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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment
CENTRE CANADIEN D'ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)
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ENTRE: MADAME NATHALIE DEMERS
(ci-après désignée « Demanderesse en arbitrage »)
LES CONSTRUCTIONS BEL-AVENIR
(9024-9301 QUÉBEC INC.)
(ci-après désignée « l'Entrepreneur »)
LA GARANTIE ABRITAT INC.
(ci-après désignée « l'Administrateur »)
No dossier CCAC: S15-010801-NP
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DÉCISION ARBITRALE
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Arbitre: Me Reynald Poulin
Pour la Bénéficiaire: Mme Nathalie Demers
Pour l'Entrepreneur: M. Stéphane Côté
Pour l'Administrateur: Me Marc Baillargeon
Date de l'audition: Le 19 octobre 2015
Date de la décision: Le 2 novembre 2015
Identification complète des parties
Arbitre: Me Reynald Poulin
79, boul. René-Lévesque Est
Bureau 200
C.P. 1000, Haute-Ville
Québec (Québec) G1R 4T4
Demanderesse en arbitrage: Madame Nathalie Demers
[…] St-Pierre-les-Becquets (Québec) […]
Entrepreneur: Les Constructions Bel-Avenir
(9024-9301 Québec inc.)
17035, ch. Thibodeau
Bécancour (Québec) G9H 1P1
Administrateur: Me Marc Baillargeon
La Garantie Abritat inc.
5930, boul. Louis-H. Lafontaine
Anjou (Québec) H1M 1S7
DÉCISION ARBITRALE
[1] Le 24 janvier 2014, Mme Nathalie Demers, Demanderesse en arbitrage, a formulé une demande d'enregistrement de sa résidence, un bâtiment sis au 290, Place de Saratoga, St-Pierre-les-Becquets, auprès de La Garantie Abritat inc. (ci-après désignée l'« Administrateur »).
[2] Après étude du dossier et certains documents qui lui ont été transmis, l'Administrateur, par la voie de son Directeur du Service de l'accréditation et d'enregistrement, M. Jacques Laliberté, a conclu que le bâtiment de Mme Demers n'était « pas assujetti au Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs » (ci-après désigné le « Plan de garantie »). Cette décision fut communiquée à Mme Demers par une lettre portant la date du 9 décembre 2014 et produite au dossier d'arbitrage comme pièce A-4.
[3] Insatisfaite de cette décision, Mme Demers a porté en arbitrage celle-ci par l'entremise du Centre canadien d'arbitrage commercial (CCAC), lequel a désigné l'arbitre soussigné pour agir à titre d'arbitre.
I. LES PROCÉDURES D'ARBITRAGE
[4] Après la demande d'arbitrage de Mme Demers, une première audience préliminaire a été tenue à laquelle ont assisté Me Marc Baillargeon pour l'Administrateur et Mme Nathalie Demers pour elle-même. Bien que dûment convoqué à cette fin, 9024-9301 Québec inc. (Les Constructions Bel-Avenir) (ci-après désignée l'« Entrepreneur » et/ou « Bel-Avenir ») n'était pas représentée.
[5] Le 27 août 2015, une décision interlocutoire a été rendue.
[6] Après que le soussigné eut déclaré avoir compétence, il fut notamment permis à Mme Demers de produire des documents au soutien de sa demande d'arbitrage et l'Administrateur de faire de même dans les délais déterminés par l'arbitre.
[7] L'audition de l'arbitrage a été fixée au 19 octobre 2015.
[8] La journée de l'audience préliminaire, le procureur de l'Administrateur a transmis une série de documents devant être produits, en surplus du cahier de pièces émis par l'Administrateur conformément au Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après désigné le « Règlement »). Mme Demers a également transmis à l'arbitre une série de documents, de même que des enregistrements vidéo et audio de rencontres et de discussions intervenues avec le représentant de Bel-Avenir, M. Stéphane Côté. Par la suite, le procureur de l'Administrateur a soulevé une objection quant à la production des enregistrements vidéo et audio que le Tribunal a tranchée lors de l'audition.
II. LES PIÈCES ET LES ADMISSIONS
[9] Les pièces à l'appui du cahier émis par l'Administrateur ont été cotées sous A-1 à A-5. Quant aux documents qui ont été transmis au Tribunal la même journée que la tenue de l'audience préliminaire, ceux-ci ont été cotés sous A-6 (en liasse). Ces documents ont été numérotés (pages 1 à 8) pour faciliter les références ultérieures du Tribunal.
