ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(décret 841-98 du 17 juin 1998)

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment

Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

ENTRE •

Chadi Chantiri et Krystle Andrade Sahel

(ci-après les « bénéficiaires »)

ET .

Construction Briancon (1998) inc.

(ci-après 1'« entrepreneur »)

La Garantie de construction résidentielle (GCR)

(ci-après administrateur »)

N O dossier GCR : 145318-7167 N O dossier GAMM : 2022-03-07

SENTENCE ARBITRALE

 


Arbitre :       M. Claude Dupuis

Pour les bénéficiaires     M.  Chadi Chantiri

Pour l’entrepreneur :     M. Richard Gosselin

Pour l’administrateur     Me Pierre-Marc Boyer

Date d’audience :     6 octobre 2022

Lieu d’audience :     Laval

Date de la sentence :     8 novembre 2022

I : INTRODUCTION

[1] Il s'agit ici d'une unité d'habitation non détenue en copropriété divise, située dans la ville de Laval.

[2]              Il a été admis que la réception du bâtiment a eu lieu le 25 avril 2019.

[3]              En date du 7 mars 2022, l'administrateur émettait un rapport de décision relativement à 17 éléments précédemment dénoncés par les bénéficiaires.

[4]              La demande d'arbitrage étant imprécise, le bénéficiaire nous a mentionné par la suite qu'il contestait les décisions relatives à 14 de ces éléments, lesquels seront identifiés ci-après.

[5] En cours d'enquête, les personnes suivantes ont témoigné .

  M. Robert Prud'homme, T. P., conciliateur

[6] Une visite des lieux, en présence des parties, a précédé l'audience.

[7] Les parties ont accordé au soussigné un délai de soixante (60) jours à compter de la date d'audience pour rendre sentence dans la présente affaire.

Il : DÉCISION ET MOTIFS

Plancher de bois franc n'est pas au même niveau que la céramique

[8] La visite des lieux a permis de constater que le dessus de la céramique sur le plancher n'est pas au même niveau que le dessus du revêtement de bois.

[9]            M. Prud'homme, inspecteur-conciliateur, nous informe que la dénivellation est de

1/16 pouce et qu'elle dépasse la tolérance reconnue.

[10]        Une telle dénivellation sur le plancher constitue sûrement un risque de blessure pour les enfants ainsi que pour des adultes visiteurs.

[11]        Cette dénivellation m'apparaît tout à fait conforme à la notion de vice caché à l'article 1726 du Code civil

1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne I t aurait pas acheté, ou n t aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

[12]        Les coûts de réparation pour rendre le plancher conforme seraient vraisemblablement élevés.

[13] Un visiteur acheteur un peu perspicace va découvrir rapidement l'anomalie, jusqu'à refuser l'achat ou du moins en diminuer le prix.

[14] Toutefois, en cas de vice caché, l'article 10.4 0 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs se présente comme suit

1 0. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir

40 la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

[15] Or, la chronologie des événements est la suivante .

Date de réception : 25 avril 2019

Découverte : 2 mai 2019

Dénonciation à l'entrepreneur et à l'administrateur : 20 septembre 2021

[16] Le tribunal est d'avis qu'un délai de presque deux ans et demi entre la découverte et la dénonciation n'est pas un délai raisonnable, compte tenu du fait que le bénéficiaire, sauf la méconnaissance, n'a aucune explication à apporter pour justifier la durée de ce délai.

[17] Pour ces motifs, la réclamation ayant trait à cet élément est REJETÉE.

Écaillage de l'escalier et du balcon de béton avant

[18] Cet élément a été dénoncé à l'entrepreneur et à l'administrateur le 20 septembre

2021.

[19] Il a été admis que cette malfaçon était visible à la réception et qu'elle n'a pas été dénoncée à ce moment-là selon les exigences de l'article 10.2 0 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs

10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir

20 la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 21 1 1 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception. Pour la mise en oeuvre de la garantie de réparation des vices et malfaçons apparents du bâtiment, le bénéficiaire transmet par écrit sa réclamation à l'entrepreneur et en transmet copie à l'administrateur dans un délai raisonnable suivant la date de fin des travaux convenue lors de l'inspection préréception;

[20]        Pour sa défense, le bénéficiaire avoue l'avoir à l'époque dénoncée l'entrepreneur; or, ce n'est point suffisant.

[21]        Pour ces motifs, la réclamation ayant trait à cet élément est REJETÉE.

Différence de couleur du bardeau d'asphalte

[22] Je cite la déclaration de l'administrateur dans son rapport de décision du 7 mars

2022 :

Lors de notre visite, nous avons pu constater la différence de teinte du bardeaux [sic] d'asphalte sur les versants de la toiture en façade de la maison.

[23]        L'administrateur admet donc la différence de couleur sur le toit de la propriété.

[24]        L'administrateur associe cette différence de couleur du bardeau d'asphalte à une malfaçon.

