TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

Sous l’égide de

 

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment.

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

CCAC S17-041-802-NP

GARANTIE ABRITAT :        346937-1

346937-2      ENTRE :

 

SDC CITÉ 7 - PHASE 400,

« Bénéficiaire »

c.

 

GROUPE DANAM BONZAI INC.,

« Entrepreneur »

et

 

GARANTIE ABRITAT INC.,

« Administrateur »

 

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE

GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

________________________________________________________________

 

DÉCISION ARBITRALE RENDUE LE 3 AOÛT 2018

 

YVES FOURNIER ARBITRE

 

/2

 

 

 

DÉCISION SUR REQUÊTE EN RÉTRACTATION

 

 

HISTORIQUE DES PROCÉDURES

 

[1] Le 25 juin dernier le soussigné livrait une décision quant à deux demandes d’arbitrage formulées par le bénéficiaire sous la plume de la représentante du syndicat de copropriété, à savoir Sothearo Chan.

 

[2] Aucune audition n’a pris place avant la transmission du jugement aux parties.

 

[3] Le jugement traitait des points en litige en appel par le syndicat et le Tribunal de conclure notamment ainsi:

 

ACCUEILLE            la demande d’arbitrage du syndicat relativement aux points 5, 6, 8 et 9 de la décision du conciliateur Richard Berthiaume datée du 13 mars 2017;

 

PREND ACTE         du désistement du bénéficiaire quant aux points 4 et 7 de la décision du conciliateur datée du 13 mars 2017;

 

PREND ACTE         du désistement du bénéficiaire quant au point 2 de la décision du conciliateur Richard Berthiaume datée du 20 novembre 2017;

 

[4] Le 30 juin 2018, madame Chan transmettait à l’arbitre une demande de rectification de 13 pages, accompagnée de 10 courriels, du plan des balcons (avec réponse de l’entrepreneur) et de ‘’l’annotation de l’entrepreneur sur la lettre explicative créée par le bénéficiaire pour le CCAC’’.

 

[5] Le 1er juillet 2018, madame Chan transmettait une demande corrigée de la requête en rétractation, tel que l’indique son envoi :

 

 

 

/3

Bonjour,

 

Désolée, nous avons réalisé qu’il y avait 2 petites erreurs d’inattention (marquer en rouge) et quelques erreurs de syntaxe (marquer en vert).  Alors, nous vous renvoyons la demande de rectification corrigée afin de vous faciliter la lecture.

 

En vous remerciant.

 

Cordialement,

 

P.S. À titre informatif, les passages en jaune ciblent les passages modifiés et le passage en turquoise est un point auquel nous demandons une révision.

 

Mme Sothearo Chan

                                                  (Sic)  

                                           (Je souligne)

 

[6] Il est d’un intérêt certain de reprendre les paragraphes 15, 16 et 17 du jugement afin de mieux circonscrire le contexte particulier du dossier :

 

[15] Le 1er juin 2018, la représentante du syndicat, madame Sothearo Chan écrivait à l’arbitre la position adoptée par ce dernier quant au point 4 de la décision du 13 mars 2017.  Elle écrit :

 

            Bonjour M. Fournier,

 

Sous la recommandation de mon avocate, nous ferons une demande de rectification de la décision rendue par Richard Berthiaume, T.P., pour le point 4 du rapport 346937-1Ceci clôture alors nos deux dossiers en processus d’arbitrage.

 

Pour ce qui est du parachèvement des travaux, nous avons bien noté qu’en cas de mauvaise exécution nous pourrons faire une dénonciation en vertu du Règlement de la Garantie Abritat.

 

Cordialement,

Mme. Sothearo Chan

 

     (Certains soulignés étaient dans le jugement initial, un autre fut ajouté)

/4

 

[16] Le 2 juin 2018, l’arbitre faisait savoir à madame Chan que la procédure en rectification ne pouvait s’appliquer en l’espèce.  J’en rapporte le contenu :

 

Bonjour madame Chan,

 

Avec tout le respect que j’ai pour vous et votre avocat, la procédure en rectification ne peut s’appliquer en l’espèce.  Vous êtes maintenant au niveau de l’arbitrage.  Comme l’administrateur n’a pas consenti à modifier le verbatim de sa décision il ne peut exister de procédure en rectification.

