ARBITRAGE
EN VERTU DURÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIES DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS(c. B-1.1, r. 8)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du Bâtiment du Québec : SORECONI
ENTRE : Madame Caroline GIROUX
et
Monsieur Danny OUELLET
(ci-après collectivement le « Bénéficiaire »)
ET : CONSTRUCTION DAVID PERREAULT INC.
(ci-aprèsl’« Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE DES BÂTIMENTS NEUFS DE L’APCHQ INC.
(ci-après l’« Administrateur »)
Nº dossier SORECONI : 131206001
Nº dossier du Plan de Garantie : 149929-1
DÉCISION ARBITRALE
Arbitre : Me Jean Robert LeBlanc
Pour le Bénéficiaire : Madame Caroline Giroux
Monsieur Danny Ouellet
Pour l’Entrepreneur : Monsieur David Perreault
Madame Catherine Dubois
Pour l’Administrateur : Me Patrick Marcoux (Savoie Fournier, avocats)
Date d’audience : 29 octobre 2013
Lieu d’audience : Palais de justice de Victoriaville
Date de la décision : 21 novembre 2013
IDENTIFICATION DES PARTIES
Bénéficiaire : Madame Caroline Giroux
Monsieur Danny Ouellet
[…] Victoriaville, QC […]
Entrepreneur : CONSTRUCTION DAVID PERREAULT INC.
Monsieur David Perreault
Madame Catherine Dubois
180, rue François-Bourgeois
Victoriaville, QC G6T 2G8
Administrateur : La garantie des bâtiments neufs de l’APCHQ Inc.
5930, boulevard Louis-H. Lafontaine
Anjou, QC H1M 1S7
Et son procureur :
Me Patrick Marcoux
Savoie Fournier, avocats
DÉCISION
Mandat :
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 15 juillet 2013.
Chronologie du dossier :
6 mai 2009 : Signature du contrat préliminaire et du contrat de garantie;
10 juillet 2009 : Réception du bâtiment;
15 juillet 2009 : Signature de l’Acte de vente notarié;
14 décembre 2010 : Lettre de dénonciation du Bénéficiaire à l’Entrepreneur avec copie à l’Administrateur;
16 décembre 2010 : Accusé de réception de l’Administrateur au Bénéficiaire;
20 février 2013 : Lettre de réclamation du Bénéficiaire à l’Administrateur;
21 février 2013 : Réception par l’Administrateur de la Demande de réclamation du Bénéficiaire;
11 avril 2013 : Inspection du bâtiment par Madame Anne Delage pour l’Administrateur;
3 juin 2013 : Décision de l’Administrateur;
12 juin 2013 : Demande d’arbitrage par le Bénéficiaire;
15 juillet 2013 : Nomination de l’arbitre;
21 août 2013 : Transmission par l’Administrateur (par messager) à l’arbitre du cahier de pièces;
18 septembre 2013 : Tenue par l’arbitred’une conférence téléphonique préparatoire avec les Parties.
Selon l’Entrepreneur, la valeur du litige est de l’ordre de 10 000$ à 12 000$ mais selon l’Administrateur elle serait plutôt de 7 500$.
L’Administrateur confirme aux Parties qu’il formulera une objection préliminaire en irrecevabilité de la réclamation du Bénéficiaire fondée surle fait que le délai de dénonciation de celle-ci excède le délai raisonnable de six (6) mois établi par le législateur.
Le Bénéficiaire se désiste de sa demande d’arbitrage quant au point #2 de la décision de l’Administrateur à savoir, sa réclamation relative à l’« Effritement du béton des marches du balcon avant »;
Considérant le motif invoqué dans la décision de l’Administrateur, l’intention de l’Administrateur de présenter une objection préliminaire en irrecevabilité et après entente entre les Parties quant à la procédure d’arbitrage, dans le cadre d’une décision interlocutoire rendue par l’arbitre le 18 septembre 2013, l’arbitre a décidé de procéder en deux temps, le cas échéant et convient d’entendre,lors de l’audition fixée au 29 octobre 2013, les témoignages des Parties et leur argumentation sur l’objection préliminaire d’irrecevabilité;
19 septembre 2013 : Objection préliminaire de l’Administrateur : Requête en irrecevabilité de la réclamation du bénéficiaire;
23 octobre 2013 : Courriel de l’arbitre à toutes les Parties confirmant la tenue de l’audition de la requête préliminaire de l’Administrateur le 29 octobre 2013 à 10 heures à la salle 1.05 du Palais de justice de Victoriaville;
29 octobre 2013 : Audition de la Requête en irrecevabilité de la réclamation du Bénéficiaire au Palais de justice de Victoriaville.
