ARBITRAGE EN VERTU DU

RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE

DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (Décret 841-98)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

Dossier no :

GAMM :     2010-11-005

                         GHQ :         48507-2140

 

 

ENTRE :

CONSTRUCTION MACX INC.

(ci-après l’entrepreneur)

 

ET :

LA GARANTIE QUALITÉ HABITRATION INC.

                                                                                                         

  (ci-après l’administrateur)

 

ET :

LINE MORIN ET HUGO JULIEN

 (ci-après les bénéficiaires)

 

 

 

DEVANT L’ARBITRE :

 Me Johanne Despatis

 

 

Pour l’entrepreneur :                                                     

M. Marc Côté

Pour l’administrateur :                                                     

Me Avelino de Andrade

Pour les bénéficiaires :                                                     

Mme Line Morin et M. Hugo Julien

 

 

Date d’audience :

28 février 2011

Date de la sentence :                                                      

29 mars 2011

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 


I

LE RECOURS

[1]               Construction Macx inc., l’entrepreneur, conteste en vertu de l’article 19 du Règlement  sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, ci-après le Règlement, la décision suivante rendue le 6 juillet 2010 par la Garantie Qualité Habitation inc., l’administrateur :

Point reconnu

En vertu du texte de garantie, l’entrepreneur Construction Macx inc. devra compléter les travaux ci-dessous mentionnés au point 1 dans un délai de quarante-cinq (45) jours consécutifs suivant la réception du présent rapport. le délai précité exclu s’il y a lieu les congés fériés chômés.

1.      Plancher de lattes de bois franc

(En référence au point 1 du rapport émis le 24 février 2009)

Le propriétaire nous mentionne que les travaux correctifs effectués par l’entrepreneur sont inacceptables et que la situation est demeurée inchangée.

La pâte ayant été mise entre les lattes étant inesthétiques et celle-ci s’enlève par galette.

Également lors de l’inspection nous avons procédé au prélèvement du taux d’humidité à l’intérieur des lattes et il était de 7%, ce qui est tout à fait normal pour la période de l’année.

De plus, il faut préciser que compte tenu du fait que les planchers au rez-de-chaussée et à l’étage dans la propriété ont déjà subit des sablages à trois occasions, et ce, suite à des travaux correctifs devant être exécutés, ces derniers ne peuvent encore une fois faire l’objet des sablages sans que la durée de vie des planchers soit écoutée de façon substantielle.

Par conséquent, l’entrepreneur devra faire les vérifications nécessaires et les correctifs requis, selon les règles de l’art, et l’usage courant du marché. Et ce, en tenant compte que les planchers de lattes dans la propriété ne peuvent plus être sablés.

 

II

                                                                    LES FAITS

[2]               Madame Line Morin et monsieur Hugo Julien, les bénéficiaires, dénoncent le 2 mai 2008 auprès de l’entrepreneur et de l’administrateur des problèmes concernant le plancher de bois franc de leur résidence, problèmes qu’ils estiment couverts par le Règlement.  

[3]               Une inspection est réalisée le 11 septembre 2008 par monsieur Normand Pitre, inspecteur et responsable du service de la conciliation chez l’administrateur.

[4]               Monsieur Pitre estime alors nécessaire de procéder à une inspection supplémentaire en janvier 2009 afin de procéder à de nouveaux relevés du taux d’humidité en vue d’en arriver à statuer de façon définitive sur la situation.

[5]               Monsieur Pitre procède à cette inspection supplémentaire le 16 janvier 2009 et fait rapport le 24 du mois suivant. Selon celui-ci, les problèmes affligeant le plancher de la propriété constituent une malfaçon non apparente au sens du Règlement. Il ordonne donc à l’entrepreneur d’effectuer certains travaux correctifs. Les extraits pertinents de ce rapport se lisent ainsi :

Les bénéficiaires nous mentionnaient dans un premier temps que quelque temps après la prise de possession des espacements c’était créé entre les lattes du plancher de bois franc sur tous les étages de la propriété.

De ce fait, le 7 décembre 2007 soit trois mois après la prise de possession par les propriétaires, le sous-traitant de l’entrepreneur a procédé à des prélèvements du taux d’humidité à l’intérieur de la propriété. Or, lors de ces prélèvements, le taux d’humidité variant entre sept (7) et huit (8) pourcent ont été constatés à l’intérieur des lattes ainsi que la présence d’espacement déjà présente dans le plancher de latte de bois franc. Lors de notre première inspection, nous avons constaté la présence des dites espacements, et ce, malgré un taux d’humidité relative de quarante (40) pourcent à l’intérieur de l’unité de la propriété et un taux d’humidité à l’intérieur des lattes de huit (8) pourcent. Étant à noter que pour la période du mois de septembre le taux d’humidité relative ainsi que taux d’humidité contenue dans les lattes étaient tout à fait normaux. Toutefois, la présence d’espacement entre les lattes était anormale.