 

Un jugement rectificatif peut émaner de l’arbitre lui-même lorsqu’il réalise qu’une erreur matérielle apparaît dans sa décision.  Le jugement peut aussi être rectifié si l’une des parties ou certaines parties demandent à l’arbitre de rectifier le jugement si une omission ou une erreur cléricale ou matérielle apparaît.  Une partie peut toujours s’opposer à une requête de rectification de jugement, il appartiendra alors au jugement ou à l’arbitre d’en disposer.

 

En l’espèce, c’est la décision du conciliateur que vous auriez peut-être demandé d’être rectifiée.  Dans les faits vous l’avez formulée à Me Julie Parenteau.  Celle-ci, après consultation auprès du conciliateur, est revenue en vous indiquant que ce dernier n’entendait pas se rectifier.

 

Ainsi ce recours proposé par votre avocat ne saurait tenir la route.  Dès lors, il vous appartient de vous désister ou de poursuivre et dans ce dernier cas votre recours est voué à l’échec.

 

J’attends votre réponse d’ici le 7 juin prochain, à défaut de quoi je devrai rejeter votre demande d’arbitrage par jugement final.

 

Veuillez vous gouverner en conséquence.

 

Yves Fournier

Arbitre                                   

                                                    (Je souligne)

 

[17]   Le 6 juin 2018, madame Sothearo Chan répondait en ces termes à l’arbitre :

/5

 

 

           Bonjour M. Fournier,

 

Suite à votre dernier courriel et pour mieux comprendre nos démarches, vous trouverez en pièce jointe un document des recours possibles et à venir à l’extérieur du cadre de l’arbitrage.

 

Vous verrez qu’il y a certains points que je suis revenu sur ma décision étant donné que je ne croyais pas que tous les points qui n’avaient pas de suite, iront en désistement.

 

En espérant que ce document vous permettra de mieux comprendre notre position et de rendre votre sentence arbitrale quoiqu’il n’y ait pas eu d’audience (en personne, en salle).

 

Cordialement,

 

Mme. Sothearo Chan

 

                                   (Soulignés ajoutés au paragraphe 17)

 

 

DOCUMENT DU 6 JUIN 2018

 

[7] Relativement à ce document transmis à l’arbitre le 6 juin 2018, le bénéficiaire précise sa position quant au point 4 de la décision du 13 mars 2017, particulièrement et curieusement, dans ces termes :

 

« Le bénéficiaire ne veut pas aller en désistement puisque la sentence arbitrale est sans appel et finale. »

 

[8] Le bénéficiaire fait état par la suite des « stratégies éventuelles du bénéficiaire (sous la recommandation de son avocate) ». Le point 2 est difficilement cohérent et concevable dans le contexte particulier de la requête.  D’autres recours recommandés par l’avocate du syndicat seront rapportés plus loin.  Cette dernière ne s’est jamais manifestée d’une façon ou d’une autre dans le présent dossier. Voici ces stratégies :

 

1.    Demande de rectification à M. Berthiaume (Demande directe sans intermédiaire) et ce, même si nous recueillons une réponse défavorable.

 

 

/6

 

 

Certe, il n’y a pas d’article dans le Règlement d’arbitrage sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs qui permet de faire une demande de rectification, toutefois, le bénéficiaire doit démontrer qu’elle s’objecte sur cette affirmation pour se protéger.

 

2.    Possibilité d’entamer des recours légaux contre la firme d’expertise, CIEBQ.

 

ou

 

Possibilité plus probable d’entamer des   recours légaux contre la

campagnie d’expertise, CIEBQ et l’entrepreneur Danam Bonzai.

                                             (Sic)

                                       (Je souligne)

                                      

 

[9] Quant au point 7 de la même décision, le bénéficiaire indique:

 

Le bénéficiaire ne veut pas aller en désistement puisque la sentence arbitrale est sans appel et finale.

 

Le bénéficiaire a fait vérifier l’entretoit par un ancien entrepreneur, Fitzback Services, qui confirme qu’il ne semble pas y avoir de restriction à l’entretoit.

 

Toutefois, la firme d’expertise CIEBQ confirme que c’est seulement la partie gauche (tel que démontré sur la photo) que l’isolant est manquant.

