CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DOSSIER N°: S16-070601-NP
DATE : 20 juillet 2017
DEVANT L’ARBITRE Me PIERRE BOULANGER
ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
GAÉTAN CUSSON,
Bénéficiaire
c.
9232-7170 QUÉBEC INC. (HABITATIONS 360),
Entrepreneur
et
RAYMOND CHABOT ADMINISTRATEUR PROVISOIRE INC., ÈS-QUALITÉS
D’ADMINISTRATEUR PROVISOIRE DU PLAN DE GARANTIE ABRITAT INC.,
Administrateur de La Garantie
[1] Le bénéficiaire a déposé une demande d’arbitrage de la décision de l’administrateur rendue le 13 juin 2016. Ce qu’il y a de particulier, c’est que cette décision lui donne raison en concluant que les travaux aux planchers de bois flottant doivent être repris dans le respect des règles de l’art et des recommandations du fournisseur.
[2] Mais le bénéficiaire conteste la partie de la décision qui ordonne à l’entrepreneur de reprendre le travail, car il a perdu confiance. Il faut dire qu’une décision antérieure de l’administrateur rendue le 1er décembre 2015 avait déjà ordonné à l’entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs requis mais que ces travaux correctifs s’étaient montrés insuffisants et insatisfaisants.
[3] Il s’agit de l’unité de condominium [...] dans un logement de six unités à St-Jean-sur-Richelieu. Le contrat préliminaire d’achat est daté du 18 mars 2015. Le bénéficiaire a emménagé dans son unité à la fin mai 2015. Son avis à l’administrateur, où il est notamment question des planchers qui gondolent, est daté du 12 août 2015 (reçu le 15 août 2015).
[4] L’inspecteur Martin Bérubé inspecte les lieux le 1er octobre 2015 puis rend sa décision le 1er décembre 2015. Il y mentionne que le plancher est, de façon générale, en bon état, sans égratignures, mais que le problème se situe au niveau de la déflexion. Il conclut que l’intervention de l’entrepreneur est requise à la plupart des endroits problématiques indiqués par le bénéficiaire.
[5] Suite à cette décision, l’entrepreneur a fait faire des travaux correctifs, le 12 février 2016. Le plancher de bois flottant a été découpé et des moulures de transition en « T » ont été placées entre le plancher de bois flottant et le plancher de céramique à certains endroits dans l’unité. Selon monsieur Étienne Poitras, représentant de l’entrepreneur, il y a environ 700 pi2 de plancher de bois flottant et environ 500 pi2 de plancher de céramique dans cette unité. Il s’agissait de couper en bordure et d’installer des moulures de transition en « T », en remplacement des moulures en « L » initialement posées.
[6] Monsieur Étienne Poitras n’était pas personnellement présent sur les lieux lors des travaux de correction effectués le 12 février 2016. À l’audition, il a témoigné qu’il avait alors reçu un appel de son ouvrier lui rapportant que le client était insatisfait et les travaux de correction ont cessé. Il aurait fallu poser des moulures de transition de remplacement en « T », là où il y a de la céramique sur le plancher, incluant autour de la céramique de l’ilot central, mais cela n’a pu être complété à cause du comportement du client.
[7] De son côté, le bénéficiaire a témoigné que, le 12 février 2016, un certain Jean-Pascal est venu chez lui avec un ouvrier pour faire les travaux de correction sur le plancher de bois flottant. Il y avait de la poussière partout; le travail a duré environ deux à trois heures.
[8] Quoiqu’il en soit, insatisfait du résultat, le bénéficiaire s’est à nouveau adressé à l’administrateur par écrit, le 6 avril 2016 (avis reçu le 8 avril 2016), afin que le travail soit parachevé (pièce A-6).
[9] L’inspecteur Martin Bérubé est retourné faire une inspection supplémentaire le 5 mai 2016. Il a constaté que, bien que l’entrepreneur soit intervenu à certains endroits, la situation ne s’est pas réglée mais apparaît plutôt amplifiée. De plus, ajoute-il dans sa décision n°2 datée du 13 juin 2016, le plancher fut collé, contrairement aux recommandations du manufacturier.
[10] À l’audition, le bénéficiaire a fait entendre monsieur Sylvain Ouellette, un entrepreneur général de St-Jean-sur-Richelieu faisant affaires sous la raison sociale Construction Sylca. Sous la cote B-1, monsieur Ouellette a produit une « soumission budgétaire » faisant état des trois options suivantes :
a. Réparation des séparateurs du plancher ………………… 550.00$
b. Remplacement du plancher de bois flottant par un autre plancher de bois flottant …………………………….. 6,977.50$
c. Remplacement du plancher de bois flottant par un plancher en bois d’ingénierie ………………………………. 9,496.00$
Pour les scénarios « b. » et « c. » exposés ci-dessus, il faudrait aussi prévoir un budget de 2,500.00$ pour l’enlèvement et la remise en place des meubles et le ménage complet de l’unité de condo.
