ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme
d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : CENTRE
CANADIEN D'ARBITRAGE COMMERCIAL
Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : CCAC
ENTRE : |
SYNDICAT DE LA COPROPRIÉTÉ DU 7906, 7906A, 7908 et 7910 RUE DROLET (ci-après « le Bénéficiaire ») |
|
HABITATIONS ESPACES LOGIQUES INC. (ci-après « L'Entrepreneur ») |
|
LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L'APCHQ (ci-après « L'Administrateur |
N° dossier CCAC : S08-150401-NP |
DÉCISION ARBITRALE
Date d'audience : Date de la décision : |
Le 9 juillet 2008 Le 29 juillet 2008 |
Identification complètes des parties |
|
Arbitre :
Bénéficiaire :
Entrepreneur :
Administrateur : |
Me Albert Zoltowski 1010, de la Gauchetière Ouest Bureau 950 Montréal (Québec) H3B 2N2
Syndicat de la Copropriété du 7906, 7906A, 7908 et 7910 rue Drolet a/s M. Jean-François Gamache 7910, rue Drolet Montréal (Québec) H2R 2C9
Habitations Espaces Logiques Inc. 165, rue Beaubien Est Montréal (Québec) H2S 1R3 A l'attention de Madame Sylvie Mercille
La garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l'APCHQ Inc. 5930, boul. Louis-H. Lafontaine Anjou (Québec) HIM 1S7 Et son procureur : Me Luc Séguin Savoie Fournier
|
Décision
|
|
Mandat :
L'arbitre a reçu son mandat du Centre Canadien d'arbitrage commercial le 26 mai 2008.
|
|
Historique du dossier :
|
|
Mai 2005 :
|
Début de la construction du bâtiment;
|
14 juin 2006 :
|
Contrat préliminaire et contrat de garantie (condominium) signés par Nathalie Vallières et Stavros Georgiou (unité 7906A rue Drolet);
|
21 novembre 2006 :
|
Contrat préliminaire et contrat de garantie (condominium) signés par Karim Picard (unité 7908, rue Drolet);
|
14 décembre 2006 :
|
Contrat de vente notarié entre l'Entrepreneur et Hervé Bescond et Marie-Claude Bujold (unité 7906, rue Drolet);
|
15 décembre 2006 :
|
Publication de la Déclaration de copropriété;
|
22 décembre 2006 :
|
Avis de fin des travaux des parties communes :
|
28 décembre 2006 :
|
Liste préétablie d'éléments à vérifier et réception des parties communes;
|
13 juin 2007 :
|
Première réunion du Syndicat des copropriétaires indépendant;
|
18 juin 2007 :
|
Lettre de Nathalie Vallières (condo 7906 A, rue Drolet) à l'Entrepreneur concernant le remplacement des 3 vitres extérieures;
|
27 août 2007 :
|
Lettre du Bénéficiaire à l'Entrepreneur;
|
7 décembre 2007 :
|
Avis de quinze (15) jours de l'Administrateur à l'Entrepreneur;
|
17 janvier 2008 :
|
Inspection effectuée par l'Administrateur (Robert Périnet, architecte);
|
17 mars 2008 :
|
Décision de l'Administrateur ; |
15 avril 2008 :
|
Demande d'arbitrage du Bénéficiaire; |
16 avril 2008 :
|
Notification de l'Administrateur de la demande d'arbitrage;
|
23 avril 2008 :
|
CCAC obtient le cahier des pièces de l'Administrateur; Nomination de l'Arbitre;
|
26 mai 2008 :
|
Audience préliminaire par conférence téléphonique. Décision interlocutoire de l'arbitre;
|
16 juin 2008 :
|
Lettre de l'arbitre au Bénéficiaire et à l'Entrepreneur les informant de la date de l'audience préliminaire par conférence téléphonique et de la date de l'audition;
|
19 juin 2008 :
|
Lettre de l'arbitre à l'Administrateur l'informant de la date de l'audience préliminaire par conférence téléphonique et de la date de l'audition;
|
20 juin 2008 :
|
Audience préliminaire par conférence téléphonique. |
20 juin 2008 :
|
Décision interlocutoire de l’arbitre ; |
9 juillet 2008 :
|
Audience. |
[1.] Juridiction et audience :
[1.1] Dans ma décision interlocutoire du 20 juin 2008, j'ai constaté que juridiction me fut acquise.
