ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (DÉCRET 841-98)

ENTRE

MONSIEUR MICHEL JODOIN

(LE « BÉNÉFICIAIRE »)

ET :

LA GARANTIE DES BATIMENTS RÉSIDENTIELS
NEUFS DE L'APCHQ INC.

(L-« ADMINISTRATEUR »)

ET :

9031-6837 QUÉBEC INC.

(L '« ENTREPRENEUR ») Dossier 05-080 LS

SENTENCE ARBITRALE


Arbitre :

Comparutions pour le bénéficiaire : Comparutions pour l'administrateur

Comparution pour l'entrepreneur

Date d'audience

Réception dernière documentation

Lieu d'audience

Date de la sentence

Adjudex inc.

0502-8208-GAMM S/A 8016


Me Johanne Despatis

M. Michel Jodoin, bénéficiaire

Me Luc Séguin, procureur, assisté de M. Rénald Cyr, inspecteur-conciliateur

Aucune

21 novembre 2005

24 novembre 2005

Saint-Michel-des-Saints, Québec

4 janvier 2006


I

LE RECOURS

 

 

[1]                Monsieur Michel Jodoin, le « bénéficiaire », conteste en vertu de l'article 19 du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (décret 841-98), le « Règlement », la décision suivante rendue le 28 janvier 2005 par la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., « l'administrateur » :

« [...]

Nous comprenons que vous alléguez que la dalle sur sol de la salle familiale se serait affaissée depuis notre visite du 13 mai 2003, vous avez également soumis quelques photographies visant à démontrer votre point de vue.

 

À la lumière des écarts constatés entre vos photos et observations du 13 mai 2003 et vos relevés soumis dans votre lettre, La Garantie des maisons neuves de l'APCHQ inc., doit référer à sa décision émise au rapport d'inspection du 11 août 2003,

 

De plus, cette situation ne comportant pas le niveau de gravité d'un vice caché majeur, La Garantie des maisons neuves de 1'APCHQ inc. n'a plus à intervenir sur le point no 6 dans le cadre de la garantie. »

 

[2]                9031-6837 Québec inc., « l'entrepreneur », bien que dûment convoqué ne s'est pas présenté à l'audience. Il semblerait que cette entreprise ne soit plus en affaire. L'avis d'audience que je lui avais adressé par courrier à sa dernière adresse connue est revenu sans avoir pu être livré à son destinataire y étant apparemment inconnu.

 

 

 

II

LES FAITS

 

 

[3]                Le bénéficiaire a signé l'acte de réception de sa résidence, une nouvelle propriété construite par l'entrepreneur, située au 52 chemin Gouin à Saint-Michel-Des-Saints le 20 novembre 2000.

 

[4]                Le 22 janvier 2003, il présente une réclamation auprès de l'administrateur concernant l'affaissement d'environ 3/4 de pouces de la dalle de la salle familiale.

 

[5]                Monsieur Raynald Cyr, inspecteur-conciliateur au service de l'administrateur, a procédé à une visite des lieux le 13 mai 2003 en vue de vérifier notamment ce qui en était de ce problème. Il a présenté son rapport le11 août suivant dans lequel on peut lire :

 

« 6. Rez-de-chaussé / salle familiale/ léger affaissement de la dalle sur sol

 

Dénonciation :

Monsieur Michel Jodoin (bénéficiaire) dénonce un léger affaissement de la dalle sur sol de la salle familiale et ce, particulièrement au coin arrière gauche de cette pièce. Cette situation serait apparue de façon graduelle et ce, depuis la réception du bâtiment.

 

Motifs:

 

Selon nos observations effectuées sur place, nous sommes d'avis que l'affaissement qui se serait produit au niveau de la dalle est minime et pas de nature à porter atteinte à la qualité, à la sécurité et à l’utilisation du bâtiment.

