CENTRE D'ARBITRAGE COMMERCIAL
NATIONAL ET INTERNATIONAL DU QUÉBEC
NO.: 01-0701 RICHARD DAIGLE, DIANE NESTOWICK
ET THÉRÈSE NESTOWICK
Demandeurs
c.
LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.
Le 26 juin 2001, La Garantie Habitation du Québec Inc., en la personne de Monsieur Sylvain Beausoleil répondait à une réclamation des demandeurs: "après étude du dossier et du contrat préliminaire dont le numéro de référence est le 8618, un seul remboursement d'acompte de trente mille dollars (30 000,00$) sera émis, conformément à l'article 6.6.2.1 du contrat de garantie".
Le 10 juillet 2001, les demandeurs adressent au Centre d'Arbitrage Commercial National et International du Québec, une demande d'arbitrage de cette décision, conformément aux articles 11 et 12 du Règlement d'Arbitrage sur le Plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs (R.A.P.G.). Conformément à ces dernières règles, les parties ont procédé à la nomination du soussigné comme arbitre. Un avis d'audition conforme à l'article 47 des R.A.P.G. a été signifié aux procureurs des parties le 23 août 2001.
La séance d'arbitrage s'est déroulée au 7400, boulevard des Galeries d'Anjou à Anjou, bureau 200, le 31 août 2001 à 9h30 en présence des demandeurs, Monsieur Richard Daigle, Diane Nestowick et Thérèse Nestowick, de leur procureur, Me Georges Crochetière ainsi que de Me Frédérick Birtz et Monsieur Sylvain Beausoleil, de la Garantie Habitation du Québec Inc. et de leur procureur, Me Pierre Labelle (ce dernier ayant déposé au début de l'audition un consentement à substitution de procureurs en vertu duquel il agissait pour la défenderesse).
Dès le début de l'audition, les parties ont, de consentement, déposé un certain nombre de pièces et fait certaines admissions, de sorte que le présent arbitrage se résume à déterminer l'interprétation qu'il faut donner à la limitation de garantie contenue à l'article 6.6 du "Contrat préliminaire et de garantie obligatoire - Maisons neuves", déposé comme pièce D-1.
Les demandeurs, Richard Daigle, Diane Nestowick et Thérèse Nestowick ont déposé le 14 juin 2001, auprès de La Garantie Habitation du Québec Inc., une demande de remboursement d'un acompte versé à Pierre St-Onge (Ger-Plus Enr.), laquelle était formulée comme suit:
- Richard Daigle et Diane Nestowick,
1195, rue Loiret, Terrebonne 30 000,00 $
- Thérèse Nestowick
1193, rue Loiret, Terrebonne 30 000,00 $
le tout en vertu de la protection d'assurance accordée par le contrat préliminaire de garantie obligatoire - Maisons neuves, portant le numéro 0008618.
L'article pertinent de ce contrat se lit comme suit:
"6.6 LES LIMITES DE LA GARANTIE:
6.6.1 La garantie relative à une maison unifamiliale isolée, jumelée ou en rangée et non détenue en copropriété divise est limitée par adresse au montant suivant:
6.6.1.2 Pour les acomptes, 30 000,00 $
(...)
6.6.2 La garantie relative à un bâtiment multifamilial non détenu en copropriété divise est limité au montant suivant:
6.6.2.1 Pour les acomptes, 30 000,00 $ par bâtiment
(...)"
Les défendeurs, dans la décision de Monsieur Beausoleil précitées, déposée comme pièce D-8, prétendent, en référant à l'article 6.6.2.1, que nous sommes en présence d'un immeuble multifamilial constitué d'une seul bâtiment dont la limite de la garantie est donc de 30 000,00 $.
Les demandeurs, quant à eux, prétendent qu'il faut plutôt appliquer l'article 6.6.1 puisque nous serions en présence de "maisons unifamiliales isolées" et que, puisqu'il y a deux adresses, ils peuvent bénéficier deux fois du remboursement d'une somme de 30 000,00 $.