[1.2] L'audience eut lieu le 9 juillet 2008 à l'Hôtel Marriott Champlain situé au 1050, de la Gauchetière Ouest à Montréal, province de Québec et débuta à ou vers 10 h a.m.
[2.] Visite des lieux :
[2.1] Immédiatement avant l'audience, j'ai visité les parties communes du bâtiment en compagnie des représentants des parties et de leurs témoins, à l'exception du témoin de l'Entrepreneur, monsieur Raymond Brasseur, architecte, qui n'était pas présent.
[2.2] Lors de cette visite, j'ai également visité une partie de l'unité située au 7906A, rue Drolet (partie privative) afin d'examiner les fenêtres de la façade de cette unité (point n° 3 décrit ci-dessous).
[3.] Remarques préliminaires
[3.1] La demande d'arbitrage du Bénéficiaire résulte d'une décision de l'Administrateur datée du 17 mars 2008 sous la plume de monsieur Robert Périnet, inspecteur-conciliateur au Service d'inspection et de conciliation de l'Administrateur.
[3.2] Le Bénéficiaire porta en arbitrage les points 3, 4, 5, 6, 7 et 8 de la décision de l'Administrateur.
[3.3] Au début de l'audience, le représentant du Bénéficiaire, monsieur Jean-François Gamache, indiqua qu'à cause des travaux de réparation effectués par l'Entrepreneur au début de juin 2008, il se désistait du point n° 8 (Balcons et escaliers arrière et avant rouillés) et donc ce point ne sera plus soulevé dans ma décision.
[3.4] Les points 3 à 7 sur lesquels je dois me pencher sont intitulés dans la décision de l'Administrateur comme suit :
a) |
3. |
Fenêtres égratignées en façade de l'unité 7906A; |
b) |
4. |
Escalier arrière - taches de peinture; |
c) |
5. |
Compteur électrique - porte et serrure endommagées; |
d) |
6. |
Porte de l'unité 7906 endommagée; |
e) |
7. |
Taches de béton sur la terrasse de l'unité 7906A. |
[3.5] Dans sa décision, l'Administrateur rejeta la réclamation du Bénéficiaire fondée sur le contrat de garantie de l'APCHQ en ce qui concerne les points 3 à 7 au motif qu'il s'agissait de situations apparentes qui, contrairement aux exigences du contrat de garantie, n'ont pas été dénoncées par écrit au moment de la réception (page 4 de la décision de l'Administrateur).
[3.6] Dans la lettre accompagnant sa demande d'arbitrage, le Bénéficiaire contesta la décision de l'Administrateur comme suit :
« Le Syndicat est cependant d'avis que ladite réception des parties communes effectuée le 28 décembre 2006 ne peut être acceptée puisqu'elle a été faite en violation de l'article 25 du règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs. En effet, celle-ci a été réalisée par un professionnel engagé par l'entrepreneur sans qu'aucun des copropriétaires connus ne soit informé ou invité à participer et alors que le syndicat de copropriété était toujours sous le contrôle de l'Entrepreneur. »
[3.7] J'aborderai maintenant chacun de ces points séparément afin de faciliter la compréhension de ma décision.
[4.] Point n° 3 - Fenêtres éqratiqnées en façade de l'unité 7906A
Preuve du Bénéficiaire
[4.1] Monsieur Jean-François Gamache, l'unique témoin du Bénéficiaire rappelle que cette situation a été dénoncée à l'Entrepreneur pour la première fois dans la lettre qui lui fut adressée le 18 juin 2007 par madame Vallières (pièce A-8), avec copie à l'Administrateur.
[4.2] Les autres parties n'ont pas contre-interrogé le témoin.
Preuve de l'Entrepreneur
[4.3] Comme premier témoin de l'Entrepreneur, madame Sophie Mercille déclare qu'elle a accompagné monsieur Raymond Brasseur, architecte, lors de sa visite des parties communes le 28 décembre 2006 (réception des parties communes) et qu'elle n'a pas vu cette situation. Elle précise qu'ils n'ont pas visité l'intérieur des unités (parties privatives) du bâtiment, notamment l'unité 7906A. Elle conclut qu'à cette date, cette situation devait être inexistante.
