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TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

n/d :                    PG 2008-03

GAMM :                2008-12-014  

Administrateur : A-20171/U-501641

 

 

Date  

 

 10 novembre 2008

 

____________________________________________________________

 

DEVANT L’ARBITRE :

Me Bernard Lefebvre

 

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9123-7750 Québec inc.

                                                                                                                                                          « Entrepreneur

                                                                                            demandeur »                                                         

 

 

Et

 

La Garantie des Maîtres Bâtisseurs

                                                                                                            «Administrateur »

                                                                                                          

 

Et

 

Mme Linda Prévost et M. Philippe Paquin

                                                                                                      « Bénéficiaires »

 

                                      

 

                                          SENTENCE ARBITRALE

 

[1]    L’Entrepreneur conteste la décision de l’Administrateur rendue le 17 mars 2008 qui accueille la demande de remboursement des Bénéficiaires relative au retard de la livraison de leur  propriété.

 

[2]    Avant d’exposer les considérations de droits invoquées par l’Entrepreneur au soutien de sa contestation et ensuite celles de l’Administrateur et des Bénéficiaires, nous retraçons l’historique du dossier en soulignant les faits essentiels.

 

Les faits

 

[3]    Les Bénéficiaires et l’Entrepreneur signent un contrat préliminaire le 9 octobre 2004 concernant l’acquisition de l’appartement condo identifié à l’adresse 12 avenue Shamrock, appartement 414 Montréal, du Projet Sophia.

 

[4]    Le contrat de garantie est signé le 30 janvier 2006 et la réception du bâtiment a lieu le 17 novembre suivant.

 

[5]    Le 23 novembre 2006, les Bénéficiaires signent devant le notaire Jacques Dorais, l’acte de vente pour l’acquisition de l’appartement condo 414 situé au 12 avenue Shamrock, Montréal, Québec et ils signent un document par lequel ils consentent à un règlement final et complet et qu’il n’y aura aucun recours légal relativement…

 

« à tous les problèmes, inconvénients et/ou contretemps qui auraient pu survenir relativement à la livraison en retard de l’appartement condo mentionné ci-haut du Projet Sophia, sis au 12 Ave Shamrock, app. 414, Montréal, Québec.

 

[6]     Le ou vers le 9 février 2007, les Bénéficiaires demandent à l’Administrateur le remboursement des frais découlant du retard de livraison et ce, pour la période du 1er juin 2006 30 novembre 2006 et en particulier :

 

-         $940.05 à titre de frais d’entreposage du 16 juin au 16 novembre 2006;

-         $859,96 à titre de frais de déménagement;

-         $5 630 et $500 concernant les frais de logement.

 

[7]    Le 17 mars 2008, l’Administrateur accueille la réclamation des bénéficiaires et sa décision se lit comme suit :

 

« RAPPORT DE CONCILIATION

 

 

1.    Frais de relogement de déménagement et d’entreposage

 

Le Bénéficiaire demande le remboursement des frais de retard de livraison pour la période du 1er juin 2006 au 30 novembre 2006. Le tableau ci-dessous explique plus en détails la demande de remboursement du Bénéficiaire.

 

La Bénéficiaire mentionne que le bâtiment devait être livré au plus tard le 31 mai 2006 et que dans les faits, le bâtiment a été livré le 17 novembre 2006.  Voici le détail des frais réclamés par le Bénéficiaire :

 

1.  Frais d’entreposage du 16 juin 2006 au 16 novembre 2006 pour un montant total de 940.05 $ soit 188.01 $ par mois.

2.  Frais de déménagement du 16 juin 2006 pour un montant total de 859.96 $.

3.  Frais de logement de juin 2006 à novembre 2006 pour un montant total de 5 630 $ plus 500 $ de dépôt.

 

L’Entrepreneur mentionne que le retard de livraison a été occasionné par une modification  de zonage (ajout d'une annexe sur l’immeuble) et la décontamination du sol qui n’était pas prévue initialement.  De plus, il ajoute qu’il a remis au Bénéficiaire une somme de 1 000 $ à titre de compensation pour frais de retard.

