ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (DÉCRET 841-98)
ENTRE :
CONSTRUCTIONS ARSENAULT & FRÈRES
(L’« ENTREPRENEUR »)
ET :
LA GARANTIE DES BATIMENTS RÉSIDENTIELS
NEUFS DE L’APCHQ INC.
(L’« ADMINISTRATEUR »)
ET :
RAYMONDE HAUSSMAN-ELBAZ
(LA « BÉNÉFICIAIRE »)
SENTENCE ARBITRALE
Arbitre : Me Johanne Despatis
Comparutions pour l’entrepreneur : Mme Lyne Guilbert, représentante, assistée de :
M. Robert Arsenault, entrepreneur
Comparutions pour l’administrateur : Me François Laplante, procureur, assisté de :
M. Pierre Bonneville, inspecteur-conciliateur
Comparution pour la bénéficiaire : Mme Raymonde Haussman-Elbaz, bénéficiaire
Date d’audience : 10 février 2005
Lieu d’audience : Montréal, Québec
Date de la sentence : 16 mars 2005
I
LE RECOURS
[1] Constructions Arsenault et Frères, l’entrepreneur, conteste en vertu de l’article 19 du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, ci-après le Plan, les éléments suivants de la décision rendue le 10 novembre 2004 par la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., l’administrateur :
« […]
Concernant les points qui suivent, nous sommes en présence de malfaçons non apparentes qui, conformément à l'article 3.2 du contrat de garantie, ont été dénoncées par écrit dans l'année suivant la réception. Par conséquent, l'entrepreneur devra effectuer les travaux mentionnés ci-dessous.
5. VANITÉ DE LA SALLE DE BAIN À REMPLACER
Lors de l'inspection, nous avons pu constater que le premier tiroir du module gauche de la vanité était condamné, vu l'installation du lavabo.
Travaux :
L'entrepreneur devra remplacer le tiroir, le comptoir prémoulé et centrer le lavabo au module droit prévu à cet effet, pour ainsi permettre l'usage normal du tiroir situé au module gauche de la vanité.
6. SOUPAPE D'ARRÊT DU TUYAU DE SERVICE D'EAU TROP ÉLOIGNÉE DU MUR DE FONDATION
Travaux :
L'entrepreneur devra apporter tous les correctifs requis pour s'assurer de respecter l'article 6.1.3 du code de plomberie, spécifiant que la soupape d'arrêt doit être installée sur le tuyau de service d'eau, à son entrée dans le bâtiment.
Une fois le problème résolu, il devra réparer le gypse et remettre les lieux à leur état d'origine, tout en minimisant les différences de teinte et texture avec les surfaces avoisinantes.
Concernant les points qui suivent, nous sommes en présence de malfaçons apparentes qui, conformément à l'article 3.2 du contrat de garantie, ont été dénoncées par écrit au moment de la réception. Par conséquent, l'entrepreneur devra effectuer les travaux mentionnés ci-dessous.
[...]
8. FENÊTRE LATÉRALE DE LA PORTE D'ENTRÉE PRINCIPALE À REMPLACER
Travaux :
L'entrepreneur devra remplacer la fenêtre latérale à la porte d'entrée principale, pour s'assurer de l'uniformité du vitrage avec ladite porte d'entrée principale.
9. CRÉPI À LA FONDATION
Travaux :
L'entrepreneur devra effectuer les travaux de crépi à la fondation. En regard de ce point, le délai quant à l'exécution des travaux est fixé au 30 mai 2005. »
[2] J’étais également saisie de la contestation par l’entrepreneur du point 7 du rapport, i.e. la réparation du cadrage de la porte d’entrée principale. Toutefois, les réparations ordonnées par l’administrateur ayant été effectuées par l’entrepreneur préalablement à l’audience, je n’ai pas eu à me pencher sur cette question.
II
LES FAITS
[3] La bénéficiaire a signé l’acte de réception de sa résidence située au 264 rue Larivée à Vaudreuil-Dorion le 17 novembre 2003. Il s’agissait d’une nouvelle propriété construite par Constructions Arsenault & Frères, l’entrepreneur.
