TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

GAJD  :     20212501                 

 

 

 

   

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                        DEVANT L’ARBITRE :   :       Robert Néron, LL.B, LL.M., Arb.A.

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0                           Canada Inc. (Construction Junic)

 

                                          Entrepreneur 

 

- Et -

 

                                        Natasa Paradjina et Sinisa Ostojic

                                                               Bénéficiaires  

 

- Et - 

 

                                        La Garantie Construction Résidentielle (GCR)

 

                                                             Administrateur

 

 

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                                                       SENTENCE ARBITRALE

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[1]  Le 31 janvier 2021, le soussigné était nommé arbitre dans le dossier identifié en  rubrique.

 

[2]  Après avoir reçu divers documents traitant dudit dossier et ceux du Groupe d’Arbitrage Juste Décision (GAJD), le soussigné a entrepris de contacter les parties et/ou leur procureur afin de commencer l’arbitrage.

 

[3]  Le 19 avril 2021, une conférence préparatoire à l’arbitrage a eu lieu entre les parties et la visite des lieux a été effectuée le 3 août 2021. Enfin, la date du 13 octobre a été retenue pour procéder à l’arbitrage. 

 

Valeur du litige

 

[4]  La valeur du litige est de $ 7,001 à $ 15,000.

 

Historique

 

[5]               Le 22 mars 2017, un contrat préliminaire a été convenu entre les Bénéficiaires et l’Entrepreneur. Le 23 mars 2017, un contrat de garantie a été signé entre les parties. La date de réception du bâtiment a eu lieu le 19 septembre 2017 et la fin des travaux a eu lieu le 28 septembre 2017. 

 

[6]               Au mois de novembre 2017, les Bénéficaires ont signifié à l’Entrepreneur que leur plancher craquait. L’Entrepreneur a fait une inspection et demandé aux Entreprises FRADEX de remédier au problème, sans effet. Le plancher continue de craquer, ce que la visite des lieux a démontré.

 

[7]               En décembre 2019, l’Entrepreneur avise les Bénéficiaires qu’il ne fera plus rien afin de corriger la situation. Par conséquent, le 15 juillet 2020, les Bénéficiaires déposent une dénonciation écrite avec l’Administrateur et l’Entrepreneur.

 

[8]               Suite à la visite des lieux le 15 septembre 2020 par la conciliatrice, Mme Anne Delage, il a été statué par la conciliatrice, le 13 novembre 2020, qu’il s’agissait d’une malfaçon et il a été décidé que l’Entrepreneur remplace le plancher.

 

[9]               L’Entrepreneur, n’étant pas en accord avec cette décision, a déposé une demande d’arbitrage le 25 janvier 2021. Or, après une conférence préparatoire à l’arbitrage et une visite des lieux, l’audience arbitrage a eu lieu le 13 octobre 2021 et était présidée par le soussigné. 

 

[10]           Trois témoins ont témoigné lors de l’audience, à savoir: la conciliatrice, Mme Anne Delage, le Bénéficaire, M. Sinisa Ostojic et M. Frédéric Desgagné des Entreprises FRADEX. 

 

Question en litige

 

[11]  Un seul point est en litige dans cette affaire, soit de déterminer si les craquements du plancher constituent ou non une malfaçon non apparente. 

 

[12]  Or, la conciliatrice affirme dans sa décision du 13 novembre 2020, ce qui suit :

 

 La visite des lieux nous a permis de constater que le point 1 rencontre  les critères de la malfaçon non apparente au sens du paragraphe 3  de l’article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments                              résidentiels neufs.

 

« 10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :

 

 

 

 

3o la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des malfaçons : »

 

Or, l’analyse du dossier nous permet de constater que cette malfaçon non apparente a été découverte dans les délais prévus du Règlement.

 

Dans les circonstances, l’administrateur doit accueillir la réclamation du bénéficiaire à l’égard du point 1. 

 

Question préliminaire

 

[13]           En plaidoirie finale, l’Entrepreneur affirme que les Bénéficiaires étaient hors délais lorsqu’ils ont déposé leur avis de dénonciation. Par conséquent, leur demande n’était pas recevable ni admissible.

