophy Deveau, Bourgeois, Gagné, Hébert & associés 2540, boul. Daniel-Johnson, bureau 400 Laval (Québec) H7T 2S3 |
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Administrateur : |
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La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. 5930, boul. Louis-H.-Lafontaine Montréal (Québec) H1M 1S7
Représentée par Me Luc Séguin Savoie Fournier 5930, boul. Louis-H.-Lafontaine Anjou (Québec) H1M 1S7 |
Décision
L’arbitre a reçu son mandat du CCAC le 31 janvier 2011.
Historique du dossier :
11 novembre 2010 : |
Inspection du bâtiment par l’Administrateur; |
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22 novembre 2010 : |
Décision de l’Administrateur; |
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24 décembre 2010 : |
Réception par le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (ci-après « CCAC ») de la demande d’arbitrage du Bénéficiaire; |
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3 janvier 2011 : |
Premier addendum de l’Administrateur faisant partie intégrante de sa décision du 22 novembre 2010; |
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3 janvier 2011 : |
Deuxième addendum de l’Administrateur faisant partie intégrante de sa décision du 22 novembre 2010; |
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14 janvier 2011 : |
Réception par le CCAC d’une lettre de confirmation de la part du Bénéficiaire de sa demande d’arbitrage avec copie du deuxième addendum de l’Administrateur du 3 janvier 2011; |
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25 janvier 2011 : |
Réception par le tribunal arbitral du cahier des pièces de l’Administrateur; |
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11 avril 2011 : |
Conférence téléphonique avec les parties; |
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12 avril 2011: |
Avis aux parties de la tenue d’une conférence préparatoire par voie téléphonique le 21 juin 2011; |
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21 juin 2011 : |
Conférence préparatoire par voie téléphonique avec les parties; |
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22 juin 2011 : |
Avis aux parties de la tenue de l’audience prévue pour le 28 septembre 2011; |
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28 septembre 2011 : |
Audience; |
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11 octobre 2011 : |
Expiration du délai accordé aux parties pour la soumission de documents supplémentaires; |
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17 octobre 2011 : |
Expiration du délai accordé aux parties pour la soumission de leurs représentations écrites supplémentaires; |
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28 octobre 2011: |
Décision arbitrale. |
DÉCISION
Introduction
[1] L’arbitre soussigné (ci-après « le tribunal arbitral ») est saisi d’une demande d’arbitrage du Bénéficiaire. Cette demande soulève deux questions : la première concerne la validité de la dénonciation des défauts de construction allégués par le Bénéficiaire; la deuxième, étant une question subsidiaire, vise une demande de sursis fondée sur la litispendance.
[2] Lors du premier appel conférence, auquel participaient le Bénéficiaire ainsi que les procureurs de l’Administrateur, de l’Entrepreneur et le soussigné, les parties ont consenti à suspendre le dossier d’arbitrage pendant plus de deux (2) mois eu égard aux discussions d’un règlement global, comprenant également cet arbitrage, dans le cadre de procédures judiciaires entre le Bénéficiaire et l’Entrepreneur alors en cours devant la Cour du Québec.
[3] Lors de la conférence téléphonique subséquente tenue le 21 juin 2011, vu l’absence d’un règlement global, le fait que le dossier de la Cour du Québec n’était pas en état et que la question principale soumise à l’arbitrage concernait seulement la validité de la dénonciation par le Bénéficiaire des défauts de construction allégués, le tribunal arbitral a fixé une audience au 28 septembre 2011. Cette date convenait à toutes les parties. Les questions en litige devant être débattues lors de cette audience étaient décrites dans les lettres adressées aux parties par le tribunal les 22 juin 2011 et 30 août 2011. Dans cette dernière lettre, le tribunal arbitral écrivait ceci au nouveau procureur de l’Entrepreneur (avec copie aux autres parties):
« Je vous confirme que la première question qui sera abordée lors de l’audience prévue pour le 28 septembre prochain est celle du respect par monsieur Gauthier du délai de dénonciation conformément aux modalités prévues au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs relativement aux défauts de construction qu’il a allégués et soumis à l’arbitrage.
En ce qui concerne la deuxième question en litige, soit celle de litispendance résultant d’un ou des recours civils entre monsieur Gauthier et votre cliente, je vous réfère à ce que j’ai déjà écrit dans ma lettre du 22 juin dernier dont vous avez eu connaissance. Pour les fins d’économie de temps et d’argent, je crois qu’il est dans l’intérêt des parties que cette deuxième question soit également traitée lors de l’audience du 28 septembre 2011 si vous choisissez, à l’instar de l’ancien procureur de votre cliente, Me Raymond Daoust, de la soulever. »
[4] Tel que prévu, l’audience eut lieu le 28 septembre 2011. Les personnes y présentes étaient:
a) Monsieur Manuel Lago, représentant de l’Administrateur;
b) Me Luc Séguin, procureur de l’Administrateur;
c) Monsieur Richard Gauthier, le Bénéficiaire;
d) Me Alain Brophy, procureur de l’Entrepreneur.
[5] Lors de l’audience, le Bénéficiaire et le procureur de l’Entrepreneur se sont engagés à soumettre, le ou avant le 10 octobre 2011, une copie des jugements auxquels ils ont fait référence lors de leur plaidoirie.
[6] Advenant que l’une ou l’autre des parties voulait soumettre des représentations écrites supplémentaires après avoir pris connaissance de ces jugements - le tribunal arbitral a accordé une autre période de dix (10) jours pour le faire.
Décision de l’Administrateur du 22 novembre 2010
[7] Dans sa décision du 22 novembre 2010, monsieur Manuel Lago, B.Arch., inspecteur-conciliateur du Service de la conciliation de l’Administrateur, a établi que la date de réception du bâtiment était le 2 avril 2008. Advenant que les parties voulaient soumettre des représentations écrites supplémentaires après avoir pris connaissance de ces jugements, le tribunal arbitral leur a accordé une autre période de neuf (9) jours pour le faire.