 

Cette situation ne peut donc être considérée comme une étant une malfaçon. En l'absence de malfaçons, La Garantie des maisons neuves de l APCHQ inc. n'a pas à intervenir sur ce point. »

 

[6]                Cette décision n'a pas été portée en arbitrage par le bénéficiaire. Toutefois, explique ce dernier à l'audience, le plancher en question aurait continué de s'affaisser par la suite au point où le problème se manifesterait désormais non seulement dlans le coin arrière gauche de la pièce mais le long du mur jusqu'au coin avant gauche de la salle.

 

[7]                C'est ainsi que le bénéficiaire écrit à nouveau à monsieur Cyr pour dénoncer ce problème le 26 novembre 2004

 

« Les photos ne son pas trop claire mais vous voyez qu'il y a presque ¾"

 

Avant il y avais que 4' maintenant il y a une ouverture à la longueur du mur et sa commensé à descendre sur l'autre côté du mur. [... ] » [sic]

 

[8]                Sur la foi des photos transmises par monsieur Jodoin, l'inspecteur-conciliateur a rendu la décision contestée reproduite ci-haut.

 

[9]                Monsieur Jodoin explique qu'il lui est impossible de vérifier le compactage du sol sous la dalle en raison de la présence de tuyaux de chauffage intégrés au plancher même. En effet, un tel examen nécessiterait qu'on procède à une ouverture de deux pieds sur deux pieds et donc que l'on endommage le système de chauffage; d'où l'impossibilité de vérifier.

 

[10]     Quoi qu'il en soit, monsieur Jodoin a reconnu que la situation semblait stabilisée mais ajoute ne pas savoir si la situation pouvait encore s’aggraver.

 

[11]   Interrogé au sujet de la réparation recherchée, monsieur Jodoin a indiqué qu'il demandait que le plancher soit mis à niveau en appliquant sous les tuiles une couche de ciment.

 

[121 L'inspecteur-conciliateur Cyr est venu expliquer qu'au moment de l'inspection qui avait précédé son rapport d'août 2003, le léger affaissement observable au coin arrière gauche de la salle familiale résultait vraisemblablement non seulement d’un tassement du sol sous la dalle mais également d'un assèchement des murs, un facteur supplémentaire dont on doit selon lui tenir compte lorsque l'on observe un jour entre le bas d'un mur et un plancher.

 

[13]           Il ajoute que l'affaissement inférieur à un pouce observé à l'époque n'est pas inhabituel. Selon lui, l'affaissement observé au même endroit en 2003 était alors d'environ ½ pouce. À l'audience, déployant un ruban à mesurer, monsieur Cyr ajoute que l'affaissement qui avait pu se produire depuis était d'à peine 1/32, ce qui l'a fait conclure que la situation était désormais stable.

 

[14]           Parlant ensuite de la situation observée dans le coin avant gauche de la salle, un coin qu'il n'avait pas examiné à l'époque, monsieur Cyr dit y avoir constaté un affaissement de ½ à 5/8 de pouce, un affaissement qu'il a jugé normal.

 

[15]           Avant de terminer, monsieur Cyr a exprimé l'opinion que si des travaux devaient être ordonnés par le présent Tribunal, ils ne devraient pas avoir lieu tant que le bénéficiaire n'aura pas déposé dans un compte en fidéicommis les sommes qu'il a retenues de l'entrepreneur à l'époque de la construction.

 

[16]           En effet, selon la preuve administrée, à la suite d'une première réclamation présentée par le bénéficiaire en 2002 auprès de l'administrateur portant sur des éléments qui ne font pas l'objet du présent litige, le bénéficiaire a refusé de déposer la somme de 22 747.95$ dans un compte en fidéicommis à la demande de l'administrateur. À l'audience, monsieur Jodoin a expliqué les raisons de son refus de verser cette somme en fidéicommis.

 

 

 

III

ANALYSE ET DÉCISION

 

 

[17]           Le litige porte sur le bien fondé de la décision rendue par l'administrateur le 28 janvier 2005.