 

 À la lumière des informations qui nous a été transmises, nous sommes d'avis que l’exclusion prévue l’article 1.3.5 du contrat de garantie ne peut s'appliquer, le retard n’ayant pas été occasionné par des événements de force majeure tels les tremblements de terre, les inondations, les conditions climatiques exceptionnelles, la grève et le lock-out.

 

GMB établit donc que le délai du retard de livraison est fixé du 1er  juin 2006 au 16 novembre 2006, soit cent soixante et neuf jours (169) jours.

 

En vertu des articles 1.1.1.3 et 1.2.1.2 du contrat de garantie et des pièces justificatives reçues, GMB accorde l’indemnité maximale de  5 000 $ pour compensation des frais de relogement, de déménagement et d'entreposage dans le cadre du texte de garantie.

 

Compte tenu que l’Entrepreneur a déjà versé une somme de 1000 $ à titre de compensation financière,  GMB demande donc à l’Entrepreneur de verser une somme de 4 000 $ à titre de compensation financière pour frais de relogement, de déménagement et d'entreposage au Bénéficiaire.

 

GMB exige donc que l’Entrepreneur exécute le remboursement demandé dans ce présent rapport de conciliation dans les 45 jours suivant la réception du rapport. »

 

[8]     L’Entrepreneur dépose une demande d’arbitrage au bureau du Groupe d’Arbitrage et de Médiation sur Mesure (GAMM) le 28 avril 2008.

 

[9]    Dans sa demande d’arbitrage du 28 avril 2008, l’Entrepreneur allègue que…

 

« En date du 23 novembre 2006, les Bénéficiaires ont signés (sic) une quittance par laquelle ils admettaient qu’il n’y aurait aucune réclamation exigée contre l’Entrepreneur relativement à tous problèmes, inconvénients et/ou contretemps qui auraient survenir relativement à la livraison en retard du condominium.

 

Les Bénéficiaires consentaient aussi que le règlement intervenu le 23 novembre était un règlement final et complet et qu’il n’y aurait aucun recours légal entre les parties.

 

Par conséquent, les Bénéficiaires ont renoncé à leur droit à une indemnité pour le retard de livraison et le montant de mille (sic) dollars ($5,000.00) n’est pas dû par l’Entrepreneur.

 

Valeur ($) estimée de la réclamation : cinq milles dollars ($5, 000.00) »

 

Arguments de l’Entrepreneur

 

[10]           Il est vrai que le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, le Règlement, (c. B-1.1, r.0.2) prévoit que la garantie d’un Plan couvre les frais de relogement, le déménagement et l'entreposage des biens du bénéficiaire dans les cas ou le bénéficiaire ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l'entrepreneur à moins que les acomptes ne soient remboursés. (article 9, 3° du Règlement).

 

[11]            Mais le Règlement n’interdit pas aux bénéficiaires de renoncer à l’avantage que procure l’article 9, 3°du Règlement.

 

[12]            Or, en vertu du document que signent les Bénéficiaires le 23 novembre 2006, ceux-ci renoncent à recouvrir les frais de relogement, de déménagement et d’entreposage dus au retard de la livraison de leur appartement condo.

 

[13]           Cette renonciation constitue une transaction au sens de l’article 2631 du Code civil du Québec dont les effets juridiques sont libellés en ces termes :

 

« 2631. La transaction est le contrat par lequel les parties préviennent une contestation à naître, terminent un procès ou règlent les difficultés qui surviennent lors de l’exécution d’un jugement, au moyen de concessions ou de réserves réciproques. »

 

[14]           Confirmer la décision de l’Administrateur équivaut à invalider le document signé devant notaire par les Bénéficiaires le 23 novembre 2006. Ce document est valablement fait et crée la loi des parties.

 

[15]           L’Entrepreneur soumet les décisions Groupe Trigone Construction inc.[1] et Mme Johanne Brodeur et M. Yves Joly[2] au soutien de sa position.