[4.4] Elle ajoute que lors de la réception des parties privatives, madame Vallières, propriétaire de l'unité 7906A ne l'a pas mentionnée sur la Liste préétablie d'éléments à vérifier datée du 15 janvier 2007 (pièce E-11) ce qui, selon elle, signifie que même quelque dix-huit (18) jours après la réception des parties communes, soit le 15 janvier 2007 cette situation n'existait pas.
[4.5] Ensuite, ce fut le tour de monsieur Raymond Brasseur, architecte, à faire sa déposition comme le deuxième témoin de l'Entrepreneur. Il reconnut la Liste d'éléments à vérifier lors de l'inspection préréception et la Déclaration de réception des parties communes qu'il a signées le 28 décembre 2006.
[4.6] Monsieur Brasseur déclara qu'il ne se rappelait pas de l'inspection en question.
[4.7] Il déclare que le point n° 3 (Égratignures sur les fenêtres) et n° 4 (Escaliers arrière - taches de peinture) et le n° 7 (Taches de béton sur la terrasse de l'unité 7906A) étaient, selon lui, des situations d'ordre esthétique qu'il n'a pas mentionnées et qu'il ne mentionnerait pas sur la Liste d'éléments à vérifier ni sur la Déclaration de réception des parties communes du bâtiment même s'il les avait constatées lors de cette inspection. Il admet et confesse qu'il ne se rappelle pas s'il les avait constatées ou non lors de son inspection du 28 décembre 2006.
[4.8] Monsieur Brasseur dépose que, de façon générale, il ne considère pas les égratignures et les taches de peinture ou de ciment comme des défauts et conséquemment il ne mentionne pas de telles situations dans ses rapports d'inspection.
[4.9] Lors de son contre-interrogatoire par le Bénéficiaire, monsieur Brasseur précise que généralement, il mentionne dans ses rapports d'inspection, à titre d'exemple, des éléments brisés mais pas ceux de nature esthétique ou simplement corrective.
[4.10] Il confirme également qu'il a déjà conçu dans le passé des plans architecturaux pour l'Entrepreneur, y compris les plans du bâtiment faisant l'objet de cet arbitrage.
[4.11] En réinterrogatoire par l'Entrepreneur, monsieur Brasseur précise qu'il est membre de l'Ordre des architectes depuis trente (30) ans.
Preuve de l'Administrateur
[4.12] Ce fut ensuite au tour de monsieur Robert Périnet, architecte, de témoigner pour le compte de l'Administrateur. Monsieur Périnet, détenteur d'un baccalauréat en architecture depuis 1976 et d'une maîtrise en gestion de projets depuis 1978 oeuvra pendant 25 ans comme architecte dans son propre cabinet. Depuis 2007, il travaille à temps plein comme inspecteur conciliateur au service de l'Administrateur.
[4.13] II est l'auteur de la décision de l'Administrateur du 17 mars 2008.
[4.14] J'ai reconnu monsieur Périnet comme témoin-expert, sans que cette qualification soit contestée par le Bénéficiaire ou l'Entrepreneur.
[4.15] En ce qui concerne le point n° 3, monsieur Périnet admet volontiers que, malgré le fait que ces égratignures sur les fenêtres puissent être considérées comme apparentes, elles sont difficiles à cerner.
[4.16] En contre-interrogatoire par le Bénéficiaire, monsieur Périnet soutient que toutes les malfaçons et travaux de parachèvement doivent obligatoirement être inclus dans le rapport de l'inspection précédant la réception des parties communes.
[4.17] En contre-interrogatoire par l'Entrepreneur, il déclare ne pas être en mesure d'affirmer que ces égratignures existaient ou pas lors de l'inspection préréception du 28 décembre 2006.
Discussion concernant le point n° 3
[4.18] Lors de ma visite des lieux, j'ai pu constater que les égratignures sur les fenêtres de la façade de l'unité 7906A étaient, à toutes fins pratiques, invisibles de l'extérieur du bâtiment. Cette difficulté de les percevoir était évidente même lorsqu'on savait qu'elles se trouvaient sur ces fenêtres et qu'on s'efforçait de les localiser.