[8] Dans la partie « Introduction » de cette décision, il a écrit ce qui suit :
«Dans le cadre du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, le bénéficiaire a déposé une demande de réclamation auprès de l’administrateur. L’avis adressé à l’entrepreneur et à l’administrateur porte sur les éléments suivants :
Avis reçu par l’administrateur le 3 août 2010, soit dans la deuxième année de garantie.
Le bénéficiaire joint à sa réclamation une lettre en date du 10 novembre 2009 faisant état des dénonciations suivantes :
- Déficit de chauffage
- Fuite de glycol
- Système Hydra à des températures trop élevées
- Coups de bélier
- Pont thermique
- Portes mal ajustées
- Subvention Novoclimat
Le bénéficiaire faisait également état d’une dernière conversation téléphonique avec l’entrepreneur le 16 mars 2009, au cours de laquelle ce dernier semblait disposé à trouver des solutions aux problèmes dénoncés aux présentes.
Puisque la demande de réclamation du bénéficiaire a été reçue dans la troisième année de la garantie, l’administrateur doit se référer à l’article 3.3 du contrat de garantie, laquelle porte sur les vices cachés. »
Ensuite, dans la partie « Faits, analyse et décision » l’inspecteur-conciliateur traite des points 1, 2 et 4 qui font l’objet de cet arbitrage en termes suivants :
« 1. DÉFICIT DE CHAUFFAGE
Les faits
Le bénéficiaire indique que lorsque la température extérieure est plus froide que moins 2 degrés Celsius, le système de chauffage ne répond plus à la demande.
Du 20 novembre 2008 au 25 février 2009, le bénéficiaire a relevé, de façon quotidienne, les températures dans chacune des pièces de la maison.
…
Lors de l’inspection, le bénéficiaire a déclaré que la situation dénoncée a été observée lors de la période des fêtes 2007-2008 puisque même si le thermostat était réglé à 18 degrés Celsius, les lectures de température indiquaient 12 degrés Celsius à l’étage.
2. FUITES DE GLYCOL
Les faits
Le bénéficiaire dénonce deux fuites de glycol, l’une visible à l’extérieur de la maison devant la porte de garage, et l’autre dans le système de plomberie au-dessus de la fournaise Hydra.
Lors de l’inspection, l’administrateur a constaté la présence d’une fissure au plancher de béton, près de la porte de garage.
Un liquide rouge correspondant au mélange glycol/eau s’est échappé de la fissure.
L’administrateur constate également qu’un bac a été placé sur le dessus de la fournaise Hydra afin de recueillir le mélange glycol/eau qui fuit du réseau de tubulures au-dessus de la fournaise.
3. SYSTÈME HYDRA - TEMPÉRATURES TROP ÉLEVÉES
Les faits
Le bénéficiaire dénonce que la chaudière électrique Hydra fonctionne en chauffant l’eau à des températures variant de 100 à 140 degrés Celsius, ce dernier mentionnant que si tel que recommandé par le fabricant ou par la SCHL, le système est calibré pour fonctionner à des températures variant de 85 à 120 degrés Celsius, des économies d’énergie seraient générées.
Lors de l’inspection, le bénéficiaire a indiqué que la situation a été observée en janvier 2008.
4. COUPS DE BÉLIER
Les faits
Le bénéficiaire dénonce que depuis la réception du bâtiment, la tuyauterie du système de chauffage claque entre les solives lorsque le système de chauffage fonctionne.
Lors de l’inspection, le bénéficiaire a ouvert puis fermé le système de chauffage afin de provoquer les coups de bélier.
L’administrateur n’a pas été en mesure de constater la situation dénoncée, le test n’ayant pas donné de résultats.
5. …
6. …
ANALYSE ET DÉCISION (points 1 à 6)
Le bénéficiaire a déclaré avoir dénoncé à l’entrepreneur les situations décrites aux points 1 à 6 dans une lettre datée du 10 novembre 2009. Les situations dénoncées ont fait l’objet d’une conversation téléphonique avec l’entrepreneur le 16 mars 2009 et elles ont été observées avant cette date, certaines dès 2008.
Quant à l’administrateur, il fut informé par écrit de l’existence de ces situations pour la première fois le 3 août 2010.
En ce qui a trait au délai de dénonciation, le contrat de garantie stipule que les malfaçons, les vices cachés ou les vices majeurs, selon le cas, doivent être dénoncés par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de leur découverte ou survenance ou, en cas de vices ou de pertes graduels, de leur première manifestation.
Dans le cas présent, il appert que le délai de dénonciation excède le délai raisonnable qui a été établi par le législateur et par conséquent, l’administrateur ne peut donner suite à la demande de réclamation du bénéficiaire à l’égard de ces points.
…
CONCLUSION
POUR TOUS CES MOTIFS, L’ADMINISTRATEUR :
FIXE la date de réception du bâtiment au 2 avril 2008.
NE PEUT CONSIDÉRER la demande de réclamation du bénéficiaire pour les points 1 à 7. » (Note du tribunal arbitral : le point no 7 n’est pas pertinent pour les fins de la présente décision.)
[9] Le 24 décembre 2010, le Bénéficiaire envoie sa demande d’arbitrage au Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (« CCAC »). En résumé, il porte en arbitrage les points suivants de la décision de l’Administrateur :
1. Déficit de chauffage,
2. Fuites de glycol,
3. Système Hydra - températures trop élevées,
4. Coups de bélier.
[10] Dans sa demande d’arbitrage, il précise que ces quatre points :
« sont tous des points reliés au système de chauffage qui fut dénoncé comme étant défectueux ou mal calibré dans le document « formule d’inspection préréception ».
[11] Dans sa demande, il réfère également à une conversation téléphonique avec l’inspecteur-conciliateur, monsieur Lago et indique qu’il attend de ce dernier un « addendum » à sa décision du 22 novembre 2011, au début de janvier 2011.
[12] Cet addendum, identifié par le tribunal arbitral comme le « deuxième addendum », daté du 3 janvier 2011, se retrouve à l’onglet 7 du cahier des pièces de l’Administrateur. On y lit ce qui suit :
« Le présent addenda fait partie intégrante de la décision émise le 22 novembre 2010.