 

Arguments de l’Administrateur

 

[16]           Au moment de rédiger le rapport de conciliation le 17 mars 2008, le conciliateur n’avait pas reçu la quittance signée par les Bénéficiaires le 23 novembre 2006.

 

[17]           Les termes de cette quittance sont clairs et concernent toute la réclamation des Bénéficiaires.

 

[18]           Les Bénéficiaires ont dégagé l’Entrepreneur de toute responsabilité pouvant découler du retard relatif à l’occupation de leur bâtiment.

 

[19]           Puisque l’Administrateur ne peut assumer plus que ce que l’Entrepreneur est tenu de réparer, il suit que l’arbitre doit confirmer la position de celui-ci et rejeter par le fait même la réclamation des Bénéficiaires.

 

 

 

 

Arguments des Bénéficiaires

 

[20]            Les Bénéficiaires affirment qu’ils n’ont jamais reçu le montant de $1 000. indiqué dans le Rapport de conciliation ni n’avaient-ils pris possession de leur condo lorsqu’ils ont signé le document devant notaire, le 23 novembre 2006.

 

[21]           De fait, on leur a dit que la prise de possession de leur condo était conditionnelle à ce qu’ils signent ce document.

 

[22]            Les Bénéficiaires font valoir que l’Administrateur agit en quelque sorte comme l’assureur des obligations de l’Entrepreneur.

 

[23]            Or,  le Règlement oblige l’Administrateur à prendre leurs fait et cause. Ainsi, l’Administrateur doit leur rembourser les frais de relogement, de déménagement et d'entreposage encourus en raison du défaut de l’Entrepreneur de respecter ses engagements contractuels.

 

ANALYSE

 

[24]            Force est de constater que le document daté du 23 novembre 2006 a été signée par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur après la réception du bâtiment, réception qui eut lieu le 17 de ce même mois. Au regard de ce document, l’Administrateur est une tierce partie, non signataire forcément du document.

 

[25]           Examinons d’abord les effets juridiques de ce document, à savoir s’il s’agit ou non d’une quittance et nous aborderons ensuite brièvement la question de l’étendue de la responsabilité de l’Administrateur à titre de caution des obligations de l’Entrepreneur.

 

Les effets juridiques du document signé le 23 novembre 2008

 

[26]           Le document signé le 23 novembre 2006 mentionne que les Bénéficiaires renoncent à réclamer la totalité des frais encourus en raison du retard de l’Entrepreneur à leur livrer leur condo dans le temps imparti. De son côté, l’Entrepreneur convient de verser aux Bénéficiaires la somme de $1 000, en compensation des dommages subis par ceux-ci à cause de la non livraison de l’immeuble.

 

[27]           Ainsi, les Bénéficiaires et l’Entrepreneur font des concessions réciproques. Il s’agit d’une transaction au sens de l’article 2631 du Code civil du         Québec. Cette transaction fait autorité entre les deux parties et envers l’Administrateur, à titre de caution.

 

[28]           Cela signifie que l’Administrateur peut opposer le document aux Bénéficiaires, le cas échéant.

 

[29]           En droit, la transaction est un contrat dont les conditions de formation et d’exécution sont régies par la théorie des obligations. En bref, le défaut par les Bénéficiaires ou l’Entrepreneur de respecter les conditions énumérées dans le document du 23 novembre 2006 constitue une cause de résiliation de la transaction.

 

[30]           En arbitrage, les Bénéficiaires affirment que l’Entrepreneur n’a pas versé la somme de $1000 mentionnée dans le document du 23 novembre 2006. De son côté, l’Entrepreneur n’a pas prouvé en arbitrage qu’il avait versé cette somme. Il aurait pu le faire. En conséquence, l’affirmation des bénéficiaires revêt une force probante.

 

[31]            D’ailleurs, à la suite de la demande de l’arbitre de vérifier ce sur quoi s’appuie le conciliateur dans sa décision du 17 mars 2008 que… « l’Entrepreneur a déjà versé une somme de 1000 $ à titre de compensation financière… » (Rapport de conciliation du 17 mars 2008), l’Administrateur n’a pas trouvé trace du versement de ce montant et ainsi, l’affirmation du conciliateur ne renverse pas l’affirmation des Bénéficiaires à l’effet contraire.

