(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
Société pour la résolution de conflits inc. (SORECONI)
No dossier SORECONI : 091027004
No dossier Garantie 54381-1
Date: 15 juin 2010
ENTRE LES CONSTRUCTIONS NASLIN INC.
(ci-après « l’Entrepreneur »)
ET FRANCES RONDOS ET CONSTANTINO BOUZALAKOS
(ci-après « les Bénéficiaires»)
ET : La Garantie DES BATIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ inc
(ci-après « l’Administrateur »)
Arbitre : Me France Desjardins
Pour les Bénéficiaires : Madame Frances Rondos
Monsieur Constantino Bouzalakos
Pour l’Entrepreneur : Me Robert Marchand
Monsieur Domenic Nasella
Pour l’Administrateur : Me Élie Sawaya, Savoie Fournier avocats
Madame Joanne Tremblay
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 28 octobre 2009.
23 mars 2003 Contrat préliminaire et contrat de garantie
27 octobre 2003 Acte de vente
27 mai 2008 Lettre de l’avocat des Bénéficiaires à l’Entrepreneur et à l’Administrateur
7 juillet 2008 Rapport d’expertise commandé par le Bénéficiaire
23 juillet 2008 Lettre de l’avocat de l’Entrepreneur à l’avocat des Bénéficiaires et à l’Administrateur
20 août 2008 Lettre de l’avocat des Bénéficiaires à l’Entrepreneur et à l’Administrateur
12 septembre 2008 Réception par l’Administrateur de la demande de réclamation des Bénéficiaires
18 septembre 2008 Avis de 15 jours aux parties
8 octobre 2008 Lettre de l’avocat des Bénéficiaires à l’Administrateur
19 janvier 2009 Décision de l’Administrateur
30 janvier 2009 Lettre de l’avocat de l’Entrepreneur à l’Administrateur
4 septembre 2009 Rapport d’inspection de structure de toiture commandé par l’Administrateur
15 septembre 2009 Décision de l’Administrateur
19 octobre 2009 Demande d’arbitrage de l’Entrepreneur
28 octobre 2009 Nomination de l’arbitre
23 novembre 2009 Transmission du cahier des pièces de l’Administrateur
15 mars 2010 Séance préliminaire par conférence téléphonique
8 avril 2010 Rapport d’expertise commandé par l’Entrepreneur
17 mai 2010 Audition sur moyen préliminaire
19 mai 2010 Décision sur moyen préliminaire
21 mai 2010 Audition
[1] L’Entrepreneur conteste la décision rendue le 15 septembre 2009 par l’Administrateur de la Garantie qui lui ordonne de reprendre entièrement l’exécution des toitures du garage et de la maison des Bénéficiaires.
Les faits
[2] Le 23 mars 2003, les Bénéficiaires signent un contrat préliminaire constituant une promesse d’achat à Les Constructions Naslin Inc., d’une maison de type unifamiliale sur la rue Acher à Laval. Le même jour, les parties signent un contrat de garantie prévoyant l’application du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ à leur résidence en cas de manquement de l’Entrepreneur à ses obligations.
[3] Dès la réception du bâtiment le 27 octobre 2003, les Bénéficiaires ont constaté et indiqué à l’Entrepreneur que le toit était «croche et pas beau». L’Entrepreneur a qualifié le défaut de purement esthétique. Après une année, la toiture coulait. L’Entrepreneur a tenté de réparer à 3 ou 4 reprises. Faute de résultats, les Bénéficiaires ont décidé de consulter un expert pour voir ce qui se passait. Monsieur Stéphane Bossus a produit son rapport d’expertise auprès des Bénéficiaires le 7 juillet 2008, lequel conclut que les toits sont affectés de vices structurels et recommande «de les arracher et les reconstruire selon les règles de l’art.»
[4] Les Bénéficiaires ont, par leurs procureurs, transmis le 20 août 2008 un avis dénonçant le problème à l’Entrepreneur et à l’Administrateur, auquel est joint le rapport de monsieur Bossus. La réclamation déposée à l’Administrateur porte la date du 12 septembre 2008.
[5] Le 19 janvier 2009, l’Administrateur rend une première décision portant sur divers points (18 au total) ayant été dénoncés soit en mai, soit en août 2008. Madame Joanne Tremblay, signataire de la décision pour l’Administrateur, rejette tous les points 1 à 11 au motif de leur dénonciation tardive, soit plus de 6 mois de leur découverte. Certains points (4 à 11) de cette décision concernent le toit, tels, à titre d’exemple, des bosses aux arêtes du toit elles-mêmes non rectilignes, la construction artisanale de la vallée du toit, des bardeaux déchirés et non coupés selon les règles de l’art, des soffites de dimensions variées et des débords de toit non construits selon les règles de l’art.
[6] En ce qui concerne les points 12 à 18 ayant trait aux défauts constatés au rapport d’expertise déposé par les Bénéficiaires au soutien de leur réclamation, madame Tremblay rend la décision suivante :
«Les constatations faites sur place ne permettent pas à l’administrateur de rendre une décision immédiate pour les points 12 à 18, l’entrepreneur n’ayant pas pu nous fournir les renseignements demandés sur le fabricant de fermes.