 

[14]           Je note que les Bénéficaires ont attendu 7 mois, soit entre décembre 2019 et juillet 2020, avant de déposer leur dénonciation. Ils avaient auparavant contacté l’Entrepreneur deux mois après la découverte du problème et après s’être fait dire par l’Entrepreneur qu’il ne fera plus rien pour eux en décembre

2019, ils ont déposé leur dénonciation avec l’Administrateur 7 mois plus tard.

 

[15]           Contrairement à l’ancien règlement, il n’existe plus, dans le nouveau règlement, de délais de rigueur de 6 mois afin de déposer une dénonciation.  Or, en l’espèce, je ne trouve pas qu’un délai de 7 mois soit déraisonnable. Les Bénéficiaires ont été diligents dans la gestion de cette problématique. Pour ces motifs, je conclus que l’avis de dénonciation est recevable.  

 

Témoignages

 

Sinisa Ostojic

 

[16]           M. Ostojic confirme qu’il a acheté la maison en début 2017 et qu’il y a aménagée vers novembre 2017. Deux mois après avoir aménagé dans la maison, il note que le plancher de la maison craque beaucoup. Il contacte donc l’Entrepreneur afin qu’il vienne constater que les planchers craquent.

 

[17]           M. Ostojic affirme que l’Entrepreneur a essayé d’égaliser le contre-plaqué en dessous du plancher par le sous-sol. Il a installé plusieurs vis et plusieurs clous à des endroits spécifiques afin que le plancher cesse de craquer. Ensuite, l’Entrepreneur a tenté de mettre un produit entre les planches du plancher afin de remédier au problème, mais cela n’a pas fonctionné.

 

[18]           L’entrepreneur aurait aussi installé des liners dans les chambres au deuxième étage, mais cela n’a pas empêché le plancher de craquer. Or, suite à toutes les tentatives de l’Entrepreneur afin de corriger la problématique, M. Ostojic a été informé que l’Entrepreneur ne prendra plus d’autres mesures afin de régler le problème. C’est pour cela qu’il a déposé un avis de dénonciation auprès de l’Administrateur et de l’Entrepreneur.

 

Anne Delage

 

[19]           Mme Delage, conciliatrice, confirme le témoignage de M. Ostojic en affirmant que celui-ci s’était rendu compte des craquements du plancher deux mois après avoir aménagé dans la maison. 

 

[20]           Lors de son inspection des lieux, Mme Delage affirme que les Bénéficaires maintenaient un taux d’humidité relative de 53 % au rez-de-chaussée pour une température de 21,5°C.  À l’étage, elle a observé un taux d’humidité de 52 % pour une température de 22.5°C.  Elle dit que c’est relativement normal, car les taux d’humidité doivent être maintenus entre 30 et 50 % pour ce genre de plancher.   

 

[21]           Mme Delage affirme également que les planchers sont très sensibles aux variations d’humidité. Elle ajoute que les moulures de transition auraient dû empêcher, ou du moins réduire, ce qu’ils appellent les stress dans le plancher.  Force est de constater que ce ne fut pas le cas.

 

[22]           Mme Delage confirme donc qu’elle a constaté des craquements et malgré les interventions de l’Entrepreneur, Mme Delage affirme que ceux-ci demeurent anormaux et qu’ils devaient être corrigés et c’est pour ces motifs qu’elle a rendu une décision accueillant la demande des Bénéficiaires.

 

[23]           En contre-interrogatoire, Mme Delage dit que le contrôle de l’humidité doit être fait par les Bénéficiaires et lorsqu’elle a inspecté le plancher, elle a constaté que celuici était au-delà d’un contrôle normal d’humidité. Elle a observé que ce plancher avait des lacunes, car étant extrêmement sensible à l’humidité. 

 

[24]           Mme Delage affirme que l’Entrepreneur doit fournir des matériaux qui performent adéquatement et en l’espèce, le plancher n’apparaît pas performer adéquatement puisqu’il est extrêmement sensible aux variations d’humidité.

 

Frédéric Desgagnés 

 

[25]           M. Desgagnés se spécialise dans l’installation et la fourniture de planchers. Cela fait 32 ans qu’il exerce dans ce domaine. Il ajoute qu’il a installé des millions de pieds carrés de plancher. 

