ARBITRAGE EN VERTU DE LA LOI SUR LE RÉGIME DE RETRAITE DES

ARBITRAGE EN VERTU DU
RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (Décret 841-98)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

Dossier no :   GAMM :   2016-13-003

                           GCR :   1011

 

 

ENTRE :

CONSTRUCTION BEAU-VAIN INC.

(ci-après l’« Entrepreneur »)

 

ET

 

JASMIN VITALE ET CHANTALE SAUVAGEAU VITALE

(ci-après les « Bénéficiaires »)

 

ET

 

LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR)

(ci-après l’« Administrateur »)

 

DEVANT L’ARBITRE :          Me Karine Poulin

Pour le Bénéficiaire :                Monsieur Jasmin Vitale
Madame Chantale Sauvageau Vitale

Pour l’Entrepreneur :                 Monsieur Sylvain St-Pierre

Pour l’Administrateur :              Me Pierre-Marc Boyer

 

Date d’audience :                     20 décembre 2016

Date de la sentence :               20 juin 2017

 

SENTENCE ARBITRALE


I

LE RECOURS

[1]           L’Entrepreneur conteste en vertu de l’article 19 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le « Règlement ») la décision de l’Administrateur rendue le 29 août 2016 lui ordonnant de rembourser les acomptes de 15 000,00 $ aux Bénéficiaires dans les 45 jours suivant la réception de la décision.

[2]           Le jour de l’audience, les parties et leurs témoins sont présents dans la salle et aucune demande d’exclusion n’a été formulée. Les parties ne présentent aucune demande préliminaire et elles reconnaissent la compétence de l’arbitre soussignée à disposer de la présente affaire.

[3]           Par ailleurs, le Tribunal souligne qu’au moment d’entendre les parties en décembre 2016, la construction ayant fait l’objet du contrat préliminaire signé entre les parties et pour laquelle les Bénéficiaires demandent le remboursement de leur acompte a été réalisée au profit d’une tierce partie de sorte que le désaccord se résume à savoir si l’Entrepreneur pouvait retenir une somme en guise de dédommagement sur l’acompte versé par les Bénéficiaires ou s’il devait, au contraire, leur rembourser la totalité dudit acompte.

[4]           Puisque l’Entrepreneur prétend avoir le droit de prélever à même l’acompte des Bénéficiaires une somme avoisinant les 5 000,00 $ en guise de dédommagement et qu’il reconnaît devoir remettre au moins 10 000,00 $ à ceux-ci, à la suggestion du Tribunal, l’Entrepreneur a remis aux Bénéficiaires la somme non litigieuse suite à l’audience et le Tribunal en prend acte dans les conclusions des présentes.

II

LES FAITS

[5]           Le 23 mars 2016, les Bénéficiaires ont signé avec l’Entrepreneur un contrat préliminaire pour la construction d’une maison à Mascouche. Selon le contrat préliminaire, la réception du bâtiment devait avoir lieu le 20 juin 2016.

[6]           Par ailleurs, les parties ont repoussé la date de réception du bâtiment au 15 août 2016, tel qu’indiqué à l’annexe au contrat préliminaire signé le 25 avril suivant.

[7]           Le 17 mars 2016, les Bénéficiaires ont versé à l’Entrepreneur un premier acompte au montant de cinq mille dollars (5 000,00 $), puis un deuxième acompte au montant de dix mille dollars (10 000,00 $) le 10 mai suivant.

[8]           Par ailleurs, les Bénéficiaires habitant à l’extérieur du pays, ils sont informés par des amis, à la fin mai 2016, que le chantier n’est pas débuté, contrairement aux représentations que leur a faites l’Entrepreneur. Considérant l’écart substantiel entre l’état du chantier, tel que décrit par leurs amis et celle fournie par l’Entrepreneur, les Bénéficiaires décident de mettre fin au contrat préliminaire le 3 juin suivant au motif qu’ils ont perdu confiance en l’Entrepreneur. Ils demandent en conséquence le remboursement des acomptes versés au montant de quinze mille dollars (15 000,00 $).

[9]           En désaccord avec la résiliation unilatérale, une série d’échanges survient entre les parties et aucun accord n’est conclu quant à la somme à être remboursée aux Bénéficiaires, d’où la demande des Bénéficiaires auprès de l’Administrateur et la visite de l’inspecteur-conciliateur le 12 août 2016.

[10]        Lors de sa visite, l’inspecteur constate que seules les fondations ont été érigées de sorte que le bâtiment n’est pas habitable et ne le sera vraisemblablement pas à la date prévue de livraison le 15 août. Il ordonne donc à l’Entrepreneur de rembourser les acomptes aux Bénéficiaires, sans déduction aucune, estimant qu’aucune preuve ne démontre que les Bénéficiaires ont manqué à leurs obligations contractuelles ou qu’ils ont une part de responsabilité relativement à l’impossibilité de recevoir le bâtiment à la date convenue avec l’Entrepreneur.

[11]        Insatisfait de la décision rendue le 29 août, l’Entrepreneur demande l’arbitrage de celle-ci. Il soutient avoir droit de déduire certaines sommes à même les acomptes versés par les Bénéficiaires.

III
LA PREUVE

Entrepreneur

[12]       Monsieur Sylvain St-Pierre, président de Construction Beau-Vain inc. témoigne pour cette dernière.

[13]       D’emblée, Monsieur St-Pierre explique ne pas comprendre la raison pour laquelle l’Administrateur a refusé le remboursement des sommes encourues par l’Entrepreneur, alors que les Bénéficiaires ont annulé le contrat préliminaire sans qu’il n’y ait de retard dans la livraison des travaux.

[14]       Il affirme avoir toujours été en position de pouvoir effectuer la livraison de la propriété selon les termes du contrat préliminaire et de l’annexe subséquente et qu’en conséquence, les Bénéficiaires ne pouvaient annuler le contrat unilatéralement comme ils l’ont fait.

[15]       Il explique le refus initial de rembourser les acomptes versés par les Bénéficiaires par le fait qu’il a encouru des frais pour l’achat du terrain, les intérêts payés pour le financement de cet achat, la préparation des plans, la demande de permis, l’érection des fondations, etc. et que ceux-ci devront de nouveau être engagés pour le futur acheteur. De fait, les frais encourus étaient, selon l’estimé initial, supérieurs à l’acompte versé.

[16]       De plus, dans son estimé initial des frais encourus l’Entrepreneur prévoyait, suite à la résiliation unilatérale des Bénéficiaires, démolir les fondations déjà coulées pour la propriété de ces derniers afin d’être en mesure de construire une propriété selon les désirs du nouvel acheteur sans limitations eu égard aux dimensions des fondations.

[17]       Sur la question des intérêts liés à l’achat du terrain, il précise qu’il n’aurait jamais acheté le terrain en mai 2016 si les Bénéficiaires ne s’étaient pas engagés comme ils l’ont fait. Il estime donc subir un préjudice pour lequel les Bénéficiaires sont responsables. Selon lui, le terrain aurait autrement été acheté en septembre 2016 plutôt qu’en mai, soit après la réception par le nouvel acheteur de sa pré-approbation hypothécaire.