[25]        Pour sa part, le soussigné est d'avis, à la suite de la visite des lieux, que cette situation s'apparente plutôt à un vice caché à cause des coûts excessifs probables de réparation ou d'une diminution importante du prix à la revente.

[26]        Pour sa défense, l'entrepreneur soutient que parfois les bardeaux provenant du même fabricant sont livrés avec des différences de couleur.

[27]        Le tribunal considère plutôt que l'entrepreneur a la responsabilité de s'assurer que des bardeaux de couleur identique, provenant d'un seul et même lot, soient utilisés pour la fabrication d'une unité d'habitation.

[28] Rappelons les dates importantes

Date de réception : 25 avril 2019

Découverte : 19 septembre 2021

Dénonciation à l'entrepreneur et à l'administrateur : 20 septembre 2021

[29] Je cite à nouveau l'article 10.4 0 du Règlement sur le plan de garantie des

bâtiments résidentiels neufs :

10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir .


40 la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

[30] Je reproduis également à nouveau l'article 1726 du Code civil

1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

[31] Tous les critères sont donc respectés.

[32] Pour ces motifs, la réclamation ayant trait à cet élément est donc favorablement ACCUEILLIE.

[33]        Le tribunal ORDONNE à l'entrepreneur de compléter les correctifs nécessaires sur la toiture, selon les règles de l'art, d'ici le 30 juin 2023.

[34]        À défaut par l'entrepreneur de se conformer à l'ordonnance précédente, le tribunal ORDONNE à l'administrateur de procéder aux travaux correctifs requis et de les compléter d'ici le 30 octobre 2023.

Efflorescence sur la maçonnerie des colonnes au bas du balcon

Fissures capillaires dans les joints de la maçonnerie

[35]     En ce qui a trait à l'efflorescence, le délai de dénonciation a été tout à fait déraisonnable, c'est-à-dire tout près de 15 mois après la découverte.

[36]     Nonobstant ce délai, la visite des lieux a convaincu le soussigné que la situation actuelle ne nécessite pas l'intervention de l'entrepreneur.

[37]     En ce qui concerne les fissures capillaires dans les joints de la maçonnerie, il s'agit du comportement normal des matériaux, ne causant pas d'infiltration d'eau et ne nécessitant qu'un entretien à faible coût.

[381 Le tribunal a reçu une preuve satisfaisante comme quoi la structure du bâtiment n'est pas affectée.

[39] S'il s'agissait d'une malfaçon, elle a été découverte plus d'un an après la réception.

[401 Pour ces motifs, les réclamations ayant trait à ces deux éléments sont REJETÉES.

Alimentation d'eau chaude des équipements sanitaires

[41]        Contrairement à l'opinion de l'administrateur, le délai d'une minute et dix secondes pour obtenir l'eau chaude m'apparaît deux fois plus long que la normale, soit de l'usage courant.

[42]        La découverte de cette malfaçon respecte le plan de garantie; toutefois, le délai de dénonciation, soit plus de deux ans, est déraisonnable.

[43]        Pour ces motifs, la réclamation ayant trait à cet élément est REJETÉE.

Bruit du chauffage du garage perçu dans la chambre 1 au-dessus du garage [44] Cet élément a été découvert dans la première année après la réception.

[45]      Cette situation présente l'aspect d'une malfaçon, car il s'agit d'un bruit perceptible dans une chambre située au-dessus du garage, où est localisée une unité de chauffage.

[46]      Toutefois, la dénonciation a été faite quelque 18 mois après la découverte, ce qui constitue un délai tout à fait déraisonnable; sauf la méconnaissance, le bénéficiaire n'a présenté aucune explication justifiant ce délai.

[47] Pour ces motifs, la réclamation ayant trait à cet élément est REJETÉE.

Chute d'agrégat du revêtement des murs extérieurs

[48]         Il s'agit ici de la perte d'agrégats provenant de certaines sections des murs extérieurs.

[49]         Je cite ici, à cet effet, deux paragraphes de la décision de l'administrateur datée du 7 mars 2022 :

L'administrateur est d'avis qu'il est habituel que les agrégats se détachent progressivement du ciment.

En effet, la situation que dénonce le bénéficiaire n'est pas de nature à rendre le bâtiment impropre à l'usage auquel il est destiné.

[50]         La visite des lieux de même que les photos contenues dans le rapport de l'administrateur démontrent qu'il s'agit d'une perte abondante, que l'on pourrait qualifier d'industrielle.

[51]         Une des photos du rapport de l'administrateur nous fait voir une gouttière quasi pleine d'agrégats.

[52]         Lors de la visite des lieux, on pouvait en apercevoir beaucoup sur le sol.

[53]         Le bénéficiaire témoigne à l'effet qu'il ne cesse d'en ramasser; il lui faut de plus vider les gouttières.