                                                                    (Sic)

                                                             (Je souligne)

 

[10] Sur ce point, je me permets de rappeler que la firme d’expertise CIEBQ traitait ainsi de cette situation au point 3.2.2 de son rapport sans conclure en une malfaçon ou un vice quelconque, contrairement à l’affirmation de madame Chan:

 

 

 

 

/7

 

 

3.2.2 Isolation et ventilation :

 

L’isolation du plafond exposé est composée d’un isolant soufflé de fibre cellulosique.  La structure et le dessous des panneaux de toiture sont sains.  Le dégagement est généralement assuré au-dessus de l’isolant en matelas près des avant-toits, permettant ainsi la libre entrée d’air pour la ventilation naturelle du vide sous-toit.  Toutefois, nous avons remarqué une légère restriction en partie gauche.

 

[11] La conclusion de l’administrateur sur ce point se voulait pourtant simple et évidente et conséquente des rapports:

 

L’administrateur est d’avis que la situation se situe à l’intérieur des tolérances admissibles de l’industrie de la construction.

 

[12]  Quant au point 2 de la décision du 20 novembre 2017, le bénéficiaire écrit dans son document du 6 juin 2018 :

 

Après vérification, le bénéficiaire mentionne que le bris semble provenir plus d’une malfaçon et non d’un vice caché.

 

Toutefois, le bénéficiaire ne veut pas aller en désistement puisque la sentence arbitrale est sans appel et final.

 

Risque de préjudice en cas de recours légaux contre la firme d’inspection, CIEBQ et/ou l’entrepreneur, Danam Bonzai.

 

[13] Le bénéficiaire tente ici une nouvelle approche vouée à l’échec puisque le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (1) stipule à son article 27,3o :

 

27.  La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir :

 

___________________

(1)  Chapitre B-1.1 a. 185 et 192

 

 

 

 

/8

 

1o le parachèvement des travaux dénoncés, par écrit :

 

a)    par le bénéficiaire, au moment de la réception de la partie privative ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

 

b)    par le professionnel du bâtiment, au moment de la réception des parties communes;

 

2o la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

 

3o la réception des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux article 2113 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons.

                                            (Je souligne)

 

 

[14] Cette nouvelle tentative par le bénéficiaire ne peut résister à ce que le législateur impose au niveau d’une malfaçon. La réception des parties communes prit place le 11 septembre 2015. Les réclamations sont faites au-delà de la première année, en l’occurrence les 18 et 23 avril et le 15 mai 2017.

 

[15] Madame Chan rapporte sous le point 2 que son avocate lui recommande comme stratégie d’entreprendre des recours légaux contre la firme d’expertise CIEBQ.  Assez particulier comme approche.

 

LA NOTION DE LA RECTIFICATION

 

[16] Même si la requête en rectification n’est pas prévue au Règlement, il va de soi que les règles en pareille matière prévues au Code de procédure civile du Québec s’appliquent mutatis mutandis.

 

 

 

/9

 

[17] Le Code de procédure civile donne la définition suivante de la rétractation :

 

338.  Le jugement entaché d’une erreur d’écriture ou de calcul ou d’une autre erreur matérielle, y compris une erreur dans la désignation d’un bien, peut être rectifié par celui qui l’a rendu;  Il en est de même du jugement qui, par suite d’une inadvertance manifeste, accorde plus qu’il n’était demandé ou omet de prononcer sur une partie de la demande.

 

La rectification peut être faite d’office tant que l’exécution n’a pas été commencée;  elle peut l’être à tout moment sur demande d’une partie, sauf si le jugement fait l’objet d’un appel.  Si celui qui a rendu le jugement n’est plus en fonction ou est empêché d’agir, le tribunal peut procéder à la rectification.

 

Le délai d’appel ou d’exécution du jugement rectifié ne court que depuis la date de la rectification lorsque celle-ci porte sur le dispositif.

 

[18] La rectification pourrait se définir ainsi.  C’est le fait de modifier, d’ajouter ou d’annuler un élément rédactionnel d’une décision judiciaire entachée d’erreur matérielle.  Dans un tel cas, la procédure peut être contradictoire.  Le requérant ne peut sous ce couvert faire rejuger le fond de l’affaire.  L’erreur matérielle ne peut être rectifiée par cette voie que si elle est le fait du juge.  Si l’erreur provient d’une partie, elle doit exercer le ou les recours ordinaires que la loi met à sa disposition.

