ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs

                     (Décret 841-98 du 17 juin 1998)                     

 

CANADA

 

Province du Québec

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC)

No dossier Garantie :

AB-22-012.1MT

No dossier CCAC : No dossier Arbitre :

S22-121401-NP 308944-04

 

Entre

 

SYNDICAT DE LA COPROPRIÉTÉ OXYGÈNE PHASE 1,

Bénéficiaires

 

Et

 

HUDSON SIX INC. (anciennement K.F. Construction) et GESTION MAKA INC. (anciennement Projet Oxygène inc.)

Entrepreneur

 

Et

 

LA GARANTIE ABRITAT INC. (Raymond Chabot Administrateur provisoire inc. es qualité)

Administrateur de La Garantie

 

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

Arbitre :

 

 

Me Pierre Champagne

Pour les bénéficiaires :

Me Sylvie Vanasse

Pour l’entrepreneur :

Me Serge Fournier (absent pour Hudson six)

 

 

 


 

 

Pour l’administrateur :

Me Martin Thibeault

Date(s) d’audience :

22 août 2023

Lieu d’audience :

Montréal

Date de la décision :

23 janvier 2024

 

 

 

[1]                Il s’agit d’une demande d’arbitrage pour réviser une décision de l’Administrateur, conformément, semble-t-il, à l’article 35 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.1

[2]                Suite à des travaux de construction d’un projet d’unités de copropriété, au nombre de 24, qui chevauchent les années 2014, 2015 et 2016, le Syndicat Bénéficiaire exprime son mécontentement dans un courriel du 22 juin 2022, qui donne lieu à une réponse de l’Administrateur par l’intermédiaire de ses avocats, représentés par Me Martin Thibeault, en date du 8 décembre 2022, puis d’une demande d’arbitrage contenue à la lettre de Me Sylvie Vanasse du 14 décembre 2022. Cet Arbitrage est maintenant devant le soussigné pour adjudication.

 

[3]                Si pour le Tribunal, la forme doit toujours servir le droit, et non l’inverse, force est de constater que dans le présent cas, d’un côté comme de l’autre, les parties se sont exprimées dans des écrits qui n’étaient pas nécessairement des « formulaires » prévus au Règlement.

 

[4]                Tout d’abord, la présente demande d’arbitrage est fondée sur une décision de l’Administrateur, constituée d’une lettre de son avocat, Me Martin Thibeault, en date du 8 décembre 2022. Habituellement, une demande formelle est déposée auprès de l’Administrateur, puis une décision est rendue par l’Administrateur (le conciliateur), suivie d’une demande d’arbitrage selon l’article 35 du Règlement.

 

[5]                Ici, le dossier n’a jamais été soumis à un conciliateur puisque sur le plan juridique, l’Administrateur a conclu que la demande n’était pas admissible.

 

[6]                En effet, la réclamation étant fondée sur la garantie de cinq (5) ans sous 2118 C.c.Q., la fin des travaux apparaissant comme le 9 juin 2016 au dossier de l’Administrateur (pièce A-5), cette réclamation découverte après le 9 juin 2021, dénoncée le 22 juin 2022, était irrecevable, à sa face même; du moins selon l’Administrateur.

 


1 Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, Ch.B-1.1, R.8.; Loi sur le bâtiment

(Ch. B-1.1, A.185 et 192).


 

[7]                Le Tribunal considère que la lettre de Me Martin Thibeault, datée du 8 décembre 2022, constitue la décision de l’Administrateur refusant l’admissibilité de la réclamation du Syndicat bénéficiaire. Les parties n’ont nullement plaidé ce point précis mais le Tribunal croit utile de le mentionner.

 

[8]                Quant à la demande de révision comme telle, le procureur de l’Administrateur a d’abord plaidé, lors de l’audition, que le courriel du Syndicat Bénéficiaire du 22 juin 2022 ne constituait pas une dénonciation écrite, selon l’article 34(1) du Règlement. Par contre, la lettre de Me Sylvie Vanasse, procureure du Syndicat Bénéficiaire, en date du 28 juin suivant constituait, elle, une dénonciation valable et conforme.

 

[9]                Que ladite demande ait été déposée le 22 juin ou le 28 juin 2022 ne change rien quant à l’écoulement de certains délais et cette différence de date n’affecte nullement les droits du Syndicat Bénéficiaire, mais étant donné qu’on en a quand même discuté, le Tribunal croit utile de mentionner le fait que le courriel du Syndicat Bénéficiaire du 22 juin 2022 constitue bel et bien la dénonciation requise par le Règlement.

