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ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998, c. B-1.1, r.0.2, Loi sur le bâtiment:
Lois refondues du Québec (L.R.Q.), c. B-1.1, Canada)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment: 

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

______________________________________________________________________

 

Entre

Corinne Monpays et

Sylvain Monpays

Bénéficiaires

Et

            9124-5480 Québec Inc. (Construction T.D.P.)

Entrepreneur

Et

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.

Administrateur

 

No dossier Garantie :

161914-1

No dossier GAMM :

2010-12-008

No dossier Arbitre :

13 185-63

______________________________________________________________________

 

SENTENCE ARBITRALE

_______________________________________________________________________

 

Arbitre:

Me Jeffrey Edwards

 

 

Pour les Bénéficiaires:

Madame Corinne Monpays

Monsieur Sylvain Monpays

 

 

Pour l’Entrepreneur:

Monsieur Tonino Callocchia, président  9124-5480 Québec Inc. 

(Construction T.D.P.)

 

 

Pour l’Administrateur:

Me Élie Sawaya 

Savoie Fournier 

 

Date d’audience :

Le 24 septembre 2010

 

 

Visite des lieux et audition d’arbitrage:

Au domicile des Bénéficiaires

 

 

Date de la décision :

Le 20 octobre 2010

APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DES PROCÉDURES ET DES PIÈCES, VISITÉ LES LIEUX, ENTENDU LA PREUVE ET LES ARGUMENTS DE TOUTES LES PARTIES, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE REND LA DÉCISION SUIVANTE :

1.         LES FAITS

[1]           Le Tribunal d’arbitrage est saisi d’une demande d’arbitrage des Bénéficiaires à l’endroit d’une décision de l’Administrateur (Michel Hamel, T.P.) datée du 4 mai 2010 (« Décision », Pièce A-8).

[2]           Le 26 novembre 2009, les Bénéficiaires ont signé un contrat préliminaire avec l’Entrepreneur pour l’achat d’une unité de copropriété et un contrat de garantie ayant trait à cette dernière (Pièce A-1).

[3]           Le 18 décembre 2009, l’acte de vente devant notaire fut signé par les parties (Pièce A-2).

[4]           Le 19 décembre 2009, les Bénéficiaires prennent possession et procèdent à la réception de l’unité en question (« Unité ») et complètent avec le représentant de l’Entrepreneur le formulaire d’inspection (Pièce A-3, le document parfois nommé « l’étape 5 ») (noter que selon le cahier de pièces de l’Administrateur, ce document est erronément décrit comme étant daté du 17 décembre 2009).

[5]           Selon les témoignages non contredits et entendus lors de l’audition, au moment de l’inspection du 19 décembre 2009, l’Unité est en désordre.  Il y a de la poussière à la grandeur de l’Unité ainsi que des matériaux et des débris de construction et d’autres obstacles égarés un peu partout ce qui obstruent la circulation à l’intérieur de l’Unité et la visibilité de l’ensemble des pièces de l’Unité.

[6]           Après l’inspection qui a lieu lors de la réception, des travaux de nettoyage sont entrepris et effectués par des employés de l’Entrepreneur, entre autres, une femme de ménage nettoie rendant ainsi habitable les lieux de l’Unité.

[7]           Le 22 décembre 2009, les Bénéficiaires emménagent dans l’Unité. 

[8]           En janvier 2010, certains travaux de finition, notamment dans la cuisine, sont réalisés par l’Entrepreneur. 

[9]            Le 17 février 2010, suite à plusieurs discussions avec l’Entrepreneur ou ses représentants, les Bénéficiaires ne sont pas satisfaits de l’Unité et ainsi mettent en demeure l’Entrepreneur de procéder à des travaux correctifs dans les cinq (5) jours de la réception (Pièce A-5) de ladite mise en demeure.

[10]        Ensuite les Bénéficiaires agissent de manière diligente afin de demander le respect de leurs droits en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[1].  En effet, environ dix (10) jours suivant l’expiration du délai prévu dans la Pièce A-5, soit le 5 mars 2010, ils font une demande de réclamation à l’Admi-nistrateur (Pièce A-6) et ce, à partir des éléments énoncés dans la lettre Pièce A-5.