21 novembre 2013 : Décision arbitrale.
APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DES PROCÉDURES, ENTENDU LA PREUVE TESTIMONIALE, EXAMINÉ LA PREUVE DOCUMENTAIRE ET VISUELLEAINSI QU’ÉCOUTÉ LES ARGUMENTS DES PARTIES, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE REND LA DÉCISION SUIVANTE SUR UNE OBJECTION PRÉLIMINAIRE DE L’ADMINISTRATEUR QUANT À LA RECEVABILITÉ DE LA RÉCLAMATION DU BÉNÉFICIAIRE:
[1] Il s’agitd’un arbitrage en vertu du Règlement sur le plan de garanties des bâtiments résidentiels neufs[1](ci-après le « Règlement ») demandé par le Bénéficiaire qui conteste une décision rendue le 3 juin 2013 par l’Administrateur en vertu duditRèglement. Aucune objection préliminaire n’ayant été soulevée sur sa compétence, le Tribunal se déclare compétent à entendre le présent arbitrage.
[2] Cependant, une objection préliminaire a été déposée par l’Administrateur qui soutient que la réclamation du Bénéficiaire est irrecevable et que l’arbitre ne doit pas l’entendre parce que la dénonciationpar écrit des malfaçons, des vices cachés ou des vices majeurs a été faite dans un délai qui excède le délai raisonnable établi par le législateur lequel ne peut excéder six (6) mois depuis leur découverte ou survenance ou, en cas de vices ou de pertes graduels, de leur première manifestation.
[3] À la suite d’une décision interlocutoire rendue par l’arbitre le 18 septembre 2013, l’audition au Palais de justice de Victoriaville, le 29 octobre 2013 portait uniquement sur l’objection préliminaireen irrecevabilité de la réclamation du Bénéficiaire. La question qui doit être tranchée par le Tribunal est donc celle de la recevabilité de la réclamation.
Les faits
[4] La preuve révèle notamment que le Bénéficiaire a signé le contrat préliminaire et le contrat de garantie le 6 mai 2009 et qu’il a pris possession du bâtiment le 10 juillet 2009.
[5] Dès le mois d’août 2009, lors de pluies abondantes, le Bénéficiaire constate qu’environ trois quartsde pouced’eau s’accumule sur la base (seuil) des fenêtres de la maison qui sont toutes de type dit à « guillotine ».
[6] Le Bénéficiaire s’en plaint à l’Entrepreneur. À la suite de cette plainte, desreprésentantsde Fenefco Inc. (ci-après « Fenefco ») lefabricant des fenêtres agissant comme sous-traitant de l’Entrepreneur,se rendent chez le Bénéficiaire les 3, 10 et 20 août 2009 pour constater le problème d’accumulation d’eau et le résoudre.
[7] En effet, les représentants de Fenefcoprocèdent à certains ajustements et corrections aux fenêtres dont notamment l’installation de gouttières, de silicone et percent des trous d’évacuation supplémentaires dans chaque fenêtre.
[8] Selon le Bénéficiaire le problème d’accumulation d’eau dans le bas des fenêtres lors de pluies abondantes est alors réglé.
[9] Durant son témoignage, le Bénéficiaire Ouellet insiste sur le fait que ce premier problème avec les fenêtres de la maison est différent de celui qui survient dès les premiers grands froids à l’hiver 2009 / 2010.
[10] La preuve, autant par le témoignage du témoin Ouellet que par les photographies et vidéos qu’il montre au Tribunal, révèle que lors de ces premiers grands froids en décembre 2009 et janvier 2010, c’est-à-dire lorsque la température extérieure est inférieure à -17 / -18 degrés Celsius, de la glace se forme et s’accumule à l’intérieur dans toutes les fenêtres de la maison. Cette glace s’accumulant principalement au bas de la partie supérieure des fenêtres.