[4.19] Ces égratignures devenaient visibles seulement en regardant les fenêtres sous certains angles de l'intérieur de l'unité 7906A et particulièrement après un nettoyage des vitres de l'intérieur de l'appartement avec un produit prévu à cet effet.
[4.20] Il est facile de concevoir que madame Mercille ne les a pas vues lorsqu'elle a accompagné monsieur Raymond Brasseur lors de son inspection préréception du 28 décembre 2006, particulièrement en sachant que lors de cette inspection, ils n'ont pas visité les parties privatives du bâtiment, notamment l'intérieur de l'unité 7906A.
[4.21] Lors de sa plaidoirie, l'Entrepreneur a argumenté que ces égratignures auraient pu survenir lors de nettoyages des vitres de l'extérieur après la date de l'inspection préréception. Je ne peux cependant retenir cet argument en absence de toute preuve à ce sujet.
[4.22] Après avoir entendu et soupesé les témoignages et les plaidoiries des parties sur le point n° 3, je conclus sans grande difficulté que ce défaut constitue une malfaçon non apparente.
[4.23] Bien qu'il n'y ait eu aucune preuve présentée quant à la date exacte de la découverte de cette malfaçon, cette découverte a dû avoir lieu entre le 28 décembre 2006 et la date de sa dénonciation par madame Vallières dans sa lettre du 15 juin 2007 adressée à l'Entrepreneur (pièce A-8).
[4.24] Selon l'article 3.2 du contrat de garantie de l'APCHQ, les malfaçons existantes et non apparentes lors de la réception doivent être découvertes dans l'année qui suit la réception et être dénoncées par écrit à l'Entrepreneur et à l'Administrateur dans un délai raisonnable mais au plus tard six (6) mois après leur découverte.
[4.25] Selon la preuve, cette dénonciation a été effectuée pour la première (1ère) fois par lettre du 18 juin 2007 de madame Vallières à l'Entrepreneur avec copie à l'Administrateur, (pièce A-8) ce qui constitue, à mon avis, un délai raisonnable après la découverte.
[5.] Point n° 4 Escaliers arrière - taches de peinture
Point n° 5 Compteur électrique - porte et serrure endommagées
Point no 6 Porte de l’unité 7906 endommagée
Preuve du Bénéficiaire
[5.1] Dans son témoignage pour le Bénéficiaire, monsieur Gamache s'est concentré sur divers éléments qui, selon lui, invalidaient la réception des parties communes malgré la signature de la Déclaration de réception des parties communes par monsieur Raymond Brasseur, architecte, et madame Sophie Mercille pour le Syndicat et pour le Bénéficiaire, le 28 décembre 2006.
[5.2] Il a déclaré qu'il a signé son contrat préliminaire avec l'Entrepreneur pour sa propre unité (7910, rue Drolet) le 13 janvier 2007 et son contrat d'achat notarié, le 16 mai 2007.
[5.3] II n'a jamais reçu de l'Entrepreneur l'avis de la fin des travaux des parties communes, ni la Liste préétablie d'éléments à vérifier, ni la Déclaration de réception des parties communes avant que ces documents ne lui soient communiqués à l'automne 2007 dans le cadre de la réclamation du Bénéficiaire datée du 27 août 2007.
[5.4] En ce qui concerne la réception de ces deux documents (l'avis de la fin des travaux et la Liste préétablie avec la Déclaration de réception) par les autres copropriétaires, il admet ignorer toute les circonstances qui auraient pu l'entourer et ne soumet aucune preuve à ce sujet.
[5.5] Il déclare que jusqu'à la signature d'une nouvelle déclaration modificative (CIDREQ) concernant les nouveaux membres du Syndicat (le Bénéficiaire) le ou vers le 18 juin 2007 (plus ou moins une journée) le Bénéficiaire était contrôlé par l'Entrepreneur (plutôt que par les autres copropriétaires). Cette déclaration modificative devant être déposée au Registre des entreprises du Québec n'a pas été produite en preuve.