[4] Le document de réception est intitulé Liste préétablie d’éléments à vérifier et réception du bâtiment. Il comprenait comme son nom l’indique une liste, dressée à la suite d’une inspection de la résidence, de travaux à parachever et d’éléments à corriger et à réparer.
[5] En août 2004, la bénéficiaire a avisé l’administrateur qu’elle était insatisfaite de ce que l’entrepreneur avait fait pour corriger ou parachever certains des éléments dénoncés en novembre précédent. A cette occasion, ainsi que le 5 octobre suivant, elle a également dénoncé d’autres problèmes, non signalés à la réception mais qu’elle estimait couverts par le Plan.
[6] Par la suite, monsieur Pierre Bonneville, inspecteur-conciliateur au service de l’administrateur a procédé à une visite des lieux le 28 octobre 2004 en vue de vérifier ce qui en était des problèmes dénoncés. Il a fait rapport le 10 novembre suivant, rapport dont l’essentiel est reproduit plus haut et dont l’entrepreneur insatisfait de certaines de ses conclusions a décidé de contester en arbitrage. Je traiterai distinctement de chacune en rappelant que monsieur Bonneville a été appelé à témoigner au sujet de chacun des éléments de son rapport qui sont en litige.
[7] Point 5 : Vanité de la salle de bain à remplacer
[8] Concernant ce point 5, monsieur Bonneville explique que la malfaçon constatée à ce sujet tenait au fait que le premier tiroir du module de la vanité est condamné en raison de l’emplacement du lavabo. A son avis, cela constituait un manquement aux règles de l’art puisqu’un lavabo doit être centré entre les 2 portes du module afin que ses tiroirs soient fonctionnels. C'est pour cette raison qu’il a ordonné à l’entrepreneur de centrer le lavabo entre les deux portes et de remplacer le tiroir et le comptoir de vanité afin de corriger la situation.
[9] Selon madame Haussman-Elbaz, qui a également témoigné à ce sujet, la correction suggérée par monsieur Bonneville diverge de l’accord qu’elle aurait eu avec l’entrepreneur au moment où ils sont passés chez le notaire. Selon elle, c’est toute la vanité qui devait être remplacée par une autre conforme aux spécifications suivantes : i.e. comporter trois tiroirs fonctionnels de même qu’un lavabo non seulement centré dans le milieu du comptoir mais également entre les deux portes. Or, explique madame Haussman-Elbaz, si les modifications ordonnées par monsieur Bonneville lui permettent d’avoir trois tiroirs fonctionnels, elles ne lui donnent pas un lavabo centré de la façon dont elle le désire et qui selon elle avait été convenu avec l’entrepreneur. Elle souligne en outre que le document Liste préétablie d’éléments à vérifier et réception du bâtiment signé le 17 novembre 2003 mentionne effectivement que la vanité dans la salle de bain doit être remplacée.
[10] Pour sa part, l’entrepreneur affirme avoir effectivement fait changer cette vanité par la compagnie Contessa comme en ferait foi une facture du 1er décembre 2003 où l’on peut lire :
« Job 106
264 Larivée
1 changer vanité et comptoir de salle de bain
1 service et installation »
[11] Au surplus, témoigne madame Lyne Guilbert, représentante de l’entrepreneur, cette vanité aurait été remplacée ou modifiée à trois reprises à la demande de la bénéficiaire, ce que nie madame Haussman-Elbaz qui réitère que l’entrepreneur n’y aurait rien changé depuis la signature de la réception du bâtiment et certainement pas le 1er décembre 2003 puisqu’elle n’aurait pas été chez elle ce jour-là.
[12] Point 6 : Soupape d’arrêt du tuyau d’eau trop éloigné du mur de fondation
[13] Monsieur Bonneville a expliqué sa conclusion au sujet de la soupape d’arrêt du tuyau d’eau en disant que pour être conforme à la clause 6.1.3 du Code de plomberie, cette soupape doit être installée le plus près possible du mur. Cette disposition se lit :
« 1) une soupape d’arrêt et une soupape de purge doivent être installées sur tout tuyau de service d’eau à son entrée dans le bâtiment, le plus près possible du mur de fondation, sans perdre de vue la possibilité de gel. […] »
[14] Or, explique monsieur Bonneville, la soupape d’arrêt a été installée à environ 6 pieds du mur de fondation, ce qui ne respecte pas le Code de plomberie. Selon monsieur Bonneville, cette exigence du Code de plomberie vise à minimiser les dégâts d’eau à l’intérieur du bâtiment en cas de bris.