[11] La preuve révèle également que lors des épisodes de formation de glace dans les fenêtres à l’hiver 2009 / 2010, le taux d’humidité à l’intérieur de la maison variait entre 33 et 39 pour cent.
[12] Ensuite, lorsque la température extérieure se réchauffe ou lorsque le soleil chauffe les fenêtres, la glace intérieure fond, devient del’eau qui elle,coule le long des cadres, des vitres et s’accumule sur les seuils des fenêtres avant de continuer à couler par gravité sur le bas des murs de la maison.
[13] Le Bénéficiaire en informe rapidement l’Entrepreneur qui vient constater la situation avec un représentant de Fenefco dès la mi-janvier 2010.
[14] Les 12 et 29 janvier ainsi que le 2 février 2010 des interventionspour corriger la situation sont faites par des représentants de Fenefco notamment en utilisant du silicone comme scellant.Ils font d’autres interventions sur les fenêtresles 11 et 17 mai de la même année.
[15] À l’issue de ces travaux, les représentants de Fenefco déclarent au Bénéficiaire qu’ils croient que le problème devrait avoir été réglé par leurs diverses interventions et ajoutent qu’il faudra attendre l’hiver suivant pour voir si le problème de glace revient.
[16] Un matin dudébut décembre 2010,alors que la température extérieure est d’environ -12 degrés Celsius et l’humidité à l’intérieur de la maison de 32 pour cent, le problème de glace au bas de la partie supérieure des fenêtres réapparaît. Au soutien de son témoignage, le témoin Ouellet dépose en preuve d’autres photos et une vidéo prises vers 7 heures le matin du10 décembre 2010.
[17] Le témoin ajoute que plus il fait froid plus la glace qui se forme dans les fenêtres devient épaisse.Cette glaceest suffisamment épaisse pour bloquer l’ouverture des fenêtres.
[18] Le 14 décembre 2010, le Bénéficiaire transmets à l’Entrepreneur par courrier recommandé et à l’Administrateur par télécopieur une lettre dénonçant le problème de formation de glace à l’intérieur des fenêtres de la maison dès que la température extérieure passe sous la barre des -12 degrés Celsius.
[19] En date du 16 décembre 2010, l’Administrateur accuse réception de la lettre de dénonciation et au second paragraphe de sa lettre que je cite plus bas, il informe le Bénéficiaire de ce qu’il doit faire.
« À cet effet, si votre entrepreneur n’est pas intervenu à l’intérieur du délai que vous lui avez accordé ou si vous jugez son intervention non satisfaisante, vous devez communiquer avec notre service à la clientèle au (514) 353-1120 ou 1-866-613-8494 ou par courriel à l’adresse clientele@apchq.com afin de recevoir les documents nécessaires pour procéder à l’ouverture d’un dossier de réclamation à la Garantie des maisons neuves de L’APCHQ. »[2]
(Le soulignement et les caractères gras sont ceux de l’Administrateur)
[20] Le 12 janvier 2011 à 9h24, le Bénéficiaire Ouellet transmets un courriel à Monsieur David Perreault président de l’Entrepreneur pour s’enquérir de l’évolution des démarches faites par L’Entrepreneur auprès de « … Fenefcopour le problème de fenêtre. » (Sic)
[21] Monsieur Perreault lui répond par courriel quelques minutes plus tard soit à 10h03. Je cite le courriel en entier et tel qu’il a été reçu par le Bénéficiaire.
« salut Danny j espere que ca va bien j ai contacté jacqusdumont je lui ai envoyé les document que tu m asfaisparvenir . je suis en discussion avec l apchq pour procéder selon les reglespour que l on puisse regler le dossier de bon la dame en question va me recontacter pour que lon fixe un rendez vous avecmoi,toi,Caro ,le representant de l apchq, et Dumont . je veux te r assurer en te disant que je suis le dossier de tres proche et que sitot que jai la date du rdv ou autres info je t appelle sur le champs
merci et bonne journée
david » (Sic)
[22] Malgré plusieurs tentatives faites par l’Entrepreneur et Fenefco durant les mois de janvier et février 2011 pour résoudre le problème de formation de glace dans les fenêtres, ce problème subsiste toujours et des traces de moisissure commencent à se manifester sur les contours des fenêtres.