[5.6] II précise que la première réunion du « nouveau » Syndicat (le Bénéficiaire) regroupant les copropriétaires eut lieu entre le 5 et le 15 juin 2007 et que selon ce dont il se souvient, aucun document n'a été transmis par madame Sophie Mercille (qui représentait à l'époque le Bénéficiaire et l'Entrepreneur) aux autres copropriétaires; ni lors de cette « première » réunion ou par la suite, (à l'exception du projet de la déclaration modificative mentionné au paragraphe 5.5 ci-haut).
Preuve de l'Entrepreneur
[5.7] Le premier témoin de l'Entrepreneur, madame Sophie Mercille, se rappelle qu'elle a envoyé l'avis de la fin des travaux des parties communes le 22 décembre 2006 aux trois (3) futurs copropriétaires alors connus, le quatrième (4e) étant monsieur Gamache qui demeurait encore inconnu. Elle dépose des lettres de Postes Canada confirmant que deux (2) des futurs copropriétaires, Karim Picard et Nathalie Vallières, ont reçu l'avis de fin des travaux le 27 décembre 2006 dans l'avant-midi (pièces E-1 en liasse et E-2 en liasse) et que le troisième (3e) futur copropriétaire, madame Marie-Claude Bujold et monsieur Hervé Bescond, l'a reçu le 28 décembre 2006 dans l'avant-midi, c'est-à-dire le jour de la signature de la Déclaration de réception des parties communes par monsieur Brasseur (le professionnel choisi par le Syndicat alors sous le contrôle de l'Entrepreneur) et par madame Mercille (représentante du Syndicat et de l'Entrepreneur).
[5.8] Elle affirme qu'elle n'a reçu aucun avis ou autre communication des trois (3) futurs copropriétaires à l'effet qu'ils désiraient être présents lors de l'inspection préréception des parties communes.
[5.9] Elle confirme que jusqu'au 13 juin 2007, date à laquelle elle organisa, chez le notaire, une réunion des copropriétaires pour leur transférer le contrôle du Syndicat de copropriété (le Bénéficiaire) - elle était seule membre de son conseil d'administration.
[5.10] Elle explique que le 28 décembre 2006, l'Entrepreneur était encore le propriétaire enregistré de trois (3) (7906A, 7908 et 7910, rue Drolet) des quatre (4) unités de logement du bâtiment (pièces E-6, E-7, E-8 et E-9).
[5.11] Lors de son contre-interrogatoire par l'Administrateur, madame Mercille précise que les travaux de construction du bâtiment ont débuté en mai 2005.
[5.12] Lors du même contre-interrogatoire, elle confirme que la Déclaration de copropriété (onglet 1 du cahier de pièces émis par l'Administrateur) a été signée et publiée au Registre foncier.
[5.13] Ce que je retiens du témoignage du deuxième témoin de l'Entrepreneur, monsieur Raymond Brasseur, sur les points 4, 5 et 6 au sujet de son inspection est qu'elle a commencé vers 12 h 30 le 28 décembre 2006.
Preuve de l'Administrateur
[5.14] Monsieur Périnet, témoin-expert de l'Administrateur et auteur de la décision de l'Administrateur, précise que les points 4 à 6 constituent des malfaçons non seulement apparentes mais très apparentes.
[5.15] Il ajoute que celles qui étaient présentes au moment de l'inspection, auraient dû être notées dans le rapport d'inspection préréception du 28 décembre 2006 de monsieur Brasseur.
[5.16] Contre-interrogé par l'Entrepreneur, monsieur Périnet admet que toutes ces malfaçons auraient pu survenir après l'inspection du 28 décembre 2006. Selon moi, cette déclaration au sujet d'une possibilité seulement, plutôt que d'une probabilité, est loin d'être convaincante.
Arguments du Bénéficiaire
[5.17] Le Bénéficiaire, par l'intermédiaire de monsieur Gamache, plaide qu'il n'y a pas eu de réception valide des parties communes, selon la définition de l'expression « réception des parties communes » à l'Article 25 (telle qu'elle se lit à la date de la tenue de l'audience) du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs) (ci-après le « Règlement ») parce que :
a) monsieur Brasseur (le professionnel) était, dans les faits, retenu et payé par l'Entrepreneur;
b) aucun des futurs copropriétaires ne savait que l'inspection de monsieur Brasseur devait avoir lieu ou qu'elle a déjà eu lieu.