À la suite d’une demande de réclamation du bénéficiaire, l’administrateur a procédé, le 11 novembre 2010, à une inspection du bâtiment concerné, à la suite de quoi une décision fut émise.
À la suite de cette décision, le bénéficiaire est entré en communication avec l’administrateur le 29 novembre 2010 l’informant que le point « Calibrage du système de chauffage » est inclus dans la liste des travaux à compléter dans le formulaire d’inspection préréception signé par l’entrepreneur et le bénéficiaire.
Cette information du bénéficiaire a donc donné suite au présent addenda.
Conséquemment, la décision relative au point 3 devra dorénavant se lire comme suit :
1. SYSTÈME HYDRA - TEMPÉRATURES TROP ÉLEVÉES
ANALYSE ET DÉCISION (point 3) :
Le point 3 porte sur des travaux de parachèvement du bâtiment faisant partie du contrat intervenu entre le bénéficiaire et l’entrepreneur.
De plus, conformément aux exigences de l’article 3.1 du contrat de garantie, ces travaux de parachèvement ont été dénoncés par écrit au moment de la réception du bâtiment.
Par conséquent, l’administrateur doit accueillir la demande de réclamation du bénéficiaire à l’égard de ce point.
CONCLUSION
POUR TOUS CES MOTIFS, L’ADMINISTRATEUR :
ACCUEILLE la demande de réclamation du bénéficiaire pour le point 3.
ORDONNE à l’entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs requis en ce qui a trait au point 3, et ce, dans un délai de trente (30) jours suivant réception de la présente. »
[13] Étant donné que le point no 3 a été accueilli par l’Administrateur dans ce deuxième addendum du 3 janvier 2011 - ce point n’est pas en arbitrage.
Preuve du bénéficiaire
Témoin - Monsieur Raymond Gauthier (le Bénéficiaire)
Le tribunal arbitral retient de son témoignage ce qui suit :
[14] Selon le Bénéficiaire, la mention « Calibrage du système de chauffage » écrite sur le formulaire d’inspection préréception du bâtiment qui, malgré le fait qu’il ne porte aucune date, a été écrit et signé le 2 avril 2008, réfère à trois des quatre points concernant le système de chauffage hydronique, soit les points 1 - Déficit de chauffage, 3 - Système Hydra - températures trop élevées et 4 - Coups de bélier.
[15] Cette expression « Calibrage du système de chauffage » a été rédigée et écrite par madame Alice Tremblay, représentante de l’Entrepreneur. C’est elle qui a suggéré le libellé de cette expression. Le témoin y a consenti.
[16] Le témoin affirme que bien avant la réception du bâtiment et avant qu’il commence à l’habiter, il a fait plusieurs interventions auprès de l’Entrepreneur pour que le système de chauffage hydronique soit ajusté. Pendant les quatre mois précédant la date de réception, l’Entrepreneur a tenté de trouver des solutions pour bien ajuster le système de chauffage. Le 2 avril 2008, lors de l’inspection et de la réception du bâtiment, l’Entrepreneur n’avait pas encore trouvé de solution.
[17] Il donne une explication détaillée à l’effet que la chaudière électrique Hydra faisant partie du système de chauffage hydronique sous les planchers, y compris la partie de ce système enfouie dans la dalle de béton du sous-sol, a été mise en opération en décembre 2007 pour chauffer un peu le bâtiment qui n’était pas encore terminé. La plomberie et une partie du système de chauffage hydronique n’était pas encore complétées. Déjà pendant les fêtes de 2007, il a commencé à prendre des notes concernant les choses à être complétées dans ce système de chauffage. Il communiquait ses observations de façon régulière verbalement et peut-être par écrit à l’Entrepreneur qui collaborait pour trouver des solutions afin que le système soit bien ajusté.
[18] À la date de la réception du bâtiment, soit le 2 avril 2008, le système de chauffage hydronique était complété. Toutefois, le sous-traitant responsable de l’installation de ce système, était encore présent dans le bâtiment pour faire des ajustements au système.
[19] Lors de l’inspection préréception avec la représentante de l’Entrepreneur madame Tremblay, ils ont discuté des problèmes de chauffage et elle a résumé le tout sous l’expression « Calibrage du système de chauffage ». Il déclare qu’elle l’a écrite sur la base de ce qu’ils ont discuté lors de cette inspection. À cette date, les communications entre lui et l’Entrepreneur et la collaboration de ce dernier étaient très bonnes.
[20] En ce qui concerne le point 4 - Coups de bélier, il déclare que ce problème existait aussi lors de la réception du bâtiment. Selon lui, la cause de ce problème est la présence d’un excès d’air dans les tuyaux. Il dit qu’il faudrait le faire sortir de là. Selon le témoin, ce point 4 est également inclus sous le libellé « Calibrage du système de chauffage ».
[21] Quant au point no 2 intitulé « Fuites de glycol », il affirme qu’il l’a constaté après la réception du 2 avril 2008 ; « dans l’année après le 2 avril 2008 ». Il a avisé l’Entrepreneur de ce problème verbalement et peut-être même par écrit. Il ne conteste pas le fait que la première dénonciation écrite de ce problème à l’Administrateur a été faite en août 2010, lorsqu’il lui a transmis une copie de sa lettre du 10 novembre 2009 adressée à l’Entrepreneur (pièce A-2 en liasse). Il réfère à trois fuites de glycol qui apparaissent sur trois photos cotées A-5 (en liasse) dans le cahier des pièces de l’Administrateur : une fuite sur le plancher à l’intérieur du garage, une deuxième sur le seuil du garage et une troisième provenant d’un tuyau au-dessus de la fournaise Hydra.
Preuve de l’Administrateur
[22] L’Administrateur ayant déposé son cahier des pièces avant l’audience, ne soumet aucune preuve supplémentaire.
Preuve de l’Entrepreneur
Le procureur de l’Entrepreneur fait entendre le Bénéficiaire concernant la question subsidiaire relative à la litispendance.