[10] Quant aux pièces transmises par Mme Nathalie Demers conformément à la décision interlocutoire, celles-ci ont été cotées sous ND-1 (en liasse) et aussi numérotées (pages 1 à 21). De plus, des documents additionnels ont également été produits à l'audience par Mme Demers, comme pièce ND-2 à ND-6.
[11] Les documents transmis par l'Administrateur dans son cahier de pièces, conformément au Règlement, sont évidemment admis en preuve tout comme les documents additionnels produits par celui-ci comme pièce A-6 (en liasse).
[12] Quant aux documents produits par Mme Demers, seuls les enregistrements vidéo et audio ont fait l'objet d'une objection au sujet de leur dépôt par le procureur de l'Administrateur lors de l'audience.
[13] Après discussion entre les parties et une reconnaissance par M. Stéphane Côté, représentant de Bel-Avenir, qu'il était bel et bien la personne tenant des discussions avec Mme Demers sur les enregistrements audio, le procureur de l'Administrateur a retiré son objection quant à la production des enregistrements vidéo et audio et ceux-ci ont été admis de consentement, sujet évidemment à leur force probante à être déterminée par le Tribunal d'arbitrage.
III. QUESTION EN LITIGE
[14] La décision de l'Administrateur à l'effet que le bâtiment de la Demanderesse en arbitrage n'est pas assujetti au Plan de garantie est contestée par Mme Nathalie Demers qui prétend, au contraire, que sa résidence doit jouir de la protection du Plan de garantie.
IV. LA PREUVE
1. Preuve par Mme Nathalie Demers
[15] Il a été démontré que Mme Demers a fait plusieurs démarches en 2011 pour obtenir des soumissions de différents entrepreneurs pour la construction de sa future résidence sur la rue Place de Saratoga, à St-Pierre-les-Becquets. Ces soumissions, qu'elle a produites en liasse comme pièce ND-1, visaient, notamment, les travaux de toiture, de charpente, d'isolation, de système intérieur, de chauffage, d'installation de poutrelles, d'installation de portes et fenêtres, de murs, d'électricité, d'excavation et de revêtement extérieur.
[16] Selon le témoignage de Mme Demers, son institution financière, la Banque Royale du Canada, a refusé son projet d'autoconstruction et ce, notamment, en raison de son statut de travailleuse autonome. C'est ainsi que Mme Linda Laplante, représentante de la Banque Royale du Canada, lui aurait référé Bel-Avenir pour la construction de sa résidence. Mme Demers a témoigné avoir convenu d'une entente pour la construction de sa résidence avec Bel-Avenir. À ce sujet, elle a produit une soumission signée par le représentant de Bel-Avenir et acceptée par elle-même le 18 octobre 2011. Cette soumission fut produite au cahier de l'Administrateur, en liasse, comme pièce A-3. Cette soumission était conditionnelle à un financement auprès de la Banque Royale du Canada et au résultat positif d'un test de sol. Après que ces deux conditions furent rencontrées, Mme Demers témoigne que l'Entrepreneur a débuté ses travaux.
[17] Or, la preuve a révélé que Bel-Avenir n'a exécuté, personnellement, qu'une partie des travaux visés par la soumission acceptée par Mme Nathalie Demers. Plusieurs travaux ont été exécutés par des sous-traitants, lesquels semblent également avoir transmis, directement à Mme Demers, leur facturation. Malgré que ces sous-traitants aient négocié directement avec Bel-Avenir le prix de leur contrat, aucun ne fut appelé comme témoin à l'audience. La Banque Royale du Canada ayant autorisé un prêt hypothécaire un peu supérieur à la soumission de Bel-Avenir, Mme Demers a obtenu un décaissement progressif de ce financement en présentant les factures de Bel-Avenir et des sous-traitants, selon la progression des travaux à sa résidence.