Or lors de notre deuxième inspection, ayant eu lieu au mois de janvier 2009 nous avons pu constater un taux d’humidité contenu dans les lattes de sept (7) % et une humidité relative à l’intérieur de la propriété de trente-huit (38)%. Ce qui encore une fois nous est apparu tout à fait normal et qui ne peut signifier que les propriétaires de la maison n’exercent aucun contrôle sur l’humidité contenue à l’intérieur de leur propriété. De ce fait et contenu des informations prélevées lors des deux (2) inspections il nous apparait tout à fait anormal que des espacements soient présents en permanence sur le plancher de latte de bois de la propriété contenu du taux d’humidité contenu dans les lattes et du taux d’humidité relative dans la propriété à différente période de l’année.

Park conséquent, l’entrepreneur devra faire les vérifications nécessaires et les correctifs requis, selon les règles de l’art et l’usage courant du marché. [sic]

[6]               L’entrepreneur, insatisfait, se pourvoit en arbitrage le 10 mars suivant. Toutefois, explique monsieur Marc Côté, représentant de l’entrepreneur, ce dernier se désiste de sa demande quelques semaines plus tard. Il décide de donner suite à l’ordonnance de l’administrateur et effectue des travaux correctifs censés corriger le problème. Ces travaux sont en fait réalisés par monsieur Eugène Goyette, un sous-traitant de l’entrepreneur, le même qui avait posé le plancher au départ.

[7]               Or, les bénéficiaires estiment que ces correctifs n’ont toujours pas remédié à la situation et ils en informent l’administrateur qui procède alors à une nouvelle inspection. Il rend le
6 juillet 2010 la décision rapportée plus haut, décision qui mène au présent litige.

[8]               Au cours de son témoignage, monsieur Côté a reconnu que les travaux correctifs n’avaient pas corrigé la situation. Les espacements entre les lattes sont toujours visibles et l’ajout de pâte ne donne pas de résultat. Ma visite des lieux m’a d’ailleurs également permis de constater de visu la présence de ces espacements et le fait que la tentative de correction de l’entrepreneur n’a pas permis de corriger la situation.

[9]               Monsieur Goyette, présent à l’audience, explique avoir d’ailleurs fait savoir à l’entrepreneur dès août 2010 qu’il n’avait personnellement pas l’intention d’apporter quelque correctif supplémentaire au plancher. Il reprend en substance à cette occasion, ce qu’il écrivait dans le courriel suivant qu’il adressait à l’entrepreneur le 3 août 2010 :

Salut marc j’ai prix connaissance du document que tu ma envoyer de qualiter habitation. Sache que d’aucune façon nous reprendrons les traveaux.

Sa conclusion ne reflete pas la réaliter puisque les plancher on eu 1 seul sablage en profondeur

Les autres sablages étaient en fait seulement qu’un leger sablage en surface et 1 vernissage.

De plus lors de notre dernière rencontre avec le client et qualiter Habitation nous lui avons soumies quelque propositions et il a retenue celle de boucher les espaces avec de la pate a bois et appliquer une couche de vernie par-dessus. De plus nous lui avons fait comprendre en présence du client que si cela ne tien pas après c’est que le client ne contrôle pas son humiditer ambiante et cela était la dernière fois qu’on fesait des traveaux la.

Qualiter habitation a approuver cela en presence du client

Si tu desire donner suite a la demande de qualiter habitation cela sera ta decision et a tes frais.

Parcontre je te suggere fortement de refuser de refaire les traveaux comme le suggere qualiter habitation puisque la conclusion du rapport reflete un manque total de connaissance de ce dossier. [sic]

[10]           Monsieur Goyette est sableur et installateur de plancher de bois depuis une vingtaine d’années. Il affirme avoir installé le plancher selon les règles de l’art et que la solution préconisée d’ajouter de la pâte pour boucher les espacements entre les lattes avait été avalisée par l’inspecteur Pitre. Selon monsieur Goyette, ce problème d’espacement entre les lattes résulte du fait que les bénéficiaires n’auraient pas su contrôler adéquatement le taux d’humidité ambiant dans leur résidence et ce depuis leur prise de possession. En somme, selon ce sous-traitant, l’humidité est la cause du problème et non quelque malfaçon dans l’installation du plancher ou dans les matériaux utilisés.