 

[10]           Dans un courriel du 23 juin 20222, l’Adjointe à la direction générale de Garantie Abritat (l’Administrateur) écrit :

 

« Voici une nouvelle demande de réclamation reçue par Jocelyn Renaud, chez RCGT. »

 

[11]           Dans la décision de l’Administrateur (la lettre de Me Thibeault du 8 décembre 2022), ce dernier s’exprime ainsi :

 

« Considérant que la Garantie n’a pas reçu la dénonciation écrite de votre cliente que le 22 juin 2022, tel que le prescrit l’article 34(1) du Règlement en vigueur, dont une copie est ci-jointe; et » (…)

 

[12]           Puis, plus loin, il ajoute :

 

« En conséquence, nous vous informons qu’étant donné que la dénonciation de votre cliente n’a été faite par écrit à l’Entrepreneur, KF Construction Inc., et à l’administrateur du plan de garantie que le 22 juin 2022 conformément au Règlement en vigueur, notre cliente ne peut pas donner suite à la demande de réclamation de votre cliente car, le plan de garantie est sans équivoque expiré depuis le 9 juin 2021 et, sans admission de quoi que ce soit et/ou admission de l’application de la décision arbitrale de Me Karine Poulin sur l’interruption de la prescription du plan de garantie pour une supposé(sic) période de 7 mois, le délai du plan de garantie ne serait prolongé que jusqu’au 9 janvier 2022 ».


2 Voir pièce A-2, page 12


 

[13]           L’Administrateur considère donc que le 22 juin 2022, une « réclamation de garantie » a bel et bien été déposée par le Syndicat Bénéficiaire. Le Tribunal en fera tout autant.

 

[14]           Ceci étant exposé, les deux questions principales soulevées dans le présent dossier sont les suivantes :

 

A)           La date de la fin des travaux, pour établir la durée de la garantie de cinq (5) ans de 2118 C.c.Q. et sa date d’expiration; donc la question de savoir si la réclamation est couverte par le Plan de garantie; et

B)           La version du Règlement applicable quant au délai de dénonciation de l’article 27-5o du Règlement, pour déterminer si ce délai est soit un délai raisonnable d’un maximum de six (6) mois de la découverte du vice, tel que le prévoyait le Règlement avant le 1er janvier 2015, ou simplement un « délai raisonnable », qui reste à déterminer mais qui serait sans doute plus long, suite à l’amendement entré en vigueur le 1er janvier 2015, ayant retranché le délai maximum de six (6) mois pour ne conserver que la notion de « délai raisonnable ».

 

LA DATE DE LA FIN DES TRAVAUX

 

[15]           Pour le Bénéficiaire, les pièces B-1 à B-4 ont été produites le 8 juin 2023. Le cahier de pièces émis par l’Administrateur, le 14 février 2023, contient les pièces A-1 à A-6.

 

[16]           Par la suite, en date du 15 août 2023, l’Administrateur a produit, en liasse, des avis de fin des travaux des parties communes du bâtiment et accusés réception sous la cote A-5.1.

 

[17]           Est également inclus sous cette cote A-5.1, en page 26, le document d’Abritat intitulé : « Validation d’ouverture de phase condominium », daté du 5 décembre 2014, et aux pages 27 et suivantes le « RAPPORT D’ÉTAT D’IMMEUBLE pour la réception des parties communes du bâtiment », préparé par St-Pierre & Associés en date du 16 septembre 2016.

 

[18]           La pièce de l’Administrateur A-7, produite à l’audition, est un rapport informatisé appelé « Liste des bâtiments enregistrés par une entreprise », relatant principalement le nombre et la date d’enregistrement des unités, comprenant 24 parties privatives et 1 partie commune.

 

[19]           Suite à l’audition, le procureur de l’Administrateur a également produit, en liasse, plusieurs contrats préliminaires, dont certains datent de 2014.

 

[20]           Selon la preuve à l’audition, incluant la pièce A-5, la pièce A-5.1, le témoignage de Monsieur Jacques Laliberté pour l’Administrateur, et le témoignage de Monsieur


 

Daniel Hogue et de Madame Gladys Munoz pour le Syndicat, le Tribunal n’a aucune hésitation à conclure ce qui suit :

 

A)           La date d’enregistrement du projet auprès du Plan de garantie est le 10 décembre 2014;

B)           Le permis de construction a été émis en septembre 2014;

C)           Les travaux de construction ont commencé en 2014, la date de mise en chantier selon la page 26 de la pièce A-5.1 étant le 1er novembre 2014.

D)           Des contrats préliminaires ont également été signés en 2014.

 

[21]           Le paragraphe 6è de l’Annexe II du Règlement édicte que l’entrepreneur doit enregistrer tout bâtiment à construire selon la première des éventualités suivantes :

A)           À la signature du contrat préliminaire ou d’entreprise;

B)           À la délivrance du permis de construction;

C)           Au début des travaux de construction du bâtiment visé.

 

[22]           Tous les points de rattachement ci-haut mentionnés font en sorte que ce projet est assurément soumis au plan de garantie tel qu’il existait avant le 1er janvier 2015. En d’autres termes et à tout le moins sur le plan du droit substantif, ce projet était soumis au Règlement avant l’amendement entré en vigueur le 1er janvier 2015.

[23]           La preuve de l’Administrateur est principalement documentaire, mais elle est forte, convaincante et pertinente.