 

[19]  Une demande de rectification de jugement ne saurait être utilisée comme un instrument pour revoir la décision rendue ou pour préciser les conclusions d’un jugement explicite.  Bon ou mauvais, s’il a effectivement statué sur l’objet du litige, un jugement ne saurait être remis en cause autrement que par l’appel à un tribunal supérieur. Il y va du principe  de la stabilité et  de la finalité des jugements (2).

___________________

(2) . Imperial Tobacco Canada Ltd c. Conseil québécois et la santé, J.E. 2016-26 (C.A.);

    . Aéroports de Montréal c. Société en commandite Adamax Immobilier, 2011 EXP-2825 (C.A.);

    . Droit de la famille - EYB 2009-160371 (C.A.)

    . Bélanger c. Commission scolaire des Navigateurs, J.E 2006-794 (C.A.)

    . Langevin c. Québec (Procureur général) A.E / P.C. 2006-4346 (C.A.)

            . Garantie compagnie d’assurances de l’Amérique du Nord (la) c. Construction Québec Labrador Inc., J.E. 98-1351 (CA)

/10

 

[20]  L’incompréhension et l’interprétation erronée d’une décision ne sont pas des motifs de rectification de jugement (3).

 

[21]  Faut-il ajouter que les principes qui sous-entendent  la rectification de jugement sont simples dans leur formulation (erreur d’écriture matérielle ou de calcul).  La rectification n’est pas le moyen approprié pour demande à un tribunal de se prononcer sur un moyen qui n’a pas été préalablement plaidé comme le confirmait la Cour d’appel dans Aéroports de Montréal c. Société en commandite Adamax Immobilier (opus cité).

 

[22] La Cour d’appel dans cette décision rejette la requête et souligne que la rectification de jugement n’est pas le moyen pour traiter d’une question ou d’un argument qui n’a jamais été plaidé :

 

[3] La requête en rectification ne peut être reçue puisque l’arrêt de la Cour n’est entaché d’aucune erreur d’écriture ou de calcul ni de quelque autre erreur matérielle.  Il ne s’agit pas non plus d’un cas où, par suite d’une inadvertance manifeste, l’arrêt de la Cour omet de se prononcer sur une partie de la demande.  C’est là l’enseignement répété de notre cour, notamment dans Ville de Laval c. Di Minno, (2009 QCCA 1811) et Droit de la famille-091431, (2009 QCCA 1169).

 

[4] Bref, l’on ne peut par une requête en rectification ajouter et débattre de moyens qui n’ont pas été précédemment soulevés, la règle de la stabilité des jugements et celle du caractère functus officio de la Cour l’imposant.

                                         (Je souligne)

 

ANALYSE DE LA REQUÊTE

 

[23]  Le Règlement à son article 120 édicte :

 

La décision arbitrale, dès qu’elle est rendue lie les parties intéressées et l’administrateur.  La décision arbitrale est finale et sans appel.

 

_______________________

 (3)  Gratton c. Commission des lésions professionnelles, B.E. 2000 BE (C.5.)

 

 

 

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[24] Une partie à un jugement ne peut d’aucune façon déguiser ou travestir une requête en rectification en un recours en appel.

 

[25] Le Tribunal se doit de souligner dans un premier temps que la procureure de l’administrateur, Me Nancy Nantel, a transmis un argumentaire à la suite de la requête du bénéficiaire. La procureure écrivait le 10 juillet 2018 :

 

Les seuls cas habituellement où l’on peut demander à un arbitre ou un juge de modifier sa décision, c’est pour corriger une erreur cléricale ou de calcules et non pour demander des ajoutes à la décision.  L’arbitre a la prérogative d’inclure les détails qu’il juge opportuns dans le libellé de sa sentence arbitrale.  Donc, quant à moi, les demandes de rectifications suivantes font partie de la prérogative de l’arbitre et je m’en remets à la décision de celui-ci s’il veut ajouter les précisions demandées relativement aux demandes de rectifications #2.2 à 2.4 et 3.1 à 3.5.

 

A)   Paragraphe 3 du jugement

 

[26]  Le bénéficiaire demande :

 

«…à ce qu’un nouveau point s’ajoute en lien avec le point 3 du jugement ou qu’il soit énoncé dans le point 3 que le point des balcons mous de la 2e demande de réclamation fait partie de l’engagement de l’entrepreneur de refaire les travaux ».

                                                           (Je souligne)

 

[27] Cette demande est irrecevable, comme le soutient la procureure de l’administrateur.