Afin de rendre une décision juste et éclairée, il sera nécessaire d’obtenir au préalable l’opinion professionnelle d’un expert.
Par conséquent, l’administrateur a mandaté monsieur Normand Gosselin, ingénieur, lequel effectuera une inspection vers la fin du mois de janvier 2009.
Dès que l’administrateur connaîtra les dates exactes de disponibilité de ce dernier, il communiquera avec les bénéficiaires. »
[7] Plus spécifiquement, les points 12 à 18 concernent les éléments suivants :
- Affaissement et déformation de plusieurs sections de toit;
- Versant latéral gauche du toit est surélevé à l’aide de membrures qui reposent sur un madrier tordu;
- Membrures démontrent une flexion en leur centre - certaines sont fendues;
- Pontage n’est pas toujours appuyé sur les fermes;
- Espacement entre les fermes variant de 23 à 32 pouces;
- Cime déficiente;
- Fermes de toit coupées.
[8] Par sa demande d’arbitrage produite le 19 octobre 2009, l’Entrepreneur conteste, à l’égard des travaux correctifs ordonnés, les conclusions de la deuxième décision de l’Administrateur sur les points 12 à 18, rendue le 15 septembre 2009. Cette décision fait suite au rapport produit par l’ingénieur monsieur Kumar Maldé, mandaté par l’Administrateur en remplacement de monsieur Gosselin, préalablement annoncé dans sa décision. Il convient de citer en entier la décision de l’Administrateur, signée par madame Joanne Tremblay :
«De l’avis de l’administrateur, les situations observées sur place en rapport avec les poins 12 à 18 rencontrent tous les critères du vice majeur.
Par conséquent, l’administrateur doit accueillir la demande de réclamation des bénéficiaires à l’égard de ces points.
De ce fait, l’entrepreneur devra reprendre l’exécution des toitures du garage et de la maison, dans son entier, et ce, tel que décrit au rapport d’expertise.
Il est entendu que tous les désagréments connexes aux travaux font partie de cette décision et devront être considérés dans les corrections à être apportées.
Pour tous ces motifs, l’administrateur :
ACCUEILLE la demande de réclamation des bénéficiaires pour les points 12 à 18.
ORDONNE à l’entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs requis en ce qui a trait aux points 12 à 18, et ce, dans un délai de trente (30) jours suivant réception de la présente.»
[9] À la conférence préparatoire du 15 mars 2010, par l’entremise de son procureur Me Robert Marchand, l’Entrepreneur a soulevé une objection préliminaire alléguant l’irrecevabilité de la réclamation des Bénéficiaires au motif de la dénonciation tardive du vice par ceux-ci. L’Arbitre soussignée, à la suite d’une audition préalable sur cette objection préliminaire tenue le 17 mai 2010, a rendu décision le 19 mai et conclu au rejet du moyen d’irrecevabilité, les Bénéficiaires n’ayant été en mesure de soupçonner la gravité et l’étendue du vice affectant les toits de leur résidence et garage qu’après avoir pris connaissance du rapport de l’expert Bossus, et de sa conclusion à l’effet de les «arracher et les reconstruire selon les règles de l’art». Conservant compétence, l’Arbitre a convoqué les parties à la présente audition de la demande d’arbitrage.
LA PREUVE ET L’ARGUMENTATION
[10] L’audience de la demande d’arbitrage s’est tenue au Palais de Justice de Laval en présence des Bénéficiaires, de monsieur Domenic Nasella, représentant de Les Constructions Naslin inc, des procureurs respectifs de l’Entrepreneur et de l’Administrateur et de madame Joanne Tremblay, signataire de la décision pour l’Administrateur.
Assujettissement du bâtiment au Code national du bâtiment.
[11] D’entrée de jeu, en début d’audience, Me Robert Marchand admet que les toits de la maison et du garage ne sont pas construits selon les règles de l’art mais ajoute que le bâtiment n’étant pas assujetti au Code de construction du Québec, il ne l’est par conséquent pas non plus au chapitre 9 du Code national du bâtiment (ci-après le Code), qui vise les maisons et petits bâtiments. Rejetant d’emblée cette interprétation, Me Elie Sawaya, procureur de l’Administrateur, déclare au surplus être pris par surprise, cette question n’ayant jamais été soulevée auparavant, ni lors de la conférence préparatoire ni lors de l’audience sur moyen préliminaire. Qui plus est, ajoute-t-il, le procureur de l’Entrepreneur aurait dû soulever ce moyen d’irrecevabilité en même temps que l’autre objection préliminaire qu’il a fait valoir et qui a été plaidée le 17 mai.
[12] Après discussion, il est convenu que les procureurs plaideront par écrit sur cette question. Toutefois, à la fin de l’audience, au moment de déterminer une date de dépôt des plaidoiries, les procureurs concluent à l’inutilité d’adresser cette question au Tribunal, d’autant plus qu’il est admis que le litige porte exclusivement sur la nature des travaux correctifs à exécuter.
[13] Les parties conviennent alors que les travaux correctifs, quelle que soit la décision de l’Arbitre, seront exécutés en conformité avec «les règles de l’art prévues au chapitre 4 du Code».