[23] L’Entrepreneur et Fenefco prétendent que le problème de glace est le résultat d’un taux d’humidité trop élevé dans la maison.
[24] Le 8 février 2011, le Bénéficiaire fait vérifier le taux d’humidité dans la maison par un plombier qui établit ce taux à une moyenne de moins de 40 pour cent au rez-de-chaussée et à une moyenne de 37 pour cent au sous-sol.
[25] Dans le cadre d’une tentative pour comprendre l’origine du problème, le 10 mars 2011, l’Entrepreneur change une fenêtre (dans la salle à manger) et y installe une fenêtre à battant. La fenêtre enlevée sera éventuellement expertisée.
[26] En mai et juillet 2011, Fenefco fait d’autres travaux correctifs sur les fenêtres.
[27] Tous ces travaux n’ont manifestement pas réussi à éliminer la formation de glace dans les fenêtres par temps froid.
[28] Le Bénéficiaire dépose en preuve des vidéos prises les 29 et 30 décembre 2011 quand la température extérieure est de -17 degrés Celsius et le taux d’humidité de la maison est à 36 pour cent qui montrent qu’il y a encore de la glace dans toutes les fenêtres de la maison sauf dans la fenêtre à battant installée en mars 2011. Par ailleurs, le Tribunal constate qu’il y a un peu de condensation dans cette fenêtre à battant.
[29] Le 1er février 2012 le problème de formation de glace subsiste toujours.
[30] Lors d’une de leurs visites, les représentants de Fenefco vérifient la présence suffisante de gaz dans les fenêtres. Selon le témoin Ouellet le niveau de gaz était normal.
[31] Le 7 mai 2012, après avoir fait expertisée la fenêtre à guillotine enlevée dans la salle à manger en mars 2011, l’Entrepreneur retire la fenêtre à battant et réinstalle la fenêtre originale où elle était.
[32] Quelques jours plus tard, l’Entrepreneur change les coupe-bise sur toutes les fenêtres de la maison du Bénéficiaire.
[33] Le témoignage du témoin Ouellet est à l’effet quemalgré toutes les interventions correctives de l’Entrepreneur et de Fenefcoqui ont été faites durant les trois (3) hivers précédents, le problème de formation de glace à l’intérieure des fenêtres de la maison subsistait toujours avec la même intensité à l’hiver 2012 / 2013.
[34] Au soutien de son témoignage, le témoinOuellet dépose en preuve deux (2) autres vidéos et des photos prises les 23 et 24 janvier 2013 qui montrent clairement les accumulations de glace dans les fenêtres. Le 24 janvier la température extérieure était de -25 degrés Celsius et le taux d’humidité dans la maison était de 37 pour cent.
[35] Vers la fin du mois d’août ou le début septembre 2012 les témoins Ouellet et Giroux constatent un nouveau problème qui affecte toutes les fenêtres de leur maison. De la moisissure se forme dans la base de la partie vitrée des fenêtres c’est-à-dire entre les deux parois de verre.
[36] Le 6 septembre 2012, un représentant de Fenefcoet Madame Dubois pour l’Entrepreneur viennent constater ce nouveau problème. Toutefois, aucune mesure corrective n’est entreprise.
[37] Les témoins déposent en preuve des photographies de ces moisissures lesquelles ont été prises en octobre 2012.
[38] En janvier 2013, Monsieur David Côté, nouvellement copropriétaire de Fenefco,vient constater le problème de formation de glace dans les fenêtres de la maison du Bénéficiaire.
[39] Quelques semaines plus tard, le Bénéficiaire reçoit une lettre de Fenefco, non datée, et signée par Monsieur Côté, directeur d’usine,qui affirme que les fenêtres installées dans la maison du Bénéficiaire ne sont pas défectueuses et qu’elles sont exemptes de vice. Selon Fenefco,la fenêtre envoyée dans un laboratoire pour expertise rencontrait les normes.
[40] Le 20 février 2013, le Bénéficiaire transmets une lettre de réclamation à l’Administrateur qui la reçoit en date du 21 février.Cette lettre fait état du problème de formation de glace qui n’est toujours pas réglé et d’un problème de moisissure qui commence à se manifester dans toutes les fenêtres de la maison.