 

[28] Le conciliateur a reconnu la problématique des balcons (points #5, 6 et 8 de la première dénonciation et au point 1 du rapport de conciliation du 20 novembre 2017) et l’entrepreneur s’est engagé à s’exécuter quant à la problématique des balcons mous.  Dès lors, l’arbitre n’a pas à statuer sur ces points, l’entrepreneur n’ayant pas porté l’une ou l’autre des décisions en appel.

 

 

 

/12

 

 

 

B)   Paragraphe 10 du jugement

 

[29] Le bénéficiaire demande à ce que l’énoncé du paragraphe 10 du jugement soit rectifié et qu’il « soit plus complet ».

 

[30]  Il ne saurait s’agir ici d’une demande ayant un rapport avec une requête en rectification.  La demande n’ajouterait en rien au jugement.  Un texte proposé et pondu par le bénéficiaire n’est d’aucune pertinence puisque le conciliateur avait donné raison au bénéficiaire.

 

[31] L’article 338 du Code de procédure civile constitue une disposition palliative lorsque le tribunal omet manifestement de se prononcer sur une partie de la demande ou lorsque le jugement contient une ambigüité que l’on pourrait assimiler à une erreur matérielle dans la rédaction du jugement (4).

 

C)    Paragraphe 14 du jugement

 

[32] Le bénéficiaire demande que l’énoncé du paragraphe 14 du jugement « précise les points en lien avec les travaux et la date de fin des travaux ».

 

[33] Le texte ciblé par le bénéficiaire est le procès-verbal de la conférence téléphonique ayant pris place le 22 mai 2018 et aucune des parties n’a requis que ce texte soit modifié avant la requête en rectification.

 

[34] Qui plus est, toutes les parties étaient assurément en mesure de comprendre la portée et le sens du texte.  Bien d’avantage, l’une des conclusions apportées au jugement n’est d’aucune ambivalence ou imprécision.  La requête en rectification de jugement est sans intérêt lorsque la correction demandée n’aura aucun effet sur le dispositif du jugement, comme l’a reconnu la Cour d’appel (5).

 

 

________________

(4) Droit de la famille - 10836, A.E./P.C. 2010-6955 (C.A.) 2010EXP-1572 (C.S.), Poste de camionnage en vrac région 06 Inc. c. Coopérative des camionneurs région 06, (1989) R.D.J. 102 (C.A.)

(5) . D.B. c. M.B. J.E. 2013-1535 (C.A.)

      . H.H. c. Québec (Curateur public), C.A.M. no. 500-09-020064-093, le 14 avril 2010, 2010 QCCA 783

 

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D)   Paragraphe 19 du jugement

 

[35]  La demande vise à vouloir traiter du point 1 de la décision du 20 novembre 2017.  Cette demande ne peut se défendre puisque le point avait été accordé par le conciliateur comme l’a souligné Me Nancy Nantel dans ses représentations.

 

 

E)   Paragraphe 20 du jugement

 

[36] La bénéficiaire requiert une nouvelle formulation quant au paragraphe 20, laquelle formulation reprend une partie de l’énoncé du paragraphe 19 du jugement.  Il semble que l’exercice emprunté par le bénéficiaire, sous la plume de madame Chan, s’apparente à discourir autrement et à encombrer le texte du jugement.

 

[37] L’exercice entrepris sous cet angle n’est d’aucune pertinence ou d’aucune utilité, elle s’approprie la plume de l’arbitre, en d’autres mots.

 

[38] L’ajout de la première conclusion n’est d’aucune utilité ou pertinence ou légitimité, l’arbitre n’ayant pas juridiction pour statuer sur le point 1 de la décision du 20 novembre 2017.

 

[39]  L’ajout d’une possible conclusion indépendante pour le point 4 est sans intérêt.

 

[40]   L’emploi du mot’renoncement’’ est l’équivalent du mot désistement utilisé en droit pour pareille situation. Il faut comprendre et conclure que le syndicat souscrit donc aux conclusions du jugement quant au ‘’désistement’’.

 

[41]  La condamnation de $75.00 dollars imputable à l’administrateur relève d’une ignorance du Règlement et de la jurisprudence.