[5.18] Selon lui, cette inspection, aux termes de l'Article 25 du Règlement aurait dû être faite une fois que le Syndicat (le Bénéficiaire) se soit libéré du contrôle de l'Entrepreneur, ce qui fut accompli seulement après la réunion des copropriétaires au bureau du notaire, le 13 juin 2007, ou vers le 18 juin 2007 (plus ou moins un jour) lors de la signature de la déclaration modificative devant être déposée au Registre des entreprises du Québec.
[5.19] II conclut cette partie de sa plaidoirie en indiquant que le rapport d'inspection et la Déclaration de réception des parties communes de monsieur Brasseur étaient fort incomplets, car monsieur Brasseur a admis lui-même qu'il n'avait pas l'habitude d'y mentionner des travaux correctifs ou esthétiques.
[5.20] Par la suite, le Bénéficiaire ajouta un autre argument à l'appui de sa demande d'arbitrage. Il argumenta que la date de réception ne devait pas être le 28 décembre 2006, étant la date retenue par l'Administrateur dans sa décision, mais plutôt une date postérieure au 18 juin 2007 et qui devait être fondée sur la définition de réception présumée à l'Article 25.1 du Règlement.
Arquments de l'Administrateur
[5.21] Me Luc Séguin, au nom de l'Administrateur, plaida que pour décider de la validité de la réception des parties communes, il faut référer à la définition de l'expression « réception des parties communes » telle qu'elle apparaît au contrat de garantie signé par les copropriétaires du bâtiment (pièces E-4, E-5 et E-10) et telle qu'elle apparaissait à l'Article 25 du Règlement avant sa modification par le Décret 39-2006 du 25 janvier 2006[1]
[5.22] Cette définition, dans le contrat de garantie, se lit comme suit :
« 1. DÉFINITIONS
Pour l'application de la présente sous-section, à moins que le contexte n'indique un sens différent, les mots ou expressions suivants signifient :
(…)
Réception des parties communes : l'acte par lequel un professionnel du bâtiment choisi par le syndicat de copropriétaires déclare la date de la fin des travaux des parties communes. Cette déclaration s'effectue à la suite de la réception d'un avis de fin des travaux expédié par l'entrepreneur à chaque bénéficiaire connu et au syndicat de copropriétaires. »
(…)
[5.23] Selon Me Séguin, monsieur Brasseur était un professionnel du bâtiment dûment choisi par le Syndicat des copropriétaires (le Bénéficiaire) car le 28 décembre 2006, madame Sophie Mercille était, selon l'Article 2 de la Déclaration de copropriété, l'unique membre du conseil d'administration du Syndicat (le Bénéficiaire) et elle avait le droit de le désigner.
[5.24] L'Article 2 intitulé « Définitions » de la Déclaration de copropriété définit l'expression « Conseil d'administration » et « copropriétaire » comme suit :
« Conseil d'administration : Jusqu'à l'élection d'un conseil d'administration par l'assemblée des copropriétaires, l'expression « conseil d'administration » désigne madame Sophie MERCILLE.
Copropriétaire, chaque copropriétaire, chacun des copropriétaires : Personne ou groupe de personnes qui détiennent collectivement le droit de propriété d'une fraction. L'utilisation des expressions « chaque copropriétaire » ou « chacun des copropriétaires » dans le présent acte ne doit pas entraîner une disproportion des droits ou d'obligations entre un copropriétaire unique d'une fraction et un groupe de personnes détenant collectivement la propriété d'une fraction »
[5.25] De plus, selon Me Séguin, la preuve déposée au dossier (pièces E-1, E1.1, E-2, E-2.1, E-3 et E3.1) démontre que l'avis de fin des travaux a été reçu avant l'inspection préréception par chacun des trois (3) futurs copropriétaires alors connus.
[5.26] Conséquemment, selon Me Séguin, toutes les formalités de « réception des parties communes » ont été remplies et ce, conformément à l'Article 6.2 du contrat de garantie et de l'ancien Article 25 du Règlement qui s'appliquait au bâtiment sous étude dont les travaux de construction ont débuté avant le 7 août 2006, soit en mai 2005.