[18] Selon Mme Demers, il est incontestable que Bel-Avenir a agi à titre d'entrepreneur général, conformément à la licence que celle-ci détient de la Régie du bâtiment du Québec. À ce sujet, elle a produit au Tribunal, de consentement avec l'Administrateur et l'Entrepreneur, plusieurs enregistrements audio démontrant, selon l'arbitre qui les a écoutés dans leur intégralité pendant le délibéré, que Bel-Avenir a agi en contrôlant le projet de construction, en conseillant sa cliente, Mme Nathalie Demers, et en gérant le chantier de construction de la résidence de celle-ci.
[19] D'ailleurs, Mme Demers précise qu'aucun des sous-traitants qu'elle avait approchés dans le cadre de son projet d'autoconstruction envisagé avant le refus de la Banque Royale du Canada n'a travaillé à son projet de construction de résidence selon leur soumission. Les sous-traitants ayant travaillé à son projet étaient plutôt ceux désignés par Bel-Avenir à l'exception de Toiture Mauricienne inc. et de « Fondations 55 », cette dernière étant, selon la preuve, déjà sous-traitante régulière de Bel-Avenir. Elle précise d'ailleurs n'avoir jamais négocié les prix des sous-traitants mais seulement avoir payé pour les travaux de ceux-ci.
2. Preuve par Bel-Avenir
[20] M. Stéphane Côté est président de Bel-Avenir et s'est présenté à l'audience d'arbitrage après avoir eu une invitation par lettre à ce faire par Mme Demers et également par le Tribunal considérant l'objection à la preuve des extraits vidéo et audio formulée par l'Administrateur.
[21] M. Côté a témoigné que Bel-Avenir détenait des licences d'entrepreneur général et d'entrepreneur spécialisé dans différentes catégories. Il semble que Bel-Avenir était accréditée auprès de l'Administrateur pour la période concernée par la construction de la résidence de Mme Demers. Bel-Avenir a aussi eu possession des plans de construction de la résidence neuve. Il admet avoir transmis une soumission avec un prix global pour la construction de la résidence de Mme Demers tout en précisant que c'était plutôt cette dernière qui choisissait les sous-traitants. Il nie avoir procédé à l'inspection du bâtiment et avoir agi à titre d'entrepreneur général. Il précise également que la finition intérieure et la pose de planchers auraient été exécutées par Mme Demers elle-même.
[22] Il témoigne à l'effet qu'il a exécuté des travaux selon les spécialités décrites à sa licence de la Régie du bâtiment du Québec.
[23] Essentiellement, il conteste les prétentions de Mme Demers à l'effet que le bâtiment devait être visé par le Plan de garantie en tentant de fournir une explication aux propos qu'il a tenus (et dont l'enregistrement a été produit au dossier d'arbitrage) au sujet des formulaires devant être complétés à cette fin. Il minimise ses propos enregistrés en soumettant que l'offre qu'il aurait faite à Mme Demers au sujet de la couverture du Plan de garantie était conditionnelle à la volonté de l'Administrateur d'émettre un certificat d'enregistrement malgré que les travaux de construction de la résidence étaient débutés. Or, l'écoute de l'enregistrement audio par l'arbitre soussigné lors de l'audience d'arbitrage, accompagné de Mme Demers, du procureur de l'Administrateur et du représentant de celui-ci n'a pas confirmé ce qui précède. Au contraire, cet enregistrement a démontré que M. Stéphane Côté a clairement affirmé à Mme Nathalie Demers que la construction de la résidence de celle-ci allait être visée par le Plan de garantie et que des formulaires en ce sens allaient être complétés par une employée de Bel-Avenir. Le Tribunal précise que, pour vérifier ce qui précède, Mme Nathalie Demers a fait entendre une partie de la bande audio ayant précédé les propos de M. Côté et ce, à la demande du procureur de l'Administrateur. Cela a confirmé les prétentions de Mme Demers au sujet de la volonté de Bel-Avenir d'enregistrer son bâtiment pour qu'il bénéficie du Plan de garantie de l'Administrateur.
[24] M. Côté a aussi mentionné, à plusieurs reprises, avoir donné des conseils à Mme Demers quant à la sélection des sous-traitants. Les enregistrements audio font également état du contrôle du chantier par M. Côté et d'une plus grande importance relative dans le cadre de la gestion du projet de construction que celle qu'il a tenté de décrire au Tribunal.
3. La preuve de l'Administrateur
[25] M. Jacques Laliberté, auteur de la décision soumise au processus d'arbitrage et représentant de l'Administrateur, a témoigné à l'audience.