[18]       Quoi qu’il en soit, le 11 août 2016, un nouvel acheteur se présente et l’Entrepreneur informe les Bénéficiaires de ce fait et leur transmet du même coup une mise à jour des frais encourus prévisibles. À cette date, les frais prévisibles étaient de 2 751,65 $, plus les intérêts mensuels sur l’achat du terrain. Le total réclamé s’élève alors à 4 936,07 $. L’Entrepreneur témoigne qu’il était prêt à remettre aux Bénéficiaires la différence entre l’acompte versé et ce montant, offre que les Bénéficiaires ont refusée.

[19]       Il indique au Tribunal la confusion de parties et intervenants au dossier. Il s’est dit surpris de voir l’Administrateur impliqué dans le dossier pour un aussi petit montant. Il affirme avoir communiqué avec Me Deguire, avocate des Bénéficiaires, à plusieurs reprises. Il ajoute aussi avoir échangé avec Monsieur Dubuc, inspecteur-conciliateur, mais jamais avec tout le monde en même temps.

[20]       Par ailleurs, il n’était pas présent lors de la visite de Monsieur Dubuc le 12 août et il n’était pas informé de cette visite. Il était sous l’impression qu’il avait confirmé sa présence pour la visite prévue en juillet, ce qu’il apprendra par la suite n’a pas été fait. Ladite visite de Monsieur Dubuc n’a pas eu lieu en juillet.  En somme, il fait état d’une confusion totale.

[21]       Il appert que sa correspondance du 11 août adressée à Me Deguire et réduisant la réclamation de l’Entrepreneur n’a pas été remise à Monsieur Dubuc le 12 août, ni par la suite.

[22]       Il réitère enfin qu’il était en mesure de livrer la propriété à la date convenue.

[23]        En contre-interrogatoire, il explique qu’il achète le terrain lors de l’acceptation bancaire du bénéficiaire. Dès lors qu’il achète le terrain, il contracte un prêt et doit le rembourser à la banque ainsi que les intérêts afférents. En l’espèce, il doit rembourser le prêt et payer les intérêts nonobstant la résiliation du contrat préliminaire le liant aux Bénéficiaires.

[24]       Ainsi, les intérêts qu’il réclame sont ceux encourus entre la date d’achat du terrain en mai 2016 et celle de la réception de l’acceptation bancaire des nouveaux acheteurs en septembre 2016, date à laquelle il aurait normalement procédé à l’achat du terrain pour ceux-ci.

[25]       Puisqu’il construit des maisons sur mesure, des modifications aux plans sont requises pour le nouvel acheteur. Il ajoute avoir droit au paiement d’une pénalité de 0,5 % tel que stipulé au contrat.

[26]       Quant aux frais de 200,00 $ payés pour l’inscription du prêt contracté auprès de Centria, il dit devoir vérifier si les frais sont intégrés au prêt ou s’ils sont en sus, auquel cas il doit le payer de nouveau sur signature d’un nouveau contrat préliminaire avec un nouvel acheteur.

[27]       Par la suite, l’Entrepreneur fait entendre Sylvain Picard, représentant de l’Entrepreneur. C’est lui qui a conclu le contrat de garantie avec les Bénéficiaires, pour et au nom de l’Entrepreneur le 17 mars 2016.

[28]       Le 23 mars 2016, les parties signent le contrat préliminaire. Ce contrat prévoit que la propriété sera livrée le 20 juin 2016. Au moment de signer le contrat préliminaire, cette date de livraison est réaliste.

[29]       Toutefois, l’approbation hypothécaire tarde à venir et, le 20 avril, il est informé que le contrat préliminaire doit être refait afin que seul le nom de Monsieur Vitale apparaisse sur le contrat. Quoi qu’il en soit, le 20 avril, il ne peut plus s’engager à livrer la propriété le 20 juin et cette date est donc repoussée au 15 août suivant. L’annexe qui prévoit cette modification est signée le 25 avril 2016.

[30]       Le 3 juin, il indique aux Bénéficiaires avoir reçu le permis de construction. Or, il indique avoir fait cette affirmation par erreur puisque le permis a été reçu le 8 ou le 9 juin. Il affirme avoir pris pour acquis que le permis avait été émis puisque l’implantation était déjà faite (piquets sur le terrain).

[31]       Quelques jours plus tard, il reçoit un appel de Monsieur Vitale, lequel désire annuler le contrat préliminaire. Il manifeste son désaccord et réitère qu’il sera en mesure de livrer la propriété pour le 15 août. Il indique avoir précisé que la finition intérieure sera complétée à cette date et qu’il ne manquerait que peut-être un (1) ou deux (2) éléments extérieurs, mais que la propriété sera habitable le 15 août.

[32]       C’est à la mi-juillet que le témoin apprend l’implication de l’Administrateur dans le présent dossier. Il indique au Tribunal que selon la correspondance déposée sous A-6, une confirmation devait être envoyée pour que le rendez-vous ait lieu le 13 juillet. Confiant que les responsables du bureau ont confirmé le rendez-vous, il se rend sur les lieux le 13 juillet à 8 h 30 accompagné de Gary Botelho, directeur de projets chez l’Entrepreneur. Ni l’Administrateur ni les Bénéficiaires ne se sont présentés sur les lieux. Il ajoute avoir contacté l’Administrateur et avoir appris que les présences n’avaient pas été confirmées et que le rendez-vous avait donc été annulé.

[33]       Il témoigne ensuite que le ou vers le 16 juillet, il vend la maison à un autre acheteur. Il soutient qu’il avait déjà acheté beaucoup de matériaux pour les Bénéficiaires puisqu’il savait que les délais étaient serrés, quoique réalistes, et il ne voulait pas perdre de temps en raison d’un retard de livraison de matériaux.

[34]       Il insiste pour dire qu’il n’a jamais voulu faire la guerre aux Bénéficiaires et demande au Tribunal d’en faire mention dans la sentence.

[35]       Selon lui, la livraison a toujours été prévue pour le 15 août une fois l’approbation hypothécaire reçue. Il n’a jamais dit aux Bénéficiaires qu’il ne serait pas en mesure de livrer à cette date et c’est plutôt les Bénéficiaires qui ont fait cette déduction. Il déplore le manque de confiance qui a mené à l’annulation du contrat. Il regrette son erreur quant à son affirmation relative à l’émission du permis de construction.

[36]       En contre-interrogatoire, il confirme avoir indiqué aux Bénéficiaires un délai d’environ trois (3) semaines pour l’émission du permis de construction.

[37]       Confronté à la pièce A-8, il indique que contrairement à ce qui y est indiqué, il n’avait pas le permis de construction le 12 mai, ni le 19 mai et ni le 26 mai. Il indique avoir reçu le permis le 6 juin 2016.

