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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : SORECONI

 

 

ENTRE :                                                          SYNDICAT DU 3411, AU 3417, AVENUE DES ÉRABLES

 

(ci-après « les Bénéficiaires »)

 

ET :                                                                 DEVEX  INC.

 

(ci-après « l’Entrepreneur »)

 

ET :                                                                 LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ

 

(ci-après « l’Administrateur »)

 

No dossier SORECONI :       061220001

No. bâtiment:                          026419-1       

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

Arbitre :                                                                                   Me Michel A. Jeanniot

 

Pour les Bénéficiaires :                                                           Pierre Dansereau

Marie-Hélène Bouchard

Daniel Hébert

Claude Gagnon

André Gagnon, expert

 

Pour l’Entrepreneur :                                                            Absent

 

Pour l’Administrateur :                                                          Me Luc Séguin

 (pour Me Elie Sawaya)

 Mme Marie-Claude Laberge

 (pour M. Pierre Rocheleau)

 

Date d’audience :                                                                  1er juin 2007.

Lieu d’audience :                                                                   3417, Avenue des Érables

Date de la sentence :                                                            15 juin 2007

Valeur en litige :                                                                     10,000.00$ à 11,000.00$


Identification complètes des parties

 

 

 

Arbitre :                                                          Me Michel A. Jeanniot

PAQUIN PELLETIER

1010, de la Gauchetière Ouest

Suite 950

Montréal (Québec)

H3B 2N2

 

 

Bénéficiaires :                                               Syndicat de la copropriété du 3411 au 3417m Avenue des Érables

M. Pierre Dansereau

3417, Avenue des Érables

Montréal (Québec)

H2K 3V6

 

 

Entrepreneur:                                                DEVEX Inc.

Case Postale 55058

CSP Fairmount Ouest

Montréal (Québec)

H2T 3E2

 

 

Administrateur :                                             La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.

5930, boul. Louis-H.  Lafontaine

Anjou (Québec)

H1M 1S7

Et son procureur :

Me Luc Séguin, en remplacement de Me Elie Sawaya

(Savoie Fournier)


 

Décision

 

 

Mandat :

 

L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 25 janvier 2007.

 

 

Historique du dossier :

 

 

25 août 2001:                          Contrat préliminaire et contrat de garantie;

 

27 mars 2002:                         Liste préétablie d’éléments à vérifier;

 

28 février 2002 :                      Déclaration de copropriété

 

1er avril 2002:                          Acte de vente;

 

12 avril 2002 :                          Réception du bâtiment;

 

24 avril 2006 :                          Correspondance des Bénéficiaires à l’Entrepreneur;

 

25 mai 2006 :                          Correspondance des Bénéficiaires à l’Administrateur;

 

20 juillet 2006 :                        Demande de réclamation;

 

28 août 2006 :                         Avis de 15 jours aux parties;

 

21 novembre 2006 :                Décision de l’Administrateur;

 

16 décembre 2006:                 Demande d’arbitrage des Bénéficiaires;

 

22 janvier 2007:                       SORECONI obtient copie du dossier relatif à la décision de l’Administrateur;

 

25 janvier 2007:                      Nomination de l’arbitre;

 

26 janvier 2007:                       Lettre de l’arbitre aux parties les informant du processus à venir;

 

21 mars 2007:                         Réception par l’arbitre d’une copie de l’Acte de Dissolution par l’Entrepreneur.

 

21 mars 2007 :                        Réception du rapport de l’expert André Bergeron;

 

22 février 2007 :                      Lettre de l’arbitre aux parties, fixant l’audience au 1er juin 2007, à 9h30am, au domicile des Bénéficiaires.

 

22 mai 2007 :                          Lettre de l’Administrateur aux parties, les informant que Marie-Claude Laberge remplacera Pierre Rocheleau.

 

1er juin 2007 :                          Audition

 

 

Objection préliminaire :

 

[1]     Aucune objection préliminaire n’a été soulevée pas quelque partie, l’arbitre constate que juridiction lui est acquise et l’audience, de consentement, est ouverte à 9h30 am, vendredi, le 1er juin 2007.

 

[2]     L’enquête a débuté par un exposé sommaire des Bénéficiaires, lequel a été interrompue par une visite et une inspection du site et c’est conclue par les arguments de clôture de chaque partie.