Le fond du littige
[14] L’Entrepreneur fait entendre l’expert dont il a retenu les services, monsieur Roger Bartosh. Référant au rapport que l’ingénieur Kumar Maldé a soumis à l’Administrateur, monsieur Bartosh témoigne être, en général, en accord avec les constats rapportés par monsieur Maldé mais il ne partage pas la conclusion suivante de son rapport concernant l’instabilité et la dangerosité de la structure du toit.
[15] Le témoin Bartosh ajoute qu’à son avis, il n’y a pas eu de fléchissement du toit depuis 7 ans. Référant au paragraphe 3 de la conclusion du rapport de monsieur Maldé, l’ingénieur Bartosh se déclare en désaccord qu’on doive «enlever et rebâtir». Pour lui, «on peut renforcer par l’intérieur du grenier». À la question de Me Marchand, monsieur Bartosh se déclare prêt à superviser les travaux.
[16] En contre-interrogatoire, monsieur Bartosh confirme sa visite du bâtiment d’une durée totale de 20 minutes, le 25 mars 2010. Il a fait le tour par l’extérieur. Il a observé que les lignes du toit sont croches mais pour voir les fermes de toit, il est monté partiellement au grenier au moyen d’une échelle mais n’est pas entré dans le grenier. Il confirme que son inspection ne lui a pas permis de prendre les mesures entre les solives. Il ajoute «j’ai lu le rapport de monsieur Maldé avant d’y aller. J’ai été pour voir si le rapport était correct». À la question de Me Sawaya concernant les dimensions du toit, monsieur Bartosh répond que les dimensions sont «typiques à Laval, 1000 p.c. ou quelque chose comme cela».
[17] Me Sawaya réfère ensuite monsieur Bartosh à l’extrait de son propre rapport qui se lit comme suit :
«Malgré qu’il soit théoriquement possible de réparer la structure du toit de l’intérieur sans enlever le toit, cette solution n’est pas rentable. L’aire affectée est trop importante et l’accès est trop difficile. Il serait plus économique de supprimer le toit et de le reconstruire.
Monsieur Bartosh indique qu’il n’a pas changé d’avis. Il indique :«c’est une question d’économie; l’Entrepreneur veut le faire comme cela et c’est possible de bâtir des «trusts» de l’intérieur».
[18] Quoiqu’en accord avec les constats rapportés par l’expert Maldé, le témoin Bartosh rejette sa conclusion en regard de l’instabilité et la dangerosité du toit parce que «le plafond du 2e étage est attaché par les fermes de toit.» Lors de sa visite, il n’a pas vu de signe d’instabilité. Le toit a résisté aux charges de neige depuis 7 ans même s’il ne respecte pas le Code. À la question de savoir ce qu’il faut faire pour corriger, monsieur Bartosh explique qu’une nouvelle expertise est nécessaire car il faut relever les fermes existantes et il faut faire des calculs pour identifier le nombre à ajouter. Il n’a pas fait les calculs mais il est en mesure d’affirmer que le toit n’est pas instable et dangereux puisqu’il est toujours là. Le témoin conclut en disant qu’à ce stade-ci, il peut seulement dire qu’il faut corriger en suivant la partie 9 du Code car c’est le minimum. Il est important de renforcer le toit le plus vite possible car on ne connaît pas les charges de neige à venir ajoute-t-il.
[19] La preuve de l’Entrepreneur étant close, le procureur de l’Administrateur fait ensuite entendre son témoin expert, monsieur Kumar Maldé, ingénieur. Le témoin indique qu’il a inspecté le bâtiment en mai 2009. Son inspection a duré 3 heures et il était accompagné d’une équipe de techniciens qui a passé une demi-journée sur les lieux. Il a examiné le toit au complet. Référant aux photos annexées au rapport qu’il a produit le 4 septembre 2009, plus spécifiquement les photos 8, 10 et 11, monsieur Maldé montre le fléchissement important du toit, qu’il définit comme instable et dangereux. Il travaille dans le domaine de l’effondrement pour les compagnies d’assurance depuis 10 ans. Il est d’avis que le toit est mal fait et qu’il va tomber soudainement. Le toit n’est pas sécuritaire selon lui.
[20] Sur la question de savoir si on peut corriger de l’intérieur, le témoin répond qu’en 30 ans au Canada, il n’a jamais vu un ouvrier capable de faire de tels travaux sans surveillance d’un ingénieur. Il faut analyser chaque «trust». C’est faisable mais il ne prendrait pas le mandat de surveillance car il est convaincu que le travail ne serait pas fait de manière satisfaisante. Pour sa part, il recommande de reconstruire.
[21] En conte-interrogatoire, monsieur Maldé confirme qu’il a effectué des calculs pour rédiger son rapport. Par exemple, en référant à la photo numéro 10, il explique qu’il a calculé que la membrure n’a pas la capacité de supporter la charge exigée par le Code. Pour faire ses calculs, il a suivi la partie 4 du Code en appliquant les exigences de la partie 9 en regard des charges car elles sont moins élevées.