[38]       Il confirme que le premier (1er) acompte était en principe prévu pour l’achat des matériaux, du toit et les poutrelles. ‘A tout événement, le contrat préliminaire indique qu’un premier acompte est payable à la signature du contrat et un second le 10 mai 2016. Lors de ses discussions initiales avec les Bénéficiaires, il avait estimé qu’à cette date, l’Entrepreneur serait rendu à l’installation des trusts (chevrons) et il est possible qu’il en ait fait mention dans ses discussions.

[39]       Il réfère le Tribunal à un autre témoin pour ce qui concerne l’encaissement du dépôt.

[40]       Enfin, il confirme tous les dires de Monsieur St-Pierre.

[41]       Gary Botelho témoigne ensuite. Son implication au dossier débute lorsque l’approbation hypothécaire est reçue.

[42]       Il dira d’entrée de jeu que ce dossier est particulier parce que les délais encourus pour la réception de l’approbation hypothécaire affectent les dates de livraison de tous les autres clients. ‘A cet effet, il dit avoir appelé Monsieur Picard à quelques reprises à ce sujet.

[43]       Il confirme que l’Entrepreneur n’avait aucunement l’intention de débuter les travaux avant que ne soit reçue l’acceptation hypothécaire. Ce n’est qu’une fois l’acceptation reçue que l’Entrepreneur procède au choix des couleurs, à l’achat du terrain, à la confection des plans, etc. vu les sommes en jeu.

[44]       Il réitère les circonstances entourant le choix de la nouvelle date de livraison, soit le 15 août 2016. Il affirme qu’il n’était pas présent lors des discussions avec les Bénéficiaires mais qu’il a été contacté avant que la date finale ne soit arrêtée. Il dit avoir d’abord préconisé une livraison en septembre mais avoir accepté le 15 août vu la situation particulière des Bénéficiaires.

[45]       Il confirme qu’un délai de huit (8) semaines est réaliste. Il a déjà, par le passé, construit des maisons dans un délai de six (6) à sept (7) semaines.

[46]       Il dit avoir parlé à Monsieur Vitale au sujet de son inquiétude relative à la livraison de la propriété. De fait, les Bénéficiaires sont inquiets parce qu’ils se sont fait dire par Monsieur Picard que le permis a été émis alors que c’est faux. Il dit comprendre les clients et avoir rassuré Monsieur Vitale sur sa capacité à respecter l’engagement pris.

[47]       Il affirme avoir été lui-même à la ville vers la fin mai-début juin afin de mettre de la pression.

[48]       Monsieur Botelho affirme que le premier coup de pelle a été donné le jour de la réception du permis de construction, soit le 7 juin 2016. Il indique que les piquets d’implantation ont été faits avant la réception du permis de construction pour éviter les délais de l’arpenteur-géomètre. Il ajoute avoir commandé les fenêtres le 7 juin également en raison des délais de livraison. À ce jour, ils ont toujours en inventaire l’équivalent de trois mille dollars (3 000,00 $) en fenêtres à essayer de passer à un autre acheteur.

[49]       C’est le 9 juin 2016 qu’il reçoit un courriel de Me Deguire qui l’informe de l’annulation du contrat par les Bénéficiaires. Selon le témoin, c’est la première fois que l’Entrepreneur fait face à ce type de situation.

[50]       Le témoin indique qu’il est possible, pour respecter les délais de livraison, de demander une autorisation à la Commission de la construction du Québec pour être autorisé à travailler pendant les vacances de la construction. Il affirme l’avoir fait par le passé, sans difficulté. Par ailleurs, il ignore comment la décision d’annuler le contrat a été prise car il n’a pas été impliqué dans celle-ci.

[51]       Il explique la pièce E-1 qu’il dépose. Il s’agit de l’échéancier des travaux pour une maison voisine. Il explique que la gestion débute lorsqu’il reçoit les choix de couleur car c’est alors qu’il peut commander les matériaux. Dans le dossier objet d’E-1, le choix de couleur a été reçu le 15 juin 2016 et la vente a été signée chez le notaire le 22 août suivant. De fait, il dira qu’il y a probablement eu des modifications aux plans puisque la gestion débute le 15 juin par la commande des matériaux.

[52]       Il réitère qu’il est certain que la livraison prévue pour le 15 août 2016 était possible.

[53]       En contre-interrogatoire, le témoin est confronté à l’affirmation de Monsieur Picard qui dit que le 20 avril, il était impossible de livrer pour le 20 juin. Il explique alors que le délai de huit (8) semaines pour la construction débute lors de la réception du permis de construction. En l’espèce, le permis n’était pas émis le 20 avril 2016. De fait, la ville a un délai de trente (30) jours pour délivrer un permis.

[54]       Il confirme qu’il n’est pas possible de débuter la construction avant l’émission du permis et qu’en l’espèce, la construction n’a pas débuté avant cette date. Toutefois, il a procédé à l’implantation avant la réception du permis, ce qui n’est pas interdit.

[55]       Il réitère que la livraison était possible en date du 15 août 2016. Il ajoute que chez la propriété voisine, il n’a pas été nécessaire de travailler pendant les vacances de la construction.

[56]       L’Entrepreneur fait ensuite entendre Caroline Prévost, adjointe.

[57]       Madame Prévost indique que lors de la réception d’une demande d’inspection par l’Administrateur, elle n’a normalement pas à confirmer la présence de l’Entrepreneur pour que l’inspection ait lieu de sorte qu’elle n’a pas cru bon, en l’espèce, de confirmer la date tout en prenant pour acquis que l’inspection aurait lieu le 13 juillet 2016.

[58]       Madame Prévost explique avoir reçu une communication de Monsieur Dubuc, inspecteur au dossier, le 14 juillet 2016.

[59]       La réponse de l’Entrepreneur a été transmise le lendemain et consiste ni plus ni moins au transfert d’un courriel préalablement adressé à Me Deguire et stipulant que l’Entrepreneur était, en date du 13 juin précédent, toujours capable de livrer la propriété le 15 août suivant. De plus, la correspondance du 13 juin de même que celle adressée à Monsieur Dubuc le 15 juillet précise que depuis le 14 juin, il faut repousser la date de livraison de jour en jour.

[60]       Devant l’absence de réponse des Bénéficiaires, l’Entrepreneur a tout simplement arrêté les travaux.

[61]       La correspondance du 13 juin se lit comme suit :

Bonjour Me Deguire,

(…)

Si le désir de votre client est toujours de canceller (sic), voici un récapitulatif des frais encourus à ce jour pour le traitement du dossier, sujet à changement, que nous devrons déduire de leur dépôt :

(…)

Nous comprenons l’inquiétude de votre client mais à ce jour, nous sommes toujours dans la possibilité de livrer la maison de votre client à la date prévu (sic), soit le 15 août 2015. Par contre, nous avons besoin d’une réponse rapidement car à compter de demain, nous devrons repousser cette date de jour en jour dépendamment (sic) du délai de réponse.