[26] M. Laliberté a résumé le contenu de la décision refusant l'assujettissement de la résidence de Mme Demers au Plan de garantie.
[27] Il témoigne avoir discuté à deux ou trois reprises avec Mme Demers et à deux reprises avec un représentant de Bel-Avenir avant que soit rendue la décision de l'Administrateur.
[28] Il a conclu après ces discussions que Bel-Avenir avait agi à titre d'entrepreneur spécialisé, et non à titre d'entrepreneur général, et que le projet de Mme Demers en était un qu'il désigne sous le vocable « autoconstruction ». Par conséquent, il soumet au Tribunal, malgré la preuve additionnelle produite de consentement à l'arbitrage et les extraits vidéo et audio sur lesquels M. Stéphane Côté, représentant de Bel-Avenir, reconnaît, notamment, que le bâtiment de Mme Demers allait être soumis Plan de garantie de l'Administrateur, qu'il maintient la décision qu'il a rendue en décembre 2014. Il met toujours en doute le fait que Bel-Avenir a agi à titre d'entrepreneur général et ce, principalement en raison de l'acquittement, par Mme Demers, de certaines factures de sous-traitants recommandés par Bel-Avenir et étrangers, pour la très grande majorité, à Mme Demers. Malgré des confirmations écrites de l'absence de projet d'autoconstruction par la Banque Royale du Canada produite au dossier d'arbitrage, M. Laliberté s'étonne toujours, en audition, que cette institution financière n'ait pas exigé de certificat d'enregistrement du bâtiment. Aucun représentant de la Banque Royale du Canada ne fut assigné comme témoin. Par conséquent, personne ne peut tenter de comprendre les intentions ou agissements de cette institution financière d'autant plus que cela n'a pas de véritable incidence sur le fait qu'un bâtiment est assujetti ou non au Plan de garantie.
V. DÉCISION
[29] Considérant la question en litige et l'importance que l'on doit donner aux termes utilisés par l'Administrateur au sujet de l'application du Règlement, le Tribunal analysera les dispositions pertinentes de celui-ci.
[30] Tout d'abord, l'article 6 du Règlement prévoit que toute personne qui désire devenir un entrepreneur en bâtiments résidentiels neufs visés à l'article 2 du Règlement (comme celui en l'instance) doit adhérer à un plan qui garantit l'exécution des obligations légales et contractuelles prévues à l'article 7 du Règlement et résultant d'un contrat conclu avec un bénéficiaire.
[31] Un plan doit garantir, suivant l'article 7 du Règlement, l'exécution des obligations légales et contractuelles d'un entrepreneur.
[32] Un entrepreneur est défini au Règlement comme une personne titulaire d'une licence d'entrepreneur général l'autorisant à exécuter ou à faire exécuter, en tout ou en partie, pour un bénéficiaire des travaux de construction d'un bâtiment résidentiel neuf.
[33] Par conséquent, un entrepreneur doit donc être titulaire d'une licence d'entrepreneur général l'autorisant à exécuter, même en partie pour un bénéficiaire, les travaux de construction d'un bâtiment résidentiel neuf.
[34] Il n'y a donc pas, à proprement parler, de référence directe du législateur au concept d'« autoconstruction ».
[35] Par contre, l'entrepreneur visé par le Règlement doit détenir une licence d'entrepreneur général de la Régie du bâtiment du Québec pour se voir obligé d'adhérer à un plan comme prévu au Règlement.
[36] Il est évident qu'un entrepreneur spécialisé ayant à intervenir uniquement dans son champs de compétence prévu à sa licence particulière n'a pas les obligations d'un entrepreneur général, tel qu'édicté au Règlement.
[37] Dans le cas présent, c'est spécifiquement cette question qui est soumise au Tribunal, à savoir le degré d'intervention de Bel-Avenir dans le cadre du projet de construction du bâtiment résidentiel neuf de Mme Nathalie Demers.
[38] Pour citer Me Michel Jeanniot dans l'affaire Fiducie R.M.L.T. et Construction Xaloma inc. (Soreconi 070605001 et al - 14 novembre 2011), si un entrepreneur général décide de faire exécuter, en tout ou en partie, comme le Règlement le prévoit, des travaux de construction d'une résidence neuve par un tiers et/ou qu'il a accepté de déléguer, en tout ou en partie, le processus administratif décisionnel concernant, en tout ou en partie, la construction du bâtiment résidentiel neuf, cela ne le soustrait pas à sa responsabilité aux termes du Plan de garantie.