[22] Me Marchand réfère ensuite monsieur Maldé au rapport de monsieur Bartosh. Le témoin se déclare en accord avec les affirmations de l’ingénieur Bartosh à l’effet que :
- ça ne règle par le problème d’ajouter des 2X4;
- la géométrie de plusieurs des fermes de toit est incorrecte;
- la membrure supérieure de quelques-unes des fermes de toit semble avoir été aplanie.
L’expert Maldé réaffirme ensuite qu’il ne prendrait pas le mandat de surveillance des travaux car avec ses 36 ans d’expérience dans le domaine du bois, il croit que ce n’est pas réalisable de manière acceptable.
[23] Le procureur de l’Entrepreneur rappelle enfin l’expert Bartosh qui confirme que, quoique ce ne soit pas facile, il est d’avis, avec ses 29 années d’expérience, que c’est possible de corriger de l’intérieur et il accepterait le mandat de surveillance des travaux.
[24] En argumentation, le procureur de l’Entrepreneur rappelle que ce dernier ne conteste pas les constats de fait. D’ailleurs l’expert Bartosh est d’accord avec l’expert Maldé sur les problèmes constatés mais ne voit pas en quoi le toit est dangereux. Il argue que bien des toits suivent les règles de l’art et s’effondrent. Or, en l’espèce, le toit est toujours là après 7 ans. Il plaide que l’expert Maldé n’est pas de mauvaise foi mais qu’il ne comprend pas le sens des questions. Quoiqu’il n’ait aucune réserve quant à son expertise, il soutient que l’ingénieur Maldé n’a pas fait de rapports exhaustifs, qu’il n’a pas fait les calculs en vertu de la partie 4 du Code car il s’est basé sur la partie 9. Il représente que ça prend une expertise préalable à la correction du toit. De son côté, ajoute le procureur, l’expert Bartosh rapporte que l’Entrepreneur était conscient lors de la construction que le toit n’était pas construit selon les règles de l’art et que c’est difficile de corriger de l’intérieur mais qu’il est prêt à le faire avec des relevés adéquats.
[25] Me Marchand plaide ensuite que les tribunaux se sont prononcés sur le devoir de minimiser les dommages. À cet effet, il dépose un texte publié par l’étude d’avocats Ogilvy Renault, S.E.N.C. portant sur La responsabilité de l’entrepreneur et du sous-entrepreneur[1] ainsi qu’un jugement de la Cour d’Appel dans l’affaire Beaver Foundations Ltd c. Louis Lemieux et Al. et La Ville de Jonquière[2] . Le procureur ajoute qu’il y a eu deux décisions de l’Administrateur dont la première rejette les points 4 à 11 qui concernent certains éléments du toit. Par conséquent, en refaisant le toit au complet, «on fait un cadeau aux Bénéficiaires». Or, argue-t-il, la Cour d’Appel a établi deux principes, soit minimiser les dommages, aujourd’hui codifié à l’article 1479 du Code civil selon l’article publié par Ogilvy Renault et éviter l’enrichissement. À l’appui de ses prétentions, Me Marchand dépose un jugement de la Cour du Québec rendu par l’Honorable Charles G. Grenier dans la cause Germain c. Turgeon.[3]
[26] À la question de l’Arbitre qui demande si l’Entrepreneur a évalué le coût des travaux selon qu’ils seraient effectués de l’intérieur ou de l’extérieur et s’il croit que ce sera moins onéreux de l’intérieur, Me Marchand répond par l’affirmative et s’empresse d’ajouter que «le but est de rendre la structure du toit conforme à la solidité requise».
[27] Le procureur de l’Administrateur, Me Sawaya, rappelle pour sa part que l’expert Bartosh lui-même considère que la solution de correction par l’intérieur n’est pas rentable et qu’il serait plus économique de reconstruire le toit. Il plaide aussi que monsieur Bartosh n’est pas entré dans le toit, que son inspection a été d’une durée totale de 20 minutes, qu’il n’a pas fait de calculs et s’est basé sur le rapport de l’expert Maldé. De son côté, l’expert Maldé a procédé à une inspection exhaustive pendant trois heures et était assisté d’une équipe technique. En regard des calculs qu’il a effectués, monsieur Maldé a utilisé les charges de la partie 9 du Code qui sont moins exigeantes que celles de la partie 4. Si le toit ne respecte pas la partie 9, il est évident qu’il respecte encore moins la partie 4. Selon l’expert Maldé, c’est infaisable de l’intérieur. Me Sawaya demande au Tribunal d’appliquer la règle de la prépondérance.
[28] Me Sawaya réfère ensuite à l’article 10 (5) du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[4] (ci-après le Règlement) et soulève qu’il s’agit d’un règlement d’ordre public qui prévoit la réparation des malfaçons et des vices affectant un bâtiment. Ce ne sont donc pas des dommages que les Bénéficiaires réclament, comme le prétend le procureur de l’Entrepreneur, mais des réparations en application du Règlement. Il ajoute que «l’obligation de l’Entrepreneur est de rendre le toit conforme, pas plus, pas moins». Le procureur souligne ensuite que, même si l’Entrepreneur a offert que les travaux soient supervisés par un ingénieur, il ne s’agit pas d’une exigence de l’Administrateur. Finalement, plaide-t-il, il ne s’agit pas de redonner aux Bénéficiaires les points 4 à 11 (relatifs au toit) de la décision du 19 janvier 2009 comme le prétend le procureur de l’Entrepreneur, mais simplement de réparer les vices majeurs qui affectent le bâtiment. Si le Tribunal conclut que c’est réalisable de l’intérieur, la décision aura le même effet.