LES FAITS
Le 21 août 2000, est intervenu entre Ger-Plus Enrg. et Richard Daigle, Diane Nestowick et Thérèse Nestowick, un contrat préliminaire produit comme pièce D-1, pour la construction d'un immeuble sur le lot 143-366 du cadastre de Terrebonne, sur la rue Loiret pour un prix total de 280 483,00 $. Les parties ont admis que l'entrepreneur, qui a fait faillite depuis, a versé à La Garantie Habitation du Québec Inc. le montant de la prime.
En cours de chantier, les demandeurs ont fait de nombreux versements totalisant, pour chaque demandeur plus 30 000,00 $, copie des différents chèques ayant été déposée en liasse pour valoir comme pièce D-2.
Le procureur de la demanderesse a déposé, en liasse, la demande de permis de construction pour un immeuble "unifamilial (seconde génération)" portant les adresses 1193 et 1195 du Loiret, et des copies du plan d'implantation. Cette construction devait être érigée sur un seul lot, le 143-366, comme mentionné plus haut.
Le type très particulier de cette construction est la source du litige et du problème d'interprétation de la limite de garantie du contrat D-1 précité. En effet, la pièce D-6 fait référence à un immeuble de type "seconde génération". Ailleurs, dans la correspondance échangée par les parties, le procureur des demandeurs fait référence à un immeuble "bi-génération". Il s'agit d'un immeuble de conception relativement nouvelle, constitué d'une aire d'habitation principale à laquelle se greffe, dans le même immeuble, une aire de logement plus petite généralement destinée aux parents de l'un ou l'autre des occupants de l'aire principale.
Toutefois, les apôtres de tels immeubles ont rencontré certaines difficultés au cours des ans dans la qualification juridique de tels bâtiments. En effet, le désir d'accorder aux aînés un certain niveau d'indépendance a mené les concepteurs à leur attribuer une adresse indépendante. La réglementation municipale n'a pas toujours été assez souple. Dans plusieurs municipalités, la seconde aire de logement, avec une adresse indépendante, entraîne automatiquement la classification de l'immeuble comme étant multifamilial et donc le relègue à des zones à plus haute densité.
Toutefois, à l'instar d'autres instances municipales, la Ville de Terrebonne, dont le règlement a été déposé comme pièce D-5 à l'audition, (règlement de zonage no. 2181, Ville de Terrebonne, article 1.12, H-1.2) a créé un type d'immeuble qu'elle qualifie de "Uniplex" et décrit comme suit: "Habitation unifamiliale isolée greffée d'un second logement dont la présence ne se manifeste pas dans la composition architecturale du bâtiment". La présence d'une seconde adresse ne semble pas être, dans la présente instance, une telle manifestation puisque la Ville de Terrebonne a émis le permis de construction en litige dans une zone qui ne prévoit que des constructions unifamiliales.
ARGUMENTS DES DEMANDEURS
Les demandeurs citent comme mentionné, l'article 6.6.1 du contrat préliminaire, dont ils font une interprétation littérale. Pour fins de compréhension, nous répétons le texte qui se lit comme suit:
"La garantie relative à une maison unifamiliale isolée, jumelée ou en rangée, et non détenue en copropriété divise est limitée par adresse au montant suivant, 6.1.1.1 pour les acomptes, 30 000,00 $." (nous soulignons)
Les demandeurs ne voient aucun problème à concevoir une maison unifamiliale isolée ayant plus d'une adresse. Pas plus que la municipalité ne semble avoir eu de problème avec ce concept.
Ils demandent donc le versement d'un second 30 000,00 $, le premier ayant été versé lors de la décision du 26 juin 2001 puisqu'il y avait effectivement deux (2) adresses et que la garantie est limitée par adresse et non par bâtiment.
Les défendeurs proposent une interprétation, de 6.6.1 où la limitation "par adresse" ne s'appliquerait qu'à une maison unifamiliale jumelée ou en rangée et non à la maison unifamiliale isolée, qui ne pourrait avoir qu'une seule adresse.
Le procureur de la défenderesse propose, dans son plan d'argumentation, une interprétation qui ajoute au texte et propose que l'argument des demandeurs, soit qu'une maison unifamiliale puisse avoir plus d'une adresse, serait contraire au bon sens.