[41] Le formulaire de Demande de réclamation est complété et signé par le Bénéficiaire et, étonnamment, daté du 21 janvier2013. À l’audition, personne ne pouvait expliquer cette date. Le Tribunal en conclut qu’il s’agit d’une erreur d’inscription puisque la lettre du Bénéficiaire est datée du 20 février 2013 et que tant la copie de celle-ci que la copie de la Demande de réclamationdéposées en preuvemontrent une première date de réception par l’Administrateur du 21 février 2013.
[42] L’Administrateur procède à une visite d’inspection de la maison du Bénéficiairele 11 avril 2013.
[43] La preuve révèle qu’à cette date il n’y a évidemment pas de glace dans les fenêtres.
[44] La preuve non contredite révèle aussi que Madame Anne Delage qui a procédé à l’inspection pour l’Administrateur a vu la moisissure dans les fenêtres.
[45] La décision de l’Administrateur est datée du 3 juin 2013.
[46] Le Bénéficiaire estinsatisfait de la décision de l’Administrateur qui refuse de donner suite à sa Demande de réclamationau motif que la dénonciation a été faite hors du délai raisonnable établi par le législateur lequel délai ne peut pas excéder six (6) mois.
[47] Le Bénéficiaire intente à l’encontre de cette décision, dans le délai prescrit et conformément au Règlement un recours en arbitrage, le 12 juin suivant.
[48] À l’audition, Le Bénéficiaire insiste sur le fait que la décision de l’Administrateur ne fait aucunement mention du problème de moisissure dénoncé dans sa lettre datée du 20 février 2013 et qui a été constaté par l’inspecteur Delage lors de sa visite du 11 avril 2013.
[49] Le témoignage du témoin Ouellet est corroboré par tous les autres témoins dont Madame Catherine Dubois représentante de l’Entrepreneur qui confirme entre autre que la fenêtre à battant installée en remplacement temporaire était exempte de glace alors que les autres fenêtres de la maison qui sont de type à guillotine en avaient.
[50] Madame Dubois confirme également qu’elle a vu la moisissure dans les fenêtres de la maison du Bénéficiaire en septembre 2012.
[51] La preuve démontre qu’aucune tentative pour corriger le problème de moisissure n’a été entreprise à l’automne 2012 ni depuis.
[52] Selon la preuve, la cordialité entre le Bénéficiaire et l’Entrepreneur s’est progressivement détériorée entre l’automne 2012 et le printemps 2013.
[53] En mars 2013, subséquemment à la Demande de réclamation du Bénéficiaire, l’Entrepreneur a fait procéder à des expertises dont les rapports ont été transmis à toutes les Parties mais qui n’ont pas été déposées en preuve dans le cadre de l’audition de la Requête en irrecevabilité de la réclamation du Bénéficiaire.
[54] À l’audition, l’Administrateur n’a présenté aucune preuve conformément à ce qu’il avait annoncé et a renoncé à contre-interroger les témoins.
Les arguments des Parties
[55] La preuve étant close, le Bénéficiaireplaide qu’il a dénoncé par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur le problème de formation de glace dans les fenêtres de sa maison dès le 14 décembre 2010.
[56] Le Bénéficiaire fait également valoir au Tribunal qu’il est et qu’il a été de bonne foi depuis les premières manifestations des problèmes, qu’il ne voulait pas indisposer l’Entrepreneur qu’il lui a fait confiance ainsi qu’à son sous-traitant Fenefcoqui ont fait de nombreuses interventions à chaque hiver pour résoudre le problème de formation de glace dans les fenêtres de sa maison et qui ont reporté aux grands froids de chacune des années suivantes, la vérification du résultat de leurs interventions ce qui l’empêchait d’agir puisqu’il avait toujours espoir que le problème soit réglé. En somme, le Bénéficiaire prétend qu’il était dans l’incapacité de donner suite à sa réclamation avant février 2013.
[57] Le Bénéficiairefait valoir au Tribunal qu’il a dénoncé par écrit le 20 février 2013 un problème de présence de moisissure dans les vitres des fenêtres quia été complètement ignoré autant par l’Entrepreneur que par l’Administrateur.
[58] Il ajoute que le problème de moisissure s’est manifesté progressivement à compter de la fin du mois d’août ou du début de septembre 2012 que ce problème a été constaté par l’Entrepreneur et Fenefco, le 6 septembre 2012.