Bien à vous!

Carole Prévost

Pour Sylvain St-Pierre

[62]       Madame Prévost souligne que la réponse des Bénéficiaires à Monsieur Dubuc, également datée du 15 juillet, ne lui a jamais été transmise alors qu’elle a pris soin de copier toutes les parties sur sa réponse du 15 juillet à Monsieur Dubuc.

[63]       Elle note que la décision de l’Administrateur fait état d’une visite des lieux le 12 août et que l’inspecteur a constaté, à cette date, que le bâtiment n’est pas complété, ni habitable. Elle rappelle que dès le 14 juin les travaux étaient arrêtés. Bien que la propriété ait été vendue le 12 août à un tiers, les travaux pour le nouvel acheteur n’étaient pas commencés. De fait, la réception de l’approbation hypothécaire du nouvel acheteur n’a été reçue que le 19 septembre 2016.

[64]       Quant à l’encaissement du second acompte, elle indique que le chèque devait être joint au contrat préliminaire et qu’elle n’a pas été informée du fait qu’il ne fallait pas le déposer à la date indiquée.

[65]       En contre-interrogatoire, elle explique le calcul des intérêts, soit depuis l’acquisition du terrain en mai 2016 jusqu’au 19 septembre 2016, au moment de la réception de l’acceptation bancaire du nouvel acheteur. Elle confirme que les intérêts payés sur l’achat du terrain font partie de leurs frais et qu’ils en tiennent compte lors de la signature d’un contrat préliminaire. Ça fait partie de leur « coûtant ». Cependant, n’eût été de la signature du contrat préliminaire par les Bénéficiaires en mars 2016, l’Entrepreneur n’aurait pas eu à supporter ces frais.

[66]       Elle réitère ne pas avoir été informée qu’il ne fallait pas déposer le chèque daté du 10 mai 2016. Elle ajoute n’avoir reçu que le courriel du 3 juin par lequel les Bénéficiaires indiquent qu’ils annulent le contrat. Elle n’y a pas répondu mais l’a imprimé et remis à Messieurs St-Pierre et Picard.

Bénéficiaires

[67]       Les Bénéficiaires n’ont fait entendre qu’un seul témoin, soit Chantale Sauvageau.

[68]       Madame Sauvageau explique que sa famille et elle habitent à Las Vegas, aux États-Unis. Elle insiste sur l’importance pour eux de déménager le 15 août puisque leur maison est vendue et que le camion de déménagement est déjà réservé.

[69]       Elle confirme les différentes dates énoncées par l’Entrepreneur, dates qui sont corroborées par la preuve documentaire.

[70]       Le témoin corrobore également la version de Monsieur Picard à l’effet que la demande de permis de construction ne pouvait être effectuée tant et aussi longtemps que les couleurs n’avaient pas été choisies par les Bénéficiaires. Elle ajoute prendre l’avion à deux (2) jours d’avis afin de rencontrer la designer et signer l’annexe au contrat préliminaire le 25 avril 2016.

[71]       Elle mentionne avoir été informée à trois (3) reprises par Monsieur Picard que le permis avait été délivré, soit les 12, 19 et 26 mai 2016, alors que le permis n’a finalement été émis que le ou vers le 6 ou 7 juin 2016.

[72]       Elle a appris vers la fin du mois de mai que le permis n’avait toujours pas été émis et qu’en conséquence, les travaux n’avaient toujours pas débutés. Ceci cause un état de panique chez les Bénéficiaires qui trouvent la communication mauvaise.

[73]       De fait, le 1er juin elle appelle à la Ville de Mascouche et apprend que la demande de permis a été faite le 11 mai plutôt que le 26 avril comme le lui a indiqué Monsieur Picard. Le témoin perd alors confiance en l’Entrepreneur.

[74]       Par ailleurs, Monsieur Vitale a discuté avec l’Entrepreneur et les Bénéficiaires se renseignent dans leur entourage. Ils sont de plus en plus convaincus qu’il sera impossible pour l’Entrepreneur de livrer une propriété de bonne qualité dans un délai aussi court.

[75]       Le 3 juin 2016, les Bénéficiaires informent donc l’Entrepreneur qu’ils désirent résilier le contrat préliminaire et obtenir le remboursement des acomptes versés au montant de quinze mille dollars (15 000,00 $).

[76]       Par ailleurs, le 6 juin 2016, l’Entrepreneur refuse la demande des Bénéficiaires et réitère qu’il pourra livrer la propriété pour le 15 août 2016. Elle souligne que dans sa réponse, l’Entrepreneur indique que le permis a été émis le matin même et que l’excavation est déjà complétée. Or, dit-elle, le permis a été émis le 7 juin, bien qu’elle n’ait aucune preuve documentaire au support de son affirmation.

[77]       Elle reproche à l’Entrepreneur d’avoir encaissé le deuxième (2e) acompte alors que celui-ci devait servir à l’achat de matériaux.

[78]       Le 9 juin 2016, les Bénéficiaires font parvenir une mise en demeure à l’Entrepreneur par l’entremise de leur procureure de l’époque, Me Deguire, mais en vain. Au contraire, la réponse de l’Entrepreneur est plutôt à l’effet de déduire des acomptes versés une somme presqu’équivalente au montant total desdits acomptes.

[79]       Madame Sauvageau expose les difficultés rencontrées pour négocier avec l’Entrepreneur et les frais encourus. Elle expose notamment les difficultés au plan du financement vu le refus de l’Entrepreneur de les libérer du contrat.

[80]       En contre-interrogatoire, elle confirme que les difficultés au niveau du financement résident dans le fait qu’ils étaient approuvés sur la foi de leurs revenus aux États-Unis. Or, après le 15 août, c’est leur situation au Québec qui est désormais considérée.

[81]       Elle confirme ne pas avoir assez d’expérience pour savoir s’il est possible ou non de construire une maison en huit (8) semaines. Elle dira toutefois avoir déjà acheté une maison neuve par le passé, en avoir acheté deux (2) usagées et que son père à des amis qui travaillent dans le domaine de la construction.

[82]       Elle réaffirme que les mensonges de l’Entrepreneur sont à l’origine de l’annulation du contrat.

Administrateur

[83]       Monsieur Jocelyn Dubuc, conciliateur au sein de l’Administrateur, témoigne.

[84]       Il indique que les Bénéficiaires ont fait une réclamation afin d’obtenir le remboursement de leur acompte au montant de quinze mille dollars (15 000,00$).

[85]       Il confirme que, lors de sa visite le 12 août 2016, il avait en sa possession le courriel du 3 juin des Bénéficiaires de même que la réponse de l’Entrepreneur du 6 juin.

[86]       Il indique que l’Entrepreneur n’était peut-être pas en défaut le 6 juin mais qu’en date du 12 août, il l’était clairement.