 

Admissions :

 

[3]     Il s’agit d’une unité résidentielle détenue en copropriété.  Les adresses du bâtiment sont 3411 à 3417, inclusivement, rue des Érables, à Montréal. 

 

[3.1]        La réception des parties communes eu lieu en date du 12 avril 2002; et

 

[3.2­         Les réclamations écrites des Bénéficiaires à l’Administrateur ont été reçues par ce dernier les 25 avril, 8 juin et 31 juillet 2006.

 

[4]     L’inspection du bâtiment eu lieu le 16 novembre 2006 et une décision, sous la plume de Pierre Rocheleau, en date du 21 novembre 2006, s’est refusée de considérer la question des fuites d’eau (près d’un puit et/ou cavité qui inclut ou incorpore le drain pluvial) dans le cadre du contrat de garantie.

 

[5]     La demande d’arbitrage se limite à la décision du 21 novembre 2006, sous la plume de Pierre Rocheleau, et cette décision est limitée à un seul point.

 

[6]     M. André Bergeron, ingénieur, est reconnu de consentement comme expert et pourra, à cet effet, témoigner comme tel pour les Bénéficiaires.

 

[7]     L’Entrepreneur, Devex Inc., n’existe plus, a été dissous par le Registraire des Entreprises, en date effective du 3 décembre 2005 (acte de dissolution déposé au Registre le 3 décembre 2005, sous le matricule 1144296143).

 

Faits pertinents :

 

[8]     Le ou vers le 18 janvier 2006, les Bénéficiaires constatent une fuite importante d’eau, principalement aux unités 3411 et 3417.

 

[9]     Afin de comprendre ou de faciliter la compréhension d’une partie de ce qui suit, il doit être précisé que les unités sont des logements détenus en copropriété superposés, les uns par-dessus les autres et ont des numéros civiques entre 3411 et 3417 mais (curieusement) dans le désordre.

 

[10]   L’unité 3417 est située au rez-sol, elle est en dessous de l’unité 3411, laquelle est en dessous de l’unité 3413, laquelle est en dessous de l’unité supérieure de l’ensemble, à savoir le 3415.

 

[11]   Les dégâts d’eau les plus importants sont situés aux deux unités inférieures, à savoir 3411 et 3417 et principalement au 3411.  D’ailleurs le propriétaire de cette unité appert avoir pratiqué une ouverture dans un mur à un endroit approprié, y avoir installer un système artisanal de captation,  une partie de l’eau qui percolait de plus haut, ayant ainsi quelque peu épargner l’unité 3417.

 

[12]   Les parties sont unanimes, le problème est clairement cerné, l’unité du 3415 a un retour d’air important, une prise d’air qui doit mener l’air ambiant de cette adresse (le 3415) à une unité de climatisation (un échangeur d’air).  Normalement, il doit y avoir un conduit scellé hermétiquement entre la prise d’air et l’échangeur d’air, ce qui n’est pas le cas.  L’air circule donc librement dans une zone (i.e. le puit) mal isolée, sans pare-vapeur, et qui donne accès par une cheminé interner à la toiture.

 

[13]   En résumé, l’échangeur d’air dans son espace crée une pression négative qui amène par succion l’air ambiant de l’unité 3415 par la prise d’air centrale vers l’échangeur.  Normalement entre la prise d’air et l’échangeur, il devait y avoir un conduit scellé, ce qui n’est pas le cas.  Entre l’échangeur d’air et cette prise d’air, le tout (l’air) circule librement dans une zone sans pare-vapeur et mal isolée.  Dans cette même zone, il y existe un drain, lui-même non isolé.  Lorsqu’il y a un écart de température suffisant entre l’extérieur du bâtiment et l’air ambiant aspiré de l’unité 3415 (ce que je suggère, est plus souvent qu’autrement), il se crée une condensation sur ce drain, cette condensation crée un excès d’humidité qui percole vers le bas (i.e. vers les unités 3411 et 3417).

 

[14]   Les parties sont de plus unanimes à l’effet que ce constat est une malfaçon, et/ou que ce constat est un vice caché, tout le litige résulte à savoir s’il s’agit ou non d’un vice majeur, puisque plus de trois (3) ans se sont écoulés depuis la réception des parties communes.