[59] Le Bénéficiaire conclut son argumentation en précisant au Tribunal que le problème de présence de moisissure dans les vitres des fenêtres de sa maison a été dénoncé par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur à l’intérieur d’un délai de six (6) mois de sa première manifestation.
[60] Le Bénéficiaire ne soumet aucune autorité au Tribunal au soutien de la suffisance de sa dénonciation écrite du 14 décembre 2010.
[61] Par ailleurs, invité à le faire par le Tribunal, l’Entrepreneur renonce à plaider.
[62] Quant à l’Administrateur il plaide que le Tribunal doit appliquer le Règlement et le Plan de garantie qui en découle.
[63] Dans un premier volet de sa plaidoirie, l’Administrateur fait valoir que l’absence de réaction du Bénéficiaire à la lettre d’accusé de réception du 16 décembre 2010 qui invitait le Bénéficiaire à aviser l’Administrateur s’il n’était satisfait de l’intervention de l’Entrepreneur[3] laissait croire à l’Administrateur que le problème de formation de glace avait été résolu à la satisfaction du Bénéficiaire et qu’aucune demande de réclamation ne serait présentée.
[64] Il ajoute que cette lettre est écrite conformément aux dispositions de l’article 18 du Règlement relativement à la procédure applicable à toute réclamation fondée sur la garantie prévue à l’article 10 de ce Règlement.
[65] L’Administrateur plaide que le Bénéficiaire s’il était insatisfait de l’intervention de l’Entrepreneur a fait défaut de se conformer à cette disposition car il n’a pas soumis une Demande de réclamation conforme au Règlement et versé à l’Administrateur les frais de 100$ requis pour l’ouverture du dossier dans les délais prévus[4].
[66] Dans le second volet de sa plaidoirie, l’Administrateur produit plusieurs décisions de différents arbitres pour établir l’état du droit relativement à la nature du délai de six (6) mois qu’il invoque dans le cadre de son objection préliminaire d’irrecevabilité de la demande de réclamation du Bénéficiaire et au soutien de sa position.
[67] L’Administrateur plaide que depuis 2006 la jurisprudence arbitrale majoritaire relative au délai de dénonciation écrite des vices et malfaçons qui ne doit pas excéder six (6) mois est constante.
[68] La dénonciation écrite tardive est fatale car il s’agit d’un « délai impératif et le défaut de s’y conformer est une cause de déchéance du recours »[5]. Il s’agit d’un délai qui ne s’interrompt pas, qui ne se suspend paset qui ne se proroge pas,même en équité[6].
[69] L’Administrateur prétend que la dénonciation écrite du Bénéficiaire en décembre 2010 n’est pas suffisante parce que le Bénéficiaire n’y a pas donné suite et ce, malgré le fait que la situation était suffisamment grave pour que de nombreuses interventions soient faites pendant plusieurs hivers.
[70] Selon l’Administrateur si une dénonciation générale faite durant la première année de la possession d’une maison neuve, sans suivi, comme celle faite par le Bénéficiaire suffisait à engager l’Administrateur, ce serait l’équivalent de retirer du Règlement tout délai contraignant.
[71] En conclusion, l’Administrateur demande au Tribunal d’accueillir sa requête en irrecevabilité car le Plan de garantie ne trouve plus application en raison de l’expiration du délai.
[72] L’Administrateur ajoute également que dans les circonstances, il invite le Tribunal à ne pas condamner le Bénéficiaire au partage des coûts de l’arbitrage et ce, malgré les dispositions de l’article 123 du Règlement même si le Bénéficiaire n’obtient pas gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation. [7]
La décision
[73] Après avoir pris connaissance des procédures, entendu la preuve testimoniale, examiné la preuve documentaire, visionné la preuve photographique et vidéographique, entendu les arguments des Parties, examiné le droit et la jurisprudence qui sont applicables et sur le tout délibéré.