[29] Me Marchand réplique que monsieur Bartosh a certes bénéficié de l’expertise de monsieur Maldé mais le complément d’expertise qu’il a produit ne contredit pas les constats de monsieur Maldé. Son inspection, dit-il, visait seulement à vérifier l’amplitude des dommages. Le procureur demande enfin au Tribunal d’émettre une ordonnance à l’expert Bartosh de superviser les travaux. Celui-ci étant, selon le procureur, le meilleur expert au Québec, s’il engage sa responsabilité, il n’y a aucun risque pour les Bénéficiaires, conclut-t-il, puisque l’article 2118 du Code civil s’applique :
2118. À moins qu'ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l'entrepreneur, l'architecte et l'ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu'il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l'ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d'un vice de conception, de construction ou de réalisation de l'ouvrage, ou, encore, d'un vice du sol.
L’ANALYSE ET LA DÉCISION
[30] Avant d’amorcer l’analyse pour disposer de la demande, il y a lieu de rappeler que le présent arbitrage se tient en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs. Ainsi, bien que l’arbitre soit appelé à interpréter certains articles du Code civil ou du Code de procédure civile dans l’application de son mandat, il doit fonder sa décision sur les dispositions du Règlement.
[31] Le Tribunal est saisi d’une demande d’arbitrage de l’Entrepreneur qui conteste les conclusions de l’Administrateur de la Garantie à l’effet que «l’entrepreneur devra reprendre l’exécution des toitures du garage et de la maison, dans son entier, et ce, tel que décrit au rapport d’expertise».[5] Ceci implique de «retirer complètement la toiture existante et de la reconstruire de façon conforme aux exigences du Code national du bâtiment»[6]
[32] La Loi sur le bâtiment[7] (ci-après la Loi) impose aux entrepreneurs généraux l’obligation de détenir une licence qu’ils ne peuvent obtenir qu’à certaines conditions, dont l’adhésion à un plan de garantie de leurs obligations, prescrite également par l’article 6 du Règlement. En vertu de l’article 79.1 de la Loi, «l'entrepreneur est tenu de réparer tous les défauts de construction résultant de l'inexécution ou de l'exécution de travaux de construction couverts par le plan» de garantie auquel il a adhéré. Le même article stipule qu’à défaut de l'entrepreneur de réparer ces défauts, l'administrateur du plan procède aux réparations. L’article 74 du Règlement contient une disposition semblable. L'administrateur agit en fait comme caution et la Loi prévoit, à l’article 79.2, subrogation au profit de l’administrateur dans ce cas.
[33] Le Règlement définit la couverture de la garantie dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception du bâtiment ou après, et en prévoit spécifiquement les exclusions. En l’espèce, le manquement se situe après la réception du bâtiment et, comme la soussignée en a déjà disposé dans le cadre de sa décision préalable sur le moyen d’irrecevabilité, concerne des vices de conception, de construction ou de réalisation, au sens de l'article 2118 du Code civil, dont la réparation est couverte par l’article 10 (5) du Règlement. Ces vices sont définis par la Régie du bâtiment, dans les publications destinées au grand public, comme des «défauts graves, apparents ou non au moment de l’acquisition de votre maison, affectant la solidité du bâtiment ou entraînant des inconvénients sérieux.»[8]
[34] L’opportunité de procéder à des travaux structurels correctifs aux toits n’est pas contestée. L’Entrepreneur est disposé à effectuer les travaux pour corriger la situation. Le différend, soumis à l’arbitrage par l’Entrepreneur en application de l’article 19 du Règlement, porte donc sur la nature des travaux à réaliser, l’Entrepreneur voulant solidifier à partir de l’intérieur du bâtiment alors que les Bénéficiaires et l’Administrateur concluent à la nécessité de reconstruire au complet les toits. La question à laquelle le Tribunal doit répondre est donc la suivante :
La décision de l’Administrateur est-elle justifiée quant à la nature des travaux correctifs à exécuter ?
[1] La décision de l’Administrateur est basée sur le Règlement sur la garantie des bâtiments résidentiels neufs. Les tribunaux ont depuis longtemps reconnu le caractère d’ordre public du Règlement.. (les parties ne pouvant y déroger, même par convention) qui doit, comme l’ont maintes fois décidé les tribunaux, être interprétée restrictivement. À titre d’exemple, l’Arbitre réfère aux propos de l’Honorable Pierrette Rayle qui énonçait les motifs du jugement de la Cour d’Appel dans l’affaire Desindes :
« […] Autrement dit, les bénéficiaires, en optant pour une demande d’exécution en nature, renonceraient à l’avance à l’autre forme de protection offerte. Cette conséquence est non seulement contraire à l’objectif remédiateur de la Loi, elle viole les dispositions expresses des articles 139 et 140 du Règlement …»[9]
(Le souligné est de l’Arbitre)
[35] C’est dans ce cadre législatif et réglementaire visant à assurer l’exécution de ses obligations de résultat par l’Entrepreneur que le Tribunal doit analyser la demande d’arbitrage.
