ARBITRAGE
EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (RLRQ, c. B-1.1, r. 8)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du Bâtiment du Québec :
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)
ENTRE : GENEVIÈVE BRIEN
SIMON PÉPIN-BERGERON
(ci-après collectivement appelés le « Bénéficiaire »)
ET : CONSTRUCTIONS NOMADE FAUBOURG BOISBRIAND S.E.N.C.
(ci-après l’« Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.
(ci-après l’« Administrateur »)
Nº dossier CCAC : S13-112201-NP
Nº dossier du Plan de Garantie : 80117 - 5866
Nº dossier de l’arbitre : ARB-3704
DÉCISION ARBITRALE
Arbitre : Me Jean Robert LeBlanc
Pour le Bénéficiaire : Monsieur Simon PÉPIN-BERGERON
Madame Geneviève BRIEN
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Steve ST-PIERRE
Pour l’Administrateur : Me François-Olivier GODIN, avocat
Leblanc Lamontagne & Associés
Contentieux de l’ACQ
Dates des audiences : 3 juin et 15 et 16 septembre 2014
Date de la décision : 18 novembre 2014
IDENTIFICATION DES PARTIES
Bénéficiaire : Monsieur Simon PÉPIN-BERGERON
Madame Geneviève BRIEN
[…] Boisbriand, QC […]
Entrepreneur : CONSTRUCTIONS NOMADE FAUBOURG BOISBRIAND S.E.N.C.
Monsieur Steve ST-PIERRE
65, chemin de la Pineraie
Sainte-Anne-des-Lacs, QC J0R 1B0
Administrateur : LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.
9200, boulevard Métropolitain Est
Montréal, QC H1K 4L2
Et son procureur :
Me François-Olivier GODIN, avocat
Leblanc Lamontagne & Associés
DÉCISION
Mandat :
L’arbitre a reçu son mandat du CCAC le 26 novembre 2013.
Chronologie du dossier :
9 septembre 2011 : Signature du contrat de garantie obligatoire pour une maison neuve;
1er juin 2012 : Réception du bâtiment par le Bénéficiaire;
27 juin 2013 : Dénonciation écrite du Bénéficiaire à l’Entrepreneur avec copie à l’Administrateur;
9 et 12 septembre 2013 : Visite d’inspection du bâtiment par Monsieur Richard Massé, T.P., conciliateur pour l’Administrateur;
1er novembre 2013 : Décision de l’Administrateur;
22 novembre 2013 : Demande d’arbitrage par le Bénéficiaire;
26 novembre 2013 : Nomination de l’arbitre;
19 décembre 2013 : Transmission par l’Administrateur (par messager) à l’arbitre du cahier de pièces;
25 mars 2014 : Tenue par téléphone d’une Conférence préparatoire à l’Audience d’arbitrage. Lors de cette conférence téléphonique le Bénéficiaire a déclaré se pourvoir en arbitrage contre les décisions de l’Administrateur portant sur le craquement des planchers de bois franc et sur les dégâts faits à la salle de bain à l’étage et ailleurs dans la maison lors du remplacement de la céramique dans ladite salle de bain;
18 avril 2014 : Transmission aux Parties par l’arbitre du compte-rendu de la Conférence téléphonique tenue le 25 mars 2014 et Avis de convocation à l’Audience du différend au Palais de justice de Laval, le 3 juin 2014;
15 mai 2014 : Par courriel, l’Entrepreneur informe le Tribunal arbitral qu’il renonce à faire témoigner un certain David L. Birmingham représentant de l’Association « APA - The Engineered Wood Association » de Lindsay en Ontario qui a expertisé les planchers du bâtiment des Bénéficiaires le, ou vers le, 3 avril 2013 et ce, malgré que l’Entrepreneur ait eu confirmé sa présence à l’Audience du 3 juin;
22 mai 2014 : Le Bénéficiaire informe le Tribunal arbitral qu’il a mandaté un certain Scott Vitus pour constituer une expertise relativement aux craquements des planchers de bois franc et que ce dernier témoignera à l’Audience du 3 juin;
27 mai 2014 : L’Entrepreneur fait valoir au Tribunal arbitral son intention de faire constituer une contre-expertise à la nouvelle expertise qui sera faite par monsieur Scott Vitus et allègue ne pas avoir reçu le cahier de preuve du Bénéficiaire dans les délais impartispar le Tribunal arbitral lors de la Conférence préparatoire;
Les Parties manifestent leur intention de contester la recevabilité et la pertinence de certaines preuves et de même de demander une remise de l’Audience;
29 mai 2014 : Les Parties ayant été avisées lors de la Conférence préparatoire que l’Audience pourrait s’étendre sur une seconde journée, le Tribunal arbitral confirme aux Parties que l’Audience se poursuivra le 4 juin en raison des requêtes qui seront présentées par les Parties et qui devant être entendues préalablement à l’audition au fond du dossier utiliseront ainsi du temps précieux;