[87]       Il ajoute que selon lui, il était nécessaire de s’entendre pour annuler le contrat, ce qui n’a pas été fait en l’espèce. Par conséquent, le contrat était toujours valide. Puisqu’il y a un contrat préliminaire signé et toujours en vigueur, les Bénéficiaires ont droit au remboursement des acomptes vu l’impossibilité de livrer à la date convenue.

[88]       Par ailleurs, bien qu’informé de la prétention de l’Entrepreneur à l’effet que les Bénéficiaires lui doivent de l’argent, la somme n’était pas déterminée ni déterminable. Il dit qu’il comprend du courriel du 13 juin que l’Entrepreneur ne veut pas rembourser les acomptes aux Bénéficiaires.

[89]       Quant à l’acheteur potentiel, si ce dernier n’avait pas acheté, les intérêts auraient continué de courir. Quoi qu’il en soit, bien qu’il ait appris le jour de l’audience que l’Entrepreneur avait finalement vendu à un tiers, il ne changerait pas sa décision.

[90]       En contre-interrogatoire, il indique avoir conclu que le montant réclamé n’était pas définitif sur la foi du courriel du 13 juin de l’Entrepreneur, lequel se voulait une réponse à la mise en demeure du 9 juin que lui ont adressée les Bénéficiaires. Il ajoute avoir demandé à Madame Prévost s’il y avait autre chose que ce courriel et celle-ci aurait indiqué que non.

[91]       Cherchant à savoir pourquoi Monsieur Dubuc ne l’a pas contacté à ce sujet, et notant que seul le courriel du 13 juin est reproduit dans la décision, l’Entrepreneur insiste pour obtenir une réponse précise. Monsieur Dubuc affirme avoir posé la question à Madame Prévost et qu’il a pris sa réponse. Il soutient qu’il n’a pas à aller à la pêche.

[92]       Sur les motifs qui permettent d’annuler un contrat, Monsieur Dubuc indique que seul le manquement de l’Entrepreneur à l’une de ses obligations peut justifier l’annulation du contrat. En l’espèce, le contrat était toujours valide faute de s’être entendu pour le résilier.

[93]       Il explique au Tribunal que le vrai problème ici est que l’Entrepreneur n’a pas fini la construction. Il aurait dû terminer la construction comme prévu et la livrer.

[94]       Pour avoir droit à un dédommagement, il soutient que les Bénéficiaires doivent être en défaut. Tel n’est pas le cas en l’instance. Ce n’est pas parce que les Bénéficiaires  disent annuler le contrat que celui-ci est annulé.

[95]       Il confirme que l’Entrepreneur a le droit d’être informé lorsqu’il y a une réclamation à son endroit. De fait, il l’a été le 27 juin. Comme personne n’a répondu, la visite du 13 juillet a été annulée.

[96]       Il n’a avisé personne de sa visite du 12 août. Comme il ne s’agit pas d’une allégation de vices ou de malfaçons, il n’a pas besoin d’entrer dans la propriété. Il a juste besoin de vérifier si la propriété est habitable ou non et il n’a besoin de personne pour faire ce constat.

[97]       Le 29 août 2016, il rend une décision obligeant l’Entrepreneur à rembourser aux Bénéficiaires les acomptes reçus au montant de quinze mille dollars (15 000,00 $). Cette décision est transmise aux parties le 31 août.

V

PLAIDOIRIES

Administrateur

[98]       L’Administrateur plaide le premier, tel que convenu entre les parties.

[99]       Il souligne d’emblée que l’inspecteur a bien posé le cadre juridique entourant le contrat et la faculté de le résilier unilatéralement.

[100]    En l’espèce, la véritable question à laquelle le Tribunal doit répondre se résume à déterminer s’il y avait, le 12 août 2016, un contrat en vigueur qui liait les parties.

[101]    De l’avis de l’Administrateur, le contrat préliminaire était toujours en vigueur lors de la visite de Monsieur Dubuc le 12 août 2016.

[102]    De fait, les Bénéficiaires devaient obtenir le consentement de l’Entrepreneur pour que soit résilié le contrat. Les Bénéficiaires ne l’ayant pas obtenu, le contrat demeurait en vigueur et ils n’avaient droit qu’au remboursement des acomptes ou au parachèvement des travaux en cas de défaut de l’Entrepreneur.

[103]    Le courriel du vendredi 3 juin 2016 était, selon lui, une demande d’annulation de contrat et l’Entrepreneur avait la faculté de l’accepter ou de la refuser conformément à l’article 1439 du Code civil du Québec. L’ayant refusée le 6 juin, le contrat demeurait en vigueur.

[104]    Il souligne au passage que seul le contrat d’entreprise peut être résilié unilatéralement et que tel n’est pas le cas en l’espèce. D’entrée de jeu, il soutient que la preuve démontre que l’Entrepreneur lui-même considérait que la résiliation était impossible et qu’il devait livrer la maison comme prévu. Il attire l’attention du Tribunal sur les pièces A-5 et A-10 indiquant d’ailleurs que l’Entrepreneur joue sur les deux (2) tableaux en soutenant, d’une part, que le contrat est en vigueur et d’autre part, en tentant de régler le dossier pour possiblement soutirer plus d’argent aux Bénéficiaires.

[105]    Pour appuyer ses propos relatifs à la résiliation unilatérale, le procureur réfère le Tribunal à l’ouvrage de Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin[1] et à celui de Vincent Karim[2].

[106]    L’Administrateur ajoute ensuite que selon lui, l’Entrepreneur ne peut, d’une part, refuser d’annuler le contrat, omettre de construire la propriété et, d’autre part, conserver les acomptes des Bénéficiaires. Il y aurait là, selon lui, enrichissement injustifié.

[107]    L’Administrateur soutien que le Règlement ne prévoit pas la possibilité de déduire une somme à même les acomptes des Bénéficiaires. Soit ils ont droit au remboursement en totalité, soit ils n’y ont pas droit du tout.

[108]    Quant à la pénalité de 0,5 % prévue aux articles 2.1 et 2.2 du contrat de garantie, il n’est pas applicable en l’espèce, le délai de dix (10) jours étant expiré.

[109]    Me Boyer rappelle que tous étaient de bonne foi et que l’Entrepreneur a peut-être mal compris l’étendu du Règlement. Quoi qu’il en soit, le fardeau de convaincre le Tribunal que la décision de l’Administrateur est mal fondée lui appartient et ce dernier ne s’en est pas déchargé.

[110]    Enfin, l’Administrateur souligne qu’il ne saurait être question de faire supporter aux Bénéficiaires la décision de l’Entrepreneur qui fixe unilatéralement la somme de dédommagement auquel il a droit. Il dépose deux (2) décisions, soit l’arrêt Desindes[3] qui fait foi de décision de principe en matière de plan de garantie ainsi que la décision André Guilbault et Linda Chrétien c. 9120-4867 Québec inc. (Habitations Lussier) et La Garantie Habitation du Québec inc.[4], cette dernière étant déposée à titre d’exemple de résiliation de contrat.