 

[24]           L’avis de fin de travaux des parties communes du bâtiment, sur formulaire Abritat (pièce A-5.1, page 1), fait état qu’en date du 9 juin 2016, « tous les travaux relatifs aux parties communes du bâtiment sont exécutés, à l’exception de certains menus travaux y mentionnés. »

 

[25]           Cet avis de fin des travaux, dont plusieurs copropriétaires ont accusé réception, comme le révèlent les pages 2 à 26 de la pièce A-5.1, constitue exactement cela :

« un avis de fin des travaux ».

 

[26]           La fin des travaux en tant que telle est une question de faits3, déterminée en droit par le Tribunal, selon les circonstances, et non par l’entrepreneur. Cet avis de fin des travaux ne constitue donc pas une preuve irréfutable de fin des travaux, bien qu’il constitue l’opinion de l’entrepreneur à cet effet.

 

 


3 Louis Payette, Les sûretés réelles dans le code civil du Québec, 6ème éd., éd. Yvon Blais, Montréal, 2022, no. : 1500, p. 780


 

[27]           Le document A-5.1, bien qu’il soit important, ne constitue qu’un avis. Par ailleurs certaines stipulations pourraient laisser croire qu’il appartient au Syndicat de déclarer la fin des travaux. En effet, la pièce A-5.1 se lit en partie comme suit :

 

« À L’INTENTION DU SYNDICAT DE COPROPRIÉTAIRES

 

Dans la mesure le syndicat des copropriétaires n’est plus sous contrôle de l’entrepreneur et que la réception des parties communes du bâtiment n’est pas intervenue, le syndicat a l’obligation de mandater un professionnel du bâtiment (un ingénieur, un architecte ou un technologue), afin qu’il déclare la fin des travaux des parties communes et procède à la réception des parties communes.

 

Pour ce faire, une inspection devra être effectuée conjointement avec l’entrepreneur, le professionnel du bâtiment et le syndicat. Vous noterez que les garanties de 1 an (malfaçons) et 3 ans (vices cachées) débutent à la réception des parties communes. Quant à la garantie de 5 ans (vices de construction), elle débute à la fin des travaux des parties communes.

 

Il est important de faire procéder à cette réception puisque, conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, la réception des parties communes est présumée avoir eu lieu au plus tard six (6) mois après la réception du présent avis de fin des travaux, si les quatre (4) conditions suivantes sont remplies :

 

1)     Les travaux relatifs aux parties communes sont terminés;

2)     Le syndicat est formé et n’est plus sous le contrôle de l’entrepreneur;

3)     L’avis de fin des travaux transmis au syndicat par l’entrepreneur l’informait de la fin des travaux et de ses obligations au regard de la réception;

4)     Il s’est écoulé un délai de 6 mois depuis la réception de cet avis par le syndicat et ce dernier, sans motif, n’a pas reçu les parties communes ».

(nos soulignés)

 

[28]           La réelle fin des travaux n’est pas tributaire de cette déclaration par le syndicat. C’est une question de faits que le Tribunal apprécie en fonction des circonstances.

 

[29]           Il faut aussi prendre en compte que celui qui allègue la fin des travaux a le fardeau d’en faire la preuve.4

 


4 Louis Payette, Les sûretés réelles dans le code civil du Québec, 6ème éd., éd. Yvon Blais, Montréal, 2022, no. : 1499, p. 778


 

[30]           De son côté, le Syndicat Bénéficiaire produit un rapport d’état d’immeuble, préparé par l’Entrepreneur Projet Oxygène Inc., en date du 24 novembre 2016.5 La procureure du Syndicat Bénéficiaire mentionne plus particulièrement les points 21, 24, 25 et 39 dudit rapport du 24 novembre 2016.

 

[31]           Il n’y a pas de doute qu’à cette date, plusieurs copropriétaires occupent déjà l’immeuble, mais la question demeure, quant à savoir si la fin des travaux est survenue.

 

[32]           Selon le point 25 dudit rapport d’Oxygène (A-6), le prolongement et l’achèvement de la construction des évents de toit serait toujours en cours, à cette date. L’installation de certains détecteurs de monoxyde de carbone (point 39, pièce A-6), préoccupe le Tribunal. Il s’agit d’un élément important.

 

[33]           Malgré tout, il ressort de l’ensemble de la preuve, et du témoignage du représentant du Syndicat Bénéficiaire, Monsieur Daniel Hogue, que ledit rapport (A-6) est bel et bien un rapport de déficiences, et ne retarde pas la fin des travaux.

 

[34]           Le rapport fait d’ailleurs écho au Rapport d’état d’immeuble de St-Pierre du 16 septembre 2016, les points 25 et 39 portant les mêmes numéros. Dans sa liste des déficiences, tout en identifiant celle concernant la longueur des évents du toit, St- Pierre mentionne qu’il faut « prolonger et compléter tous les évents selon les plans (A104 et autres) pour qu’ils dépassent la surface finie d’au moins 200 mm. On constate de la photo jointe qu’il s’agit clairement d’une déficience, les évents étant bel et bien installés, mais trop courts.6

[35]           C’est l’exemple parfait d’un travail non conforme, mais fait. En d’autres termes d’une déficience dans l’exécution des travaux demandés et prévus au contrat d’entreprise. Les évents sont courts, mais ils sont fonctionnels en ce qu’ils sont tout de même prêts à servir aux fins auxquelles ils sont destinés.