[39] Dans le cas présent, la preuve révèle:
· la présence d'une soumission acceptée pour quasi-entièreté des travaux de construction de la résidence;
· que les sous-traitants conseillés et/ou désignés par l'entrepreneur général ont exécuté certains travaux à la résidence de Mme Demers;
· que celle-ci n'a jamais participé à la négociation des prix des sous-traitants, tout en acquittant les coûts de leurs travaux à même le déboursé progressif de son prêt.
[40] La preuve révèle aussi que la Banque Royale du Canada a consenti un prêt pour la construction suivant une soumission globale de l'entrepreneur général et non pas à titre d'autoconstruction puisque cette demande avait été refusée compte tenu de la situation particulière de Mme Demers. L'Entrepreneur n'a démontré aucune autre entente que celle visée par la soumission acceptée et a insisté, lors de l'audience, sur son rôle de conseil, de supervision et de surveillance des travaux.
[41] En aucun moment, Bel-Avenir ou l'Administrateur n'ont tenté de démontrer au Tribunal que la soumission acceptée (constituant un contrat) était résolue et ne liait plus les parties. Il s'agit donc d'un contrat synallagmatique et non d'une simulation conformément à l'article 1451 du Code civil du Québec. Que les modalités d'exécution au niveau des paiements aient été modifiées par les parties ne fait pas en sorte que la réalité juridique qu'elles confirment, c'est-à-dire la présence d'un entrepreneur général, fasse en sorte que le règlement s'applique.
[42] L'arbitre soussigné a écouté, en délibéré, la totalité des enregistrements audio mis en preuve par Mme Demers, sans objection de l'Entrepreneur ni de l'Administrateur. En rafale et sans décrire intégralement le contenu des propos de l'Entrepreneur puisque cela n'est pas utile dans les circonstances, celui-ci a agi et s'est comporté au même titre qu'un entrepreneur général. Comme celui-ci l'a affirmé lors de l'audience, il a effectivement conseillé, supervisé et surveillé, en grande partie, selon ce que l'on peut constater des enregistrements audio, les travaux à la résidence de Mme Demers. Ainsi, il a candidement affirmé:
· être responsable de ses sous-traitants au chantier;
· avoir fait des inspections des travaux dans le cadre de la construction de la résidence neuve;
· qu'il contrôlait « son chantier », c'est-à-dire la construction de la résidence neuve de Mme Demers;
· avoir invité Mme Demers à dire à des tiers que c'est lui qui « faisait » sa maison neuve;
· s'occuper de l'électricien et du plombier;
· être en régularité avec la Commission de la construction du Québec puisqu'il a agi à titre d'entrepreneur général;
· s'assurer que ses travaux soient faits de façon ordonnée afin que les autres sous-traitants puissent continuer le projet tout en reconnaissant qu'il s'assurait de la bonne exécution des travaux de ceux-ci;
· qu'il avait l'obligation de reprendre certains travaux mal faits par des sous-traitants participant à la construction de la résidence neuve de Mme Demers, dans le cadre de l'une de ses inspections;
· confier jusqu'à 30 maisons par année à certains sous-traitants ayant participé à la construction de la résidence neuve de Mme Demers.
[43] Au surplus, le Tribunal juge opportun de reproduire intégralement les passages d'enregistrement audio concernant l'admissibilité de la résidence neuve au Plan de garantie et donc son assujettissement au Règlement:
« SC: … (inaudible) bureau … Veux-tu que j'appelle Ginette pour …
ND: Non.
SC: … (inaudible) garantie…
ND: Ben là, c'est sûr … si tu veux que je te fasse un chèque sinon … sauf que moi faut que je remplisse aussi des papiers de ça, là …
SC: … les papiers de ça … pour avoir des papiers … ça aussi pis après ça, moi, j'envoye la demande toute … pis après ça, t'as des papiers à remplir …
ND: Moi, j'aimerais ça que je te donne le chèque pendant que je signe … fait que …
(…)
ND: Fait que là pour le le … la la la la la la …
SC: La garantie, on va toute remplir ça avec Ginette, avec ton adresse pis toute …
ND: Moi r'garde, j'peux aller chez Ginette, aller m'ner le chèque, r'garde moi là …
SC: … (inaudible)
ND: Aller à Nicolet, moi, pour moi, ça me fatigue pas pantoute.