[11]        Il y a lieu de noter que le transfert de contrôle du Syndicat de copropriété de l’Entrepreneur au Syndicat de copropriété n’avait pas encore été effectué au jour de l’audition devant le soussigné.

[12]        Suite à la réception de la Décision de l’Administrateur (Pièce A-8), les Bénéficiaires demandent la révision par arbitrage de six (6) points de celle-ci.  Examinons ces points.

Les points en arbitrage : analyse et décision

Point 4 - Bordure de finition des armoires de cuisine

[13]        Selon les Bénéficiaires, une bordure de finition serait manquante sur le devant des trois (3) panneaux accotés à la gauche du lave-vaisselle et ce travail serait en général bâclé et ne respecterait pas les règles de l’art.

[14]        L’Administrateur a considéré qu’il s’agit d’un travail de parachèvement et a rejeté cette réclamation au motif qu’il aurait dû être dénoncé au moment de la réception de l’Unité.

[15]        Cependant, à l’audition, le témoignage des deux (2) Bénéficiaires est catégorique à l’effet que ce travail a été réalisé lors de l’installation des comptoirs de granit dans la cuisine et l’installation du lave-vaisselle.  Selon les Bénéficiaires, ces travaux de finition ont seulement été réalisés en janvier 2010.   Il est à noter par contre que des travaux à compléter par rapport au granit ont été clairement dénoncés dans le formulaire de pré-réception (Pièce A-3). 

[16]        Le témoignage des Bénéficiaires sur ce point n’a pas été contesté par l’Entrepreneur à l’audition.  Ainsi, il paraît qu’il y a eu mésentente entre les Bénéficiaires et l’inspecteur - conciliateur de l’Administrateur par rapport à la chronologie des faits à ce sujet.

[17]        Le travail déficient n’a pas pu être dénoncé lors de la réception des lieux car il n’avait pas encore été réalisé.  Le soussigné est d’accord que ce travail ne respecte pas les règles de l'art.  Ainsi, le travail doit être repris et réalisé selon les règles de l’art.

Point 5 - Carrelage de céramique de la salle de bain principale

[18]        Les Bénéficiaires se plaignent que certains carreaux de céramique de la salle de bain principale, soit ceux entourant le bain ne correspondent pas aux autres carreaux installés.

[19]        Selon notre examen, avec une exception, les carreaux sont acceptables. En effet, le carreau problématique est celui sur le mur situé à la droite du bain (en regardant du corridor à la salle de bain).  Ce dernier ne paraît pas concorder avec les autres carreaux.  Il paraît avoir des taches de ciment sur le carrelage qui est de couleur anthracite. Mais en réalité, ce n’est pas du ciment mais bien un défaut inhérent dans le carreau.  Le poseur de carrelage aurait dû rejeter ce carreau de carrelage et son omission de le faire constitue une malfaçon.  Selon l’Administrateur, les Bénéficiaires auraient dû le dénoncer lors de la réception car la malfaçon était apparente.  La preuve est claire que, au moment de l’inspection de réception, en compagnie du représentant de l’Entrepreneur (Pièce A-3), la salle de bain, tout comme le reste de l’Unité, était sale, obstruée et couverte de  poussière.  Dans ces circonstances, il n’était pas raisonnablement possible pour les Bénéficiaires de constater le défaut en question.  Cependant, le nettoyage se fait avant l’emménagement du 22 décembre 2009.  Lors de l’emménagement, la femme de ménage mentionne aux Bénéficiaires qu’elle n’était pas en mesure d’enlever les taches grises sur le carreau. La femme de ménage croit erronément que ces taches sont constituées de ciment.  Le 17 février 2010, soit lorsque les Bénéficiaires se plaignent de ce problème, ils sont encore sous l’impression que le défaut d’apparence du carreau est attribuable aux taches de ciment (voir Pièce A-5, no. 5).  L’avocat de l’Administrateur plaide que, selon l’article 10, aliéna 2 du Règlement, les Bénéficiaires devraient alors dénoncer cette malfaçon devenue apparente et que leur omission de le faire les empêchent maintenant de plaider le caractère non apparent de cette malfaçon.

