ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : CCAC
ENTRE : LINDA BOUCHARD ;
(ci-après la « Bénéficiaire »)
C. : BISSON EXPERT ;
(ci-après l’« Entrepreneur »)
ET : RAYMOND CHABOT ADMINISTRATEUR PROVISOIRE INC. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. ;
(ci-après l’« Administrateur »)
Dossier CCAC : S18-103001-NP
Sentence arbitrale
Arbitre : Michel A. Jeanniot, CIArb
Pour la Bénéficiaire : Madame Linda Bouchard
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Éric Ducharme
Pour l’Administrateur : Me Nancy Nantel
Date de l’audition : 22 mai 2019
Date de la Décision : 6 août 2019
Identification complète des parties
Bénéficiaire : Madame Linda Bouchard
[...]
Trois-Rivières (Québec) [...]
Entrepreneur : Bisson Expert
5450, rue Ramsay
Longueuil (Québec) J3Y 2A4
Et son représentant :
Monsieur Éric Ducharme
Administrateur : Raymond Chabot administrateur provisoire Inc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.
7333, des Roseraies, bur. 300
Montréal (Québec) H1M 2X6
Et leur procureur :
Me Nancy Nantel
Contentieux des garanties
7333, des Roseraies, bur. 300
Montréal (Québec) H1M 2X6
L’arbitre a reçu son mandat de CCAC le 31 octobre 2018.
Extraits pertinents du Plumitif
30.10.2018 Réception par le greffe du CCAC de l’avis d’arbitrage de la Bénéficiaire ainsi que ses pièces jointes
31.10.2018 Transmission aux parties de la notification d’arbitrage et de la nomination de l’arbitre
29.11.2018 Réception du cahier de pièces de l’Administrateur et comparution du procureur
29.11.2018 LT aux parties : recherche de disponibilité pour fixer appel conférence préparatoire
05.12.2018 LT aux parties : confirmation date, heure et modalités de la conférence de gestion
12.12.2018 Conférence de gestion
16.01.2019 Conférence de gestion et transmission subséquente aux parties du procès-verbal
15.02.2019 Réception du rapport d’expert de l’Entrepreneur
18.02.2019 LT aux parties : confirmation des dates des 22-23 mai 2019 pour l’audience
15.05.2019 LT aux parties : confirmation du lieu et numéro de salle pour l’audience prévue les 22-23 mai 2019
22.05.2019 Audience en salle 2.12 du Palais de justice de Trois-Rivières
06.08.2019 Décision
Sentence arbitrale
Introduction
[1] Il s’agit d’une maison plain-pied / jumelé.
[2] La date de réception de la garantie reconduite est le 30 novembre 2015.
[3] La réception par l’Administrateur de la première réclamation écrite de la Bénéficiaire est le 9 mai 2018.
[4] L’inspection par le conciliateur du plan de garantie fut le 11 juillet 2018.
[5] La décision de l’Administrateur est datée du 1er octobre 2018.
[6] La demande d’arbitrage de la Bénéficiaire fut reçue par le greffe le 30 octobre 2018.
Éléments portés en arbitrage
[7] En ouverture d’enquête, diverses questions d’intendance ont permis un certain émondage avec la résultante que le seul point qui demeure en litige est une préoccupation par la Bénéficiaire à l’effet qu’au cours du mois d’avril 2018 (en 3e année de garantie reconduite), cette dernière constate que l’eau monte au niveau de la dalle de béton au sous-sol et que subsidiairement, la pompe submersible fonctionne à outrance causant constamment du bruit. Cette situation non seulement dérange, mais inquiète la Bénéficiaire.
[8] La Bénéficiaire aurait contacté un corps de métier qui aurait alors ouvert le drain de l’égout sanitaire afin que de l’eau s’évacue.
[9] L’Administrateur est d’opinion, inter alia, qu’il s’agit possiblement d’un désordre, mais et puisque ce désordre fut « découvert » dans les trois (3) ans qui suivent la réception du bâtiment et parce que l’Administrateur n’est pas en mesure d’établir que cette situation cause un déficit d’usage ou rend l’usage du bien impropre auquel il est destiné, il (l’Administrateur) rejette la demande de la Bénéficiaire à l’égard de ce point.
Sommaire des positions respectives
[10] Tel qu’il m’en est coutume, je ne reprendrai pas ici au long l’ensemble des points / arguments qui me furent soumis. Je me permettrai de me limiter aux éléments ginglymes de mon processus décisionnel.
