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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 

 

ENTRE :

Marco Héroux

(ci-après le « bénéficiaire »)

 

ET :

Les Fondations André Lemaire inc.

(ci-après l'« entrepreneur »)

 

ET :

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc.

(ci-après l'« administrateur »)

 

 

No dossier APCHQ : 046488

No dossier GAMM : 2005-07-002

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

Arbitre :

M. Claude Dupuis, ing.

 

Pour le bénéficiaire :

M. Marco Héroux

 

Pour l'entrepreneur :

M. André Lemaire

 

Pour l'administrateur :

Me Stéphane Paquette

 

Date d’audience :

31 août 2006

 

Lieu d'audience :

Drummondville

 

Date de la sentence :

26 septembre 2006

 

I : INTRODUCTION

[1]                À la demande de l'arbitre, l'audience s'est tenue à la résidence du bénéficiaire.

[2]                À la suite d'une réclamation du bénéficiaire, l'administrateur, en date du 17 novembre 2005, émettait son rapport de décision comportant cinq points.

[3]                La demande d'arbitrage du bénéficiaire concerne le point 1 de ce rapport, soit « Infiltration d'eau au sous-sol ».

[4]                La décision de l'administrateur relativement à cet élément se présente comme suit :

LA GARANTIE DES MAISONS NEUVES DE L'APCHQ NE PEUT CONSIDÉRER LE POINT 1 DANS LE CADRE DU CONTRAT DE GARANTIE :

Concernant le point qui suit, le bénéficiaire n'a pas été en mesure de nous démontrer la présence de malfaçon lors de l'inspection.

1.          INFILTRATION D'EAU AU SOUS-SOL

             Le bénéficiaire ne s'étant pas présenté sur place, nous avons pu communiquer par téléphone concernant les points dénoncés à la lettre expédiée à son entrepreneur, datée du 7 avril 2005.

            Tel que mentionné par le bénéficiaire, il y a eu infiltration d'eau en avril 2005 et il y a eu intervention de la part d'un plombier. Malgré les fortes pluies du mois dernier, le problème d'infiltration d'eau n'a pas réapparu. Conséquemment, La Garantie des maisons neuves de l'APCHQ n'a pas à intervenir.

[5]                En cours d'enquête, en plus des représentants des parties, les personnes suivantes sont intervenues :

·        M. Denis Carignan, plombier

·        M. Martin Boisvert, pompier

·        Mme Guylaine Dion, ingénieure

·        M. Sylvain Perreault, gérant de projet

·        M. Jacques Breault, T.P., inspecteur-conciliateur

·        M. Kamel K. Hamouche, ingénieur, Ph. D.

II : LES FAITS

[6]                Le 1er avril 2005, une infiltration d'eau s'est produite au sous - sol de la résidence du bénéficiaire (environ un pouce d'eau sur le plancher); il s'agit ici d'une maison jumelée.

[7]                Assisté du surintendant de l'entrepreneur, le bénéficiaire a dû pénétrer par effraction dans la propriété de son voisin (absent) afin d'avoir accès au clapet de l'égout pluvial commun aux deux unités de logement; une fois le couvercle conduisant au clapet ouvert, l'eau s'est écoulée.

[8]                L'administrateur a fait sa visite d'inspection le 10 novembre 2005; trois jours auparavant, soit le 7 novembre, il avait laissé un message chez l'employeur du bénéficiaire afin de convoquer ce dernier pour le 10 novembre. M. Héroux affirme qu'il n'a jamais reçu ce message; il n'était donc pas présent lors de cette inspection. D'où la décision de l'administrateur ci-devant citée, en plus du fait que l'infiltration ne s'était pas reproduite depuis avril 2005.

[9]                Avant la demande d'arbitrage, une tranchée de reconnaissance a été pratiquée à l'endroit du drain afin de permettre à M. Denis Carignan, plombier retenu par le bénéficiaire, de faire une inspection.

[10]            Ce dernier a constaté un manque important de pierre autour du drain et a remarqué la présence de terre glaise sur le drain.

[11]            Après la demande d'arbitrage, l'administrateur a retenu les services de M. Hamouche, de la firme Inspec-Sol, afin de procéder à l'analyse du système de drainage. Pour ce faire, Inspec-Sol a procédé au creusage de deux tranchées de reconnaissance.