[20]        L’article 10, alinéa 2 du Règlement se lit comme suit :

« 10.    La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :

(...)

2o         la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

[21]        Avec égard pour l’interprétation contraire, le soussigné ne croit pas que cette interprétation est conforme à l’intention du législateur.  Le moment d’inspection préachat est un moment important, solennel et porteur de conséquences.  L’acheteur est présent sur les lieux, peut-être accompagné de son expert, et le représentant de l’entrepreneur est également présent.  Ils dressent ensemble une liste des vices ou autres problèmes constatés et ils signent un document énonçant des travaux à compléter.  Pour des motifs d’équité envers le Bénéficiaire, le législateur a de plus, allongé le délai de dénonciation du bénéficiaire qui n’avait pas au moment de l’inspection de préachat emménagé dans les nouveaux lieux.   Dans ce cas, le Bénéficiaire a un délai additionnel de trois (3) jours de la réception pour donner une dénonciation écrite.  Cependant, cet allongement de délai ne fait pas en sorte que le Bénéficiaire est tenu, faute de déchéance d’un droit acquis qu’il a en raison du caractère non apparent du vice au moment de l’inspection de réception, de dénoncer le vice découvert dans les trois (3) jours de grâce accordés par le législateur. 

[22]        Cela aurait pour effet d’imposer aux Bénéficiaires une obligation continue et soutenue  d’examen et d’inspection et de dénonciation écrite dans la période après l’inspection de réception et ce, pendant trois (3) jours.  Au lieu d’être une mesure pour faciliter le respect des droits des Bénéficiaires, cette possibilité aurait alors pour effet d’éteindre les droits du Bénéficiaire. Cela nous paraît contraire à l’intention du législateur et à l’esprit et l’économie du Règlement.

[23]        Ainsi, nous considérons qu’il y a une malfaçon quant au carreau indiqué plus haut et que cette malfaçon n’était pas apparente au moment de la réception de l’Unité par les parties.

[24]        L’Entrepreneur doit trouver un carreau du même type et teinte et le faire approuver par les Bénéficiaires avant son installation.  Advenant l’hypothèse que le carreau équivalent n’est plus disponible sur le marché, les Bénéficiaires auront le choix de décider s’ils préfèrent conserver le carreau actuel ou faire installer un nouveau carreau différent.

Point 6 - Plancher de bois franc

[25]        Les Bénéficiaires se plaignent de la présence de petites bosses sur les lattes du plancher de bois franc sur toute la surface de l’Unité et, en particulier, dans le salon et la salle à manger.  Ces bosses concordent avec les agrafes utilisées pour maintenir les lattes en place.  L’Administrateur a rejeté ce point au motif que le Bénéficiaire lui aurait affirmé avoir eu connaissance de cette malfaçon avant la réception mais n’a pas réservé ses droits à ce sujet lors de la préparation du formulaire de réception.  Le Bénéficiaire nie avoir eu connaissance du problème au moment de l’inspection en raison du caractère sale et impropre des lieux à ce moment.

[26]        Le Tribunal d’arbitrage a examiné les bosses et a constaté que leur présence n’est pas facile à déterminer.  Nous croyons qu’un acheteur prudent et diligent, surtout dans les circonstances particulières de l’inspection de réception de l’Unité et en l’espèce, d’un achat d’une nouvelle propriété, ne les aurait pas constatées.

[27]        Cependant, la preuve est assez mince quant aux solutions au problème de bosses, à moins d’enlever et de remplacer les lattes de bois en tout ou en partie.

[28]        De plus, le Bénéficiaire explique qu’il y a un problème de craquement de certaines des lattes de bois.  Le Bénéficiaire croyait que le tout allait être examiné ensemble car un inspecteur spécial de l’Administrateur est venu examiner la situation pour en faire un rapport. Cependant, l’inspecteur spécial aurait quitté ses fonctions auprès de l’Administrateur avant de terminer et de remettre son rapport.