[5.27] Me Luc Séguin ajouta qu'on ne doit pas faire référence à l'Article 25.1 du Règlement qui traite d'une réception présumée car une réception des parties communes réelle a eu lieu aux termes de l'ancien Article 25 du Règlement.
Arguments de l'Entrepreneur
[5.28] Les arguments de l'Entrepreneur sur cette question peuvent être résumés comme suit :
a) L'Entrepreneur ainsi que madame Mercille personnellement, se sont conformés scrupuleusement à toutes les exigences du contrat de garantie et du Règlement pour que la réception des parties communes soit valable selon le texte de la définition que nous avons lu précédemment;
b) Au moment de la réception des parties communes, madame Mercille personnellement ne représentait pas uniquement
l'Entrepreneur mais également le Syndicat des copropriétaires (le Bénéficiaire) car, à cette date (le 28 décembre 2006) l'Entrepreneur était encore propriétaire de trois (3) des quatre (4) unités dans ce bâtiment, malgré la signature de contrats préliminaires quant à deux (2) de ces (3) unités;
c) En tant que représentante du Syndicat, madame Mercille a toujours agi de bonne foi et protégeait les intérêts des futurs copropriétaires.
[5.29] Elle souligne également qu'elle n'a pas vu les défauts énumérés aux points 4 à 6 qui, selon elle, ont dû survenir après l'inspection préréception du 28 décembre 2006.
Discussion et décisions sur les points 4 à 6
[5.30] Selon mon interprétation du Règlement, je dois en premier lieu, examiner si tous les éléments prévus dans la définition de l'expression « réception des parties communes » de l'ancien Article 25 qui prévaut pour les bâtiments dont la construction a commencé avant le 7 août 2006 (ce qui est notre cas) sont présents selon la preuve devant moi. Ce n'est seulement que si je conclus que tous les éléments de cette définition n'ont pas été prouvés que je peux tenter de trouver une autre date avec l'aide de la définition de réception présumée prévue à l'Article 25.2 du Règlement.
[5.31] Dans sa décision, l'Administrateur a décidé que la réception des parties communes a eu lieu le 28 décembre 2006.
[5.32] Pour me convaincre que cette réception n'était pas valable, le Bénéficiaire avait le fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que certains éléments de fait inclus dans la définition de « réception des parties communes » de l'ancien Article 25 du Règlement n'ont pas eut lieu.
[5.33] Le Bénéficiaire ne s'est pas déchargé de son fardeau car il ne m'a soumis aucune preuve quant à l'absence d'une réception valable de l'avis de la fin des travaux par les trois (3) copropriétaires connus en date du 28 décembre 2006. Le quatrième (4e) futur copropriétaire était monsieur Gamache lui-même mais il n'y a aucune preuve au dossier que le 28 décembre 2006, l'Entrepreneur connaissait son identité.
[5.34] J'accepte l'argument de l'Administrateur à l'effet que toutes les exigences de réception des parties communes selon l'ancien Article 25 du Règlement et des articles 1 et 6 du contrat de garantie
ont été observées et que, par conséquent, la Déclaration de réception des parties communes signée par monsieur Brasseur le 28 décembre 2006 ne pouvait pas être écartée à cause du non-respect de ces formalités
[5.35] Considérant ce qui ci-haut précède, je n'ai plus besoin de m'attarder quant à la date d'une réception présumée prévue à l'Article 25.1 du Règlement.
[5.36] Ayant conclu que la réception des parties communes du 28 décembre 2006 a été conforme au Règlement et au contrat de garantie, je n'ai pas de raison de modifier la décision de l'Administrateur sur les points 4, 5 et 6.
[6.] Point n° 7 - Taches de béton sur la terrasse de l'unité 7906A
[6.1] Lors de son témoignage, monsieur Périnet qualifia les taches de béton sur la terrasse de l'unité 7906A comme des situations apparentes mais ajouta qu'elles sont exclues du plan de garantie selon le paraghe 9 de l'Article 29 du Règlement (« ouvrage situé à l'extérieur du bâtiment »).
[6.2] À l'étape de la plaidoirie, Me Séguin, représentant l'Administrateur, référa à la déclaration de son témoin, monsieur Périnet, et me demanda de rejeter la demande d'arbitrage du Bénéficiaire sur le point n° 7 à cause de son exclusion du plan de garantie aux termes de l'article 29, paragraphe 9 du Règlement et de l'Article 4.9 du contrat de garantie.