[111]    Il termine en indiquant que le contrat étant maintenant devenu sans objet suite à la vente de la propriété à une tierce partie, il n’y a pas lieu de traiter de résiliation et l’acompte doit être remboursé en totalité aux Bénéficiaires.

Entrepreneur

[112]    Quant à lui, l’Entrepreneur réitère l’essentiel de sa preuve, c’est-à-dire que le premier délai de livraison a été repoussé conformément aux articles 3.2 et 8.1.2.1 du contrat préliminaire  et qu’il a toujours été possible pour lui de livrer la propriété selon les termes de l’annexe au contrat préliminaire.

[113]    Selon lui, les Bénéficiaires n’avaient aucun droit de résilier unilatéralement le contrat préliminaire alors qu’il n’était pas du tout en défaut eu égard à ses obligations contractuelles. Il indique qu’il ne peut ni ne veut construire une maison dont les Bénéficiaires ne veulent pas et pour laquelle ils refuseront de passer titre.

[114]    Malgré les coûts engendrés, il a réussi à trouver un autre acheteur pour la propriété de sorte qu’il a pu mitiger les dommages encourus par la décision unilatérale des Bénéficiaires de résilier le contrat préliminaire. Il soutient avoir fait de son mieux pour limiter les coûts pour les Bénéficiaires.

[115]    Néanmoins, l’Entrepreneur allègue avoir subi un certain préjudice en raison des gestes des Bénéficiaires puisque ce dernier a dû payer des intérêts sur son prêt jusqu’à l’achat de la propriété par les nouveaux acheteurs de même que certains autres frais. Il en réclame le remboursement.

[116]    Quant à l’interprétation à donner aux articles 2.1 et 2.2 du contrat préliminaire, il indique que si l’Entrepreneur a droit de conserver 0,5 % du prix de vente en cas de dédit dans un délai de dix (10) jours suivants la signature du contrat, il a certainement droit à beaucoup plus lorsque la résiliation est faite trois (3) mois plus tard.

[117]    En ce qui concerne la position de l’Administrateur voulant que le contrat soit toujours en vigueur le 12 août 2016, il soutient que ce dernier a émis un nouveau certificat à l’acheteur. Comment prétendre que le contrat était toujours en vigueur?

[118]    Enfin, s’il a mal compris le droit applicable en l’espèce, cette incompréhension est au bénéfice de toutes les parties et il demande au Tribunal de faire droit à sa demande.

Bénéficiaires

[119]    Les Bénéficiaires rappellent que le fondement de leur demande de résiliation repose strictement sur le bris de confiance entre eux et l’Entrepreneur.

[120]    Pour eux, il était impossible selon les circonstances que la propriété soit livrée au moment convenu. S’ils avaient connu l’étendu des délais dont ils ont été victimes, ils n’auraient jamais signé le contrat préliminaire, d’autant plus qu’ils arrivaient de Las Vegas avec deux (2) enfants. Ils ne pouvaient se permettre d’arriver et que la maison ne soit pas prête.

[121]    Quant aux frais réclamés par l’Entrepreneur, les Bénéficiaires font valoir que l’Entrepreneur n’a que lui à blâmer. Si l’Entrepreneur avait accepté de résilier le contrat dès le 3 juin, les frais encourus auraient été moindres. Or, ce n’est que le 11 août, soutiennent-ils, que l’Entrepreneur veut tenter d’en arriver à une entente.

[122]    Les Bénéficiaires demandent le rejet de la demande de l’Entrepreneur et le maintien de la décision de l’Administrateur.

V

ANALYSE ET DÉCISION

[123]    Les Bénéficiaires ont demandé le remboursement intégral de leur acompte, soit la somme de quinze mille dollars (15 000,00 $). À l’opposé, l’Entrepreneur demande à être autorisé à retenir le montant correspondant aux frais encourus à la suite de la résiliation unilatérale du contrat par les Bénéficiaires.

[124]    Qu’en est-il au juste?

[125]    Tout d’abord, Monsieur Dubuc a indiqué que pour que l’Entrepreneur ait droit à un dédommagement, il doit démontrer le défaut des Bénéficiaires, ce qui n’est pas le cas en l’espèce selon lui. Il ajoute que ce n’est pas parce que les Bénéficiaires prétendent avoir annulé le contrat que celui-ci est éteint.

[126]    Il a raison sur ce dernier point.

[127]    Sur le droit de l’entrepreneur de retenir des sommes à même les acomptes en cas de résiliation unilatérale par les bénéficiaires sans que l’entrepreneur ne soit en défaut, le Règlement est muet.

[128]    Procédant à l’analyse de celui-ci, le Tribunal conclu que l’existence d’un contrat en vigueur entre les parties est une condition sine qua non à l’application du Règlement. C’est ce qu’édicte l’article 2 du Règlement :

Le présent règlement s’applique aux plans de garantie qui garantissent l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur visées au chapitre II et résultant d’un contrat conclu avec un bénéficiaire pour la vente ou la construction :

(…)

[129]    Corollairement, en cas de résiliation du contrat, le Règlement ne s’applique plus et les parties qui ont une mésentente relative au remboursement de l’acompte versé doivent s’adresser aux Tribunaux de droit commun.

[130]    En l’espèce, les Bénéficiaires ont saisi l’Administrateur de leur différend avec l’Entrepreneur et ce dernier a rendu une décision après avoir considéré que le contrat était toujours en vigueur.

[131]    Tout comme l’Administrateur l’a fait, le Tribunal doit d’abord décider si le contrat était toujours en vigueur le 12 août 2016 ou s’il ne l’était plus.

[132]    Si le contrat était en vigueur le 12 août 2016,  l’Entrepreneur était effectivement en défaut de son obligation de livrer à la date prévue.

[133]    Si, au contraire, le Tribunal considère que le contrat n’était plus en vigueur le 12 août 2016, alors l’Administrateur n’avait pas compétence pour rendre une décision. C’est d’ailleurs dans ce sens qu’abonde l’arbitre Claude Dupuis dans l’affaire Guilbault et Chrétien c. Habitations Lussier[5].

[134]    En l’espèce, le Tribunal estime que la preuve démontre que le 11 août 2016, l’Entrepreneur indiquait avoir trouvé un acheteur potentiel. Par ailleurs, rien ne démontre à quelle date le contrat avec ce nouvel acheteur a été signé. La preuve est muette sur ce point.

[135]    Quoi qu’il en soit, il a été démontré que le 19 septembre 2016, l’acceptation bancaire du nouvel acheteur était reçue par l’Entrepreneur et c’est aussi à cette date que l’Entrepreneur arrête le calcul des intérêts qu’il réclame des Bénéficiaires.

[136]    Vu le caractère d’ordre public du Règlement et les objectifs de protection du consommateur qui le sous-tendent, le Tribunal est d’avis d’adopter une interprétation favorable aux Bénéficiaires et de conclure que le contrat signé par eux était toujours en vigueur faute par l’Entrepreneur d’avoir accepté de le résilier.