 

[32]           Actuellement, le moyen de valider ou d’invalider le document du 23 novembre 2006, à savoir s’il s’agit ou pas d’une transaction au sens du Code civil du Québec,  demeure l’action en justice devant les tribunaux de droit commun. Le Règlement ne confère pas compétence à l’arbitre pour trancher cette question.

 

[33]           Ou bien la tribunal de droit commun considère que le document signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 23 novembre 2006 n’est pas une transaction au sens de l’article 2631 du Code civil du Québec et alors l’Administrateur assume ultimement l’obligation de verser les frais de relogement, de déménagement et d’entreposage dans le cadre du texte du contrat de garantie, ou bien ce tribunal décide que ce document est une transaction au sens du Code. Dans ce cas l’arbitre donnera raison à l’Entrepreneur.

 

[34]           Quelques mots sur le rôle de l’Administrateur en vertu du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, à titre de caution.

 

Le rôle de l’Administrateur en vertu du Règlement

 

[35]           Aux termes du Règlement, l’Administrateur du Plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs agit à titre de caution des obligations de l’entrepreneur résultant du contrat de garantie signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur.

 

[36]           À titre de caution, l’Administrateur n’assume pas d’autres obligations que celles dévolues à l’Entrepreneur dans le contrat de garantie.

 

[37]           En l’espèce, ce n’est que si le document du 23 novembre 2006 est invalidé par le tribunal de droit commun que l’Administrateur sera tenu, ultimement, de verser aux Bénéficiaires les frais de relogement, de déménagement et d’entreposage dans les limites indiquées dans le contrat de garantie.

 

[38]           Ajoutons que l’Administrateur assume l’obligation de renseigner les Bénéficiaires sur le contenu du Plan de garantie. Cette obligation ne s’applique pas au contenu et à la portée du document signé le 23 novembre 2006. 

 

DÉCISION

 

[39]           Pour tous ces motifs, l’arbitre décide de conserver compétence et juridiction pour déterminer si l’Administrateur assume ultimement l’obligation de verser aux Bénéficiaires les frais de relogement, de déménagement et d’entreposage prévus au Règlement et ce, dans l’éventualité ou un tribunal de droit commun décide que le document signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 23 novembre 2006 n’est pas une transaction.

 

[40]           L’arbitre enjoint aux Bénéficiaires d’aviser l’Administrateur, l’Entrepreneur et le soussigné dans les trente jours du dépôt de cette sentence, de leur intention de recourir aux tribunaux de droit commun pour déterminer la valeur juridique du document signé le 23 novembre 2006.

 

[41]           À défaut de recevoir cet avis dans ce délai, l’arbitre renversera la décision rendue par l’Administrateur le 17 mars 2008 et rejettera la réclamation des Bénéficiaires.

 

[42]           Dans les circonstances, l’Administrateur assume les frais et honoraires de l’arbitre.

 

[43]           Ainsi décidé le 10 novembre 2008.

 

 

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Me Bernard Lefebvre

 

 

Pour les bénéficiaires 

 

 

Mme Linda Prévost et M. Philippe Paquin

12, Shamrock #414

Mtl,  Qc H2S 1A4

 

Pour l’Administrateur :

Me Marc Baillargeon

2580 boulevard Poirier

St-Laurent (Québec)

H4R 3A3

 

Pour l’Entrepreneur :

 

Me Adina Comanita

Les Développements Sicam inc.

5800 boulevard Thimens

Saint-Laurent (Québec)

H4S 1S5

 

Date d’audience :

17 octobre 2008

 

Début du délibéré :

21 octobre 2008

 

 



[1] Michel Dufresne et Ligne Lefebvre et Le Groupe Trigone Construction inc. et la Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, inc., M. Claude Dupuis arbitre, 12 avril 2004

[2] Mme Johanne Brodeur et M. Yves Joly[2] et La Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. et Goyette, Duchesne et Lemieux, Me Bernard Lefebvre, arbitre, 9 avril 2003.