[11] Je comprends du témoignage de monsieur Ouellette que l’option « c. » représente une amélioration car le plancher en bois d’ingénierie est une qualité supérieure à celle d’un plancher de bois flottant. Je comprends aussi qu’il considère l’option « a. » satisfaisante pour le plancher actuel. Il s’agit notamment de refaire la bordure métallique en « T » séparant la céramique du plancher de l’entrée avant du plancher de bois flottant, de rapprocher certaines planches de bois pour rétrécir la fente près de l’ilot central et d’installer une moulure en « T » autour de la céramique du plancher sous l’ilot (en remplacement de la moulure en « L » toujours présente à cet endroit) et de corriger la moulure en « T » séparant le plancher de bois du plancher de céramique de l’entrée arrière.
[12] Présentement, tel que j’ai pu le constater lors de l’audition tenue chez le bénéficiaire, la céramique du plancher sous l’ilot central est effectivement ceinturée par une moulure en « L ». Cette moulure est esthétiquement plus jolie qu’une moulure en « T » mais je comprends des témoignages de messieurs Poitras, Ouellette et Bérubé qu’elle est surtout utilisée pour des planchers de bois d’ingénierie car elle ne laisse pas suffisamment d’espace pour l’expansion d’un plancher de bois flottant.
[13] Lors de son témoignage, monsieur Martin Bérubé a précisé que, lors de sa deuxième inspection, le problème se situait surtout autour de la céramique de l’ilot central, ainsi que près d’un cadrage d’une porte, là où le bois est coincé. Des réparations localisées suffiraient, là il y a manque de dégagement.
[14] Il faut aussi noter que monsieur Poitras a témoigné qu’il est disposé à compléter les travaux correctifs, ajoutant qu’il n’obtient pas la collaboration du bénéficiaire pour le faire.
[15] Enfin, je signale que mon examen des lieux m’a permis de voir que le plancher de bois flottant a belle apparence et que les problèmes de tassement et d’alignement semblent bien mineurs.
DISCUSSION
[16] Il s’agit de déterminer si le bénéficiaire peut, par voie d’arbitrage, obtenir une modification de la décision n°2 de l’administrateur (datée du 13 juin 2016).
[17] Il est bien reconnu que l’entrepreneur, suivant l’article 2099 du Code civil du Québec, a le libre choix des moyens d’exécution.[1] Il n’existe pas de lien de subordination entre l’entrepreneur et l’administrateur qui permettrait à ce dernier d’imposer une méthode d’exécution plutôt qu’une autre afin de corriger des défauts de construction. Il suffit qu’au final, le résultat soit conforme aux règles de l’art. Le bénéficiaire ne peut exiger que l’administrateur demande à un autre entrepreneur de faire le travail si l’entrepreneur est disposé à le faire.[2]
[18] Je signale que mon rôle en tant d’arbitre n’est pas de m’assurer que l’administrateur a choisi « la meilleure solution possible » mais simplement de m’assurer que la solution retenue est conforme.[3] Dans le présent cas, même l’entrepreneur produit par le bénéficiaire, monsieur Sylvain Ouellette, reconnaît que les travaux de correction proposés par l’entrepreneur et l’administrateur peuvent être adéquats. Dans les circonstances, je ne vois pas comment je pourrais m’autoriser à dire le contraire.
[19] Il demeure que le bénéficiaire a acheté une unité de condominium avec des planchers de bois flottant et qu’il ne peut espérer la même qualité de finition qu’un plancher de bois d’ingénierie.
[20] Au final, pour obtenir des travaux correctifs selon le plan de garantie, le bénéficiaire doit collaborer avec l’entrepreneur pour l’exécution des travaux, à moins que les parties conviennent plutôt d’une compensation monétaire.
POUR CES MOTIFS, L’ARBITRE SOUSSIGNÉ :
[21] REJETTE la demande d’arbitrage du bénéficiaire.
[22] MAINTIENT la décision de l’administrateur rendue le 13 juin 2016.
[23] Vu les articles 116 et 123 du règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, CONDAMNE le bénéficiaire au paiement des coûts d’arbitrage limités à 100.00$, le solde étant payable par l’administrateur.
Me PIERRE BOULANGER
Arbitre
M. Gaétan Cusson
Bénéficiaire
(assisté à l’audition par Mme Louise Philippe)
M. Étienne Poitras
Représentant de l’entrepreneur
Me Nancy Nantel
Pour l’administrateur de La Garantie
DATE D’AUDITION: 6 juin 2017
[1] Marleau et Morgentaler c. Trinité Construction et Garantie des maisons neuves de l’APCHQ, décision arbitrale du 27 juillet 2010 par l’arbitre Me Michel A. Jeanniot, CCAC S09-081201-NP; Tremblay et Rochefort c. Maison Laprise et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ (GMN), décision arbitrale de l’arbitre Me Jean Dallaire datée du 15 septembre 2011, CCAC S10-201201-NP; Donoso et Hernandez c. Grilli Samuel Ménard Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, décision arbitrale du 25 février 2013 par l’arbitre Me Philippe Patry, SORECONI: 111609003.
[2] Pierre et Gingras c. Construction Pentium 3395383 Canada Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, décision de l’article Claude Mérineau du 20 février 2006, SORECONI : 03101001.
[3] Construction Réal Landry Inc. c. Rae et Nutter et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., 2011 QCCA 1851.