ARBITRAGE
EN VERTU DU CERTIFICAT DE GARANTIE DES IMMEUBLES |
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ENTRE : |
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MADAME ANNE FAUCHON |
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(LA « BÉNÉFICIAIRE ») |
ET : |
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LA
GARANTIE DES IMMEUBLES RÉSIDENTIELS |
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(L’ « ADMINISTRATEUR ») |
ET : |
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CONSTRUCTION QUORUM INC. |
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(L’ « ENTREPRENEUR ») |
SENTENCE ARBITRALE |
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Arbitre : Comparution pour les bénéficiaires : Comparution pour l’administrateur : Comparution pour l’entrepreneur : Date d’audience : Lieu d’audience : Date de la sentence : Adjudex inc. 0507-8221-GAMM S/A 8014-05 |
Me Johanne Despatis Mme Anne Fauchon, bénéficiaire M. Pierre Rocheleau, conciliateur Aucune 26 octobre 2005 Montréal, Québec 14 novembre 2005 |
LE RECOURS
[1] Madame Anne Fauchon, la bénéficiaire, conteste la décision suivante rendue le 27 mai 2005 par la Garantie des immeubles résidentiels de l’APCHQ inc., l’administrateur :
« Nous constatons que le point qui suit a été dénoncé par écrit après l’échéance de la garantie portant sur les malfaçons cachées, dont la durée est de douze (12) mois à partir de la réception de l’unité résidentielle par le premier acheteur.
Par conséquent, nous devons statuer sur ce point uniquement dans le cadre de l’article [2.1.3] du certificat de garantie. Or, nous sommes d’avis que la situation observée ne comporte pas le niveau de gravité d’un vice de construction tel que défini audit certificat.
1. Interstices multiples à la parqueterie
Le propriétaire nous indique que, quelques mois après la réception de l’unité résidentielle, elle a remarqué que des interstices sont apparus sur toute la surface de la parqueterie, et ce, autant entre les carreaux qu ’entre certaines lamelles.
Elle confirme avoir négligé de s’occuper de ce problème, et ce, à cause d’une poursuite civile intentée contre l’entrepreneur, relativement au dossier de la plainte 1. »
[2] Construction Quorum inc., l’entrepreneur, a fait savoir dans les termes suivants qu’il n’avait pas l’intention d’être présent à l’audience :
« Nous vous faisons parvenir la présente, suite à l’appel conférence tenu ce matin, [...]
Tel qu’exposé lors dudit appel, nous comprenons que vous allez d’abord trancher la question de savoir si la demande écrite de Madame Fauchon a été efectuée dans les délais prévus dans la garantie. Par conséquent, la tenue de la prochaine audience n ’aura comme objet que de trancher la question mentionnée ci-devant.
Compte tenu de ce qui est mentionné au paragraphe précédent, notre cliente nous donne instructions de vous aviser que ni les procureurs soussignés ni les représentants de notre cliente ne se présenteront pour les fins de l’audience prévue soit le 26 octobre 2005 ou le 3 novembre 2005.
Cependant, nous désirons réitérer par la présente le désir de notre cliente de recevoir copie de la décision que vous rendrez prochainement sur la question de la prescription.
En dernier lieu, dans l’éventualité où les prétentions et les arguments de l’APCHQ ne sont pas retenus en arbitrage, sans admission aucune, nous réitérons par la présente que notre cliente désire procéder à une visite de l’immeuble de Madame Fauchon, en présence de leur expert, afin de faire faire un rapport d’expertise. »
II
LES FAITS
[3] La bénéficiaire a signé l’acte de vente de sa copropriété située au 4020 boulevard Des Sources à Dollard-des-Ormeaux le 17 septembre 2003. Il s’agissait d’une nouvelle propriété couverte par le Certificat de garantie des immeubles résidentiels de l’APCHQ, le Certificat de garantie.
[4] Au printemps 2004, elle constate la présence d’interstices à plusieurs endroits sur la surface de son plancher de parqueterie. Elle communique alors avec messieurs Jacques Héneault et Georges Dufour, gestionnaires de l’entrepreneur, qui lui ont dit de laisser passer l’été et que la situation allait se replacer d’elle-même.