 

[18]           Juridiquement, toute partie demanderesse a le fardeau de démontrer le bien-fondé de ses prétentions au moyen d'une preuve prépondérante. [Voir les articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec]

 

[19]           Le premier paragraphe de l'article 10 du Règlement se lit ainsi :

 

« La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

 

1-        le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;

 

2-        la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés par écrit, au montent de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;

 

3-        la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peul excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

 

4-        la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil ;

 

[...] »

 

[20]            En l'espèce, la preuve révèle que le bénéficiaire a signé l'acte de réception de sa résidence le 20 novembre 2000 et qu'il a dénoncé pour la première fois le problème d'affaissement dont il se plaint en janvier 2003. Juridiquement, le recours peut être examiné sous deux angles.

 

[21]           Si l'on considère que la réclamation du bénéficiaire est fondée sur la garantie contre les malfaçons non apparentes, telle que définie à la clause 10 (3) du Règlement, il faut conclure qu'elle est tardive. En effet, la garantie en question couvre la réparation des malfaçons non apparentes qui sont « découvertes dans l'année qui suit la réception et dénoncées, par écrit, [...] dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons ». Ainsi, cette garantie est limitée dans le temps. Or, en l'espèce, la première dénonciation concernant le problème d'affaissement a été faite le 22 janvier 2003, soit plus de trois ans après la réception du bâtiment. Sous cet angle, la réclamation ne pourrait donc être accueillie.


 

[22]           Si l'on devait plutôt considérer la réclamation comme fondée sur la garantie contre les vices cachés (clause 10 (4) du Règlement), on constate alors que le vice caché allégué aurait présumément été découvert dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment pour ensuite être dénoncé par écrit, prétendument dans un délai raisonnable n'excédant pas 6 mois de la découverte.

 

[23]           Quoi qu'il en soit, pour réussir sous cet angle, le bénéficiaire devait démontrer que ce dont il se plaint est de la nature d'un vice caché au sens de l'article 1726 du Code civil du Québec, disposition qui se lit ainsi :

 

Art. 1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

 

[24]           Ainsi selon cette disposition, le vendeur d'un bien, en l'occurrence ici l'entrepreneur, garantit à tout acheteur de celui-ci, ici au bénéficiaire, que le bien, et ses accessoires, sont exempts au moment de la vente de vices cachés les rendant impropres à l'usage auquel ils sont destinés ou qui en diminuent tellement l'utilité que l'acheteur ne les aurait pas acheté ou en aurait payé un prix moindre.

 

[25]           Or, pour réussir selon cette approche, le bénéficiaire avait, selon la loi, le fardeau de démontrer par une preuve prépondérante que l'affaissement dont il se plaint constituait à la fois un vice, et un vice caché, au sens de cette disposition.

 

[26]           Lors de ma visite des lieux, j'ai pu observer le léger affaissement dénoncé. Toutefois, selon le témoignage non contredit de monsieur Cyr à cet égard, le phénomène n'est pas inhabituel pour ce type de dalle et au surplus l'affaissement observé se situe à l'intérieur de ce qui est considéré comme normal et conforme dans une telle situation.

 

[27]           L'affirmation du bénéficiaire à l'effet qu'il ne serait pas certain que la situation ne s'aggravera pas dans le futur n'est soutenue par aucun élément de preuve et aucun argument n'a été présenté pour me permettre de mettre de côté comme mal fondée la décision de l'administrateur qui a jugé la situation conforme.

 

[28]           Dans ces circonstances, je ne vois pas comment je pourrais conclure à la présence d'un vice au sens du Règlement. Le recours devrait donc être rejeté aussi sous cet angle.

 

[29]           Ainsi, pour toutes ces raisons, le recours est rejeté.

 


 

[30]           En conformité de l'article 123 du Plan, je départage les coûts d'arbitrage selon les proportions suivantes : 90 % à être défrayés par l'administrateur et 10 % par le bénéficiaire.

 

 

 

 

Montréal, le 4 janvier 2006

 

Johanne Despatis, avocate

                 Arbitre

 

 

 

 

 

Adjudex inc,

0502-8208-GAMM S/A 8016