Témoin - Monsieur Raymond Gauthier (le Bénéficiaire)
[23] Le Bénéficiaire reconnaît qu’il a reçu signification de la « Requête introductive d’instance en délaissement forcé et vente sous contrôle de justice » de l’Entrepreneur datée du 21 décembre 2010 et déposée sous la cote E-1. Cette requête concerne le bâtiment du Bénéficiaire.
[24] Le Bénéficiaire reconnaît également que dans sa « Défense et demande reconventionnelle » datée du 28 avril 2011, il demande des dommages-intérêts de l’Entrepreneur, entre autres, relativement aux points 1, 2 et 4 visés par la décision de l’Administrateur du 22 novembre 2010.
[25] Finalement, il reconnaît avoir reçu la « Requête introductive d’instance en garantie » de l’Entrepreneur datée du 22 juin 2011 dont la Défenderesse en garantie est Chassé Service de Chauffage. Dans cette requête, l’Entrepreneur allègue qu’il s’est adjoint les services de la Défenderesse en garantie pour l’installation du système de chauffage hydronique chez le Bénéficiaire. Le Bénéficiaire reconnaît que cette procédure vise également les points 1, 2 et 4 de la décision de l’Administrateur.
La question principale en litige - la dénonciation
[26] La question principale en litige est de déterminer si les défauts de construction allégués et mentionnés aux point 1 - Déficit de chauffage, point 2 - Fuites de glycol et point 4 - Coups de bélier dans la décision de l’Administrateur du 22 novembre 2010 ont été dénoncés par écrit et dans le délai suivant les exigences du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[1] (ci-après appelé le «Règlement »).
Arguments du Bénéficiaire relativement à la question principale
[27] Selon le Bénéficiaire, les points 1 et 4 sont des vices et malfaçons apparents qui ont été dénoncés par écrit au moment de la réception du bâtiment le 2 avril 2008 et sont compris sous l’expression « Calibrage du système de chauffage » qui apparaît sur le formulaire d’inspection préréception du bâtiment (pièce A-1). L’Administrateur s’est trompé en statuant au deuxième Addendum du 3 janvier 2011 seulement sur un des points relatifs au système de chauffage hydronique, soit le point 3 « Système Hydra - températures trop élevées ». Il aurait dû y inclure également les points 1 et 4. Le Bénéficiaire réfère à trois décisions arbitrales concernant les modalités de la dénonciation prévue par le Règlement.[2]
[28] À l’étape de la plaidoirie, le Bénéficiaire ne soumet aucun argument concernant le délai de dénonciation relatif au point 2 soit « les fuites de glycol ».
Arguments de l’Administrateur relativement à la question principale
[29] En ce qui concerne les points 1, 2 et 4, l’Administrateur confirme la position adoptée par son inspecteur-conciliateur monsieur Manuel Lago dans sa décision du 22 novembre 2010 à l’effet que la première dénonciation écrite portée à son attention est la lettre du Bénéficiaire à l’Administrateur datée du 2 août 2010 (qu’il a reçue le 3 août 2010). Plusieurs autres documents y étaient joints, dont copie de la lettre datée du 10 novembre 2009 adressée par le Bénéficiaire à l’Entrepreneur dans laquelle sept défauts étaient allégués, y compris ceux identifiés comme les points no 1 - Déficit de chauffage, no 2 - Fuite de glycol et no 4 - Coups de bélier.
[30] Selon la preuve soumise par le Bénéficiaire, les points 1, 2 et 4 ont été découverts par lui bien avant le 2 août 2010.
[31] C’est le paragraphe 10 (4) du Règlement qui traite des « vices cachés» et qui prévoit un délai de dénonciation raisonnable écrite à l’Entrepreneur et à l’Administrateur, ne pouvant excéder six mois, qui régit le délai de dénonciation des points 1 et 4. Selon le procureur de l’Administrateur, le Bénéficiaire connaissait ces problèmes y compris le point 3 « Calibrage de température de la fournaise électrique Hydra » depuis décembre 2007 et a eu plusieurs conversations à leur sujet avec l’Entrepreneur depuis janvier 2008.
[32] Selon lui, l’expression à connotation générale « Calibrage du système de chauffage » qui apparaît au rapport d’inspection préréception du 2 avril 2008 ne peut englober les points 1 - Déficit de chauffage et 4 - Coups de bélier à la lumière de la preuve soumise à l’audience. Cette preuve démontre le comportement méthodique et minutieux du Bénéficiaire dans la façon dont il faisait le suivi des problèmes affectant son système de chauffage. Selon le procureur de l’Administrateur, l’explication du Bénéficiaire à l’effet qu’il a consenti à décrire tous ces problèmes sous l’expression unique « Calibrage du système de chauffage » est simplement peu crédible.
[33] En ce qui concerne le point no 2 - « Fuites de glycol », il ne peut être couvert par cette expression « Calibrage du système de chauffage » sur le formulaire d’inspection préréception. Selon la preuve, ce point a été découvert par le Bénéficiaire postérieurement à la date de réception. Il a été dénoncé à l’Administrateur seulement dans la lettre du 2 août 2010 (reçue le 3 août 2010) soit dans un délai qui excède largement le délai maximal de six mois prévu par le Règlement.
Arguments de l’Entrepreneur relativement à la question principale
[34] Selon le procureur de l’Entrepreneur, le point no 1 « Déficit de chauffage » ne peut être compris sous l’expression « Calibrage du système de chauffage » sur le formulaire d’inspection préréception du bâtiment. Selon lui, le défaut allégué et décrit comme « déficit de chauffage » peut être expliqué par d’autres facteurs que par un mauvais ajustement ou calibrage du chauffage hydronique comme, par exemple, par la grandeur des fenêtres au premier étage ou un manque d’isolation.
[35] Le procureur de l’Entrepreneur ne soumet aucun argument concernant le point 2 « Fuites de glycol » et le point 4 « Coups de bélier ».