2 juin 2014 : Le Tribunal arbitral modifie, avec le consentement des Parties, la convocation de l’Audience au Palais de justice de Laval pour le 3 juin en une Audience téléphonique, également le 3 juin 2014, pour entendre les représentations des Parties et décider du sort de trois (3) requêtes préalables à l’Audience au mérite qui lui ont été soumises dans les jours précédents et rend, en urgence, par courriel la décision qui suit :
DÉCISION INTERLOCUTOIRE du 2 juin 2014 à 18h30
CONSIDÉRANT que l’audition du dossier au mérite est prévue pour les 3 et 4 juin 2014 au Palais de justice de Laval;
CONSIDÉRANT que trois (3) requêtes ont été soumises au Tribunal arbitral dans les derniers jours dont une en remise de l’audience;
CONSIDÉRANT que le Tribunal arbitral doit entendre ces requêtes préalablement à l’audition au mérite;
CONSIDÉRANT que l’Entrepreneur et l’Administrateur demandent une remise de l’audience;
CONSIDÉRANT que le Bénéficiaire, dans un courriel adressé au Tribunal arbitral à 16h55 aujourd’hui, ne s’objecte pas « … à reporter l’audition de demain, »;
CONSIDÉRANT que l’audition desdites requêtes peut se faire par conférence téléphonique;
CONSIDÉRANT qu’une salle est réservée au Palais de justice de Laval pour deux (2) jours consécutifs;
CONSIDÉRANT les circonstances particulières du présent dossier;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ARBITRAL
RETARDE de quelques heures le début de l’audience physique prévue au Palais de justice de Laval à 9h30 le 3 juin 2014;
CONVOQUE toutes les Parties à une audience téléphonique à compter de 10 heures le 3 juin 2014 (selon les modalités qui sont inscrites plus bas);
DÉCLARE qu’il entendra les représentations des Parties sur les trois (3) requêtes qui lui seront présentées et prendra toutes les mesures de gestion du dossier qui seront nécessaires;
ORDONNE aux Parties de garder leurs témoins disponibles pour l’après-midi du 3 juin et la journée du 4 juin;
FRAIS à suivre.
3 juin 2014 : Tel que convoquées, toutes les Parties ont participé à une Audience par conférence téléphonique durant laquelle les requêtes suivantes ont été débattues :
Requête de l’Administrateur en rejet de certaines pièces du Bénéficiaire;
Requête de l’Entrepreneur pour faire rejeter le rapport d’expertise de monsieur Vitus;
Requête de l’Entrepreneur en remise de l’Audience prévue pour les 3 et 4 juin 2014 (Soutenue par l’Administrateur);
Séance tenante, le Tribunal arbitral a accueilli deux (2) des trois (3) requêtes citées plus haut, pris acte du désistement de l’Entrepreneur de sa requête pour faire rejeter le rapport d’expertise de monsieur Vitus et rendu plusieurs décisions notamment les suivantes :
1) A exclu de la preuve du Bénéficiaire les pièces sous l’onglet « Licence RBQ » pour absence de pertinence;
2) A reporté l’Audience au mérite du présent dossier aux 15 et 16 septembre 2014 au Palais de justice de Laval le premier jour et au bureau de l’Administrateur le second jour;
3) A imposé un échéancier rigoureux et contraignant de l’instance.
23 juin 2014 : Transmission aux Parties par le Tribunal arbitral du procès-verbal de l’Audience téléphonique tenue le 3 juin et d’un avis de convocation pour la tenue de l’Audience au mérite les 15 et 16 septembre 2014;
15 et 16 septembre : Audience au mérite du dossier;
18 novembre 2014 : Décision arbitrale.
APRÈS AVOIR LU LES PROCÉDURES, ENTENDU LA PREUVE ET LES ARGUMENTS DES PARTIES, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE REND LA DÉCISION SUIVANTE:
[1] Il s’agit d’un arbitrage en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs [1] (ci-après le « Règlement ») demandé par le Bénéficiaire qui conteste certaines des décisions rendues le 1er novembre 2013 par l’Administrateur en vertu dudit Règlement, relativement à un bâtiment de style, maison de ville en rangée, identifié comme étant l’unité D-3, acheté en copropriété divise, situé à Boisbriand (ci-après le « Bâtiment »).
[2] Aucune objection préliminaire n’ayant été soulevée sur sa compétence, le Tribunal arbitral constate que juridiction lui est acquise et se déclare compétent à entendre et à trancher la présente demande d’arbitrage.
Requêtes préliminaires
[3] En début d’Audience, l’Entrepreneur a demandé au Tribunal arbitral d’être relevé de son défaut de produire le sommaire des témoignages de ses témoins en temps opportun tel que prévu à l’échéancier établi à la suite de l’Audience téléphonique du 3 juin 2014.