[6.3] Lors de ma visite des lieux, j'ai pu constater que la terrasse en question est en dessous du niveau du sol, qu'elle est construite de pavés unis et qu'elle se trouve à l'extérieur de l'unité 7906A, sans amalgame permettant union, alliance ou confusion utile avec le bâtiment.
[6.4] Le Bénéficiaire n'offrit aucune preuve additionnelle et aucun argument à l'étape de la plaidoirie pour contrer la déclaration de monsieur Périnet et l'argument de Me Luc Séguin.
[6.5] Sur la foi de mes constats (Supra [6.3]) je conclus que cette terrasse est effectivement un ouvrage à l'extérieur du bâtiment et les taches qui s'y trouvent ne sont pas couvertes par le plan de garantie.
[6.6] Conséquemment, la demande d'arbitrage du Bénéficiaire en ce qui concerne le point n° 7 est rejetée.
[7.] Conclusion :
[7.1] Je confirme que ce Tribunal d'arbitrage a été créé par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs pour en assurer l'application. II ne peut décider d'un litige qui relève de l'application d'autres lois même s'il peut penser que d'autres lois pourraient s'appliquer au présent litige.
[7.2] La Loi sur les bâtiments et le Règlement ne contiennent pas de clause privative complète. L'arbitre a compétence exclusive. Sa décision lie les parties et elle est finale et sans appel[2].
[7.3] L'arbitre doit statuer conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient[3].
[7.4] À titre d'arbitre désigné, le soussigné est autorisé par la Régie à trancher tout différend découlant des plans de garantie[4]. Bien que ceci inclut toute question de faits, de droit et de procédure, les éléments de la présente décision doivent prendre souche dans le texte du Règlement ou le plan de garantie.
[7.5] En vertu de l'article 123 du Règlement, puisque le Bénéficiaire est le demandeur et qu'il a eu gain de cause sur une partie des aspects de sa réclamation, les coûts d'arbitrage sont à la charge de l'Administrateur. Il n'y a aucune raison de statuer sur les frais d'expertises pertinentes étant donné que ni le Bénéficiaire, ni l'Entrepreneur n'ont eu recours à un expert.
POUR LES MOTIFS MENTIONNÉS CI-HAUT, LE TRIBUNAL D'ARBITRAGE :
ACCUEILLE la demande d'arbitrage du Bénéficiaire quant au point n° 3 intitulé « Fenêtres égratignées en façade de l'unité 7906A » de la décision de l'Administrateur du 17 mars 2008 sous la plume de monsieur Robert Rérinet, architecte, inspecteur-conciliateur;
ANNULE la décision précitée de l'Administrateur quant au point n° 3 intitulé « Fenêtres égratignées en façade de l'unité 7906A »;
MAINTIENT la décision précitée de l'Administrateur quant au point 4 intitulé « Escaliers arrière - taches de peinture », point n° 5 « Compteur électrique - porte et serrure endommagées » et point n° 6 « Porte de l'unité 7906 endommagée »;
MAINTIENT la partie de la décision précitée de l'Administrateur concernant le point n° 7 intitulé « Taches de béton sur la terrasse de l'unité 7906 » qui traite du refus de l'Administrateur d'intervenir sur ce point mais annule le motif invoqué par l'Administrateur à l'appui de sa décision sur ce point;
LE TOUT avec frais à la charge de l'Administrateur sauf quant aux dépenses effectuées par chacune des parties pour la tenue de l'arbitrage qui doivent supportés par chacune d'elles.
Montréal, le 29 juillet 2008
|
|
Me ALBERT ZOLTOWSKI
Arbitre / Centre canadien d'arbitrage commercial (CCAC)
JURISPRUDENCE DÉPOSÉE :
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et autres, C.A., 5 décembre 2004 (n° 500-09-013349-039)
[1] Gazette officielle du Québec, partie 2, 8 février 2006, no 6, page 994:
[2] Articles 106 et 120 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[3] Article 116 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[4] Article 83.1 de la Loi sur le bâtiment, L.R.Q., c. B-11.1.