ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment: SORECONI
ENTRE: SERGIO DONOSO
MARINA HERNANDEZ
(ci-après «les Bénéficiaires»)
ET: GRILLI SAMUEL MÉNARD INC.
(ci-après «l’Entrepreneur»)
ET: LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.
(ci-après «l’Administrateur»)
No dossier SORECONI: 111609003
No dossier APCHQ: 11-450FL
Arbitre: Me Philippe Patry
Pour les Bénéficiaires: Monsieur Donoso
Madame Hernandez
Pour l’Entrepreneur: Monsieur Carl Poudrier
Pour l’Administrateur: Me François Laplante
Monsieur Jocelyn Dubuc,
inspecteur-conciliateur
Date de la sentence: 25 février 2013
Identification complète des parties
4563, avenue Wilson
Montréal (Québec) H4A 2V5
Bénéficiaires: Monsieur Sergio Donoso
Madame Marina Hernandez
3880, rue Gaston-Miron
Laval (Québec) H7R 0B5
Entrepreneur: Grilli Samuel Ménard Inc
150, boulevard de Mortagne
Bureau 360
Boucherville (Québec) J4B 5E4
Administrateur: La Garantie des Maisons Neuves de l’APCHQ
5930, boulevard Louis-H. Lafontaine
Anjou (Québec) H1M 1S7
et son procureur:
Me François Laplante
Monsieur Jocelyn Dubuc,
inspecteur-conciliateur
Décision
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 29 septembre 2011.
1er juin 2009: Contrat préliminaire et contrat de garantie;
15 octobre 2009: Formulaire d'inspection préréception; Annexe d'éléments préétablis à vérifier à la réception du bâtiment;
20 octobre 2009: Déclaration d'exécution finale des travaux;
16 novembre 2009: Dénonciation des Bénéficiaires à l'Entrepreneur;
9 août 2010: Dénonciation des Bénéficiaires à l'Entrepreneur;
5 octobre 2010: Dénonciation des Bénéficiaires à l'Entrepreneur;
21 octobre 2010: Avis de 15 jours de l'Administrateur à l'Entrepreneur;
27 octobre 2010: Lettre de l'Entrepreneur à l'Administrateur;
17 janvier 2011: Dénonciation des Bénéficiaires à l'Entrepreneur;
20 janvier 2011: Inspection de l'Administrateur;
14 février 2011: Décision de l'Administrateur;
20 juillet 2011: Inspection supplémentaire de l'Administrateur;
22 août 2011: Décision de l'Administrateur;
15 septembre 2011: Réception par SORECONI de la demande d’arbitrage des Bénéficiaires datée du 15 septembre 2011;
21 octobre 2011: Réception du cahier de pièces de l’Administrateur;
25 octobre 2011: Audience préliminaire par conférence téléphonique: les parties conviennent unanimement de suspendre le dossier;
17 avril 2012: À la demande des Bénéficiaires, report du dossier jusqu'au 30 septembre 2012;
16 octobre 2012: Audience préliminaire par conférence téléphonique;
29 novembre 2012: Audience préliminaire par conférence téléphonique;
15 février 2013: Réception des photos des Bénéficiaires;
18 février 2013: Visite des lieux et audience à la salle 2.04 du Palais de justice de Laval.
Introduction:
[1] Les Bénéficiaires ont interjeté appel de la décision de l’Administrateur du 22 août 2011 qui accueillait, entre autres, leur demande de réclamation quant au point numéro 31 touchant le plancher de bois franc défectueux. En effet, les situations observées lors de l'inspection supplémentaire du 20 juillet 2011 concernant certaines lattes au rez-de-chaussée et à l'étage constituent des malfaçons «non apparentes au moment de la réception pour un acheteur raisonnablement diligent»[1].
[2] Dans leur demande d'arbitrage, les Bénéficiaires précisent que bien qu'ils acceptent la décision de l'Administrateur, ils requièrent qu'un procédé de réparation différent soit utilisé[2], car la méthode précédemment employée par l'Entrepreneur n'a pas donné les résultats satisfaisants[3]. À l'audience, ils ont aussi avancé comme solution le remplacement complet du plancher au rez-de-chaussée et à l'étage.
[3] Le tribunal a entendu les témoignages de Monsieur Sergio Donoso pour les Bénéficiaires, de Monsieur Carl Poudrier pour l'Entrepreneur, et de Monsieur Jocelyn Dubuc, inspecteur-conciliateur, pour l'Administrateur.
Juridiction:
[4] Compte tenu que les parties n'ont soulevé aucune objection préliminaire à la constitution du tribunal ou à la tenue de l'audience ni avant et ni pendant l'audience, le tribunal déclare que juridiction lui est acquise.