[15] L’entrepreneur a expliqué que le plombier, qui n’est pas venu témoigner, avait certainement installé la soupape d’arrêt à cet endroit pour une bonne raison.
[16] Point 8 : fenêtre latérale
[17] Selon monsieur Bonneville, ce point avait été dénoncé au moment de la réception du bâtiment puisque le document Liste préétablie d’éléments à vérifier et réception du bâtiment comporte la mention : « module givré comme la porte principale ».
[18] C’est pour cette raison qu’il a conclu que l’entrepreneur devait remplacer la fenêtre latérale par une fenêtre identique à la porte principale.
[19] Point 9 : Crépi à la fondation
[20] Monsieur Bonneville explique que tout comme le point précédent, celui-ci avait été dénoncé au moment de la réception du bâtiment et que c’est pourquoi il a ordonné à l’entrepreneur d’effectuer les travaux de crépi à la fondation. Il ajoute que bien que son rapport en fasse état comme s’il s’était agi d’une malfaçon, il s’agissait plutôt de travaux à parachever.
[21] De son côté, madame Guilbert, tout en reconnaissant que l’entrepreneur s’était engagé a effectuer ces travaux au moment de la réception du bâtiment estime qu’il s’agissait d’une erreur de sa part puisqu’il devait interrompre en novembre en raison de la température ce type de travaux.
III
PLAIDOIRIES
L’entrepreneur
[22] Concernant le point 5, i.e. la vanité à remplacer, madame Guilbert soutient que les travaux convenus au moment de la réception du bâtiment ont été faits.
[23] Relativement au point 6, madame Guilbert réitère qu’il y avait certainement une bonne raison pour laquelle la soupape d’arrêt n’avait pas été installée plus près du mur de fondation ajoutant qu’elle n’en aurait pas en fait été aussi éloignée qu’on l’affirme.
[24] Se tournant vers le point 7, madame Guilbert affirme que la fenêtre latérale est vitrée de la même façon que la porte principale et qu’il n’y a pas là malfaçon et qu’au surplus elle avait déjà été remplacée.
[25] Quant au point 8, elle réaffirme que c’est par erreur que ce point avait été inclus dans la liste des travaux à parachever au moment de la réception du bâtiment.
L’administrateur
[26] Selon le procureur de l’administrateur, le Plan est un règlement d’ordre public qui doit recevoir une interprétation restrictive, en outre d’être le seul lien contractuel entre la bénéficiaire et l’administrateur.
[27] Cela dit, ajoute le procureur, le présent arbitrage porte sur la contestation par un entrepreneur des conclusions d’un inspecteur-conciliateur Bonneville et qu’en pareil cas, l’entrepreneur agissant en demande a donc le fardeau de prouver en l’espèce que les conclusions de monsieur Bonneville n’étaient pas conformes au Plan.
[28] Se tournant d’abord vers le point 5, le procureur soutient que l’on a constaté la présence d’une malfaçon résultant du fait qu’un des tiroirs de la vanité n’était pas fonctionnel, un problème qui se devait d’être corrigé pour rendre la vanité conforme aux règles de l’art.
[29] Se tournant ensuite vers le point 6, Me Laplante soutient que l’endroit où la soupape a été installée n’est pas conforme au Code de plomberie, ce qui constitue une malfaçon en outre de risquer de causer des inconvénients majeurs en cas de bris.
[30] Quant au point 8, le procureur rappelle que ce dernier a été dénoncé au moment de la réception du bâtiment et que l’entrepreneur se devait donc de fournir à la bénéficiaire une fenêtre latérale comportant un vitrage identique à celui de la porte principale.
[31] Se référant finalement au point 9, le procureur rappelle que ce point avait lui aussi été dénoncé au moment de la réception et que l’entrepreneur se devait de parachever le crépi de la fondation. Le procureur ajoute que le fait pour l’entrepreneur d’avoir inclus cet item à l’énumération des travaux à parachever par erreur ne change rien aux obligations de ce dernier.