[12]            M. Hamouche arrive à la conclusion que l'inondation du 1er avril 2005 n'a rien à voir avec l'état actuel du drain, mais résulte plutôt du rehaussement du niveau des eaux du ruisseau (avoisinant) Saint-Germain, ce qui a eu pour effet de créer une pression, empêchant ainsi le bon fonctionnement du clapet de l'égout pluvial.

[13]            D'ailleurs, le bénéficiaire ainsi que le surintendant, M. Perreault, ont témoigné à l'effet que le soir du 1er avril 2005, dès que le couvercle conduisant au clapet a été ouvert, l'eau s'est écoulée rapidement, démontrant ainsi le bon fonctionnement du drain.

[14]            Toutefois, M. Hamouche nous indique que le drain, bien qu'il ne soit pas la cause de l'infiltration, n'a pas été installé selon les règles de l'art. En effet, ce dernier a constaté, entre autres, la présence d'une couche de nature argileuse dans la partie supérieure de l'enrobage de pierre.

[15]            Selon l'expert, cet enrobage de pierre est d'une épaisseur moyenne de trois pouces, alors que le Code national de la plomberie exige six pouces. Cette dernière exigence a été confirmée par M. Carignan, plombier.

[16]            Subséquemment, une troisième expertise a été confiée à Mme Guylaine Dion, ingénieure; cette dernière était mandatée par l'entrepreneur.

[17]            La tranchée a été effectuée au même endroit que celle réalisée pour l'analyse de M. Carignan, plombier.

[18]            Mme Dion est aussi d'avis que l'inondation du 1er avril 2005 n'a pas été causée par l'état actuel du drain.

[19]            Elle a observé un drain comprenant une membrane, avec quatre pouces de pierre, sans la présence d'une couche d'argile.

[20]            Elle affirme que le drain est fonctionnel, mais non conforme au Code national du bâtiment; elle ajoute que l'épaisseur de pierre qui manque n'affecte pas l'immeuble et que personnellement, ceci ne l'empêcherait pas d'acheter cette propriété.

III : ARGUMENTATION

Bénéficiaire

[21]            M. Héroux souligne que deux experts ont constaté un vice de construction; les réparations doivent donc être faites.

[22]            En effet, aucun intervenant n'a pu se prononcer sur le bon fonctionnement du drain dans le futur.

[23]            Le présent problème d'inondation n'a rien de commun avec ceux des habitations avoisinantes; dans leur cas, il y avait eu une forte pluie.

[24]            Dans le présent dossier, l'eau provenait de la nappe souterraine, et c'est là la responsabilité de l'entrepreneur.

[25]            Le bénéficiaire constate que les photos prises lors du creusage des tranchées démontrent que le drain est recouvert de glaise.

[26]            Relativement au conseil qu'on lui a donné de nettoyer le clapet de l'égout pluvial tous les six mois, le bénéficiaire rappelle que ce clapet est localisé au sous‑sol de la propriété de son voisin (maison jumelée).

[27]            Si la situation présente n'est pas corrigée maintenant, d'autres problèmes pourraient survenir d'ici quelques années.

Entrepreneur

[28]            M. Lemaire rappelle que six ou sept autres résidants du secteur ont subi le même genre d'inondation que M. Héroux.

[29]            Toutes ces personnes ont coopéré avec l'entrepreneur, sauf M. Héroux qui n'était même pas présent lors de la séance de conciliation.

[30]            L'entrepreneur soutient qu'il n'y avait pas de goudron sur le clapet et que c'est plutôt la pression causée par le ruisseau Saint-Germain qui l'a empêché de fonctionner; la preuve est qu'aussitôt que le couvercle conduisant au clapet a été ouvert, l'eau s'est écoulée.

[31]            Avec l'accord de la municipalité, l'entrepreneur a gratuitement installé une soupape d'air sur le couvercle conduisant au clapet dans les maisons inondées des propriétaires qui ont accepté.

[32]            M. Lemaire conclut qu'il ne s'agit pas d'un vice caché, car tout le monde était au courant de ce problème.