[74] Le Tribunalcroit en la bonne foi et la patience du Bénéficiaire qui a sincèrement cru en la collaboration de l’Entrepreneur [8]et de son sous-traitant (Fenefco) qui ont effectué de nombreux travaux sur plusieurs hivers pour corriger le problème de formation de glace dans les fenêtres de la maison, mais le Tribunal doit trancher conformément au droit et à la jurisprudence qui sont applicables. En effet, de façon constante depuis plusieurs années la jurisprudence arbitrale majoritaire reconnaît que le Règlement et le Contrat de garantie des maisons neuves exigent que la dénonciation écrite soit faite à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans un délai raisonnable qui ne peut excédersix (6) mois de la découverte du vice ou de la malfaçon.[9]
[75] Le Bénéficiaire a initialement découvert le problème de formation de glace dans les fenêtres de sa maison en décembre 2009. Il a dénoncé par écrit ce problème à l’Entrepreneur et à l’Administrateur une première fois en décembre 2010, douze (12) mois après sa découverte soit bien à l’extérieur d’un délai raisonnable qui ne peut excéder six (6) mois. Ensuite, par son omission d’informer l’Administrateur qu’il n’était pas satisfait des interventions de l’Entrepreneur tel que la lettre du 16 décembre 2010 de l’Administrateur l’invitait à le faire, il laisse croire à l’Administrateur que le problème est résolu. Le silence du Bénéficiaire entre janvier 2011 et février 2013 lui est fatal puisque sa Demande de réclamation écrite relativement au problème de formation de glace dans les fenêtres de sa maison est soumise à l’Administrateur dans un délai qui excède six (6) mois de sa découverte.
[76] Comme le délai raisonnable de six (6) mois établit par le législateur est un délai de déchéance, qui ne s’interrompt pas, qui ne se suspend pas et qui ne se proroge pas et ce, même pour des motifs d’équité, le Bénéficiaire est déchu de son droit de recours à l’égard du problème de formation de glace dans les fenêtres de sa maison. Son droit est éteint dès que la période est expirée tel que le souligne Me Jeanniot dans une décision arbitrale de 2008.
« Une des conséquences de la déchéance de la perte ou forclusion d’exercice d’un droit particulier, tel que dans le cas sous étude est le fait que le droit du Bénéficiaire de requérir la couverture du plan de garantie n’est pas sujet aux dispositions de la suspension ou de l’interruption de la prescription applicable dans le cas des présentes. En situation de déchéance, le droit s’éteint dès que la période est expirée. Le titulaire du droit de ce fait ne peut même plus invoquer celui-ci par voie d’exception. »[10]
(Le soulignement est mien)
[77] Le Bénéficiaire n’a pas respecté ce délai et il ne peut pas invoquer sa bonne foi, sa confiance en l’Entrepreneur ni sa volonté d’éviter d’indisposer l’Entrepreneur pour justifier son retard à agir. Le Bénéficiaire est victime de sa propre inaction relativement au problème de formation de glace dans les fenêtres de sa maison. Dura lex, sedlex[11].
[78] En conséquence, le Tribunal doit accueillir en partie l’objection préliminaire d’irrecevabilité présentée par l’Administrateur, rejeter la demande d’arbitrage du Bénéficiaire quant à sa réclamation relative à la formation de glace dans les fenêtres de sa maison et maintenir, uniquement à cet égard, la décision de l’Administrateur.
[79] Par ailleurs, le défaut de l’Administrateur de traiter, dans sa décision du 3 juin 2013, de la découverte par le Bénéficiaire de la présence de moisissure dans les vitres des fenêtres en fin août ou début de septembre 2012 est pour le moins étrange et peut gravement préjudicier les droits du Bénéficiaire de sorte que le Tribunal considère que cet aspect de la Réclamation du Bénéficiaire mérite d’être étudié, analysé, commenté et il doit faire l’objet d’une décision de l’Administrateur.
[80] Quant aux coûts de l’arbitrage, étant donné que le Bénéficiaire a gain de cause sur au moins un aspect de sa réclamation, l'article 123 alinéa 2 du Règlements’applique et tous les frais d’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur.[12]
[81] Le Tribunal rappelle aux Parties que l’arbitre désigné est autorisé par la Régie du bâtiment du Québec à trancher tout différend découlant des plans de garantie existant en vertu du Règlement que sa décision lie les Parties et qu’elle est finale et sans appel.