 

[42]  Si un tribunal administratif a tranché une question de façon définitive, il ne peut modifier sa décision, à moins que la loi le permette.  La Cour d’appel a reconnue ce principe. (6)

 

_____________

(6) Boudreault c. Syndicat des salariées et salariés de l’entrepôt Bertrand, distributeur en alimentation Inc., Chicoutimi (CSN), 2011 QCCA 1495

 

 

 

/14

 

 

[43] Les points 2.1, 2.2, 2.3 et 2.4 ne sont que des demandes qui s’assimilent à certaines déjà traitées par le Tribunal dans la présente décision.  Le soussigné ne peut y donner suite.  Les ajouts ou modifications proposés ne changent rien à la ratio decidendi de la décision ou la bonne compréhension du jugement.

 

[44] La Cour d’appel du Québec dans une décision (7) de 2008 a statué qu’il ne saurait être question de statuer à nouveau sur l’objet du litige lors d’une requête en rectification de jugement.

 

 

F)    Paragraphes 16 et 17 du jugement

 

 

[45]  Le bénéficiaire s’exprime ainsi :

 

Nous demandons une révision du jugement puisque l’article 35 du Règlement d’arbitrage sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs permet au tribunal de statuer sur l’exception d’incompétence dès qu’elle est soulevée.

 

Explication/Preuve 1 :

 

L’article 35 du Règlement d’arbitrage sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs stipule ce qui suit :

 

35. L’exception d’incompétence du tribunal arbitral peut-être soulevée au plus tard lors du dépôt des conclusions en défense. L’exception prise de ce que la question litigieuse excèderait les pouvoirs du tribunal arbitral est soulevée dès que la question alléguée comme excédant ses pouvoirs est soulevée pendant la procédure arbitrale.  Le tribunal arbitral peut, dans l’un ou l’autre cas, admettre une exception soulevée après le délai prévu, s’i  estime que le regard est dû à une cause valable.  Le tribunal arbitral, règle générale, statue sur   l’exception d’incompétence dès

 

 

___________________

 (7) Lefort - Vigeant c. Millette, J.E. 2008-1076 (C.A.)                       

/15

 

qu’elle est soulevée.  Il peut toutefois, décider de poursuivre l’arbitrage et statuer sur cette exception dans la sentence définitive.

 

[46] Le syndicat demande de statuer sur le point 4 « en litige en utilisant l’article du Règlement ». Il est ajouté :

 

En effet, l’exception d’incompétence du tribunal arbitral peut être ou doit être soulevée au plus tard lors du dépôt des conclusions en défense.

                             (Le souligné est du syndicat)

 

[47] Le Syndicat rapporte ici un article qui ne lui est d’aucune utilité, bien au contraire. Le syndicat est hors délai.

 

[48] L’arbitre statue sur sa propre compétence.  Une lecture globale de l’article 35 nous permet de constater que l’exception d’incompétence du tribunal ne peut être soulevée, « même après le délai prévu » mais avant que l’arbitrage soit terminé. La dernière phrase dudit paragraphe nécessite sa relecture :

 

« … Il peut, toutefois, décider de poursuivre l’arbitrage et statuer sur cette exception dans la sentence définitive. »

 

                                         (Je souligne)

 

[49]  Le bénéficiaire reconnaît ne pas avoir soulevé ce point avant que la décision soit rendue.  Le tribunal n’a pas omis, en l’espèce, de statuer sur certaines questions en litige, questions qui n’ont pas fait l’objet d’aucune discussion ou d’analyse formelle.  À la limite, le syndicat ne peut demander de résoudre un problème de droit, même s’il existait, apporté ou soulevé postérieurement à la décision. (8)

 

[50] Madame Chan fait état d’impartialité du Tribunal.  Comment comprendre ? Lorsque le Tribunal a indiqué qu’il devait y avoir un arbitrage quant au point 4 de la seconde décision, cette conclusion venait du fait que Me Julie Parenteau n’avait pas soulevé d’exception déclinatoire.

 

__________________

(8) . G.A. c. M.R. (1989) R.D.J. 17 (C.A.); Tremblay c. Cantor (1986) R.D.J. 447 (C.A.), Papiers Gaspésie Inc., (Dans l’affaire du plan d’arrangement de), A.E./P.C. 2004-3338 (C.S.); Tremblay c. Pruneau, A.E./P.C. 2001-837 (C.S.); C.(P.) c. É (M -C ). R.J.Q. 2167 (C.S.)