 

[36]           Selon le Rapport d’état d’immeuble de St-Pierre (A 5.1, pages 27 ss.), préparé le 16 septembre 2016, on peut y lire à la page 3 que « Selon l’information reçue, la construction de l’immeuble situé au 9225, Grande-Allée à Mirabel (Québec) a été complétée en 2014. »

 

[37]           Que faire de cet énoncé, qui n’est tout de même pas une affirmation gratuite. Elle provient d’un professionnel dont le rapport, qui lu attentivement et dans son ensemble, constitue bel et bien un rapport de déficiences.


5 Voir pièce A-6, pages 6 à 9

6 Voir pièce A-5.1, pages 27 ss. : RAPPORT D’ÉTAT D’IMMEUBLE pour la réception des parties communes du bâtiment, St-Pierre & associés, 16 septembre 2016, déficience 25, page 11 de l’Annexe intitulée :

« Annexe A -  Liste des déficiences »


 

[38]           Les témoins Munoz et Hogue ont bien tenté de minimiser les accusés-réception qu’ils ont signés, ajoutant « ne pas se souvenir » avoir reçu copie de leur contrat préliminaire, ni pour Monsieur Hogue la réception de sa partie privative et des parties communes. Leur crédibilité est, selon le Tribunal, affectée par ces hésitations, voire négations de faits quand même assez évidents.

 

[39]           Tous les éléments objectifs, pris dans leur ensemble, et dans une certaine mesure les témoignages de Monsieur Hogue et de Madame Munoz, démontrent une fin des travaux au 9 juin 2016.

 

[40]           Quant à ce qui constitue la fin des travaux, sur le plan juridique, les parties ont plaidé la notion « civiliste » de la fin des travaux, c’est-à-dire celle du Code civil du Québec.

 

[41]           Le Tribunal souligne que l’article 25 du Règlement définit ainsi la fin des travaux des parties communes :

 

« 25. Pour l’application de la présente sous-section, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par :

 

« fin des travaux des parties communes » : la date à laquelle tous les travaux de l’entrepreneur convenus par écrit avec le bénéficiaire et relatifs aux parties communes sont exécutés et le bâtiment est en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine. »

 

[42]           À première vue, la phraséologie utilisée semble contenir une double exigence pour la fin des travaux des parties communes, savoir le fait que le bâtiment est en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine, que constitue la notion civiliste du terme, mais en plus, « la date à laquelle tous les travaux de l’entrepreneur convenus par écrit avec le bénéficiaire et relatifs aux parties communes sont exécutés ».

 

[43]           Le Tribunal ne croit pas que cette définition déroge substantiellement de la notion civiliste du terme. Il est déjà reconnu que la notion de fin des travaux doit nécessairement inclure tous les travaux convenus entre l’entrepreneur et son client propriétaire. Le Tribunal ne croit pas que l’article 25 ajoute ou modifie la notion traditionnelle et civiliste de fin des travaux.

 

[44]           En d’autres termes, le Tribunal ne sépare pas les deux parties de la définition de fin des travaux des parties communes, et il considère que cette notion est que tous les travaux convenus par l’entrepreneur doivent avoir été exécutés, de façon substantielle, pour que le bâtiment soit en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine.


 

[45]           Le Tribunal est convaincu qu’après le 9 juin 2016, les déficiences ou menus travaux requis pour parachever l’immeuble n’ont pas eu pour effet de retarder la fin des travaux, qu’il place au 9 juin 2016.

 

PROROGATION DE LA GARANTIE QUINQUENNALE DE 2118 C.c.Q.

 

[46]           Les vices ayant été découverts par le Syndicat Bénéficiaire après le 9 juin 2021, soit plus de cinq ans après la fin des travaux, la demande devrait être rejetée pour ce seul motif. Mais les parties ont également soulevé la notion du délai de dénonciation, la suspension dudit délai, et elles ont soumis des décisions pour supporter leurs plaidoiries. Le Tribunal croit utile d’en traiter.

 

[47]           Le Syndicat Bénéficiaire plaide que suite à la déclaration de l’état d’urgence le 13 mars 2020, causée par la pandémie de Covid-19, les délais de prescription auraient été suspendus et cette suspension s’appliquerait à la garantie de cinq (5) ans. En d’autres termes, la durée de la garantie serait prorogée de cent soixante-neuf (169) jours, savoir la durée de suspension prévue par l’Arrêté ministériel, ou si l’on veut la période entre le 13 mars 2020 et le 1er septembre 2020.7

[48]           La suspension des délais ordonnée par Décret du Ministre ne peut avoir eu pour effet de prolonger la durée de certains droits, dont la garantie quinquennale prévue à l’article 2118 C.c.Q.