Réplique du Bénéficiaire
[36] Quant à la dénonciation au moyen de l’expression ayant un sens large « calibrage du système de chauffage » - le Bénéficiaire réplique comme suit : lors de la réception du bâtiment, il ne connaissait pas précisément les problèmes de son système de chauffage hydronique car il n’est pas un spécialiste dans le domaine. Le ou avant la date de réception du 2 avril 2008, ni lui, ni l’Entrepreneur ne connaissaient la nature exacte de ces problèmes. Il l’a apprise seulement à la fin d’avril 2008 en lisant le rapport rédigé par monsieur Ronald Gagnon de la firme Concept R. (pièce A-2) daté du 21 avril 2008.
[37] En ce qui concerne l’argument du procureur de l’Entrepreneur, il reconnaît qu’il existe une possibilité que d’autres facteurs qu’un mauvais calibrage du chauffage hydronique puissent contribuer au « déficit de chauffage » (point no 1), tel un manque d’isolation. Le ou avant le 2 avril 2008, il se fiait totalement à l’Entrepreneur qui, selon lui, devait posséder l’expertise et qui savait quel système de chauffage convenait au bâtiment du Bénéficiaire. Il réfère à l’extrait d’une brochure publiée par l’APCHQ intitulée « Guide du propriétaire » (page 43), qu’il s’engage à déposer avant le 10 octobre 2010 (avec copie aux autres parties) qui réfère à cette expertise d’un entrepreneur accrédité par l’Administrateur sous le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
Analyse et décision concernant la question principale en litige soit la validité de la dénonciation
La forme et le délai de dénonciation selon l’article 10 du Règlement
[38] Pour les fins de cette analyse, il serait utile de citer les paragraphes 1, 2, 3 et 4 de l’article 10 du Règlement :
« 10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
1° le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;
2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;»
[39] Dans son argumentation, le Bénéficiaire déclare que les défaillances visées par les points 1 « Déficit de chauffage » et 4. « Coups de bélier » peuvent être qualifiées de vices et malfaçons apparents et qu’elles ont été dénoncées lors de la réception du bâtiment le 2 avril 2008 sous l’expression « calibrage du système de chauffage » qui apparaît sur le rapport d’inspection préréception. Est-ce que la preuve soumise à l’appui de sa thèse est prépondérante ou devrait-on plutôt accueillir les arguments de l’Administrateur ou de l’Entrepreneur?
Point 1 - Déficit de chauffage
[40] Selon le témoignage du Bénéficiaire, l’expression « Calibrage du système de chauffage » comprenait les points suivants :
1. « Déficit de chauffage »;
3. « Système Hydra - températures élevés », et
4. « Coups de bélier »
[41] Tel que mentionné, dans son deuxième addendum du 3 janvier 2011 faisant partie intégrante de la décision du 22 novembre 2010, l’Administrateur a statué que seulement le point no 3 a été dénoncé lors de la réception du bâtiment.
[42] Eu égard à la prétention de l’Administrateur essentiellement à l’effet que l’interprétation que donne le Bénéficiaire est peu crédible à la lumière de son souci de noter avec minutie les problèmes affectant son système de chauffage hydronique, le tribunal arbitral a examiné certains documents qui apparaissent au cahier des pièces de l’Administrateur, et principalement la correspondance entre le Bénéficiaire et l’Entrepreneur jointe en annexe à la lettre de dénonciation du 2 août 2010 adressée à l’Administrateur.
[43] Le premier document est une lettre datée du 7 avril 2008 (soit cinq jours après la réception du bâtiment) de l’Entrepreneur à son sous-traitant, Chassé Service de Chauffage, dans laquelle l’Entrepreneur écrit :
«Monsieur,
Suite à plusieurs tentatives de votre part de corriger la situation, notre client demeure toujours insatisfait du rendement de son système de chauffage. » (Pièce A-2 en liasse).
[44] Dans une autre lettre datée du 23 avril 2008, l’Entrepreneur écrit ceci au Bénéficiaire :
«M. Chassé a procédé à plusieurs vérifications de votre système mais le rendement n’est toujours pas à votre satisfaction.
Si vous considérez que le rendement de votre système à l’étage ne vous satisfait pas, nous vous suggérons les deux solutions suivantes :
· L’installation d’un chauffage d’appoint de type « Convectair » ou plinthe à l’étage.
· L’installation d’un ventilateur de plafond dans la partie haute de l’étage»
[45] En réponse à cette lettre, le Bénéficiaire écrit en avril 2008 (le jour exact de l’envoi de cette lettre est masqué par une étiquette de courrier recommandé de Postes Canada) ceci à l’Entrepreneur :
«Bonjour,
J’ai pris connaissance ce matin de la lettre recommandée expédiée le 23 avril, le même jour de l’envoi par « e-mail » du rapport d’étude que j’ai fait réaliser pour fin de compréhension et discussions entre nous c. a. d., moi, Mario et M. Chassé.
…
N’oubliez pas que les discussions concernant le manque de chauffage au deuxième étage n’ont pas débuté le 3 avril dernier, mais bien fin janvier suite à la fin de l’installation des thermostats (6) pour l’ensemble du bâtiment. À la lecture de ceci nous avions alors constaté le manque de chauffage au deuxième étage. » (Pièce A-2 en liasse).
[46] Le tribunal arbitral a consulté également copie du rapport d’expertise commandé par le Bénéficiaire à la firme « Concept R, Électromécanique du bâtiment, Consultants en bâtiment durable ». Ce rapport est daté du 21 avril 2008 et il est adressé au Bénéficiaire par monsieur Ronald Gagnon, directeur de projet. On peut y lire ceci :
« Monsieur,
Suite au mandat que vous nous avez confié, il nous fait plaisir de vous présenter notre rapport d’expertise. L’objectif du présent rapport est de présenter nos conclusions quant à la capacité du système de chauffage à rencontrer la charge du bâtiment aux conditions de conception et nos recommandations des correctifs requis. »
[47] Tous ces documents démontrent clairement que dans les trois semaines qui ont suivi la réception du bâtiment en date du 2 avril 2008, l’Entrepreneur et le Bénéficiaire étaient en discussion concernant l’insatisfaction du Bénéficiaire quant au niveau de chaleur que lui procurait le système de chauffage. Ceci corrobore pleinement le témoignage du Bénéficiaire que l’expression « calibrage du système de chauffage » notée sur le formulaire d’inspection préréception du bâtiment incluait entre autres points, le point no 1 « Déficit de chauffage ». Pour ces motifs, le tribunal arbitral peut facilement conclure que le point no 1 « Déficit de chauffage » a été dénoncé lors de la réception du bâtiment.