IV
ANALYSE ET DÉCISION
[32] Le litige porte sur les points 5, 6, 8 et 9 de la décision rendue le 10 novembre 2004 par l’administrateur, les seuls que vise la demande d’arbitrage.
[33] Juridiquement, toute partie demanderesse a de manière générale le fardeau de démontrer le bien-fondé de ses prétentions. C'est le cas ici.
[34] Également la règle suivante énoncée ainsi à l’article 2804 du Code civil du Québec relative à ce qu’est la prépondérance de la preuve s’applique au présent litige :
« La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante. »
[35] Je dois donc décider du bien fondé du recours de l’entrepreneur suivant les obligations juridiques des parties et à la lumière de la preuve prépondérante présentée. Je traiterai distinctement de chacun des points.
[36] Point 5 : Vanité de la salle de bain
[37] Il s’agit en l’espèce de décider de la validité de l’ordonnance de l’administrateur relative aux modifications à apporter à la vanité de la salle de bain. Même si le recours est logé par l’entrepreneur, la bénéficiaire a contesté elle aussi le correctif exigé par l’administrateur, estimant pour sa part, qu’un autre devait être ordonné, soit le remplacement complet de la vanité.
[38] En effet, selon madame Haussman-Elbaz, l’entrepreneur s’était engagé au moment de la réception du bâtiment à remplacer entièrement la vanité en question par une autre qui aurait répondu à ses attentes, ce qu’il n’aurait jamais fait. En revanche, soutient la représentante de l’entrepreneur, la vanité aurait bel et bien été remplacée et modifiée et même à trois reprises. Une facture de la compagnie Contessa figure également au dossier.
[39] Qu’en est-il? Concernant la preuve testimoniale, je dois constater que l’animosité tout au cours de l’audience entre mesdames Haussman-Elbaz et Guilbert, et les nombreux rappels à l’ordre que j’ai dû leur adresser en raison de cette situation, m’amènent à prêter peu de foi à leur témoignage tant ils paraissent marqués par leur manque d’empathie.
[40] Je crois donc plus sage et à propos dans les circonstances de juger de cette question sur la foi des documents présents au dossier et dont la fiabilité n’a pas sérieusement été remise en doute.
[41] À la réception du bâtiment le 17 novembre 2003, le remplacement de la vanité a expressément été convenu au document intitulé Liste préétablie d’éléments à vérifier et réception du bâtiment. Selon une facture émise par la compagnie Contessa, le remplacement a eu lieu le 1er décembre suivant. Le fait que madame Haussman-Elbaz affirme avoir été absente ce jour-là conteste davantage la date du remplacement que le remplacement lui-même, lequel est amplement démontré.
[42] Cela dit, même après, un des tiroirs de la vanité est demeuré inutilisable en raison de l’emplacement du lavabo. Il est manifeste que cette situation appelait une correction. Or, selon la preuve prépondérante, celle ordonnée par l’administrateur, soit de remplacer le tiroir fautif ainsi que le comptoir prémoulé et de centrer le lavabo pour permettre l'usage normal du tiroir, rendrait la vanité conforme aux règles de l’art. Ce correctif ordonné par l’inspecteur est donc bien fondé de sorte que la réclamation à l’égard du point 5 est rejetée.
[43] Point 6 : Soupape d’arrêt d’eau
[44] Lors de ma visite des lieux, j’ai pu constater que la soupape d’arrêt d’eau n’avait pas été installée le plus près possible du mur de fondation contrairement à ce qu’exige la clause 6.1.3 du Code de plomberie. Pour sa part, l’administrateur a conclu après avoir souligné qu’il y avait violation du Code de plomberie qu’il s’agissait en l’espèce d’une malfaçon non apparente au sens du Plan qui avait été dénoncée dans les délais prescrits. Selon l’entrepreneur, il n’y aurait pas malfaçon dans cette installation.
[45] La notion de ce qui constitue une malfaçon pour les fins du Plan est d’importance dans la mesure où l’entrepreneur, sans nier qu’il ait pu y avoir contravention au Code de plomberie, affirme néanmoins qu’il n’y a pas là malfaçon au sens du Plan.