[82] Enfin, le Tribunal souligne que la présente décision arbitrale est rendue uniquement et strictement dans le cadre de l’application du Règlement et qu’en conséquence elle est sans préjudice et sous toutes réserves des droits du Bénéficiaire d’intenter tout recours approprié devant les tribunaux civils ayant compétence, sujet bien entendu, aux règles de droit commun et de prescription civile, le cas échéant.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
PREND ACTE du désistement du Bénéficiaire de sa réclamation relative à l’Effritement du béton des marches du balcon avant;
ACCUEILLE l’Objection préliminaire de l’Administrateur quant à la recevabilité de la réclamation du Bénéficiairerelative à la Formation de glace dans les fenêtres;
REJETTE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire;
MAINTIENT la décision de l’Administrateur rendue le 3 juin 2013 sous la plume deMadame Anne Delageuniquement relativement à la réclamation du Bénéficiaire concernant la Formation de glace dans les fenêtres;
ORDONNE à l’Administrateur de reprendre,dans les TRENTE (30) jours de la réceptionde la présente décision arbitrale, l’étude de la réclamation du Bénéficiaire relativement à la Présence de moisissure dans les vitres des fenêtres;
ORDONNE à l’Administrateur de procéder à une autre inspection des fenêtres du bâtiment et de rendre ensuite dans les délais habituels une décision complémentaire sur la réclamation du Bénéficiaire datée du 20 février 2013 relativement à la Présence de moisissure dans les vitres des fenêtres;
CONDAMNE l’Administrateur à payer tous les frais du présent arbitrage.
LE TOUT sans préjudice et sous toutes réserves des droits du Bénéficiaire d’intenter tout recours approprié devant les tribunaux civils.
Longueuil, le 21 novembre 2013
__________________________
Me Jean Robert LeBlanc
Arbitre / SORECONI
[1]Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, L.R.Q. c. B-1.1, r. 8.
[2]Pièce A-4.
[3]Voir note 2.
[4]Supra, note 1, art. 18 2o
[5]Côté et Clermont c. Les constructions E.D.Y. Inc. et al., CCAC, S09-030301-NP, rendue le 12 janvier 2010, par Me Pierre Boulanger, par. 12.
Syndicat de copropriété 7000 chemin Chambly c. Landry & Pépin Construction Inc. et al., SORECONI, 080424001, rendue le 17 novembre 2008, par Me Michel A. Jeanniot, par. 17 à 21.
Chackal et Bardakji c. 9096-2556 Québec Inc. et al., rendue le 15 mai 2006, par M. Henri P. Labelle, arbitre, par. 20, 30 et 31.
[6]Syndicat de copropriété 7000 chemin Chambly c. Landry & Pépin Construction Inc. et al., SORECONI, 080424001, rendue le 17 novembre 2008, par Me Michel A. Jeanniot, par. 19.
Danesh c. Solico et al., SORECONI, 07082100, rendue le 5 mai 2008, par Me Jean Philippe Ewart, par. 64.
Carrier c. Construction Paul Dargis Inc. et al., CCAC, S09-061001-NP, rendue le 9 avril 2010, par Me Reynald Poulin, par. 69 à 75.
Dufour c. Rénovations René Gauthier Inc. et al., GAMM, 2006-15-001, rendue le 23 février 2007, par M. Gilles Lavoie, arbitre, par. 47 à 49.
Guay et Faucher c. Construction M. Williams Inc. et al.,GAMM, 2011-09-005, rendue le 4 juillet 2011, par M. Claude Dupuis, arbitre, par. 43 et 50.
[7]Supra, note 1, art. 123.
[8]Supra, paragraphe numéro 21.
[9]Fleurant c. 9054-4651 Québec Inc. et al., SORECONI, 060403001, rendue le 18 septembre 2006, par M. Claude Mérineau, arbitre, par. 17.
Guay et Faucher c. Construction M. Williams Inc. et al., GAMM, 2011-09-005, rendue le 4 juillet 2011, par M. Claude Dupuis, arbitre, par. 43 et 50.
[10]Syndicat de copropriété 7000 chemin Chambly c. Landry & Pépin Construction Inc. et al., SORECONI, 080424001, rendue le 17 novembre 2008, par Me Michel A. Jeanniot, par. 19.
[11]La loi est dure, mais c’est la loi.
[12]Supra, note 1, art. 123.