[137]    Au sens strict du Règlement, l’analyse de l’inspecteur-conciliateur est donc exacte. Les Bénéficiaires ne pouvaient résilier le contrat unilatéralement de sorte que celui-ci était encore en vigueur le 12 août 2016. Partant, l’inspecteur-conciliateur était justifié de constater l’impossibilité pour l’Entrepreneur de livrer le bâtiment trois (3) jours plus tard et donc d’ordonner le remboursement intégral des acomptes.

[138]    L’Administrateur a soutenu que les Bénéficiaires avaient soit droit au remboursement de la totalité des acomptes, soit aucun droit audit remboursement.

[139]    Le Tribunal est d’avis que cette interprétation, bien que conforme au texte du Règlement, est par ailleurs déficiente en ce qu’elle omet de prendre en considération des facteurs importants qui justifient l’arbitre de recourir à l’équité.

[140]    En effet, nous sommes ici clairement en présence d’un cas où l’application littérale du Règlement mènerait à une injustice et serait inéquitable puisque l’Entrepreneur serait tenu de rembourser aux Bénéficiaires l’entièreté des acomptes reçus, puis de les poursuivre en dommages devant les Tribunaux de droit commun pour réclamer les dommages causés par la résiliation unilatérale de ceux-ci :

[76] L'équité est un concept qui fait référence aux notions d'égalité, de justice et d'impartialité qui sont les fondements de la justice naturelle. Dans certains cas, l'application littérale des règles de droit peut entraîner une injustice. Le recours à l'équité permet, dans certains cas, de remédier à cette situation[6].

[141]     Par ailleurs, l’arbitre Alcide Fournier écrit ce qui suit au sujet de l’article 116 du Règlement, propos que le présent Tribunal fait siens:

[28]      À l’article 116 du règlement, le législateur a écrit :

Un arbitre statue conformément aux règles de droit;

il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.

[29]      Par cet article, le législateur a voulu que l’arbitre règle des situations qui ne pouvaient pas être toutes décrites dans un règlement.

[30]      L’arbitre soussigné estime que le présent litige correspond à ce qu’a désiré le législateur en permettant au tribunal d’arbitrage de faire appel à l’équité pour résoudre le problème.

[31]      En conséquence, l’arbitre soussigné estime que, compte tenu de la situation très particulière, les réclamations des Bénéficiaires sont recevables par l’Administrateur de la Garantie[7]. (nos soulignements)

[142]    Bien que l’équité ne puisse être créatrice de droits, elle peut toutefois permettre une interprétation plus harmonieuse des droits de chacune des parties en litige dans le respect de l’esprit de la loi.

[143]    Néanmoins, avant de recourir à l’équité, et conformément aux enseignements de ses prédécesseurs, le Tribunal doit, dans son processus décisionnel, d’abord examiner le résultat à la lumière du droit strict et, ensuite, si des circonstances particulières le justifient, en équité[8].

[144]    Ceci étant, l’équité doit bénéficier autant aux bénéficiaires du plan de garantie qu’à l’administrateur ou à l’entrepreneur[9]. C’est ce que le Tribunal a fait avant d’en conclure que le résultat qui découle de l’application littérale du Règlement n’est pas bon.

[145]    En effet, le Tribunal est d’avis que l’inspecteur a fait erreur en considérant que les Bénéficiaires n’avaient aucune responsabilité dans l’impossibilité pour l’Entrepreneur de livrer la propriété le 15 août comme prévu.

[146]    À ce titre, la preuve démontre que les Bénéficiaires sont à l’origine du défaut de l’Entrepreneur et qu’ils sont en grande partie responsable de l’impossibilité de ce dernier de livrer la propriété dans le délai prévu à l’annexe. C’est en effet à leur demande que les travaux ont cessé en juin et que le 12 août, le bâtiment n’était pas en état d’être livré trois (3) jours plus tard.

[147]    Bien que l’Entrepreneur ait refusé d’annuler le contrat le 6 juin, la preuve a également démontré que les Bénéficiaires ont transmis à ce dernier une mise en demeure le 9 juin 2016. Une copie de cette lettre n’a pas été déposée en preuve mais à la lumière de la réponse de l’Entrepreneur du 13 juin et reproduite au paragraphe 61 de la présente décision de même que la réponse de Me Deguire du 15 juin et déposée sous la cote A-3, on peut en déduire que Me Deguire informait l’Entrepreneur que les Bénéficiaires résiliaient le contrat préliminaire et le sommait de leur rembourser la somme de quinze mille dollars (15 000,00 $).

[148]    Contrairement aux prétentions de l’Administrateur, le courriel du 3 juin n’était pas une demande d’annulation. La preuve a démontré que les Bénéficiaires ne demandaient ni permission, ni ne demandaient à l’Entrepreneur de consentir à résilier le contrat. Le courriel du vendredi 3 juin 2016 à 14 h 29 se lit ainsi :

Bonjour,

On vous informe par la presente de notre decision d’annuler le contrat de vente pour le [...] a Mascouche avec Construction Beau-Vain. (sic)

Compte tenu du delai de construction et de bris de confiance nous voulons annuler le contrat aujourd’hui le 3 juin 2016. (sic)

Apres verification a la Garantie de construction residentielle nous sommes en droit a un remboursement complet de notre acompte de 15,000.00$. (sic)

On vous serait reconnaissant de nous faire parvenir accusser de reception de cette lettre. (sic)

Vous devez nous faire parvenir le document d’annulation de la garantie de construciton residentiel afin que le tout soit officiel. (sic)

Merci

Jasmin Vitale & Chantale Sauvageau Vitale

[149]    Si l’Entrepreneur était justifié suite à sa réponse du 6 juin aux Bénéficiaires de considérer que le contrat était toujours en vigueur et de procéder à l’érection des fondations, il en va autrement suite à la réception de la mise en demeure du 9 juin et des échanges entre lui et Me Deguire des 13 et 15 juin.

[150]    De fait, la lettre du 15 juin est on ne peut plus claire :

(…)

Malgré vos prétentions, notre client réitère tous les arguments mentionnés à notre lettre portant la date du 9 juin dernier.

Conséquemment, notre client maintient l’annulation du Contrat, requiers (sic) que le formulaire d’annulation prévu en vertu de la Garantie de construction résidentielle lui soit transmis, et ce, dès réception de la présente. (emphase dans le texte d’origine)

[151]    Par conséquent, les Bénéficiaires, comme l’Administrateur, ne peuvent aujourd’hui reprocher à l’Entrepreneur d’avoir cessé ses travaux et prétendre que les Bénéficiaires sont sans faute.

[152]    De plus, bien que l’Entrepreneur aurait pu, et peut-être même dû continuer la construction conformément au contrat, le Tribunal estime qu’il n’était pas déraisonnable de sa part d’avoir fait les efforts nécessaires pour trouver un nouvel acheteur devant le refus non équivoque des Bénéficiaires de maintenir le contrat. Il s’agit du principe prévu à l’article 1479 du Code civil du Québec voulant qu’une partie doive tenter de mitiger ses dommages.