 

[49]           Lorsqu’une loi nouvelle prolonge un délai de prescription, les nouvelles dispositions s’appliquent, tel que le prévoit par ailleurs l’article 13 de la Loi d’interprétation8; il en est autrement pour la durée d’une garantie légale.

 

[50]           Dans une décision de la Cour supérieure, datant de 1920, rapportée en 1922, cette question avait été débattue, en précisant que les lois nouvelles ne peuvent affecter des droits préétablis et cristallisés antérieurement à leur adoption.9

[51]           Il s’agissait dans cette affaire d’une vente pour taxes et la question était de savoir si la Ville de Montréal pouvait bénéficier d’un privilège d’une durée de cinq (5) années, bien qu’elle se réclamait d’un privilège de la Cité de Maisonneuve, nouvellement annexée. Or, la loi applicable à la Cité de Maisonneuve ne prévoyait qu’un privilège d’une durée de trois (3) ans.


7 Voir Arrêté no. 2020-4251 de la Juge en chef du Québec et de la Ministre de la Justice du 15 mars 2020, mentionnant que les délais de prescription extinctive et de déchéance en matière civile sont suspendus jusqu’à l’expiration de la période de la déclaration d’état d’urgence sanitaire prévue par le décret no. 177- 2020 du 13 mars 2020. Voir aussi quant à la levée de la suspension le Décret 2020-4303 du 31 août 2020. La suspension aura donc été d’environ 5 mois et demi, soit 169 jours d’après la Cour d’appel dans Succession de Gunther c. Stinenko 2020-QCCA 1448, par. [9].

8 Loi d’interprétation L.Q. ch.I-16.

9 Voir The Trust and Loan Co. of Canada c. Piquet et La Cité de Montréal (1922) vol. 60 C.S. 291.


 

[52]           Sur la qualification d’une telle situation, à la page 293, le juge s’exprime ainsi :

 

« Elle se prévaut du privilège que sa charte lui confère de se faire payer les cinq dernières années de taxes sur le produit de la vente des immeubles imposés, bien que la Cité de Maisonneuve ne put s’en faire payer que trois (3) années. Or, cette limitation n’est pas, je le soumets humblement, un délai de prescription. Elle est un des éléments constitutifs du privilège avec lequel elle se conforme et dont elle est inséparable; elle n’en fixe point la durée, mais en définit l’étendue. »

(nos soulignés)

 

[53]           Et le juge d’ajouter que si on appliquait la Charte de la Cité de Montréal prévoyant un privilège de cinq (5) ans à un privilège créé antérieurement mais d’une durée de trois

(3) ans pour la Cité de Maisonneuve, ceci violerait le principe de la non-rétroactivité des lois.10

[54]           Le Tribunal est en accord sur ce point, et avec la décision de l’Administrateur, soit la lettre de Me Martin Thibeault du 8 décembre 2022 il est mentionné, en page 2 :

 

« Considérant la décision arbitrale de Me Karine Poulin en date du 13 juillet 2021 mais, et avec tout respect pour l’opinion contraire, qui n’a pas pour effet de prolonger la durée du plan de garantie mais, plutôt d’interrompre le délai, s’il y a lieu, de la computation du délai de production de la dénonciation du bénéficiaire auprès de l’administrateur d’un plan de garantie. »11

 

 

LE DÉLAI DE DÉNONCIATION DE L’ARTICLE 27-5o EST-IL PROLONGÉ?

[55]           On a fait état de la question de savoir quelle était la version du règlement applicable quant au délai de dénonciation de l’article 27-5o du Règlement, pour déterminer si ce délai est soit un délai raisonnable d’un maximum de six (6) mois de la découverte du vice, tel que le prévoyait le Règlement avant le 1er janvier 2015, ou simplement un

« délai raisonnable », qui reste à déterminer, mais qui serait sans doute plus long, suite à l’amendement entré en vigueur le 1er janvier 2015.

[56]           L’article 27-5o du Règlement, avant le 1er janvier 2015, se lisait ainsi :

 

 

 


10 Idem, p. 298.

11 Voir pièce A-4.


 

« 27. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir :

 

(…)

 

5o La réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux des parties communes ou, lorsqu’il n’y a pas de parties communes faisant partie du bâtiment, de la partie privative et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice, ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation ».12

 

[57]           Le délai raisonnable prévu ci-haut ne pouvait donc excéder six (6) mois de la découverte ou survenance du vice, si le Règlement applicable est celui édicté et tel qu’il se lisait avant le 1er janvier 2015. En effet, suite à la modification du Règlement entrée en vigueur le 1er janvier 2015, l’article 27.5o se lit maintenant comme suit :

« Art. 27 (…)

 

5o La réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux des parties communes ou, lorsqu’il n’y a pas de parties communes faisant partie du bâtiment, de la partie privative et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable (…) de la découverte ou survenance du vice, ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation significative ».13

 

[58]           En modifiant l’article 27-5o du Règlement, pour retrancher l’obligation de respecter un délai de déchéance ou de prescription de six (6) mois, le Gouvernement avait sans doute l’intention d’allonger la « raisonnabilité » dudit délai à plus de 6 mois.