Administrateur

[33]            Le procureur rappelle que le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs est d'ordre public.

[34]            Dans son rapport de décision, l'inspecteur-conciliateur, vu l'absence du bénéficiaire lors de l'inspection, n'a pas été en mesure de constater quoi que ce soit.

[35]            Par la suite, l'administrateur a mandaté M. Hamouche pour analyser la situation; ce dernier a découvert qu'il n'y avait pas suffisamment de pierre dans la région du drain, tandis que l'expert retenu par l'entrepreneur affirme que ce drain a été installé selon les règles de l'art.

[36]            Sommes-nous en présence d'un vice caché?

[37]            Toutefois, une chose est certaine : l'inondation n'est pas due au drain ni au manque de pierre; c'est plutôt le clapet qui n'a pas joué son rôle.

[38]            Aujourd'hui, avec la présence d'une soupape d'air, les clapets fonctionnent.

[39]            Relativement au drain, il y a une déficience; cette dernière peut-elle constituer un vice caché susceptible d'affecter l'immeuble dans le futur?

[40]            L'arbitre a à soupeser chacun des éléments de la preuve pour répondre à cette question.

IV : DÉCISION ET MOTIFS

[41]            Le 1er avril 2005, le bénéficiaire subit une inondation; un pouce d'eau pénètre dans son sous-sol.

[42]            Il dépose une réclamation auprès de l'entrepreneur et de l'administrateur.

[43]            L'inspecteur-conciliateur témoigne à l'effet qu'il n'a pas pu constater le problème d'eau, car il n'a pas eu accès à l'unité résidentielle, M. Héroux étant absent lors de la rencontre de conciliation.

[44]            D'où la phrase suivante dans le rapport de décision : « Concernant le point qui suit, le bénéficiaire n'a pas été en mesure de nous démontrer la présence de malfaçon lors de l'inspection. »

[45]            M. Breault a laissé un message chez l'employeur de M. Héroux le 7 novembre 2005 pour aviser ce dernier que la rencontre de conciliation aurait lieu le 10 novembre 2005.

[46]            M. Héroux affirme que ce message ne lui a pas été transféré.

[47]            Le 10 novembre, M. Breault rejoint M. Héroux (pompier) au téléphone, mais ce dernier ne peut quitter son poste de travail.

[48]            Le soussigné est d'avis que ce rendez-vous n'a pas été organisé selon les règles par M. Breault; le 10 novembre, il aurait dû fixer un autre rendez‑vous auquel M. Héroux aurait été en mesure d'assister.

[49]            Le bénéficiaire est très crédible lorsqu'il affirme que le message laissé chez son employeur ne lui a pas été transmis; d'ailleurs, M. Héroux n'avait aucun intérêt à manquer cette rencontre.

[50]            Une fois l'arbitrage initié, l'administrateur fait préparer un rapport d'expert; aujourd'hui, d'entrée de jeu, il admet que s'il avait eu ce rapport dès le départ, sa décision aurait été différente.

[51]            Maintenant, l'administrateur demande à l'arbitre de décider si la situation dénoncée par M. Hamouche va affecter l'édifice dans le futur.

[52]            À la lumière de son rapport d'expert, l'administrateur aurait pu émettre un rapport amendé dans lequel il y aurait eu une véritable décision.

[53]            À l'article 19 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, on peut lire ce qui suit : « Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage [...] ».

[54]            Dans le présent dossier, l'administrateur n'a pas décidé de la situation; il aurait pu le faire, soit en fixant un autre rendez-vous avec le bénéficiaire et l'entrepreneur, soit en émettant un rapport amendé suite à l'expertise de M. Hamouche.

[55]            Toutefois, dans son argumentation, l'administrateur accorde juridiction au tribunal pour disposer de la question, et les autres parties n'ont pas formulé d'objection à cet égard.

[56]            Il existe une preuve prépondérante comme quoi l'inondation survenue le 1er avril 2005 chez M. Héroux n'a pas été causée par l'état actuel du drain ni par le manque de pierre entourant celui-ci.