Faits:
[5] Lors de l'audience préliminaire par conférence téléphonique du 25 octobre 2011, toutes les parties conviennent de suspendre le présent dossier. Ainsi, les Bénéficiaires et l'Entrepreneur pourront se rencontrer afin de déterminer le moment et le procédé à être utilisé aux fins des travaux correctifs devant être réalisés pour les lattes défectueuses identifiées par l'Administrateur.
[6] Le 6 mars 2012, Plancher PM, sous-traitant engagé par l'entrepreneur, effectue une deuxième réparation aux lattes numéros 6, 7, 8, et 9 dans la salle à manger en face de la porte patio, tel que l'indique le plan du rez-de-chaussée déposé en preuve par les Bénéficiaires. Dans un courriel du 17 avril 2012 adressé à toutes les parties, les Bénéficiaires soulignent, trois photos à l'appui, que «la différence de couleur est beaucoup trop importante pour l'ignorer», et que «les lattes se soulèvent». Pour donner plus de temps aux lattes de s'agencer au reste du plancher, les Bénéficiaires suggèrent un report jusqu'au 30 septembre 2012, demande que le tribunal accueille.
[7] Lors de la visite des lieux, outre les lattes ci-haut mentionnées, les Bénéficiaires répertorient d'autres lattes craquelées, fendillées, fissurées, non lisses, avec craquement ou surélevées: numéro 1 tout juste avant l'entrée du salon, numéros 2 et 3 dans le salon près de la télévision, numéros 4 et 5 dans le milieu du salon, numéro 10 en-dessous de la table dans la salle à manger de même que selon un croquis de l'étage, numéros 11 à 14 dans la chambre des maîtres, numéro 15 dans le couloir menant au garde-robe, numéro 16 dans le garde-robe, numéros 17 et 18 dans le corridor, numéro 19 dans la salle de jeux/bureau, numéros 20 et 21 dans la chambre à coucher #1, et numéro 22 dans la chambre à coucher #2.
Questions en litige:
[8] Considérant qu'il n'a pas été contredit et contesté par l'Entrepreneur et l'Administrateur que ces vingt-deux lattes sont défectueuses d'une façon ou d'une autre, les questions en litige deviennent donc les suivantes: 1. Est-ce que le problème soulevé nécessite le remplacement du plancher en entier au rez-de-chaussée et à l'étage? Et 2. Si non, quel correctif doit être apporté?
Analyse et décision:
[9] Comme toutes les parties s'entendent sur le fait que l'Entrepreneur doit régler le problème touchant les vingt-deux lattes défectueuses, il n'y a pas lieu de s'attarder sur la cause de ce problème. Cependant, un désaccord persiste entre les parties quant à la méthode corrective devant être adoptée pour solutionner ce problème. Les Bénéficiaires exigent que tous les planchers de bois franc (préverni de chêne, grade 3) soient entièrement refaits ou qu'un procédé autre que celui utilisé précédemment par Plancher PM soit employé afin de changer les vingt-deux lattes défectueuses et de les teindre adéquatement. Or, selon les propres calculs des Bénéficiaires lors des représentations finales, la réparation des vingt-deux lattes défectueuses ne toucherait que 10% de la superficie des deux planchers. Ainsi, selon une analyse approfondie de la jurisprudence quant aux planchers de bois, une tendance ressort clairement que le remplacement complet d'un plancher n'est sérieusement envisagé que lorsque minimalement 50%[4], voire dans un autre cas 70%[5] des lattes soient défectueuses. Qui plus est, une telle réparation coûterait environ 20,000.00$ selon les estimations de Monsieur Poudrier. Ordonner un renouvellement complet des planchers de bois franc au rez-de-chaussée et à l'étage contreviendrait à la règle de la proportionnalité évoquée avec raison par le procureur de l'Administrateur compte tenu de l'ampleur limitée du problème en l'espèce. Donc pour toutes ces raisons, bien que je compatisse avec la situation vécue par les Bénéficiaires depuis novembre 2009, ils n'ont pas été en mesure de prouver que l'étendue du problème justifiait le remplacement de tous les planchers de bois franc situés au rez-de-chaussée et à l'étage.
[10] Quant au procédé de réparation différent de celui précédemment utilisé, les Bénéficiaires n'ont présenté aucune preuve technique ou expertise concernant l'existence de d'autres méthodes pour traiter efficacement les défectuosités des vingt-deux lattes du plancher de bois franc. Ainsi, les Bénéficiaires n'ont pas su démontrer qu'un procédé différent serait plus apte à résoudre la problématique touchant les vingt-deux lattes défectueuses.