 

 

 

 


12 Décret 841-98, article 27; Décret 39-2006, article11.

13 Voir art. 16 du règlement modifiant le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, Gazette officielle, partie 2, 5 mars 2014, 146ème année, no. 10, p. 869. L’article 16 édicte que « L’article

27 de ce règlement est modifié : (…) 3è: par la suppression, aux paragraphes 3o, 4o et 5o, après

« raisonnable » de « lequel ne peut excéder 6 mois » et par le remplacement, à la fin du paragraphe 5o, de « manifestation. » par « manifestation significative; »;


 

[59]           Le Tribunal est d’accord avec la position énoncée à cet égard par l’Arbitre Me Jean- Philippe Ewart, dans la décision arbitrale Syndicat des copropriétaires N’Homade c. Cap-Immo Gestion Inc. et GCR14 il énonce ce qui suit :

 

« [70] Le Tribunal est d’avis que le Législateur, lors de ces amendements en 2015 a retiré l’exigence du délai de six mois de la découverte ou survenance pour la dénonciation écrite; on se doit de saisir que le Législateur nous indique son intention de permettre un délai de plus de six mois, selon les circonstances. C’est donc une approche plus permissive et qui implique en partie une appréciation subjective. »

 

[60]           Au paragraphe [73] de sa décision, l’Arbitre Ewart mentionne ou du moins semble approuver le fait que généralement, un délai d’un (1) an serait le maximum raisonnable.

 

[61]           Le Tribunal est d’accord avec cet énoncé, et ajouterait que le caractère raisonnable du délai de dénonciation devrait être étudié, tout comme en toute autre matière immobilière, à l’aune des décisions jurisprudentielles concernant le délai raisonnable de dénonciation d’un vice prévu à l’article 1739 C.c.Q.

 

[62]           Le Tribunal a pris connaissance de certaines décisions soumises, à l’effet qu’un délai de déchéance ou de prescription qui aurait pu être prolongé par l’amendement au Règlement, ne peut s’appliquer à un immeuble soumis à l’ancien régime, c’est-à-dire celui qui prévalait avant le 1er janvier 2015.

[63]           Le Tribunal soumet humblement qu’il ne s’agit pas ici d’une application rétroactive d’un règlement ce qui, en l’absence d’un texte exprès à cet effet, serait impossible. Il s’agit plutôt de la notion d’effet immédiat d’une loi nouvelle lorsque celle-ci s’applique à l’égard d’une situation juridique en cours au moment elle prend effet. La loi nouvelle gouvernera alors le déroulement futur de cette situation.

 

[64]           La Cour Suprême en a décidé ainsi dans Dell Computer c. Union des consommateurs15. Dans cette décision, il s’agissait de déterminer si une clause d’arbitrage contenue à un contrat de consommation pouvait s’appliquer à un contrat conclu avant l’entrée d’une disposition législative interdisant un tel renvoi.

 

[65]           L’arrêt Dell est d’autant plus intéressant que la cour suprême choisit comme exemple de l’effet de la loi dans le temps l’obligation de garantie contre les vices cachés. La majorité s’exprime ainsi :

 

 


14 Arbitrage Soreconi, 3 février 2021, dossier no. 201802001; 2021 CanLII 13990

15 Dell Computer c. Union des consommateurs, 2007, 2RCS, p. 801.


 

« [113] Comme l’a écrit le professeur P.-A. Côté, Interprétation des lois (3è éd. 1999), p. 213, « l’effet de la loi dans le passé est tout à fait exceptionnel, alors que l’effet immédiat dans le présent est normal ». « Il y a effet immédiat de la loi nouvelle lorsque celle-ci s’applique à l’égard d’une situation juridique en cours au moment où elle prend effet : la loi nouvelle gouvernera alors le déroulement futur de cette situation » (p. 191). Une situation juridique est en cours lorsque les faits ou les effets sont en cours de déroulement au moment de la modification du droit (p.192). Une loi d’application immédiate peut donc modifier les effets à venir d’un fait survenu avant l’entrée en vigueur de cette loi, sans remettre en cause le régime antérieur en vigueur lorsque ce fait est survenu.

 

[114]   Pour aider à bien comprendre ce qu’est une situation en cours et une situation entièrement survenue, il est utile de reprendre l’exemple de l’obligation de garantie contre les vices cachés utilisée par les professeurs P.-A. Côté et D. Jutras, Le droit transitoire civile : Sources annotées (feuilles mobiles), p. 2-36. L’obligation de garantie existe dès la conclusion de la vente, mais la stipulation de garantie ne produit d’effets concrets que lorsqu’un problème relié au bien vendu se manifeste. La garantie entre en action soit lors de la mise en demeure, soit lors de la réclamation. Lorsque les effets de la garantie se sont entièrement produits, il ne s’agit plus d’une situation en cours et la loi nouvelle ne s’applique pas à cette situation à moins que cette loi ne soit rétroactive.