SC: OK parfait … On va toute te remplir ça … pis on va te …
ND: Aussitôt que j'ai les papiers à signer, moi, j'vas aller avec mon chèque.
SC: Tu vas avoir des papiers … contrat préliminaire, contrat d'entreprise, pis après ça le contrat … (inaudible) … minimum trois places à signer …
ND: OK.
SC: C'est eux autres qui nous demandent ça, c'est tout le temps de la paperasse …
ND: Moi ça me dérange pas d'y aller chez Ginette là.
SC: C'est ça, OK.
ND: Même pour les factures, je me disais r'garde on va se rencontrer un moment donné, pis…
SC: OK … ça … (inaudible)
ND: … (inaudible) … habite pas au bout du monde …
SC: Bon, notre amie Ginette … c'est pas loin … bon, ben …. (inaudible) … on est parti …
ND: … ferme la porte. Tout est beau ?
SC: Oui …
ND: Y va faire la même température que dans le portique ?
SC … (inaudible) … Même température comme on dit. Même si tu parlerais à Denise, c'est coupe-froid et non isolant. »
[44] Interrogé lors de l'audience au sujet de l'assujettissement au Règlement, M. Côté a prétendu que l'absence d'enregistrement est due au désir de Mme Demers, laquelle aurait choisi, ni plus ni moins, de ne pas payer 1 000,00 $ pour rien. Confronté à cette affirmation lors de l'audience, M. Côté ne nie pas avoir tenu ces propos.
[45] En s'appuyant sur la preuve testimoniale à l'audience incluant les enregistrements audio tout comme la preuve documentaire rendant probable l'existence d'une construction d'une résidence neuve avec un entrepreneur général, en l'occurrence Bel-Avenir, le Tribunal confirme que le bâtiment résidentiel neuf de Mme Demers est assujetti au Règlement et devrait faire l'objet d'un certificat d'enregistrement émis par l'Administrateur. Il n'est pas suffisant, considérant la preuve au dossier, de conclure à un projet d'autoconstruction sur la base du paiement direct, par Mme Demers, des sous-traitants recommandés par l'entrepreneur général et dont les prix ont été également négociés par celui-ci dans son rôle, probable, de conseil, de supervision et/ou de surveillance. L'objectif du Plan de garantie est de couvrir les bâtiments résidentiels neufs dont la construction est justement sous la supervision ou la surveillance d'un entrepreneur général, comme en l'instance. C'était d'ailleurs, selon les enregistrements audio, la volonté des deux parties, soit Mme Demers et Bel-Avenir. Le Tribunal n'hésite également pas à justifier sa décision, à titre de motif additionnel, par l'application de la règle d'équité énoncée au Règlement. En fait, ne pas reconnaître l'assujettissement du bâtiment résidentiel neuf de Mme Demers irait à l'encontre des fins poursuivies par le Règlement. Vu les discussions entre les parties se retrouvant sur les enregistrements audio, ce que l'Administrateur n'avait pas au moment de prendre sa décision. En effet, cette règle prend toute sa signification lorsque, notamment, les deux parties au contrat d'entreprise convenu croient que le bâtiment résidentiel neuf en question doit faire l'objet de la protection du Plan de garantie.
[46] Considérant l'application de l'article 123 du Règlement et le fait que Mme Demers a eu gain de cause sur sa demande de réclamation portée en arbitrage, les coûts de celui-ci seront à la charge de l'Administrateur.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D'ARBITRAGE:
[47] ACCUEILLE la demande d'arbitrage de Mme Demers;
[48] ANNULE la décision de l'Administrateur refusant l'assujettissement au Règlement du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs;
[49] DÉCLARE que le bâtiment résidentiel neuf de Mme Demers est assujetti au Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et aurait dû faire l'objet d'un certificat d'enregistrement émis par l'Administrateur;
[50] CONDAMNE l'Administrateur aux coûts du présent arbitrage.
Québec, le 2 novembre 2015
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Me Reynald Poulin
Arbitre / Centre canadien d'arbitrage commercial (CCAC)