[153]    Les Bénéficiaires ont reproché à l’Entrepreneur de ne pas avoir mitigé ses dommages en procédant à l’excavation le 6 juin alors qu’ils avaient transmis leur avis d’annulation le 3 juin. Or, aucune preuve n’a été faite qui démontre que le courriel du 3 juin ait été lu par les personnes concernées chez l’Entrepreneur avant la réponse du 6 juin 2016 à 17 h 25.

[154]    Lors des divers témoignages, plusieurs dates ont été avancées concernant la date de délivrance du permis de construction. Or, personne n’a produit de copie dudit permis qui permettrait de déterminer avec certitude la date exacte à laquelle il a été émis.

[155]    Quoi qu’il en soit, ce débat est académique puisque la réclamation de l’Entrepreneur, telle qu’elle se lit au jour de l’audience, ne comporte aucuns frais relatifs à l’excavation. Qui plus est, c’est là attribuer à l’Entrepreneur une mauvaise foi qui n’a pas sa place en l’instance, la bonne foi se présumant toujours, sauf preuve du contraire[10].

[156]    Le Tribunal comprend que les Bénéficiaires se soient sentis trompés, voir même floués par les propos de Monsieur Picard qui se sont révélés être inexacts. Le Tribunal comprend aussi que les Bénéficiaires étaient inquiets et que leur éloignement a probablement contribué à augmenter leur niveau de stress, en plus du fait que leur maison à Las Vegas étaient vendue et qu’ils arrivaient au Québec le 15 août 2016.

[157]    Le Tribunal estime toutefois que le témoignage rendu à l’effet que l’Entrepreneur ait procédé à l’implantation avant la réception du permis afin de pouvoir procéder à l’excavation dès sa réception est plausible et aucun motif ne permet de mettre de côté cette affirmation.

[158]    De plus, l’échéancier produit sous la cote E-1 et concernant une propriété voisine convainc le Tribunal que la livraison prévue pour le 15 août 2016 était possible.

[159]    N’eût été de la résiliation unilatérale des Bénéficiaires, en cas de retard de l’Entrepreneur dans la livraison de la propriété, le Règlement contient des dispositions propres à assurer un certain dédommagement aux Bénéficiaires.

[160]    Quant à la question de savoir si l’encaissement du second acompte était illégal, le Tribunal ne voit pas trace de mauvaise foi ni contravention au contrat.

[161]    Le contrat indique à quelles dates les acomptes doivent être versés et bien que des discussions puissent avoir eu lieu sur l’état d’avancement approximatif de la construction à ces dates, on ne peut ajouter au contrat des conditions qui ne sont pas présentes.

[162]    En conséquence de ce qui précède, le Tribunal accorde la demande de l’Entrepreneur, annule la décision rendue par l’Administrateur et déclare que les sommes suivantes ont été justifiées à la satisfaction du Tribunal et celles-ci doivent être déduites des acomptes encore entre les mains de l’Entrepreneur :

a.     Frais de correction de plan :                                                         287,44 $

b.     Frais de designer :                                                                        402,41 $

c.      Intérêts sur le prêt du terrain pour la période                           2 184,42 $
du 11 mai 2016 au 10 août 2016 :

d.     Intérêts sur le prêt du terrain pour la période                              800,00 $
du 10 août au 19 septembre 2016 :

Total :                                                                                          3 674,27 $

 

[163]    Le Tribunal accorde à l’Entrepreneur la somme de huit cent dollars (800,00 $) à titre de frais d’intérêts qu’il a payés pour la période du 10 août au 19 septembre 2016. Cette somme est déterminée arbitrairement sur la foi des factures déposées pour les mois de juin, juillet et août 2016.

[164]    Quant au frais d’inscription de l’unité au montant de deux cents dollars (200,00 $), l’Entrepreneur n’a pas prouvé avoir payé cette somme de nouveau. Dès lors, il n’y a pas droit.

[165]    Enfin, le Tribunal ne peut accorder l’indemnité de 0,5 % prévue au contrat de garantie, la résiliation n’ayant pas eu lieu dans les dix (10) jours suivants la signature du contrat. Cette disposition ne peut être bonifiée comme le demande l’Entrepreneur.

Frais

[166]    Conformément à l’article 123 du Règlement, les frais du présent arbitrage sont partagés en parts égales entre l’Administrateur et l’Entrepreneur.

EN CONSÉQUENCE, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

ACCUEILLE la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur;

PREND ACTE du remboursement par l’Entrepreneur aux Bénéficiaires de la somme de dix mille dollars (10 000,00 $);

ORDONNE à l’Entrepreneur de rembourser aux Bénéficiaires la somme de mille trois cent vingt-cinq dollars et soixante-treize cents (1 325,73 $) dans les trente (30) jours suivant la réception de la présente sentence et, à défaut par l’Entrepreneur de se conformer à la présente ordonnance, ORDONNE à l’Administrateur de payer aux Bénéficiaires ladite somme dans les trente (30) jours suivant l’expiration du délai octroyé à l’Entrepreneur pour s’exécuter;

DÉCLARE que les frais de l’arbitrage seront partagés en parts égales entre l’Administrateur et l’Entrepreneur conformément à l’article 123 du Règlement.

 

 

                                                                              Montréal, ce 20 juin 2017

 

 

 

                                                                                                                                                           

                                                                              Me Karine Poulin, arbitre

 

G1115-79

S/A 165



[1] Jean-Louis BAUDOUIN et Pierre-Gabriel JOBIN, Les obligations, 7e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, p. 1028.

[2] Vincent KARIM, Les obligations, 4e édition, volume 1, Montréal, Éditions Wilson & Lafleur, 2015, p. 863.

[3] La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ c. Desindes, 2004 CanLII 47872 (QC CA).

[4] André Guilbault et Linda Chrétien c. 9120-4867 Québec inc. (Habitations Lussier) et La Garantie Habitation du Québec inc., GAMM, 2008-09-004, 23 mai 2008, Claude Dupuis, arbitre.

[5] André Guilbault et Linda Chrétien c. 9120-4867 Québec inc. (Habitations Lussier) et La Garantie Habitation du Québec inc., préc., note 4.

[6] La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Dupuis, 2007 QCCS 4701.

[7] Lévesque et Sebecam Rénovations inc., CCAC, 197824-1 et S11-120602 NP, 2012-03-22, M. Alcide Fournier, arbitre.

[8] Agudelo c. Verre Azur inc. (Imm Habitation), GAMM, 2007-12-003 et 13 185-26, 19 septembre 2007, Me Jeffrey Edwards, arbitre; Giroux c. Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., 2006 CanLII 60444 (QC OAGBRN).

[9] Id.

[10] Art. 2803 C.c.Q.