 

[115]  Les faits de l’espèce peuvent-ils être qualifiés de situation juridique en cours? Si c’est le cas, la loi nouvelle s’applique. Si la situation est entièrement survenue, la loi nouvelle ne s’appliquera pas aux faits.

 

[116]   La seule condition de mise en œuvre de la clause d’arbitrage de Dell est la naissance d’une réclamation, d’un conflit ou d’une controverse contre Dell (clause 13C des Conditions de vente). La situation juridique est donc entièrement survenue lorsque M. Dumoulin a communiqué sa réclamation à Dell. Ainsi, tous les faits donnant lieu à l’application de la clause d’arbitrage obligatoire se sont entièrement produits avant l’entrée en vigueur de la Loi 48.

 

[117]    Comme la Loi 48 ne comporte aucune indication permettant de conclure qu’elle s’applique de façon rétroactive, il n’y a pas lieu de lui donner une telle portée ».


 

[66]           Le règlement modifiant l’article 27-5o a été adopté par Décret en 2014, et est entré en vigueur le 1er janvier 2015. La seule disposition transitoire est l’article 54 qui se lit comme suit :

 

« [54] Le présent règlement entrera en vigueur le 1er janvier 2015. La régie pourra cependant enclencher le processus d’autorisation d’une personne morale sans but lucratif pour agir à titre d’administrateur dès la publication du présent Règlement en vertu de l’article 15 de la Loi sur les règlements (Ch. R-18.1) et dès son autorisation, cet administrateur pourra amorcer le processus d’accréditation des entrepreneurs.

 

L’indexation des limites de la garantie prévue aux articles 6, 7 et 18 de ce Règlement ne s’applique qu’aux bâtiments dont les travaux de construction ont débuté le ou après le 1er janvier 2015, et ce, dans la mesure le contrat d’entreprise entre un bénéficiaire et un entrepreneur accrédité est signé à compter de cette date ».16

 

[67]           Si le Législateur a cru bon de prévoir que les limites de garantie n’auraient aucun effet immédiat pour l’avenir, en adoptant cette mesure transitoire pour maintenir les anciennes limites, c’est qu’il croyait que l’amendement prévu au Règlement aurait un effet immédiat, pour les situations en cours, régissant ainsi l’exécution future de contrats intervenus avant la mise en vigueur du nouveau Règlement le 1er janvier 2015.

 

[68]           Dans Garantie Abritat Inc. c. Régie du bâtiment du Québec17la Cour supérieure a eu l’occasion de se pencher sur les dispositions transitoires du nouveau Règlement. Le Juge écrivait ceci au paragraphe [37] de son jugement :

 

« [37] L’intention du Législateur d’appliquer les nouvelles règles se rapportant au Plan de garantie prévu par le Règlement à compter du 1er janvier 2015 apparaît évidente. D’ailleurs, la première phrase du premier alinéa de l’article 54 l’énonce clairement ».

 

[69]           Et plus loin, il continue, au paragraphe 42 :

 

« [42] Le Gouvernement a donc créé une règle, soit la mise en vigueur des modifications au Règlement le 1er janvier 2015. Par l’application a contrario du deuxième alinéa de l’article 54 du Décret, seul demeurent soumis aux anciennes limites les Plans de garantie dont les travaux ont débuté avant le 1er janvier 2015 ou dont le contrat entre le bénéficiaire et


16 Règlement modifiant le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, Gazette officielle, partie 2, 5 mars 2014, 146ème année, no. 10, p. 869

17 Garantie Abritat Inc. c. Régie du bâtiment du Québec 2015 QCCS 682.


 

l’entrepreneur alors accrédité a été signé avant cette date. C’est l’exception. »

 

[70]           Le professeur émérite Pierre André Côté écrit, dans son traité sur l’Interprétation des lois,18 que les lois relatives aux délais s’appliquent de façon immédiate quant aux situations en cours. Il écrit ceci aux pages 220 et 221 de son traité :

 

« 719. La jurisprudence est très partagée quant à la qualification à donner aux lois qui modifient les délais d’action, de recours, de prescription, etc. On trouve des décisions difficilement conciliables au plan logique si bien qu’il est risqué, sinon impossible, de proposer une théorie qui permette de rendre compte de tous les arrêts.

 

720. Sous toute réserve, il semblerait que les lois qui modifient les délais sont considérés comme des lois de pure procédure si leur application à une espèce a pour seul effet d’abréger ou de prolonger un délai, Si, par contre, l’application de la loi nouvelle en matière de délai implique soit l’abrogation rétroactive d’un droit qui existait, soit la résurrection d’un droit qui n’existait plus, alors le tribunal sera plutôt porté à considérer que la loi en question n’a pas, dans les circonstances, le caractère d’une loi de pure procédure. Il faut donc, dans chaque cas, se demander quel serait l’effet pratique de l’application de la nouvelle règle.