[48] Le tribunal note que la prétention du procureur de l’Entrepreneur à l’effet que ce « déficit de chauffage » pourrait avoir d’autres causes possibles ayant contribué à une température trop basse au deuxième étage (une possibilité que le Bénéficiaire a reconnue, mais pas nécessairement une probabilité) ne peut changer la conclusion du tribunal décrite au paragraphe précédent. À l’étape de l’inspection préréception et à la lumière de la preuve soumise, le Bénéficiaire qui dénonçait un problème affectant son bâtiment, n’avait pas l’obligation d’identifier la cause précise de ce problème.
Point 4 - Coups de bélier
[49] Le Bénéficiaire a témoigné que l’expression « Calibrage du système de chauffage » sur le formulaire d’inspection préréception comprend également le point 4. « Coups de bélier ».
[50] Après avoir examiné les documents faisant partie du cahier des pièces de l’Administrateur, le tribunal arbitral constate que ce problème de coups de bélier est décrit pour la première fois dans la lettre du Bénéficiaire à l’Entrepreneur en date du 9 août 2009. Une copie de cette lettre a été annexée à la lettre de dénonciation du 2 août 2010 adressée par le Bénéficiaire à l’Administrateur.
[51] Est-ce que le fait que le Bénéficiaire a décrit précisément ce problème (9 août 2009) plus de 15 mois après l’avoir décrit et dénoncé de façon très générale (2 avril 2008) contredit son témoignage?
[52] Le tribunal arbitral ne peut conclure que ce délai, à lui seul, puisse suffire à affaiblir le témoignage du Bénéficiaire. Sa bonne foi peut être présumée[3]. Si l’Entrepreneur ou l’Administrateur étaient en désaccord avec ce témoignage, ils auraient pu faire témoigner un des représentants de l’Entrepreneur, notamment madame Tremblay pour donner une autre version de ce qui s’est passé et de ce qui a été constaté lors de l’inspection préréception. Ils ne l’ont pas fait.
[53] Pour ces motifs, le tribunal vient à la conclusion que la réclamation identifiée comme « Point 4. - coups de bélier » dans la décision de l’Administrateur du 22 novembre 2010 a été dénoncée lors de la réception du bâtiment.
Application des paragraphes 10(1) et 10(2) du Règlement quant aux points 1 et 4
[54] Le tribunal précise que selon les prétentions des parties, la question principale qui lui est soumise concerne seulement le respect des exigences de la dénonciation prévues à l’article 10 du Règlement.
[55] Dans sa plaidoirie, le Bénéficiaire qualifie le point 1 « Déficit de chauffage » comme étant un « vice ou une malfaçon apparent » et il réfère aux dispositions du paragraphe 10(2) du Règlement cité ci-haut.
[56] Étant donné que l’Administrateur ne s’est pas encore prononcé ni sur l’existence ni sur la qualification des défauts allégués par le Bénéficiaire et visés par points 1 ou 4 de la décision du 22 novembre 2010 - ce serait prématuré pour le tribunal arbitral de le faire.
[57] Toutefois, ce tribunal note que pour les fins d’analyser et déterminer la validité de la dénonciation des points 1 et 4 - ce sont les paragraphes 10(1) (travaux de parachèvement) ou 10(2) (vices ou malfaçons apparents) du Règlement qui s’appliquent. Ce sont les seuls paragraphes de l’article 10 du Règlement qui traitent de la dénonciation de problèmes lors de la réception d’un bâtiment.
Point no2 - Fuites au glycol
[58] Dans sa lettre de dénonciation du 2 août 2010 adressée à l’Administrateur, le Bénéficiaire mentionne deux fuites de glycol, l’une visible à l’extérieur de la maison devant la porte de garage et l’autre provenant du système de plomberie au-dessus de la fournaise Hydra.
[59] Dans sa décision, l’Administrateur a constaté une fissure au plancher de béton près de la porte de garage d’où s’échappait un liquide rouge correspondant au mélange glycol/eau. De plus, il a constaté qu’un bac a été placé sur le dessus de la fournaise Hydra afin de recueillir le mélange glycol/eau qui fuit du réseau de tubulures au-dessus de la fournaise. Il a rejeté cette réclamation car le délai maximal de six mois entre la découverte de ces deux fuites et leur dénonciation à l’Entrepreneur le 16 mars 2009 (lors d’une conversation téléphonique entre le Bénéficiaire et l’Entrepreneur) et leur dénonciation écrite à l’Administrateur le 3 août 2010 - a excédé le délai maximal de six mois.
[60] Lors de l’audition, le Bénéficiaire a témoigné sur la présence de trois endroits d’où s’échappait un mélange qu’il présume être un mélange de glycol/eau, soit aux deux endroits mentionnés ci-haut ainsi que d’une autre fissure au plancher en béton à l’intérieur du garage. Cette dernière fissure n’est pas mentionnée dans la dénonciation écrite à l’Administrateur ni dans la décision de ce dernier.
[61] Lors de son contre-interrogatoire par le procureur de l’Administrateur, le Bénéficiaire a reconnu qu’il a découvert ces endroits « dans l’année après le 2 avril 2008 ».
[62] Le tribunal arbitral comprend que cette expression « dans l’année après le 2 avril 2008 » signifie les 12 mois après le 2 avril 2008, une période se terminant le 1er avril 2009.