[57]            Ceci est confirmé par le surintendant de l'entrepreneur qui affirme (et M. Héroux l'a aussi affirmé) que le soir du 1er avril, lorsqu'il a soulevé le couvercle conduisant au clapet de l'égout pluvial, l'eau s'est immédiatement écoulée; si le drain n'avait pas été fonctionnel, cet écoulement rapide ne se serait pas produit.

[58]            Le bon fonctionnement actuel du drain a aussi été confirmé par l'expert de l'administrateur, M. Hamouche. Le mauvais fonctionnement du clapet de l'égout pluvial ce jour du 1er avril 2005 a été causé par une pression d'air appliquée sur le clapet, due au rehaussement du niveau des eaux d'un ruisseau avoisinant.

[59]            De même, l'expert retenu par l'entrepreneur arrive à la conclusion que le drain est fonctionnel.

[60]            Pour procéder aux expertises, trois tranchées ont été creusées.

[61]            Et ces expertises concluent que même si le drain est fonctionnel, son installation n'est pas conforme au Code national de la plomberie.

[62]            M. Hamouche soumet que selon ce code, il devrait y avoir un enrobage de six pouces de pierre concassée autour du drain; sur le site, il y en aurait en moyenne trois pouces. Il indique de plus qu'une couche de nature argileuse a été retrouvée dans la partie supérieure de l'enrobage de pierre.

[63]            M. Carignan, plombier, dont les services ont été retenus par le bénéficiaire, confirme lui aussi le manque de pierre autour du drain.

[64]            Dans son témoignage, Mme Dion, ingénieure mandatée par l'entrepreneur, déclare que selon les règles de l'art, le drain est fonctionnel, mais non conforme au Code national du bâtiment. Elle ajoute que l'épaisseur de pierre qui manque n'affectera pas l'immeuble.

[65]            Il semble exister parmi les intervenants un consensus à l'effet que les drains pluviaux ne sont généralement pas installés selon les normes et que ceci constitue une règle d'art.

[66]            Le Petit Larousse illustré (2004) définit l'art comme un ensemble de règles à observer dans une activité, une profession.

[67]            Le Code national du bâtiment, à la sous-section 7.1.2.1., édicte ce qui suit :

Conformité au Code national de la plomberie - Canada 2005

      1)   Les installations de plomberie doivent être conçues et réalisées conformément aux règlements provinciaux, territoriaux ou municipaux pertinents ou, en leur absence, au Code national de la plomberie - Canada 2005.

[68]            Les règles de l'art et les normes constituent un tout et non deux parties distinctes. Les règles de l'art sont composées des règles non écrites et des règles écrites. Une pratique, même usuelle, en deça d'une règle écrite, ne peut constituer une règle d'art.

[69]            Dans le présent dossier, il existe une preuve non contredite à l'effet que le drain n'a pas été installé suivant les normes du Code national du bâtiment.

[70]            L'épaisseur de l'enrobage de pierre autour du drain ne s'approche que de 50 % de la norme.

[71]            La substance argileuse près de la couche de pierre peut atteindre plus facilement le drain si l'épaisseur de cette dernière est de trois pouces au lieu de six.

[72]            La présence d'une couche de nature argileuse a été démontrée au-dessus du lit de pierre enrobant le drain.

[73]            Le tribunal souligne que le plan de garantie intervient lorsque le vice apparaît et non pas lorsque les effets du vice se manifestent.

[74]            Dans la présente affaire, par hasard, le vice est apparu.

[75]            Selon la preuve recueillie, ce vice peut, à moyen ou long terme, affecter l'utilisation du bâtiment.

[76]            Il s'agit ici d'un vice caché dont la dénonciation a été faite dans les délais prescrits à l'article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

[77]            Pour ces motifs, le tribunal

            ACCUEILLE              favorablement la réclamation du bénéficiaire; et

            ORDONNE                à l'entrepreneur d'effectuer selon les normes les travaux du système de drainage à la résidence du bénéficiaire; et

            ACCORDE                à l'entrepreneur un délai de soixante (60) jours à compter de la présente pour compléter ces travaux.

[78]            Conformément au deuxième alinéa de l'article 21 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, les coûts du présent arbitrage sont à la charge de l'administrateur.

 

BELOEIL, le 26 septembre 2006.

 

 

 

 

 

 

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Claude Dupuis, ing., arbitre [CaQ]