 

721. Ainsi, si un délai est prolongé par une loi nouvelle, ou si la loi supprime un délai, cette loi pourra s’appliquer aux délais en cours de manière à les prolonger. Cependant, une loi qui étend un délai ou qui supprime un délai ne devrait pas s’appliquer de façon à faire revivre un droit éteint par l’écoulement du temps avant son entrée en vigueur. Il y aurait en effet, dans ce dernier cas, un effet rétroactif négatif : l’application de la loi nouvelle remettrait en cause l’application antérieure de l’ancienne règle de délai.

 

722. Si un délai est abrégé, ou si un délai est institué là où il n’y en avait pas auparavant, le nouveau délai ne sera généralement pas appliqué de manière à faire disparaître rétroactivement un droit en existence au moment de l’entrée en vigueur de la loi portant abrègement. Par contre, cette loi s’appliquera aux délais en cours si son seul effet est, dans les circonstances, de hâter leur terme. »

 

[71]           Les notions de « prospectivité » et de « rétroactivité » des lois se recoupent en

Common law et en droit civil. Aussi récemment qu’en 2021, la Cour suprême a eu

 


18 CÔTÉ, Pierre-André, Interprétation des Lois, 5è éd., Éditions Thémis, 2021, pp. 220-221.


 

l’occasion de réitérer les principes de base en la matière. Dans R. c. Albashir19 la Cour Suprême écrivait ceci :

 

« [93] Lorsque, pendant la période de suspension d’invalidité, une législature édicte une nouvelle mesure législative afin de remédier aux effets inconstitutionnels d’une règle de droit, l’effet dans le temps de la nouvelle mesure devrait être énoncé explicitement. Il en est ainsi parce qu’une loi a des répercussions différentes selon qu’elle a un effet prospectif ou rétroactif. Des dispositions législatives prospectives s’appliqueront dès leur entrée en vigueur et pour l’avenir (R. Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes (6è éd. 2014) §25.24 et §25.106). Il y a une rétroactivité « lorsqu’une loi nouvelle s’applique de façon à prescrire le régime juridique de faits entièrement accomplis avant son entrée en vigueur » (P.-A. Côté, en collaboration avec S. Beaulac et M. Devinat, Interprétation des lois (4è éd. 2009), p. 147; voir aussi Sullivan

§25.24).

 

[72]           Les lois modifiant un délai de prescription sont justement des législations prospectives : Sans être rétroactives, elles s’appliquent dès leur entrée en vigueur et pour l’avenir.

 

[73]           Dans Bergeron c. Pitts Cie d’assurance David Tune & Associés Ltée20, la Cour du Québec (alors appelée Cour Provinciale) en application de l’article 13 de la Loi d’interprétation, a retenu le délai de prescription plus long prévu par la loi nouvelle, en matière d’assurances. Le Juge s’exprime ainsi :

 

« Dans la présente cause, le délai de déchéance d’une année n’était pas encore terminé lorsque l’article 2495 du Code civil est entré en vigueur. En vertu de l’article 13 de la Loi d’interprétation, le délai de déchéance ou de prescription a continué en vertu de la nouvelle loi et se trouvait automatiquement prolongé à trois ans ».

 

[74]           S’il eut été nécessaire de le faire, le Tribunal n’aurait eu aucune hésitation à appliquer les nouvelles dispositions du Règlement en matière de délai de prescription, à l’effet qu’à compter du 1er janvier 2015, le délai de dénonciation était un « délai raisonnable », sans plus. Le Tribunal ajouterait également que la modification a eu pour effet de prolonger le caractère raisonnable d’un délai de dénonciation au-delà du délai maximal de six (6) mois prévu à l’ancien Règlement, et que ce délai pourrait être d’une durée variant de six (6) mois à une (1) année, environ; le tout selon les circonstances de chaque cas, évidemment.

 


19 R. c. Albashir 2021 CSC 48.

20 Bergeron c. Pitts Cie d’assurance David Tune & Associés Ltée [1980] C.P. 5, p. 6.


 

DANS LES CIRCONSTANCES, ET POUR LES MOTIFS MENTIONNÉS PLUS HAUT, L’ARBITRE REND LA DÉCISION SUIVANTE :

 

a)           REJETTE la demande du Syndicat Bénéficiaire;

 

b)           ORDONNE que les coûts de l’arbitrage soient départagés, pour $100 à la charge du Bénéficiaire et le solde assumé par l’Administrateur en conformité de l’art. 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs;

 

c)           RÉSERVE à l’Administrateur ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur, pour toute somme versée, incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (paragr.19 de l’annexe II du Règlement), en ses lieu et place et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.

 

d)           LE TOUT, avec les coûts et frais de l’arbitrage, sauf quant au montant dont assumation par le Bénéficiaire tel qu’ordonné aux présentes, à la charge de l’Administrateur, conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.

 

Signé à Montréal,

ce 23ème jour du mois de janvier 2024

 

 

_Champagne Date : 2024.01.23 10:18:51 -0_5'00'

Me Pierre Champagne, LL.M, Arbitre

2000, avenue McGill College Bureau 1600

Montréal (Québec) H3A 3H3

Courriel : champagne.p@djclegal.com