Il s'agit d'une situation complètement anormale; à ce rythme, d'ici 2 à 3 ans, il n'y aura plus d'agrégats.

[55]      S'il l'avait su, un propriétaire averti n'aurait pas acheté ce produit; il aurait plutôt opté pour un mur de déclin, lequel est moins dispendieux. Un mur d'agrégats, une fois bien installé, ne perd pas de composantes, sinon quelques-unes au début.

[56]      Certes, le bâtiment n'est pas impropre à l'usage, mais ce n'est là qu'un des trois critères de la notion de vice caché.

[57] Pour ce point, le délai de dénonciation rencontre les exigences du plan de garantie.

[58] Pour ces motifs, la réclamation ayant trait à cet élément est favorablement ACCUEILLIE.

[59]        Le tribunal ORDONNE à l'entrepreneur de refaire les sections existantes des murs d'agrégats, selon les règles de l'art, et de compléter les travaux d'ici le 30 juin

2023.

[60]        À défaut par l'entrepreneur de se conformer à l'ordonnance précédente, le tribunal ORDONNE à l'administrateur de procéder aux travaux correctifs requis et de les compléter d'ici le 30 octobre 2023.

Calfeutrage extérieur au périmètre des fenêtres et portes Distance entre la sortie de sécheuse et l'allège de la maçonnerie

Interstices entre les moulures de portes et le plancher

[61]        Ces éléments ont été découverts dans les trois années suivant la réception du bâtiment, et les délais de dénonciation rencontrent les critères du plan de garantie.

[62]        Toutefois, aucun de ces éléments ne peut s'apparenter à un vice caché.

[63] Il s'agit de défectuosités mineures qui peuvent être négligées ou réparées à peu de frais.

[64]    On ne parle ni d'infiltration, ni de problème de structure.

[65]    En accord avec l'administrateur, le soussigné est d'avis que ces situations ne sont pas de nature à rendre le bâtiment impropre à l'usage auquel il est destiné.

[66]    Pour ces motifs, les réclamations ayant trait à ces éléments sont REJETÉES.

Coloration du crépi de ciment sur la fondation

Fissures au crépi et à la fondation

[67] II faut reconnaître que le crépi sur les murs de la fondation a une fonction totalement esthétique et n'exerce aucune autre qualité sur le bâtiment.

[68] Ayant une courte durée de vie, il faut souvent le remplacer en totalité si on veut en conserver la belle apparence.

[69] Inutile de réparer une section, car son changement de couleur aura un pire effet que de conserver les défauts.

[70] Il serait même hasardeux de considérer ces fissures ainsi que la décoloration comme des malfaçons si elles étaient découvertes dans la première année suivant la réception.

[71] Pour ces motifs, les réclamations ayant trait à ces éléments sont REJETÉES.

Fissures coins des murs de gypse

[72] La visite des lieux a démontré qu'il s'agit de fissures capillaires, soit de faibles fissures; en accord avec l'administrateur, le soussigné est d'avis qu'elles résultent du comportement normal des matériaux.

[73] De telles fissures ne sont point de nature structurale.

[74] Je cite ci-après la section 2 0 de l'article 12 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs :

12. Sont exclus de la garantie:


20 les réparations rendues nécessaires par un comportement normal des matériaux tels les fissures et les rétrécissements;

[75] Pour ces motifs, la réclamation ayant trait à cet élément est REJETÉE.

III : RÉSUMÉ

[76] Pour les motifs ci-devant énoncés, le tribunal

ACCUEILLE favorablement les réclamations ayant trait aux éléments suivants :

- différence de couleur du bardeau d'asphalte;

- chute d'agrégat du revêtement des murs extérieurs; et

REJETTE les réclamations ayant trait aux éléments suivants :

-          plancher de bois franc n'est pas au même niveau que la céramique;

-          écaillage de l'escalier et du balcon de béton avant;

-          efflorescence sur la maçonnerie des colonnes au bas du balcon;

-          alimentation d'eau chaude des équipements sanitaires;

-          bruit du chauffage du garage perçu dans la chambre 1 au-dessus du garage;

-          fissures capillaires dans les joints de la maçonnerie;

-          calfeutrage extérieur au périmètre des fenêtres et portes;

-          distance entre la sortie de sécheuse et l'allège de la maçonnerie;

-          coloration du crépi de ciment sur la fondation;

 

 

-          interstices entre les moulures de portes et le plancher;

 

-          fissures au crépi et à la fondation;

 

-          fissures coins des murs de gypse.

Coûts de l'arbitrage

[77]        À cet égard, l'article 21 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs nous dicte la marche à suivre :

21. Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.

[78]        Comme dans le présent dossier les bénéficiaires ont obtenu gain de cause relativement à certains points, les coûts de l'arbitrage sont entièrement à la charge de l'administrateur.

BOUCHERVILLE, le 8 novembre 2022.

 

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Claude Dupuis, arbitre