[5] Or, raconte madame Fauchon, à l’automne 2004, le problème ne s’était non seulement pas amélioré mais il s’était plutôt aggravé.
[6] Poursuivant sa narration des faits, madame Fauchon raconte qu’à l’époque, elle avait intenté devant la Cour des petites créances une poursuite contre l’entrepreneur relativement à un autre problème et que ce dossier lui avait demandé beaucoup de temps.
[7] Ce n’est donc, raconte-t-elle, qu’après cette dernière cause, en novembre 2004, qu’elle s’est renseignée auprès de différentes personnes au sujet de l’état de son plancher. Selon ce qu’on lui avait dit, ce qu’elle avait observé était anormal. C’est donc dans ces circonstances qu’elle décide de dénoncer la situation à l’entrepreneur le 25 janvier 2005.
[8] Insatisfaite des interventions de l’entrepreneur, elle en avise l’administrateur le 1er mars 2005.
[9] Monsieur Pierre Rocheleau, conciliateur au service de l’administrateur, procède alors à l’inspection des lieux et présente son rapport le 27 mai suivant, rapport dont l’essentiel est reproduit plus haut.
[10] A l’audience, monsieur Rocheleau explique avoir jugé que le problème dénoncé par la bénéficiaire n’est pas à son avis un vice de construction d’une gravité telle qu’il pourrait « entrainer la perte de l’unité résidentielle » au sens du Certificat de garantie, opinion du reste partagée par madame Fauchon.
[11] De plus, monsieur Rocheleau explique avoir exclu que le plancher puisse être considéré comme affecté d’une malfaçon cachée au sens du Certificat de garantie au motif technique que le problème dont elle se plaint n’avait pas, à son avis, été dénoncé dans les délais stipulés au Certificat de garantie. Ce délai serait, selon lui, de douze mois suivant la réception de l’unité résidentielle, en l’occurrence ici, 12 mois du 17 septembre 2003, date de la réception.
III
ANALYSE ET DÉCISION
[12] Pour trancher le litige, il s’agit de voir si la bénéficiaire a dénoncé le problème à l’administrateur en conformité du Certificat de garantie dont les clauses pertinentes sont les suivantes :
2. Garantie de l'APCHQ
2.1 À défaut par l'entrepreneur de respecter ses obligations envers l'acheteur, l'APCHQ., dans le cadre de la Garantie des immeubles résidentiels de l'APCHQ, honorera les obligations de l'entrepreneur, résultant du contrat conclu pour la vente d’une unité résidentielle, mais exclusivement aux conditions et modalités stipulées ci-après :
[...]
2.1.2 L'APCHQ réparera les malfaçons existantes et dénoncées au moment de la réception de l'unité résidentielle, ainsi que les malfaçons cachées découvertes dans les douze (12) mois suivant la date de réception (telle que définie aux présentes) de l'unité résidentielle par le premier acheteur.
[...]
4. Obligations de l’acheteur
4.1 La présente garantie deviendra nulle et non avenue si l’acheteur néglige l’une quelconque des obligations qui suivent :
[...]
d) Pour les fins de la section 2 des présentes, [...] l’acheteur [...] s’engage à dénoncer à l’entrepreneur toute malfaçon cachées ou vice de construction apparu avant la date d’expiration de chacune des garanties et ce, par courrier recommandé et dans des délais raisonnables, compte tenu de la nature du défaut et des circonstances. Dans l’éventualité où l’entrepreneur ne remédie pas à la malfaçon cachée [...], l’acheteur [...] devra en aviser l’APCHQ par courrier recommandé au plus tard deux (2) mois après la dénonciation prévue au paragraphe précédent.
[13] En l’espèce, il est admis au départ que le problème, dénoncé par la bénéficiaire à l’entrepreneur le 25 janvier 2005, ne constitue pas un vice de construction au sens du paragraphe 2.1.3 du Certificat de garantie.
[14] Serait-il alors une malfaçon cachée au sens du Certificat de garantie ?