[46] L’arbitre Bernard Lefebvre dans Nathalie Malette et Michael Duncan et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. et Goyette Duchesnes et Lemieux, SA., 10 novembre 2003 écrivait ceci au sujet du concept de malfaçon au sens de l’alinéa 2 du paragraphe 10 (1) du Plan :
Le Règlement rattache la malfaçon couverte par un plan de Garantie à la malfaçon mentionnée à l'article 2111 du Code civil du Québec.
L'article 2111 du Code civil du Québec ne définit pas la malfaçon.
Le législateur a donné la clé de la solution mais il appartient aux Tribunaux d'en trouver le maniement.
Les décideurs chargés d'appliquer l'article 2111 du Code civil du Québec définissent généralement la malfaçon comme étant une défectuosité résultant d'une mauvaise exécution des travaux. Ce peut être un manquement à une règle de l'art applicable au bâtiment. Chaque cas est d'espèce.
Qu'en est-il de la malfaçon au sens du Règlement ?
Le paragraphe 2 de l'article 10 du Règlement indique que la garantie du Plan doit couvrir, entre autres, les malfaçons apparentes visées à l'article 2111 du Code civil du Québec.
Mais au sens du deuxième alinéa du paragraphe 5 de l'article 10 du Règlement, les défauts de conformité aux règles de l'art ou à une norme en vigueur applicable au bâtiment constituent une malfaçon...sauf s'il ne porte pas atteinte ou n'est pas de nature à porter atteinte à la qualité, à la sécurité ou à l'utilisation du bâtiment.
Comme le Code civil du Québec ne définit pas la malfaçon, l'arbitre chargé de trancher un litige basé sur la notion de malfaçon qui découle de l'application du Plan de Garantie de l'Administrateur peut, sinon doit, se référer aux jugements rendus par les décideurs chargés d'appliquer l'article 2111 du Code civil du Québec.
Toutefois, l'arbitre ne doit pas oublier que le deuxième alinéa du paragraphe cinq de l'article 10 du Règlement exclut du concept « malfaçon » le défaut de conformité qui... ne porte pas atteinte à la qualité ou n'est pas de nature à porter atteinte à la qualité, à la sécurité ou à l'utilisation du bâtiment (je souligne)
Ainsi, la malfaçon dont il est question à l'article 10 du Règlement a une extension moindre que celle qui découle de l'application de l'article 2111 du Code civil du Québec.
En conséquence, l'arbitre ne peut pas assimiler à des malfaçons les défauts de conformité aux règles de l'art qui ne portent pas atteinte ou ne sont pas de nature à porter atteinte à la qualité, à la sécurité ou à l'utilisation du bâtiment,
À l'inverse, sont assimilés à des malfaçons au sens du Règlement, les défauts de conformité aux règles de l'art ou à une norme en vigueur applicable au bâtiment qui portent atteinte ou qui sont de nature à porter atteinte à la qualité, à la sécurité ou à l'utilisation du bâtiment.
En principe, le bâtiment ou ses parties dont la construction est conforme aux plans et devis du contrat d'entreprise ne souffre pas de défaut de conformité assimilable à une malfaçon au sens de l'article 10 du Règlement. Toutefois, il y a malfaçon si la construction déroge à une norme d'ordre public même si le bâtiment a été construit selon les plans et devis.
On se doute bien que la situation est plus complexe s'il s'agit d'un défaut de conformité aux règles de l'art ou à une norme en vigueur qui n'est pas d'ordre public et qui...ne porte pas atteinte ou n'est pas de nature à porter atteinte à la qualité, à la sécurité ou à l'utilisation du bâtiment.
En effet, l'arbitre doit déterminer s'il y a atteinte à la qualité, à la sécurité ou à l'utilisation du bâtiment de façon objective. Or, les parties ont souvent tendance à déterminer la qualité, la sécurité et l'utilisation du bâtiment sur des critères subjectifs.