Il fait référence dans son argumentation à l'ouvrage "L'Interprétation des lois", de Me Pierre-André Côté, justifiant cette référence par le fait que le texte du contrat, produit comme pièce D-1, est imposé par le législateur dans le règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, adopté en vertu de la Loi sur le bâtiment. (L.R.Q., c. B-1.1, règlement 0.2)
Bien que la décision que les demandeurs portent en appel ait été basée sur l'article 6.6.2.1, le procureur de la défenderesse n'en fait pas mention dans son argumentation.
Bien que les règles d'interprétation des lois puissent être de grand secours pour interpréter le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, dans le présent cas il faut interpréter un contrat. De plus, il s'agit d'un contrat d'assurance et de plus un contrat d'adhésion. À ce sujet, nous nous permettons de citer l'article 1379 du Code civil du Québec qui se lit comme suit:
"Le contrat est d'adhésion lorsque les stipulations essentielles qu'il comporte ont été imposées par l'une des parties ou rédigées par elle, pour son compte ou suivant ses instructions, et qu'elles ne pouvaient être librement discutées.
Tout contrat qui n'est pas d'adhésion est de gré à gré."
Lorsqu'il vient le temps d'interpréter un tel contrat, le législateur a prévu une règle particulière à l'article 1432 du même code, qui se lit comme suit:
"Dans le doute, le contrat s'interprète en faveur de celui qui a contracté l'obligation et contre celui qui l'a stipulée. Dans tous les cas, il s'interprète en faveur de l'adhérent ou du consommateur."
Lors de l'adoption en 1994 du Code civil du Québec, le législateur a laissé tomber, à la faveur de ce dernier article 1432 C.c.Q., l'article 2499 C.C.B.C. qui se lisait comme suit:
"En cas d'ambiguïté, le contrat d'assurance s'interprète contre l'assureur".
Nous ne croyons pas que le nouveau code n'atténue la rigueur d'interprétation pour les assureurs, elle ne fait que rendre cette rigueur d'application plus générale.
Il pourrait être maintenu que le législateur n'a pas prévu qu'une maison unifamiliale isolée pouvait avoir plus d'une adresse. Il est possible que, s'il l'avait prévu, il aurait rédigé sa limitation de garantie différemment, de façon à limiter le remboursement. Si telle est toutefois l'intention du législateur, il pourra modifier son texte. Nous pouvons difficilement justifier, par interprétation, d'aller à l'encontre d'un texte clair pour refuser la compensation demandée par un adhérent.
Nous croyons de plus que les règles du présent arbitrage, spécifiquement l'article 52 R.A.P.G., milite en faveur de l'interprétation ci-haut.
Pour les raisons exposées, nous ne voyons aucun intérêt à approfondir le débat sur les formes et permutations possibles d'une famille ou d'une résidence unifamiliale, laissant au législateur et/ou à l'assureur ces distinctions, s'ils décident de modifier leur texte.
POUR TOUS CES MOTIFS:
Le soussigné fait droit à la demande de Monsieur Richard Daigle, et de Mesdames Diane Nestowick et Thérèse Nestowick et DÉCLARE que La Garantie Habitation du Québec Inc. doit rembourser à ces personnes une somme de trente mille dollars 30 000,00 $ en plus du montant de trente mille dollars (30 000,00 $) qui leur a déjà été versé, pour un total de soixante mille dollars (60 000,00 $).
La demande d'arbitrage demande d'ordonner un remboursement de soixante mille dollars (60 000,00 $) réparti à raison de trente mille dollars (30 000,00 $) à Richard Daigle et Diane Nestowick et trente mille dollars (30 000,00 $) à Dame Thérèse Nestowick. Bien que le chèque du 26 juin 2001 ait été fait à Monsieur Richard Daigle et Madame Diane Nestowick, nous ne croyons pas, sur base du contrat D-1 que nous puissions déclarer que cette somme doive être répartie à l'un ou l'autre des demandeurs et déclarons plutôt que le montant doit être libellé à l'ordre des trois demandeurs, comme sur le contrat.
Conformément aux dispositions de l'article 63 b) du R.A.P.G., les coûts de l'arbitrage sont à la charge de la défenderesse.
SIGNE À SAINT-JEROME, le 14 septembre 2001
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Me Dennis Geraghty