[11]           L’inspecteur Pitre affirme pour sa part avoir non seulement mesuré le taux d’humidité ambiant  à chacune de ses visites d’inspection, mais également avoir fait des prélèvements à même le plancher. Toutes ces mesures indiquaient des taux normaux. C’est ainsi qu’il a conclu en janvier 2009 que le problème n’en était pas un de contrôle d’humidité par les bénéficiaires mais bien d’une malfaçon.

[12]           Monsieur Pitre reconnait avoir possiblement fait erreur dans son rapport de juillet 2010 en affirmant que ce plancher avait été poncé plus d’une fois mais il maintient que dans son état actuel, il est à peu près impossible de le réparer. Enfin, selon lui, la tentative de l’entrepreneur de corriger le problème en y appliquant de la pâte ne rencontre pas les règles de l’art.

 

III

ANALYSE ET DÉCISION

[13]           Le litige se limite à la décision rendue le 6 juillet 2010 par l’administrateur, seule décision que vise la demande d’arbitrage présentée par l’entrepreneur.

[14]           Selon la preuve, cette décision suivait une inspection supplémentaire faite après que les bénéficiaires se soient plaints à l’administrateur que l’entrepreneur ne s’était pas conformé à une décision antérieure du 24 février 2009 qui accueillait leur réclamation au sujet du mauvais état de ce plancher. L’entrepreneur de son propre aveu après avoir fait appel de cette décision s’était désisté de sa demande d’arbitrage.

[15]           Cette décision du 24 février concluait qu’un problème affectant les planchers de bois de la résidence des bénéficiaires existait bel et bien et qu’il constituait une malfaçon au sens du Règlement.

[16]           L’arbitre, autant que les parties, est liée par le Règlement. Or que l’entrepreneur affirme aujourd’hui avoir été en désaccord avec la décision du 24 février ne change rien à la situation juridique des parties puisqu’après avoir porté cette décision en arbitrage, l’entrepreneur a retiré sa demande.

[17]           Cette décision du 24 février 2009 est dès lors devenue définitive. Elle ne peut donc pas faire l’objet d’une révision déguisée dans le cadre du présent arbitrage qui concerne une décision rendue en juillet 2010. Ce recours ne saurait être utilisé pour remettre en question une conclusion qu’on n’a pas contestée en temps utile.

[18]           En définitive, la seule décision susceptible d’être contestée devant moi est celle du
6 juillet 2010 et celle-ci conclut que les travaux correctifs effectués par l’entrepreneur n’ont pas réglé la situation.

[19]           À l’audience, l’entrepreneur reconnait en pratique que les travaux effectués par son sous-traitant n’ont pas corrigé la situation. En fait, la présence continue d’espacements anormaux entre les lattes de bois n’est pas contestée et personne n’a soutenu que pareils espacements puissent être considérés comme acceptables.

[20]           En l’espèce, la contestation de l’entrepreneur porte essentiellement sur le fait que ces espacements ne seraient pas imputables à quelque malfaçon couverte par le Règlement mais plutôt à la faute des bénéficiaires qui n’auraient pas maintenu un taux d’humidité adéquat dans leur demeure après leur prise de possession. Je précise à nouveau que la question de savoir si les espacements originaient d’une malfaçon au sens du Règlement a déjà été décidée de façon définitive dans la décision de février 2009.

[21]           Ce qui reste est de savoir si l’insuffisance reconnu du correctif est imputable à la faute des bénéficiaires qui n’aurait pas assuré le maintien d’un taux d’humidité adéquat. Or la preuve prépondérante, prélèvements à l’appui, démontre que ce taux était normal. Elle est également à l’effet que le recours à de la pate comme solution n’était pas adéquat.

[22]           Dans les circonstances, je n’ai d’autre choix que de rejeter le recours de l’entrepreneur à l’égard de la décision de l’administrateur du 6 juillet 2010. J’ordonne en conséquence à l’entrepreneur de procéder d’ici le 31 mai 2011 au correctif ordonné par l’administrateur et, à défaut par lui de l’être, qu’il y soit procédé par l’administrateur en conformité du Règlement.

[23]           J’ordonne que le coût du présent arbitrage soit défrayé à parts égales par l’administrateur et l’entrepreneur et ce conformément à l’article 123 du Règlement.

Montréal, ce 29 mars 2011

 

 

 

 

 

__________________________________

Johanne Despatis, arbitre

 

 

Adjudex inc.

1009-8377-GAMM

S/A 8086