Néanmoins, la détermination objective de la qualité, la sécurité ou l'utilisation du bâtiment peut quand même être réalisée en répondant à la question de savoir si le défaut de conformité est une condition d'habitation normale dans le genre de bâtiment habité par les bénéficiaires. »
[47] Cette analyse de l’arbitre Lefebvre vaut également lorsqu’il s’agit de cerner la notion de ce qui constitue une malfaçon non apparente au sens de l’alinéa 3 du paragraphe 10 (1) du Plan. Autrement dit, une malfaçon au sens du Plan, apparente ou non, doit répondre à la définition de l’arbitre Lefebvre, chaque cas, bien sur, en étant un d’espèce.
[48] En l’espèce, hormis l’affirmation a l’effet qu’il y avait certainement une bonne raison pour son emplacement, l’entrepreneur n’a offert aucune preuve ni présenté aucun argument qui me permettrait de mettre de côté comme mal fondée la décision de l’administrateur. D’une part, l’emplacement de la soupape n’est pas conforme aux normes de construction et d’autre part, cette situation est effectivement, selon la preuve, de nature à porter atteinte à l’utilisation du bâtiment, notamment en cas de bris. Cela m’amène à conclure à la présence d’une malfaçon au sens du Plan et donc à rejeter la demande de l’entrepreneur à cet égard.
[49] Point 8 : Remplacement de la fenêtre latérale de la porte d’entrée principale
[50] Il ressort du témoignage de monsieur Bonneville que même s’il a employé le terme malfaçon dans son rapport, il référait en fait à un engagement pris par l’entrepreneur au moment de la réception du bâtiment à l’effet que celui-ci allait remplacer la fenêtre latérale par une fenêtre identique à celle de la porte d’entrée principale.
[51] Or, selon ma compréhension de ses propos, monsieur Bonneville, a constaté que la fenêtre latérale qui a été installée n’est pas identique à celle de la porte d’entrée principale et qu’il y aurait là violation d’un engagement contractuel de l’entrepreneur relatif aux travaux qu’il s’était engagé à parachever au moment de la réception du bâtiment.
[52] Le premier paragraphe de l’article 10 du Plan se lit ainsi :
« La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
1- le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaires n’a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;
2- la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaires n’a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;
[…] »
[53] Il ressort des dispositions qui précèdent que le Plan couvre non seulement les malfaçons apparentes qui sont dénoncées au moment de la réception du bâtiment mais également les travaux inachevés dénoncés au moment de la réception que l’entrepreneur s’engage à parachever.
[54] En l’espèce, l’examen du document rempli lors de la réception révèle que l’entrepreneur s’était alors engagé à installer « un module givré comme la porte principale ». Or, l’examen de celui-ci révèle que le module installé depuis n’est pas identique à celui de la porte d’entrée principale. Ce dernier est donc non conforme aux engagements pris par l’entrepreneur au moment de la réception du bâtiment et c’est à juste titre que l’inspecteur Bonneville en a recommandé le remplacement.
[55] Pour ces raisons, la réclamation à cet égard est rejetée.
[56] Point 9 : Crépi à la fondation
[57] Comme le précédent, ce point a lui aussi été dénoncé comme travail inachevé au moment de la réception du bâtiment, ce qu’a d’ailleurs reconnu l’entrepreneur. Le fait que l’on plaide après coup que c’était par erreur qu’il l’avait reconnu inachevé ne constitue pas une preuve d’erreur ni donc une façon valable pour se libérer de son engagement. Comme question de fait le crépi prévu n’a pas été posé.
[58] Comme on l’a vu, l’alinéa 1 du paragraphe 10(1) du Plan prévoit que celui-ci couvre « le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception »
[59] Or, la pose du crépi entre dans la catégorie des travaux à parachever et a été dénoncée dans les délais prescrits. L’entrepreneur devra donc effectuer les travaux de crépi à la fondation tel qu’ordonné par monsieur Bonneville dans son rapport.
[60] En résumé et pour toutes les raisons qui précèdent, je rejette l’ensemble des réclamations de l’entrepreneur.
[61] En conformité de l’article 124 du Plan, j’ordonne que les coûts d’arbitrage soient défrayés selon les proportions suivantes : 50 % par l’administrateur et 50 % par l’entrepreneur.
Montréal, le 16 mars 2005
Johanne Despatis, avocate
Arbitre