 

[15]   Afin de faire droit à la demande des Bénéficiaires, je dois me satisfaire qu’il s’agit d’un vice qui porte atteinte à l’intégralité ou à la structure du bâtiment et/ou qu’il puisse rendre le bâtiment impropre à l’usage auquel il est destiné puisque la norme juridique générale impose un caractère « sérieux » ou « important » du vice, un critère déterminant.

 

[16]   Les décideurs qui m’ont précédés ont aussi accepté de considérer le vice suffisamment important, lorsqu’on est placé dans une situation où il y a perte de l’ouvrage et que le préjudice soit né et actuel, de manière immédiate.  La notion de « perte » doit recevoir une interprétation large et s’étendre à tout dommage sérieux subis par l’ouvrage immobilier[1].

 

[17]   Dans le cas qui nous concerne, je rappelle que les Bénéficiaires sont en demande et que ces derniers ont le fardeau de me convaincre.

 

[18]   Il n’y a pas eu de preuve que l’immeuble est devenu non sécuritaire en raison de vices ou encore qu’il y a danger d’écroulement de certaines parties.

 

[19­]   Les parties ont, de plus et de consentement et dans la collégialité, évalué que l’ensemble des correctifs utiles et nécessaires à corriger la situation, sont d’approximativement dix à onze mille dollars (10,000.00$ @ 11,000.00$), avant taxes et frais d’expertise.  De toute évidence, considérant la valeur de l’ensemble immobilier, le travail à corriger n’est pas majeur.  Ceci n’est pas une fin de non-recevoir aux qualificatifs du vice recherché.  S’il est vrai qu’en certaines instances, le travail à corriger est possiblement majeur, mais qu’il ne s’agit pas d’un vice majeur, puisque de jurisprudence constante, on ne peut confondre travaux majeurs avec vices majeurs, je suggère que le contraire est tout aussi vrai.  Travaux et/ou correctifs qui pourraient ne pas être (considérant l’ensemble de la valeur immobilière) considérés majeurs, ne disqualifient pas le vice pour autant.

 

[20]   Il est certain et admis par tous que si les travaux au niveau des correctifs ne sont par adressés, le drain qui n’est pas isolé, dans une partie où l’entre toit qui n’est pas isolé ou mal isolé, dans une zone sans pare-vapeur (du moins, à cet endroit), tant et aussi longtemps que la température extérieure est différente de la température ambiante de l’unité 3415, la cheminé et le ou les tuyaux de drainage qui se rejoignent à l’extérieur par le toit vont certainement continuer à suinter et l’accumulation d’eau qui en résultera, percolera du haut vers le bas et continuera de s’étendre de façon généralisé au puit commun à toutes les unités.

 

[21]   Nous savons de plus que l’eau, bien qu’elle percole du haut vers le bas, ne prend pas toujours le chemin le plus court (dans ce cas bien précis, il nous le fut aisément démontré, alors que dans l’unité 3411, lorsque les premières manifestations d’humidité et d’eau ont apparues, c’était dans le cadre d’une porte qui donnait accès à la chambre de lavage, qui « coulait »; l’endroit le plus éloigné (sur un trait linéaire) était à plus ou moins cinquante (50) pouces du drain).

 

[22­]   J’accepte la position de l’Administrateur, à l’effet qu’un dégât d’eau, et ces conséquences, bien que possiblement lourdes et coûteuses, ne constitue pas toujours un vice majeur.  Je suis par contre d’opinion que de ne pas corriger une important infiltration d’eau récurrente, à courts ou moyens termes, créera des problèmes importants de moisissure aptes à rendre le bâtiment impropre à l’usage auquel il est destiné.

 

[23]   Les facteurs expliquant l’humidité excessive ne relèvent pas des Bénéficiaires.  La température ambiante de l’unité 3415 est plus que normale et il ne peut être attributif de responsabilité de vouloir garder la température d’une unité résidentielle « ambiante » et indépendante de celle de l’extérieure.  D’ailleurs, tous les intervenants présents sont d’accords, il ne s’agit pas ici d’un déficit d’usage.

 

[24]   Vice caché, certainement,  il fallu ouvrir des parties du mur pour en déterminer l’origine.  Vice de conception, je le crois[2] évident et l’ouverture au-dessus de la porte qui donne accès à la salle de lavage de l’unité 3415 le confirme.  Le vice est donc caché.  La preuve à l’enquête me satisfait qu’il fût antérieur à la vente, alors inconnu des acheteurs.