[11] De son côté, M. Poudrier, directeur du service après vente, responsable des inspections après livraison et gérant de chantier pour la finition pour l'Entrepreneur, a témoigné à l'effet qu'il n'existait qu'un seul correctif possible pour remplacer des lattes défectueuses et qu'il voulait continuer de s'impliquer personnellement dans le dossier des Bénéficiaires. Fort d'une expérience de quinze ans de designer intérieur avant son arrivée chez l'Entrepreneur, il a proposé d'initier une recherche de tous les fournisseurs de teinte au Québec et d'en partager les résultats avec les Bénéficiaires pour obtenir leur accord sur le choix de la teinte du bois dans les nuances de brun. Si cette démarche s'avérait infructueuse, il a alors souligné qu'il ferait appel aux services d'un artiste spécialisé dans la teinte de bois utilisant le même procédé que pour teindre les escaliers. Il s'est dit aussi prêt à superviser tous les travaux correctifs et à remplacer dans son entièreté le pallier entre les deux escaliers menant à l'étage considérant le craquement observé lors de la visite des lieux. Enfin, il a évalué le coût de ces deux remèdes, qu'il considère plus raisonnable eu égards aux circonstances, aux alentours de 2,000.00$ et 3,000.00$ respectivement.
[12] Bien que je comprenne la frustration des Bénéficiaires d'autant plus qu'ils ont affiché à la fois patience et bonne foi, ils ne se sont pas déchargés de leur fardeau de preuve. Ils n'ont pu notamment établir l'existence d'un autre procédé de réparation. Même si les deux tentatives antérieures n'ont pas produit les résultats satisfaisants, particulièrement en regard de la couleur plutôt rouge vin des lattes numéros 6, 7, 8 et 9 observée dans la salle à manger lors de la visite des lieux, le tribunal estime raisonnable et appropriée les deux propositions moins onéreuses de correctifs de l'Entrepreneur. De plus, il est reconnu que l'Entrepreneur a le choix des méthodes correctives[6]. Cette règle établie tire sa source de l'article 2099 du Code civil du Québec.
[13] En bref, considérant l'analyse qui précède, le tribunal maintient la décision de l'Administrateur quant aux correctifs qui doivent être effectués tout en rappelant à l'Entrepreneur son obligation de résultat, c'est-à-dire de régler les défectuosités observées de façon définitive.
Les frais d’arbitrage:
[14] Considérant les engagements de l'Entrepreneur au cours de l'audience, l'Administrateur devra assumer les coûts du présent d'arbitrage conformément à l'article 37 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[7].
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE:
MAINTIENT l'appel aux fins:
D'ORDONNER à l'Entrepreneur de corriger l'interstice de 3mm au fond de la lingerie à l'étage mesuré par l'inspecteur-conciliateur le 20 juillet 2011 et observé lors de la visite des lieux du 18 février 2013 dans un délai de soixante (60) jours à compter du lundi 11 mars 2013 ;
DE PRENDRE ACTE de l'engagement de l'Entrepreneur de prioriser le présent dossier et de superviser de façon rigoureuse tous les travaux correctifs et DE LUI ORDONNER de respecter ledit engagement;
DE PRENDRE ACTE de l'engagement de l'Entrepreneur d'effectuer une recherche approfondie de tous les fournisseurs de teinte au Québec et d'en partager les résultats avec les Bénéficiaires pour obtenir leur accord sur le choix de la teinte du bois dans les nuances de brun et DE LUI ORDONNER de respecter ledit engagement;
DE PRENDRE ACTE de l'engagement de l'Entrepreneur, le cas échéant, d'employer les services de l'artiste qu'il a identifié et qui se spécialise dans la teinte de bois utilisant le même procédé que pour teindre les escaliers sur place et DE LUI ORDONNER de respecter ledit engagement;
D'ORDONNER à l'Entrepreneur de réparer les vingt-deux lattes craquelées, fendillées, fissurées, non lisses, avec craquement ou surélevées répertoriées par les Bénéficiaires lors de la visite des lieux du 18 février 2013 dans un délai de soixante (60) jours à compter du lundi 11 mars 2013;
DE PRENDRE ACTE de l'engagement de l'Entrepreneur de remplacer le pallier entre les deux escaliers menant à l'étage compte tenu du craquement observé lors de la visite des lieux du 18 février 2013 et DE LUI ORDONNER de respecter ledit engagement;
CONDAMNE l’Administrateur au paiement des coûts du présent arbitrage.
.
Montréal, le 25 février 2013
__________________________
ME PHILIPPE PATRY
Arbitre / SORECONI
[1] Cahier de pièces, A-12, page 3.
[2] Idem, A-13, page 4.
[3] Idem, A-6, page 1.
[4] Josée Savoie et Pierre Lefebvre c. 9086-6252 Québec Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ (GAMM 2007-09-015), Dupuis, 19 mars 2008.
[5] Mary Spinelli c. Habitations Charlukanna Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ (GAMM 2007-12-012), Despatis, 30 juillet 2008.
[6] Véronique Marleau et Martin Morgentaler c. Trinité Construction Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ (CCAC S09-081201-NP), Jeanniot, 27 juillet 2010.
[7] Décret 841-98.