[36] Le procureur de l’Entrepreneur a semblé accorder une grande importance à la notion de règles de l’art par rapport à la conformité aux exigences du Code national du bâtiment. Le Tribunal croit opportun de rappeler les unes sont incluses dans l’autre et que, pour respecter les règles de l’art, l’entrepreneur doit se conformer aux diverses normes édictées par le législateur et applicables au bâtiment. À cet effet, la Régie du bâtiment du Québec fournit dans ses publications grand public une définition de la notion de règles de l’art :[10]
Règles de l’art : Ensemble des techniques et pratiques de construction reconnues, approuvées ou sanctionnées. Ces règles ont un caractère évolutif car les méthodes de construction, les équipements et les matériaux disponibles évoluent constamment.
Elles trouvent notamment leurs sources dans les documents suivants :
· les instructions ou guides fournis par les fabricants d’équipements ou de matériaux entrant dans la construction des immeubles;
· les normes ou standards publiés par les organismes de normalisation;
· les lois ou règlements contenant des prescriptions obligatoires relativement à l’ouvrage à construire;
· les publications scientifiques ou techniques utilisées à des fins d’enseignement des professions ou des métiers, ou servant à la diffusion du savoir le plus récent.
[37] Il est d’autre part apparu manifeste à l’audience que les parties se divisent quant à la norme applicable, le procureur de l’Entrepreneur représentant que le Code ne s’applique pas à la résidence des Bénéficiaires. Quoique les parties aient finalement jugé inutile d’adresser cette question au Tribunal, la soussignée croit nécessaire d’apporter certaines précisions, le témoignage des experts à l’audience, sur lesquels le Tribunal reviendra plus loi, faisant ressortir des ambiguïtés à cet égard. Ainsi, s’il est exact d’induire qu’en adoptant le Règlement d’application de la Loi sur le bâtiment[11] le gouvernement a choisi de soustraire les petits bâtiments résidentiels de l’application du Code de construction du Québec, il n’a pas, ce faisant, annulé l’application de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme[12] qui donne aux municipalités, le pouvoir d’adopter un règlement de construction et d’en décréter le contenu comme suit :
118. Le conseil d'une municipalité peut adopter un règlement de construction pour l'ensemble ou une partie de son territoire.
Ce règlement de construction peut contenir des dispositions sur un ou plusieurs des objets suivants:
1° réglementer les matériaux à employer dans la construction et la façon de les assembler;
2° établir des normes de résistance, de salubrité et de sécurité ou d'isolation de toute construction;
2.1…
3° …
Le conseil peut décréter dans le règlement de construction que tout ou partie d'un recueil de normes de construction déjà existant constitue tout ou partie du règlement. Il peut prévoir que les amendements apportés à ce recueil ou à sa partie pertinente après l'entrée en vigueur du règlement font également partie de celui-ci, sans qu'il doive adopter un règlement pour décréter l'application de chaque amendement ainsi apporté. Un tel amendement entre en vigueur sur le territoire de la municipalité à la date que le conseil détermine par résolution; le secrétaire-trésorier de la municipalité donne avis public de l'adoption de cette résolution conformément à la loi qui régit la municipalité. Le recueil ou la partie de celui-ci qui est applicable est joint au règlement et en fait partie.
[38] À cet effet, le tribunal réfère à l’extrait suivant du portail de la Ville de Laval, à la rubrique «Urbanisme» en regard de l’application d’un Code sur son territoire:
Nouveau code de la construction
La Ville de Laval a remplacé son code de construction en janvier 2007 par le CNB 95 (Code de construction du Québec - Chapitre I, Bâtiment, et Code national du bâtiment - Canada 1995 (modifié)).
Le règlement de construction de la Ville de Laval (L-9501) continue à édicter des normes de construction supérieures à celles édictées dans le CNB 95.
Les demandes de permis de construire effectuées à compter de janvier 2007 devront être conformes à ce nouveau CNB 95.
[39] Sur la question de la nature des travaux correctifs en vue de rendre les toits conformes au Code, toute la preuve repose sur le témoignage à l’audience des experts respectifs de l’Entrepreneur et de l’Administrateur. Ne pouvant être présent, l’expert des Bénéficiaires n’a pas été entendu, les parties ayant convenu à l’audition sur le moyen d’irrecevabilité, que son témoignage ne serait pas requis car les trois experts constatent un problème de structure. Celui-ci est admis.
[40] Les expertises des ingénieurs Bartosh, mandaté par l’Entrepreneur et Maldé, mandaté par l’Administrateur, ne diffèrent donc qu’à l’égard des conclusions qu’ils tirent de leurs constats. Ainsi, l’expert Bartosh ne partage pas l’avis de l’expert Maldé qui conclut que :
«La présente structure du toit est par conséquent instable et dangereuse. Si les charges de conception de neige et de vent devaient être appliqué (sic) simultanément, il ne fait aucun doute que la structure subirait de grandes déflexions et pourrait s’effondrer par endroit, causant ainsi des dommages importants, incluant des blessures aux occupants.