 

[26]           Il confirme que c’est lui et son équipe qui ont installé les planchers chez les Bénéficaires. Il ajoute qu’il a déjà vu, dans le passé, des problèmes d’humidité avec des planchers flottants.   

 

[27]           M. Desgagnés dit que tous les bois sont sensibles à l’humidité et que le produit installé chez les Bénéficiaires n’était pas un produit moins performant que les autres. Il est absolument de la même qualité que tous les autres produits qu’il offre normalement.

 

[28]           En contre-interrogatoire, M. Desgagnés confirme qu’il a fait des interventions chez les Bénéficiaires en installant des moulures de transition dans les portes. Pour lui, le problème vécu par les Bénéficaires est causé uniquement par une mauvaise gestion de l’humidité par ces derniers.

 

Soumissions des parties

 

Entrepreneur

 

[29] Selon l’Entrepreneur, lors de la conciliation, Mme Delage disait que c’était un problème de gestion d’humidité par les Bénéficiaires. Or, lorsqu’elle a produit son rapport de conciliation, Mme Delage aurait changé de discours et ne parlerait plus de mauvaise gestion de l’humidité par les Bénéficiaires comme étant la cause de la problématique.

 

Administrateur

 

[30] En revanche, l’Administrateur affirme que le témoignage de Mme Delage est très clair. Elle a bien expliqué qu’il y avait, effectivement, un problème de craquement du plancher et qu’il ne s’agissait pas d’un problème d’humidité. Elle a expliqué pourquoi il ne s’agit pas d’un problème d’humidité, mais d’un problème avec le plancher.

 

Bénéficiaires

 

[31] Les Bénéficiaires sont en accord avec Mme Delage et ajoutent que des normes de 53-54 % d’humidité demeurent tout de même acceptables.  

 

Analyse

 

[32]           Selon la preuve devant moi, le plancher du rez-de-chaussée ainsi que celui qui est à l’étage craquent. D’une part, la conciliatrice, Mme Delage, affirme que c’est dû au matériel utilisé, car selon des normes normales d’humidité, soit entre 30-50%, il ne devrait pas craquer.

[33]           A contrario, l’Entrepreneur affirme que la problématique est due à la gestion de l’humidité de la maison. Ce que leur témoin, le sous-traitant M. Desgagnés, confirme.

[34]           Je dois dire que le fardeau de preuves afin de démontrer que la décision de la conciliatrice est erronée, demeure avec l’Entrepreneur, étant son appel. Or, force m’est de conclure que l’Entrepreneur n’a pas rencontré son fardeau de preuves selon la prépondérance des probabilités, car il ne s’agit pas seulement dire que la problématique est liée à la gestion de l’humidité par les Bénéficaires, il faut le démontrer par une preuve claire et convaincante.

[35]           Non seulement j’ai insuffisamment de preuve qui confirme la source de la problématique, mais le témoignage de M. Desgagnés, malgré sa bonne foi, ne peut supporter les prétentions de l’Entrepreneur selon la prépondérance des probabilités.  [36] Mme Delage affirme que malgré la normalité du taux d’humidité observé lors de son inspection des lieux, le plancher craque toujours, ce qui est corroboré par M. Ostojic. En l’absence d’une preuve convaincante contraire, je donne donc une valeur probante au témoignage de Mme Delage et de M. Ostojic.

[37]           Force m’est donc de conclure que nous sommes en présence en l’espèce d’une malfaçon non apparente, comme définie par l’alinéa 10 (3o), du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (chapitre B-1.1, a. 185 et 192).

 

[38]           Pour tous ces motifs, je rejette la demande de l’Entrepreneur et je confirme la décision de l’Administrateur datée du 13 novembre 2020.

[39]           Pour terminer, je souligne que j’ai beaucoup apprécié le professionnalisme ainsi que le respect entre les parties. Ce fut un plaisir pour moi de présider cet arbitrage.

 

DÉCISION

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

REJETTE la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur ;

 

LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage à la charge, à parts égales, de l’Entrepreneur et de l’Administrateur.

 

 

EN FOI DE QUOI, j’ai signé le 17 octobre 2021.

 

 

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Robert Néron, Arbitre