Certains faits
[11] Au cours du mois d’avril 2018, la Bénéficiaire procède à faire faire une inspection de son drain (par l’Entrepreneur retenu par la Bénéficiaire) qui, on me suggère, démontre que plus ou moins la moitié du drain est libre d’eau, à tout le moins sur le mur arrière. Il semble, de plus, que le drain se sature en eau lorsqu’on se rapproche du mur de la façade soit vers son exécutoire, la fosse de retenue.
[12] Il est à noter que cette fosse de retenue ainsi que la pompe élévatoire sont localisées sous la chambre principale (la chambre à coucher) du rez-de-chaussée.
[13] Certaines photos de la Bénéficiaire sont à l’effet que l’eau jouxte le niveau supérieur de la dalle bien que lorsqu’est revu la vidéo de l’inspection (avril 2018), ceci semble démontré que le niveau est au minimum cinq (5) pouces sous ce niveau où selon le rapport « Coallier » pour la moitié du diamètre du drain de plus de trois (3) pouces d’épaisseur de dalle « dans le pire des cas ».
[14] Ce même rapport (« Coallier ») établi qu’en juillet 2018 et en février 2019, il n’y a pas d’apport d’eau dans la fosse de retenue. Le tuyau d’amené étant sec lors de cesdites inspections.
[15] Fait à noter qu’il s’agit ici d’un bâtiment dont la fondation a été refaite suite à la crise de pyrrhotite dans la région de Trois-Rivières et que ce bâtiment s’appuie sur une fondation avec accises entièrement refaites.
[16] Ces travaux ont fait l’objet d’une supervision par des chargés de projet de l’Administrateur (l’architecte Michel Pellerin de Trois-Rivières) et de l’opinion de tous, ceci laisse présumer que l’installation du drain était conforme au cahier des charges et qu’il n’y avait pas d’eau dans le fond d’excavation alors que les travaux s’opéraient.
[17] L’immeuble, selon toutes les informations disponibles (ainsi que les cartes déposées séance tenante), semble avoir été implanté non loin de la limite de la crue centenaire. Il appert que cette mention n’est pas inscrite au cahier des charges et n’a pas été prise en considération par ces derniers.
[18] L’expert Coallier est d’opinion qu’il y a possibilité que les inondations importantes du mois de mai 2017 puissent avoir modifié le niveau de la nappe souterraine créant ainsi une nappe d’eau perchée qui n’avait, de toute évidence, pu être considérée au cahier des charges. Il ne s’agit toutefois que d’une hypothèse.
[19] Tel que ci-haut repris, la Bénéficiaire se plaint, de plus, que la pompe submersible au bassin de captation située au-dessus de sa chambre à coucher fonctionne à outrance et qu’outre le bruit constant (considérant de plus qu’elle a une ouïe fine), non seulement dérange, mais inquiète.
[20] Selon l’expert Coallier, ceci ne s’explique que par deux (2) causes potentielles :
[20.1] Une nappe souterraine dont le niveau supérieur serait à près de six (6) pouces au-dessus du niveau supérieur du drain.
[20.2] Une pompe de relevage des eaux de la fosse de retenue dont l’ajustement automatique est maintenu très bas avec incidence sur la fréquence de fonctionnement.
[21] La vidéo précitée de la Bénéficiaire infirme le point [20.1] supra.
[22] Reste donc une question d’ajustement de la pompe.
[23] Selon le dossier de l’Administrateur, il accorde une première visite en 2011 (avec les propriétaires précédents du bâtiment). Aucune problématique au niveau du drainage n’avait été constatée à cette époque bien qu’il pouvait y avoir présence rougeâtre de dépôt dans le bassin.
[24] Lors d’une visite subséquente (alors que la Bénéficiaire était « la nouvelle propriétaire »), aurait été constaté que le niveau d’eau dans la fosse de retenue aurait eu des périodes où le niveau d’eau aurait été élevé puisqu’il y avait des traces de niveau beaucoup plus élevé à ce qui avait été antérieurement apparu (en raison de dépôts rougeâtres) et que ces traces se trouvaient presque en bordure du col du bassin. On me suggère que ces traces résultent soit d’un mauvais ajustement du niveau de la pompe ou d’un bris temporaire de la pompe.
[25] Avant le changement des fondations du bâtiment (infra [15] et [16]), l’information est à l’effet que l’eau s’évacuait vers les égouts pluviaux par le drain et que dans le cadre de la nouvelle règlementation qui est apparue lorsque les nouvelles fondations ont été posées, ceci est devenu interdit. L’eau devait alors être envoyée directement dans le bassin de captation lequel, par la suite, l’envoi vers la rue.
[26] De toute évidence, ceci a pu, de façon importante, augmenter l’apport d’eau dans le bassin de captation où se trouve la pompe.