La toiture dans son état actuel ne peut être réparée ou renforcie de façon satisfaisante. La seule solution est donc de retirer complètement la toiture existante et de la reconstruire de façon conforme aux exigences du Code national du bâtiment»
[41] Par conséquent, l’expert Bartosh ne voit pas la nécessité de procéder à la reconstruction du toit et opine qu’il est possible de le renforcer de l’intérieur. C’est donc la prépondérance de la preuve qui doit guider le Tribunal dans l’évaluation de la décision de l’Administrateur et de la solution à retenir pour réparer.
[42] Or, avec respect, des deux experts entendus, celui qui a semblé avoir procédé à une analyse suffisamment exhaustive pour donner foi à ses conclusions est monsieur Maldé. Le tribunal lui accorde plus de crédibilité car, d’une part, assisté d’une équipe technique, il a réalisé une inspection très poussée ,qui a nécessité une présence de trois heures sur les lieux. D’autre part, le rapport qu’il a produit établit clairement le mandat on ne peut plus objectif reçu, fait état d’observations très précises et d’une analyse structurale qui réfère spécifiquement aux éléments du Code qui ne sont pas respectés. À l’audience, il a été en mesure d’expliquer clairement les problèmes établis sur chacune des photos auxquelles il a référé. Il a expliqué à plusieurs reprises qu’il a effectué ses calculs en conformité avec les exigences du chapitre 4 du Code mais en utilisant les charges minimales prévues au Chapitre 9 du Code, ce qui, de l’avis du Tribunal, constitue une démonstration évidente du sérieux et de l’objectivité de son analyse. Enfin, le témoin déclare explicitement qu’il que n’accepterait pas le mandat de surveillance de travaux correctifs à partir de l’intérieur car il est convaincu que le travail ne serait pas fait de manière satisfaisante.
[43] Pour sa part, l’expert Bartosh n’a effectué qu’une courte visite des lieux sans monter dans le grenier. Il n’a effectué aucun calcul, n’est pas en mesure de dire quels travaux correctifs seront effectués advenant que le Tribunal donne raison à l’Entrepreneur. Son mandat lui demandait précisément de déterminer «comment il serait possible de renforcer la structure du toit de l’intérieur sans enlever le toit». Qui plus est, alors que dans son rapport, l’expert recommande de «supprimer le toit et de la reconstruire», à l’audience, il favorise la solution privilégiée par l’Entrepreneur et se déclare prêt à superviser les travaux dont il indique par ailleurs ne pas encore connaître la teneur. De plus, le témoin contribue à créer une certaine confusion en faisant tantôt référence au Code du bâtiment du Québec dans son rapport et tantôt au Code de construction du Québec à l’audience, le premier n’existant pas et le second ne s’appliquant pas au bâtiment concerné. Enfin, alors qu’il rejette le diagnostic d’instabilité et de dangerosité du toit, il témoignera plus tard de l’importance de renforcer le toit «le plus vite possible» vu l’incertitude quant aux charges de neige dans le futur.
[44] Par ailleurs, le procureur de l’Entrepreneur a plaidé le devoir de minimiser les dommages, établi par la jurisprudence et codifié par l’article 1479 C.c.Q. qui se lit comme suit :
1479. La personne qui est tenue de réparer un préjudice ne répond pas de l'aggravation de ce préjudice que la victime pouvait éviter.
[45] Au soutien de ses prétentions, Me Marchand a produit deux jugements, respectivement rendus par la Cour d’Appel en 1984 et par la Cour du Québec plus récemment en 2008. Dans ces décisions,[13] les tribunaux ont considéré qu’il n’y avait pas lieu d’accorder aux demandeurs, la totalité des coûts de réparations engagés à la suite de la découverte de vices au motif que les travaux exécutés ou envisagés débordaient le seul remplacement des installations viciées (en l’occurrence un égout de collection et des bassins de douche.
[46] Ainsi, dans l’affaire Beaver Foundations Ltd c. Louis Lemieux et Al et La ville de Jonquière, l’Honorable juge Tyndale de la Cour d’Appel s’exprime ainsi :
The new section, about 440 feet long, cost roughly $880,000 or $2,000 per foot; although that included the temporary work, it is evident that Jonquière replaced the old section with a much more expensive type of sewer, which, considering the reduced slope and the full lining with reinforced concrete, no doubt has a much longer life expectancy.
[47] Par ailleurs, dans l’affaire Maurice germain c. Vianney Turgeon et Les Garanties Rénovations de l’APCHQ, tout en rappelant que les travaux de réparation ne peuvent être faits n’importe comment avec des matériaux de qualité inférieure à ceux utilisés à l’origine qui étaient de haute gamme, l’Honorable juge Grenier de la Cour du Québec, s’appuie sur l’article 1479 C.c.Q. pour retrancher de l’estimé des travaux effectués par le propriétaire de la maison, le coût de travaux de remplacement de la céramique des murs et plafonds des douches au motif que le vice n’affecte que les bassins des douches.
[48] Le procureur de l’Entrepreneur plaide que ces cas sont en tous points semblables au cas en l’espèce car, prétend-il, accorder le remplacement en entier des toits affectés de vices structurels aurait pour effet de renverser la décision de l’Administrateur, rendue le 19 janvier 2009, rejetant les points 4 à 11 (relatifs à certains éléments du toit) de la réclamation. Ce faisant, on ferait cadeau de ces éléments aux Bénéficiaires, ce qui constituerait un enrichissement pour eux..