[63] Étant donné que le Bénéficiaire les a dénoncées par écrit pour la première fois à l’Administrateur par sa lettre du 2 août 2010 (et reçue par ce dernier le lendemain), la période entre la découverte de ces deux fuites de glycol, soit au plus tard le 1er avril 2009 et leur dénonciation écrite à l’Administrateur le 2 août 2010 excède largement la période de dénonciation raisonnable dont le maximum est fixé à six mois aux termes des paragraphes 10(3) ou 10(4) du Règlement cités ci-haut.
[64] De ce qui précède, le tribunal arbitral conclut que les deux fuites mentionnées à la décision de l’Administrateur du 22 novembre 2010 n’ont pas été validement dénoncées à l’Administrateur selon les dispositions du Règlement.
[65] Le tribunal arbitral ne peut se pencher sur la troisième fuite provenant d’une fissure au plancher du garage car elle ne fait pas partie de la décision de l’Administrateur et donc elle ne fait pas l’objet de la demande d’arbitrage du Bénéficiaire.
Question subsidiaire en litige - la litispendance
Advenant que le tribunal arbitral conclue que le Bénéficiaire a respecté le délai de dénonciation quant à un ou plusieurs points de réclamation soumis à l’arbitrage, le tribunal devrait-il suspendre la procédure d’arbitrage jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue dans la cause civile qui oppose, entre autres, l’Entrepreneur et le Bénéficiaire ou qu’un règlement de cette cause intervienne entre le Bénéficiaire et l’Entrepreneur? Présentement, elle suit sont cours devant la Cour du Québec.
Arguments de l’Entrepreneur
[66] L’entrepreneur demande la suspension du présent arbitrage sur la base de la litispendance.
Argument de l’Administrateur
[67] Le seul argument qu’invoque le procureur de l’Administrateur est que la demande de sursis à la procédure d’arbitrage de l’Entrepreneur sur la base de litispendance est prématurée, étant donné que l’Administrateur n’a pas encore rendu de décision quant à l’existence des vices ou défauts allégués par le Bénéficiaire.
Arguments du Bénéficiaire
[68] Le Bénéficiaire plaide l’absence de litispendance, bien qu’il ne s’oppose pas formellement à la suspension de l’arbitrage.
Analyse et décision sur la question de litispendance
[69] Dans sa lettre du 14 septembre 2011 adressée au tribunal arbitral et dont une copie a été transmise aux autres parties, le procureur de l’Entrepreneur décrit la demande de sursis et les motifs à son appui dans les paragraphes suivants :
« L’objectif visé par Construction Mario Blondin inc. est la suspension du présent arbitrage pendant la durée des débats devant avoir lieu en Cour du Québec, lequel vise les mêmes parties, la même cause et le même objet.
En effet, Construction Mario Blondin inc. et monsieur Raymond Gauthier débattent actuellement du même objet et de la même cause d’action, tel qu’il appert notamment des procédures du district de Richelieu numéro 765-22-001950-106.
Plus précisément, vous constaterez que monsieur Raymond Gauthier invoque les mêmes vices de construction que sa lettre faisant état des réclamations ayant été acheminée à l’APCHQ, le 10 novembre 2009.
En plus de la question spécifique visant le vice de construction, la Cour du Québec doit traiter aussi de la question des sommes dues à Construction Mario Blondin inc. et de la possible responsabilité en garantie du sous-entrepreneur Chassé Service de Chauffage inc.
Dans cette perspective, il est opportun que toutes ces questions soient traitées de la même manière et d’une façon cohérente devant la Cour du Québec afin de déterminer les réels responsables et la teneur de cette responsabilité, le cas échéant, et ce, avant d’aller plus loin dans le présent arbitrage.»
[70] Lorsque le procureur de l’Administrateur plaide que cette demande de sursis est prématurée car l’Administrateur n’a pas encore rendu de décision quant à l’existence et la nature de défauts de construction décrits aux points 1, 2 et 4 de la décision de l’Administrateur, l’Entrepreneur par l’entremise de son procureur réplique qu’il veut éviter que l’Administrateur puisse rendre une telle décision.
[71] Le tribunal arbitral traitera donc brièvement de chacune des deux demandes de l’Entrepreneur. Il faut noter que les deux demandes sont fondées sur l’existence de litispendance qui, comme on le sait, procède par une analyse de l’identité des parties, de cause et d’objet qui existe ou pourrait exister dans deux recours logés auprès de deux tribunaux.
[72] Quant à la première demande visant la suspension du présent arbitrage, elle apparaît incompatible avec la raison d’être de cet arbitrage, soit de répondre à la question principale afférente à la validité du délai de dénonciation relativement aux points 1, 2 et 4 de la décision de l’Administrateur. L’Entrepreneur ne s’est jamais opposé à ce qu’une audition ait lieu et qu’une décision arbitrale soit rendue sur cette question. Il connaissait et, on peut présumer, acquiesçait à la tenue de l’audition sur cette question principale. Cette façon de procéder a été discutée et convenue avec toutes les parties lors de la conférence préparatoire et confirmée par écrit aux parties par le tribunal arbitral avant la tenue de l’audition. Ceci ressort clairement de la lettre du procureur de l’Entrepreneur adressée au tribunal arbitral (avec copie aux autres parties) en date du 16 août 2011.
« Nous comprenons que dans un premier temps, l’arbitrage visera la question des délais afin de déterminer si le recours est valide ou non. Dans le cas où le recours serait jugé caduc, nous comprenons que le dossier sera ainsi fermé.
Dans le cas où vous en viendriez à la conclusion que la dénonciation a été faite dans les délais requis, la question de la litispendance sera alors traitée. »
[73] Par conséquent, le tribunal arbitral note que cette première demande visant la suspension de la procédure arbitrale est tardive eu égard à la procédure choisie par ce tribunal, connue et acceptée par toutes les parties.
[74] Malgré cette observation, le tribunal préfère analyser et fonder sa décision sur cette demande de suspension sur un autre motif soit celui de sa compétence de se prononcer sur l’existence de la litispendance.
[75] Pour que le tribunal arbitral puisse conclure à l’existence de litispendance, il faut qu’il procède à l’analyse des trois identités, soit celle des parties, de la cause et de l’objet du ou des recours devant la Cour du Québec et celui du présent arbitrage.