 

[25]   L’expert André Bergeron nous a démontré de plus que les articles 9.33.6.13, 9.33.6.14.5 du Code National du Bâtiment, ainsi que 9.25.2.1 (isolation exigée), 9.25.3.1 (étanchéité de l’air exigée) et 9.32.3.11 (conduit) n’ont pas, en tout ou en partie, été suivis.  Mes propres recherches me permettent de compléter cette nomenclature avec 9.25.4.1, qui prévoit, entre autre:

 

« que les murs et les planchers isolés doivent comporter un pare-vapeur, de façon à empêcher les vapeurs d’eau continues dans l’air intérieur ne migrent vers les vides des murs et des planchers ou dans les comble sous vides sous-toit. ».[3]

 

[26]   Je rappelle que le Code National du Bâtiment est d’ordre public et que quiconque désire y déroger a le fardeau de prouver que toute telle dérogation rencontre (ou surpasse) les exigences du Code.  Cet exercice, à raison, n’a pas été tenté par l’Administrateur.

 

[27]   Je fais de plus miens les propos de Laurent Guertin, J.C.S.[4], alors qu’il propose :

 

« (…) même si aucune détérioration n’a été notée, cela ne signifie par nécessairement qu’il n’y aura aucune détérioration du bois. Il faut aussi considérer qu’un immeuble, sensé durer de nombreuses années (…). ».

 

[28]   Je suis convaincu que cette infiltration d’eau provoquera la détérioration du bois de l’ossature, à moyens ou longs termes, mais et surtout une situation de culture qui indubitablement rendra l’immeuble impropre à l’usage auquel il est destiné, voire même porter atteinte à la santé et à la sécurité des ses occupants.

 

[29]   Les Bénéficiaires recherchent de plus à se faire compenser et/ou autrement indemniser pour les différents corps de métier qui ont dû œuvrer de temps à autre, afin d’identifier et cerner le problème.  Je suis prêt à reconnaître seul les honoraires et frais d’André Bergeron, ingénieur, auteur de deux rapports produits au dossier et présent lors de l’enquête et audition au mérite des présentes.  Bien que je n’ai pas été exhibé de factures, M. Bergeron a estimé ces honoraires et frais à mille dollars (1,000.00$) avant taxes (incluant le temps nécessaire pour la préparation et sa vacation lors de l’enquête et audition au mérite des présentes).  Questionné sur le sujet, le représentant de l’Administrateur n’a pas considéré cette somme déraisonnable.  J’accueille donc ce poste de réclamation et seulement ce poste de réclamation.

 

 


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

ACCUEILLE (en partie) la demande d’arbitrage des Bénéficiaires;

 

MAINTIENT (en partie) la demande d’arbitrage des Bénéficiaires;

 

MODIFIE la décision de l’Administrateur;

 

REJETE et RENVERSE (en partie) la décision de l’Administrateur;

 

DÉCLARE et CONSTATE que, pour le bâtiment concerné, l’ensemble des éléments constatés constitue un vice de conception (concept, construction, création);

 

RENVOIT aux parties et/ou à leurs experts respectifs, à proposer des solutions afin que l’Administrateur puisse statuer sur les correctifs utiles et nécessaires à corriger cette situation et que cette démarche fasse l’objet d’une décision de l’Administrateur à l’intérieur des soixante (60) jours ouvrables de la réception de la présente décision;

 

CONDAMNE l’Administrateur aux entiers frais et dépens du présent arbitrage, ainsi qu’aux frais d’expert de M. André Bergeron, lesquels frais je limite à mille dollars (1,000.00$) avant toutes taxes.

 

 

         Montréal, ce 13 juin, 2007.

         _______________________

         Me Michel A. Jeanniot

         SORECONI / Arbitre



[1] L’Assurance Mutuelle des Fabriques de Montréal c. Lorancon Inc. et al, C.S.Q. : 500-22-106949-053, sous la plume de l’Honorable Christian M. Tramblay, J.C.Q.

[2] Voir paragraphe [13].

[3] Décision SORECONI # 051219002, paragraphe (13).

[4] C.S. 600-05-000226-963, 13 mai 2002, paragraphe [50]