[15] La seule présence d’une malfaçon cachée n’est pas suffisante pour ouvrir droit à un recours. En effet, il ressort des clauses 2.1.2 et 4.1 d) du Certificat de garantie que la présence d’une malfaçon cachée que l’on soutient être couvert par le Certificat de garantie n’est pas suffisante puisque l’ouverture à un recours en faveur d’un bénéficiaire est aussi subordonnée à des conditions de temps et de forme. Il faut en plus que le problème qui constitue une malfaçon cachée soit découvert dans l’année suivant la date de réception de l'unité résidentielle et qu’il soit dénoncé de la façon et dans les délais prescrits à la clause 4.1 d).
[16] Selon cette dernière disposition, un bénéficiaire doit dénoncer par écrit ce problème à l’entrepreneur dans des délais raisonnables de sa découverte et ce compte tenu de la nature du défaut et des circonstances. Il doit en outre, si l’entrepreneur ne remédie pas au problème, en aviser l’administrateur par courrier recommandé au plus tard deux mois après la dénonciation à l’entrepreneur.
[17] Le délai de la clause 2.1 ne vise que la découverte et non la dénonciation. Celle-ci doit toutefois être faite dans un délai raisonnable. En l’espèce, l’administrateur n’a présenté aucun argument susceptible de m’amener à conclure que le délai entre la découverte et la dénonciation serait déraisonnable.
[18] La preuve non contredite révèle que la bénéficiaire a constaté pour la première fois l’apparition d’interstices à sa parqueterie au printemps 2004. Le problème a donc été découvert dans l’année suivant la réception de son unité résidentielle, réception qui a eu lieu selon la preuve le 17 septembre 2003.
[19] La bénéficiaire a raconté en avoir alors immédiatement avisé verbalement des représentants de l’entrepreneur qui lui auraient dit de laisser passer l’été, ce qu’elle a fait. Son témoignage n’a pas été contredit. C’est donc l’entrepreneur qui a lui-même suggéré à la bénéficiaire d’attendre. Ce serait inéquitable que le temps consenti dans ces circonstances devienne subitement un délai déraisonnable.
[20] Par la suite, la bénéficiaire a réalisé que contrairement à ce qu’on lui avait laissé entendre, le problème ne s’était pas amélioré rendu à l’automne. Elle a alors mentionné les circonstances qui expliqueraient pourquoi elle avait attendu janvier 2005 avant de dénoncer la situation par écrit. Elle était prise devant la Cour des petites créances, elle était à la recherche d’informations et il y avait la période des fêtes. Ces faits ne sont pas contredits.
[21] Par conséquent, le Tribunal conclut que la bénéficiaire a dénoncé à l’entrepreneur dans les délais raisonnables compte tenu des circonstances le problème allégué d’interstices anormales dans la parqueterie de son unité résidentielle.
[22] La bénéficiaire a par ailleurs saisi l’administrateur du problème à l’intérieur du délai prescrit, l’ayant fait le 1er mars 2005, i.e. moins de deux mois après sa dénonciation du 25 janvier à l’entrepreneur.
[23] Pour toutes ces raisons, et sans me prononcer autrement sur le bien fondé du recours, j ’infirme la décision de l’administrateur selon laquelle le problème allégué d’interstices multiples à la parqueterie de la bénéficiaire ne serait pas couvert par le Certificat de garantie parce qu’il n’aurait pas été dénoncé à l’intérieur de l’échéance de la garantie relative à la dénonciation des malfaçons cachées.
[24] Je retourne donc le dossier à l’administrateur pour qu’il se prononce d’ici le 31 décembre 2005 sur la question de savoir si la situation dénoncée constitue ou non une malfaçon cachée au sens du Certificat de garantie.
[25] A cette fin, je réserve les droits de la bénéficiaire, ou de l’entrepreneur le cas échéant, de contester en arbitrage en conformité des dispositions du Certificat de garantie, la décision qui sera rendue.
[26] Je réserve également le droit de la bénéficiaire et de l’entrepreneur de procéder, le cas échéant, à une expertise si la décision à venir de l’administrateur devait être contestée.
[27] Conformément aux dispositions du Certificat de garantie, je détermine que les coûts des présentes sont à la charge de l'administrateur.
Montréal, ce 14 novembre 2005
Johanne Despatis, avocate
Arbitre