[76] Une telle analyse exige que le tribunal arbitral possède la compétence de rendre une décision qui pourrait contredire celle qui pourrait être rendue dans la cause parallèle devant la Cour du Québec.
[77] Ceci a été clairement exprimé par la Cour suprême du Canada dans Recois Construction inc[4].
« Avant même d’examiner les conditions de fond nécessaires à l’application de la litispendance, il importe de déterminer si les deux tribunaux saisis sont compétents pour entendre la cause qui leur est soumise. Si cette condition préliminaire n’est pas remplie, il n’y a pas lieu de considérer la litispendance puisque l’un des tribunaux ne peut être véritablement « saisi » d’un litige qu’il n’a pas la compétence d’entendre. L’incompétence de l’un des tribunaux fait en sorte que l’on ne peut aboutir à des résultats contradictoires ».
[78] Étant donné que l’Administrateur ne s’est pas encore prononcé sur l’existence et la nature d’un vice ou malfaçon qui, selon la prétention de l’Entrepreneur, pourrait constituer l’un des trois éléments (celui de la « cause ») de la litispendance - ce tribunal arbitral n’a jamais été « saisi » du litige (notamment d’une demande d’arbitrage) qui lui permettrait de confirmer, infirmer ou modifier la décision de l’Administrateur. Suivant l’arrêt Rocois Construction inc. cité au paragraphe précédent - ce tribunal arbitral n’a donc pas la compétence pour analyser la question de litispendance.
[79] En ce qui concerne la deuxième demande de l’Entrepreneur à l’Administrateur, il ne l’a pas formulée de façon précise. Selon la compréhension du tribunal arbitral de cette demande, l’Entrepreneur désire que le tribunal ordonne à l’Administrateur de suspendre son traitement des réclamations dont la validité de dénonciation a été confirmée par ce tribunal, soit les points 1 et 4 de la décision de l’Administrateur du 22 novembre 2010.
[80] Quel est le fondement juridique de la compétence du tribunal arbitral à rendre une telle décision? Selon le tribunal - il n’y en a pas dans le Règlement. Ni l’Entrepreneur, ni une autre partie n’ont tenté de démontrer le contraire.
[81] Par conséquent, le tribunal arbitral conclut qu’il ne possède pas la compétence pour ordonner à l’Administrateur de suspendre son traitement des réclamations identifiées comme les points 1 et 4 de la décision précitée de l’Administrateur.
Conclusions supplémentaires
[82] La Loi sur le bâtiment[5] ainsi que le Règlement ne contiennent pas de clause privative complète. L’arbitre a compétence exclusive, sa décision lie les parties et elle est finale et sans appel.
[83] Selon l’article 21 du Règlement, lorsque le demandeur est le Bénéficiaire, les coûts de l’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur à moins que le Bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas, l’arbitre départage ces coûts.
[84] Devant ce tribunal arbitral, le Bénéficiaire a eu gain de cause sur au moins un des aspects de ses réclamations.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ARBITRAL :
REJETTE la demande de l’Entrepreneur de suspendre la procédure d’arbitrage dont l’arbitre soussigné est saisi;
DÉCLARE que les points 1 (« Déficit de chauffage ») et 4 (« Coups de bélier ») décrits dans la décision de l’Administrateur du 22 novembre 2010 sous la plume de monsieur Manuel Lago, inspecteur-conciliateur, ont été dénoncés conformément aux exigences de l’article 10 du Règlement;
DÉCLARE que le point 2 (« Fuites de glycol ») de cette décision de l’Administrateur, n’a pas été dénoncé conformément aux exigences de l’article 10 du Règlement et il n’est donc pas couvert par le plan de garantie de l’Administrateur;
REJETTE la demande de l’Entrepreneur visant à contraindre l’Administrateur de suspendre le traitement des réclamations du Bénéficiaire relativement aux points 1 et 4 de la décision de l’Administrateur du 22 novembre 2010;
RETOURNE à l’Administrateur le dossier de réclamation du Bénéficiaire quant aux points 1 (« Déficit de chauffage ») et 4 (« Coups de bélier ») mentionnés dans sa décision du 22 novembre 2010 afin qu’il continue de les traiter conformément aux exigences du Règlement;
DÉCLARE que les coûts de cet arbitrage sont à la charge de l’Administrateur.
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Montréal, le 28 octobre 2011 |
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Me ALBERT ZOLTOWSKI Arbitre / CCAC |
[1] R.Q.c. B-1.1, r. 0.2
[2] Syndicat de la copropriété Les Jardins Versailles II et Constructions Beau-Design inc. (O.A.G.B.R.N. 2010-06-30), SOQUIJ AZ-50661385 , Me Bernard Lefebvre, GAMM;
Jean-Sébastien Drolet et Les Constructions Raymond & Fils inc., O.A.G.B.R.N., 2009-10-06), SOQUIJ AZ-50581893 , Me Albert Zoltowski, CCAC;
Hébert et 2323-4255 Québec inc. (O.A.G.B.R.N., 2006-01-19), SOQUIJ AZ-50510199 , M. Jacques E. Ouellet, SORECONI;
[3] Article 2805 du Code de la Cour du Québec;
[4] Recois Construction inc. c. Dominion Readymix inc. et al (1990) 2 R.C.S. p. 440
[5] L.R.Q.,
chapitre B-1.1
Autres décisions consultées :
- La Garantie Habitation du Québec c. Michel Jeanniot et Huan Ling et Qui Quin et Construction Joma inc. (6 mars 2009) No : 500-17-045306-084, (C.S.)
- Le Groupe Commerce, Compagnie d’assurances c. La Compagnie Sherbrooke Trust (1989) R.D.J. 4 (CA);
- Valois c. Caisse Populaire Notre-Dame de la Merci (Montréal) (1995) R.D.J. 609 (CA);
- Construction Gaspérino Di Iorio inc. c. Brique & Pierre Bas-St-Laurent inc. REJB1999-1188 (CS).