[29]        Le Tribunal d’arbitrage croit qu’il est important d’éviter que des travaux correctifs du plancher de bois franc soient faits en double.  Ainsi, la cohérence requiert que la décision du soussigné à ce sujet soit suspendue tant que la plainte des Bénéficiaires concernant les craquements du plancher à certains endroits ne soit pas décidée par l’Administrateur et qu’une évaluation globale du plancher soit alors réalisée. Nous avons compris de l’audition qu’une réclamation des Bénéficiaires concernant les craquements sera faite de manière incessante.  Entretemps, le Tribunal d’arbitrage conserve compétence sur ce point.

Point 7 - Couleur du grain de bois sur l’îlot central

[30]        Les Bénéficiaires se plaignent que la teinte de la couleur des portes d’armoire et du comptoir central est inégale et insuffisante.  L’Administrateur a rejeté ce point car ce problème aurait dû être, selon lui, dénoncé lors de la réception de l’Unité.

[31]        À notre avis, l’Administrateur avait raison de rejeter cette plainte pour le motif suivant : en général, la différence de couleur est presqu’imperceptible.  Nous ne sommes pas d’accord qu’il y a malfaçon.  Il y a une seule exception.  Sur le côté latéral de l’ilot, pour le pré-fini en façade du salon, un produit de calfeutrage légèrement reluisant a été appliqué de haut en bas.  Ce travail  n’est pas fait selon les règles de l’art et doit être refait pour harmoniser l’aspect fini afin qu’il soit uniforme sur ce côté latéral et ait une teinture aussi près que possible à celle appliquée ailleurs sur le bois du comptoir central et des portes d’armoire.

Point 8 - Taches sur les carreaux de céramique du plancher de la salle de bain secondaire

[32]        À l’audience, les Bénéficiaires ont retiré leur demande d’arbitrage sur ce point.

Point 10 - Éclisse sur le cadrage de la porte d’entrée

[33]        Les Bénéficiaires se plaignent du fait que le cadrage de la porte d’entrée de l’Unité est endommagé.  Il s’agit d’un problème d’ordre mineur, mais une vraie malfaçon.  L’Administrateur a rejeté ce point en considérant que le cadrage de la porte d’entrée constitue une partie commune à l’égard de laquelle seul le Syndicat de copropriété est en droit de formuler une plainte en vertu du Règlement.  L’Administrateur nous réfère à l’article 9 de la Déclaration de copropriété intervenue et publiée (Pièce A-4) qui mentionne que « les portes conduisant à l’extérieur d’une partie privative » constituent des parties communes.  Le cadre de la porte est intégré dans le mur longeant le corridor.  Il nous semble que l’Administrateur ait raison sur ce point en droit.

2.         Frais d’arbitrage

[34]        Étant donné que les Bénéficiaires ont eu gain de cause sur au moins un point, l’Administrateur devra assumer les coûts de cet arbitrage conformément à l’article 123, alinéa 2 du Règlement.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE:

            ACCUEILLE en partie la demande d’arbitrage des Bénéficiaires.

            CONDAMNE l’Entrepreneur à réaliser, selon les règles de l’art, les travaux correctifs concernant les points 4, 5 et 7 énoncés aux paragraphes pertinents de la présente sentence et ce, dans les trente (30) jours de la réception de la présente. 

            À DÉFAUT par l’Entrepreneur de réaliser les travaux mentionnés dans le délai mentionné, CONDAMNE l’Administrateur à réaliser lesdits travaux dans les trente (30) jours suivants.

            CONSERVE la compétence du Tribunal d’arbitrage à statuer sur le Point 6 pour une durée d’un (1) an en attente de la décision supplémentaire de l’Administrateur concernant la plainte à venir des Bénéficiaires concernant leurs problèmes de plancher de bois franc.

            CONDAMNE l’Administrateur à payer les frais d’arbitrage de la présente instance arbitrale.

 

 (s) Me Jeffrey Edwards

 

Me Jeffrey Edwards, arbitre

 



[1]     L.R.Q., c. B.1-1, r.0.2, ci-après, le Règlement.