 

/16

 

[51]  Le tribunal aurait pu soulever d’office que la contestation ne saurait tenir, notamment pour les cinq (5) motifs suivants :

 

a)    Madame Chan a reconnu que le vitrage était craqué compte considérant qu’une photo établissait la situation à l’époque.

 

b)    Le conciliateur écrit dans sa décision :

 

« De l’aveu de la représentante du syndicat, la situation décrite au point 4 est connue depuis la réception des parties communes survenue le 11 septembre 2015. »

 

c)    Après vérification, le conciliateur a maintenu sa version et sa conclusion après la vérification de Me Julie Parenteau.

 

d)    Madame Chan a reconnu qu’elle était hors délai.

 

e)    La demande du syndicat, même acceptée par l’administrateur, n’aurait rien changé à la conclusion de son conciliateur.

 

[52] Il s’agit ici d’un entêtement de madame Chan qui recherche la rectification de l’affirmation du conciliateur, sur la base qu’elle serait obligée de répondre personnellement du remplacement du vitrage, puisqu’elle ne s’est pas exécutée en temps et lieux. Étrangement, elle entend poursuivre CIEBQ.

 

[53]  Le courriel du 1er juin 2018 de madame Chan ne laisse place à aucune interprétation.  Le Tribunal rappelle le premier paragraphe :

 

Bonjour M. Fournier,

 

Sous la recommandation de mon avocate, nous ferons une demande de rectification de la décision rendue par Richard Berthiaume, T.P., pour le point 4 du rapport 346937-1.  Ceci clôture alors nos deux dossiers en processus d’arbitrage.

 

  (Le souligné et le caractère gras furent ajoutés lors du jugement)

 

 

 

 

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[54] Les éléments apportés par le syndicat dans sa requête ne saurait amener le Tribunal à modifier son jugement.  Qui plus est, il faudra garder en tête les propos du juge Dalphond à la Cour d’appel traitant ainsi d’une requête sur rétractation :

 

« Malgré l’intitulé de la requête, les conclusions recherchées font bien voir que l’on tente d’ajouter au jugement rendu.  Il ne s’agit pas  d’une  correction de jugement, mais bien d’une modification du

jugement rendu afin de résoudre un problème de droit constaté après coup.  Une telle procédure n’est pas recevable car l’article 475 du Code de procédure civile ne permet pas à un juge d’ajouter après coup un dispositif à un jugement final » (9)

 

[55] En bout de piste madame Chan a relevé trois coquilles dans le jugement signé le 25 juin 2018.  Au paragraphe 5 de celui-ci, il aurait fallu lire 2017 et non 1017 et au paragraphe 15 il aurait fallu lire M. et non Me ainsi que Garantie au lieu de Garantit.  Un simple courriel aurait suffi pour transmettre l’information quant à ces erreurs d’écriture. Le Tribunal reconnaît les 3 erreurs d’écriture.

 

[56] Pour le reste, s’il fallait que les parties s’approprient le texte d’un jugement pour le reformuler sans tenir compte du droit, de la jurisprudence, du contexte d’une phrase, d’un paragraphe ou d’un procès-verbal, les tribunaux seraient engorgés littéralement de procédures inutiles et sans fondement.

 

[57]  En l’espèce, le tribunal est d’avis que la représentante du syndicat a voulu servir ses intérêts personnels et non celui du syndicat.

 

[58]  Quant au point 3, seules les demandes formulées à 3.2 et 3.5 sont reçues s’agissant de coquilles.  Pour le reste, il s’agit de lire l’entièreté du paragraphe ou le ou les paragraphes précédents pour savoir et comprendre sans embarras ou encombre le sens des mots et de la phrase.

 

 

 

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(9)  [1997] R.D.J. 102, 104 (CAM)

 

 

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POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

 

 

ACCUEILLE            la demande de rectification quant aux points 3.2 et 3.5 de la requête pour ainsi lire au paragraphe 5 du jugement 2017 et non 1017, au paragraphe 15 du jugement M. et non Me et Garantie et non Garantit ;

 

 

REJETTE                 la demande en rectification quant aux autres points soumis;

 

 

CONDAMNE            l’administrateur à payer les frais d’arbitrage avec intérêts au taux légal, majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de facturation émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de carence de 30 jours;

 

 

 

 

LAVAL, CE 03 AOÛT 2018.

 

 

 

Yves   Fournier

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YVES FOURNIER

ARBITRE