[49] Avec respect, le Tribunal ne partage pas cette interprétation. D’une part, le jugement rendu par la Cour d’Appel en 1984 est antérieur à l’introduction de plans de garantie obligatoires, imposés par surcroît dans un Règlement d’ordre public. D’autre part, la réclamation des Bénéficiaires sur les points 1 à 11 est rejetée sur la base de leur dénonciation tardive et non sur l’appréciation de la qualité des travaux. De plus, ce ne sont pas des dommages que les Bénéficiaires réclament mais la réparation des vices qui affectent la structure du bâtiment, ce à quoi obligent précisément l’article 2118 C.c.Q. et l’article 10(5) du Règlement. Enfin, si tant est que la jurisprudence citée et l’article 1479 C.c.Q puissent trouver application en l’espèce, c’est plutôt à l’Entrepreneur qu’on pourrait reprocher de ne pas avoir minimisé les dommages alors que, de l’avis de l’expert Bartosh dont il a lui-même retenu les services, il était conscient, au moment de la construction, de la facture fautive de la structure du toit mais n’en a pas informé les Bénéficiaires qui ne l’ont appris qu’en faisant appel à un consultant.
[50] D’autre part, l’Entrepreneur n’a soumis aucun élément de preuve concernant l’évaluation potentielle des coûts et son représentant n’a pas témoigné. Malgré la demande de l’Arbitre, on ne lui a fourni aucune autre justification pour retenir la solution préconisée par l’Entrepreneur que celle du devoir de minimiser les dommages. Or, qu’il suffise de rappeler les conclusions auxquelles arrive l’expert Bartosh dans le rapport qu’il a produit. En effet, même s’il croit théoriquement possible de réparer la structure du toit de l’intérieur, l’expert juge cette solution non rentable et recommande plutôt de le supprimer et le reconstruire, cette solution lui paraissant plus économique.
[51] Par conséquent, les travaux correctifs seront faits en vue de satisfaire à l’obligation de résultat qui incombe à l’Entrepreneur de fournir un bâtiment dont la structure des toits de la maison et du garage sont exempts de défauts structurels. Les toits actuels devront donc être supprimés et reconstruits entièrement selon les règles de l’art et en conformité des exigences du Code et des règlements en vigueur à Ville de Laval. Les travaux correctifs devront être réalisés de manière à respecter le concept architectural original.
[52] En conclusion, l’arbitre doit statuer «conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient».[14] Sa décision lie les parties et elle est finale et sans appel.[15] À titre d’arbitre désigné, la soussignée est autorisée par la Régie du bâtiment du Québec à trancher tout différend découlant des plans de garantie.
[53] En vertu de l’article 123 du Règlement et vu que l’Entrepreneur est le demandeur, les frais d’arbitrage sont partagés à parts égales entre l’Administrateur et l’Entrepreneur :
123. Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
MAINTIENT la décision de l’Administrateur, rendue le 15 septembre 2009;
ORDONNE à l'Entrepreneur d'obtenir les permis nécessaires de la ville de Laval;
ORDONNE à l'Entrepreneur de supprimer les toits de la maison et du garage et de les reconstruire en conformité des exigences du Code et des Règlements en vigueur à Ville de Laval ainsi que des règles de l’art, le tout en respectant le concept architectural d’origine;
ORDONNE à l'Entrepreneur d'obtenir et remettre aux parties, à la fin des travaux une attestation de conformité d’un ingénieur spécialisé en structures;
Le tout dans un délai maximum de 5 mois de la date des présentes;
RÉSERVE les recours des bénéficiaires devant les tribunaux de droit commun;
CONDAMNE l’Entrepreneur et l’Administrateur au paiement à parts égales, des coûts de l’arbitrage.
Me France Desjardins
Arbitre/SORECONI
[1] La construction au Québec: Perspectives juridiques, La responsabilité de l’entrepreneur et du sous-entrepreneur, Ogilvy Renault, sous la direction de Me Olivier F. Kott et Me Claudine Roy, Wilson et Lafleur Ltée, 1998, p 564-565;
[2] (1984) C.A. 519
[3] Maurice Germain c. Vianney Turgeon et Les Garanties Rénovation de l‘APCHQ, 2008, QCCQ 7213
[4] LRQ, c. B-1.1 r.0.2
[5] Décision de l’Administrateur rendue par madame Joanne Tremblay, 15 septembre 2009, p.2
[6] Rapport d’inspection de structure de toiture, Kumar Maldé, 4 septembre 2009, Conclusion, 3e paragraphe
[7] L.R.Q., c. B.-1.1
[9] La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle et René Blanchet, ès qualité d’arbitre au CCAC, CA, 15 décembre 2004, motifs de la juge Pierrette Rayle, parag.32
[11] c. B-1.1, r. 0.01
[12] L.R.Q., c.A-19.1
[13] Voir notes 2 et 3
[14] Article 116 du Règlement
[15] Articles 20 et 120 du Règlement