[27] On me suggère, mais sans réelle preuve à l’appui, résurgence périodique locale d’eau captée entre les quatre (4) murs alors que, semble-t-il qu’à l’extérieur des murs, l’eau s’évacue par des systèmes qui sont planifiés.
Discussion
[28] Il y a plusieurs paramètres qui influencent la direction d’un trop-plein d’humidité. Il s’agit ici d’un bâtiment dit jumelé ce qui implique deux (2) « gestionnaires de la gestion » des eaux (à savoir la Bénéficiaire et le voisin « jumelé », i.e. le 175, rue Dion).
[29] La « possible » modification du niveau de la nappe phréatique est influencée par les conditions climatiques et toute information qui pourrait être communiquée avant le début des travaux, certes à son importance, mais toujours est-il que la preuve non contredite est à l’effet que les travaux ont été faits dans le respect des règles de l’art, supervisées par le donneur d’ouvrage et pour lesquels il n’y eut aucun correctif ni aucun commentaire.
[30] De toute évidence, les travaux ont bel et bien été exécutés sur plan et devis et selon les règles de l’art.
[31] Il m’appert qu’il est plus que tangible la réflexion à l’effet que la problématique est une question d’ajustement des (2) pompes puisque, et aussi curieux que cela puisse le sembler, j’accepte l’hypothèse que si la pompe de la Bénéficiaire est ajustée à un niveau plus bas de rabattements que celle de son voisin, il s’agirait d’une pompe qui opère à double fonction et qu’un ajustement de ces deux (2) pompes qui servent la même fondation de ce « jumelé » pourrait facilement résoudre le problème.
[32] Durant l’enquête et audition, il a été abordé avec la Bénéficiaire à savoir si elle s’était entretenue de la fréquence de mise en marche de sa pompe submersible (qu’elle considère problématique) avec les occupants voisins / jumelés. La réponse a été à l’effet que oui, ceci avait été abordé et que non, lesdits occupants n’avaient pas cru remarquer d’importante ou récurrente plage d’opération de « leur » pompe submersible.
[33] Ceci renforcit la thèse de l’Administrateur à l’effet que s’il y a deux (2) pompes qui doivent rabattre lorsqu’il y a un apport important et/ou trop-plein d’humidité et qu’une de ces deux pompes est ajustée à un niveau plus bas que « l’autre », il est plus que certain que dans une telle situation et à défaut d’un apport extraordinaire, une des deux pompes serait en marche / fonctionnement bien avant l’autre et si l’apport n’est pas trop important, sans jamais que l’autre s’active.
[34] Il s’agit d’une question d’utilisation et d’ajustement et que s’il doit y avoir un correctif, ce dernier doit être de concert avec l’unité voisine (i.e. le 175, rue Dion).
[35] Pour l’ensemble des motifs ci-haut repris et sur la foi de la preuve et des témoignages, pièces, correspondances et expertises déposées lors de l’audience et soumises pour mon appréciation, la demande de la Bénéficiaire ne peut être retenue et je me dois de :
[35.1] rejeter la demande d’arbitrage de la Bénéficiaire; et
[35.2] maintenir la décision de l’Administrateur.
[36] Je tiens à préciser que ma décision se situe à l’intérieur des paramètres dictés par le législateur dans le cadre du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et est donc sans préjudice et sous toute réserve du droit de la Bénéficiaire qui est sien de porter devant les tribunaux civils ses prétentions ainsi que de rechercher les correctifs qu’elle réclame, sujet bien entendu aux règles de droit commun, et la prescription civile.
[37] En vertu de l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et puisque la Bénéficiaire n’a eu gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, je me dois de départager les coûts de l’arbitrage entre la Bénéficiaire et l’Administrateur.
[38] En conséquence, les frais d’arbitrage aussi bien en droit qu’en équité suivants les articles 116 et 129 du Règlement seront partagés entre la Bénéficiaire pour la somme de 25,00 $ et l’Administrateur pour la balance du coût du présent arbitrage.
DÉCISION
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
REJETTE la demande d’arbitrage de la Bénéficiaire.
MAINTIENT la décision de l’Administrateur du 1er octobre 2018 sous la plume de Madame Anne Delage, T.P.
LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage à être départagé entre la Bénéficiaire pour la somme de 25,00 $ et la balance par l’Administrateur et avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.
RÉSERVE à Raymond Chabot administrateur provisoire Inc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. (l’Administrateur) ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur, pour tous travaux, toute(s) action(s) et toute somme versée incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par.19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et places, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.
Montréal, le 6 août 2019
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Michel A. Jeanniot, ClArb.