[4] Considérant l’absence d’objection du Bénéficiaire et de l’Administrateur à l’égard de cette requête, le Tribunal arbitral a relevé l’Entrepreneur de son défaut et lui a permis de présenter l’entièreté de sa preuve.
[5] Malgré la demande verbale du procureur de l’Administrateur, faite également en tout début d’Audience, de n’entendre que la preuve relative à l’exception déclinatoire sur le non-respect des délais par le Bénéficiaire, le Tribunal arbitral a décidé de procéder au mérite de la cause et d’entendre toute la preuve des Parties.
Les points en litige
[6] Malgré que sa demande d’arbitrage ait porté sur plusieurs points, le Bénéficiaire a déclaré à l’Audience qu’il limitait sa contestation des décisions de l’Administrateur uniquement à celles portant sur le craquement des planchers de bois franc et sur les dégâts faits à la robinetterie de la douche de la salle de bain à l’étage.
[7] La présente décision portera donc sur les points qui suivent identifiés au rapport de conciliation du 1er novembre 2013 de la manière suivante :
1. PLANCER BOIS FRANC AUX TROIS ÉTAGES : CRAQUEMENT ANORMAL
5. SALLE DE BAIN 1er ÉTAGE : ROBINETTERIE ÉGRATIGNÉE
[8] Le Tribunal arbitral traitera de ces deux points de façon distincte et successive.
Le Point # 1
Les faits pertinents
a) La situation
[9] Tous les planchers du Bâtiment sous étude sont recouverts de bois franc et ce, au rez-de-chaussée, au premier étage et sur la mezzanine.
[10] Le Bénéficiaire a même payé à l’Entrepreneur un supplément de 1 275$ plus les taxes, pour que des planchers de bois franc de qualité supérieure en érable de couleur charcoal soient installés.
[11] Les planchers ont été installés en début mars 2012 avant que les systèmes de chauffage et de climatisation ne soient fonctionnels. Le Tribunal traitera plus en détail des conditions d’installation des planchers plus loin.
[12] La preuve d’expert dont il sera plus amplement question plus avant dans cette décision révèle que les planchers de bois franc sont construits de planches d’érable préfini d’une largeur de 3 pouces et ¼ et d’une épaisseur de ¾ de pouce fabriquées par Silhouette. Elles reposent sur un sous-plancher fait de panneaux d’aggloméré à copeaux de bois orientés communément appelés du « OSB » (également appelés par certains témoins par son nom commercial Stabledge) de 5/8 de pouce d’épaisseur et du papier Craft sur des solives espacées de 19,2 pouces. Les planches de bois franc sont fixées par des agrafes de 1 pouce et ¾ posées à distances irrégulières variant entre 6 et 20 pouces (entre 2 et 6 pouces des bouts de planches). Toutefois, à certains endroits les planches de bois franc souffrent d’une absence totale d’agrafes notamment, au 1er étage sur toute la largeur d’une chambre.
[13] Tous les planchers du Bâtiment sont fermés autant par en dessous que sur le dessus par le recouvrement de bois franc d’un côté et par les plafonds de l’autre.
[14] Le 1er juin 2012 le Bénéficiaire Pépin-Bergeron accompagné du père de la cobénéficiaire Brien, procède à l’inspection préréception du Bâtiment avec Steve St-Pierre, président de l’Entrepreneur. Il signe alors, avec réserve, le FORMULAIRE D’INSPECTION PRÉRÉCEPTION de Qualité Habitation.
[15] Ce rapport (Pièce A-4), déposé en preuve à l’Audience, ne fait état de rien d’autre que de l’abréviation « N/A » et de la mention « Voir annexe » aux différents postes sans plus de précision sauf pour l’identification des Parties et leurs signatures. L’annexe dont il est question à la pièce A-4 est la pièce A-5 également déposée en preuve lors de l’Audience. Ce document porte le logo de Constructions Nomade et est intitulé « Inspections (sic) des unités » et réfère clairement aux Bénéficiaires et à l’adresse du Bâtiment faisant l’objet du présent arbitrage.
[16] L’annexe (Pièce A-5) utilisée par l’Entrepreneur dégage une impression de formalisme. Elle est également signée par le Bénéficiaire et un représentant de l’Entrepreneur mais elle contredit, à l’intérieur d’un texte encadré portant le titre en caractère gras de « NOTE IMPORTANTE », une disposition [2] du Règlement reprise comme clause 6.4.2.1 du CONTRAT PRÉLIMINAIRE DE VENTE ET CONTRAT DE GARANTIE OBLIGATOIRE DE CONDOMINIUM [3] signé par le Bénéficiaire le 8 septembre 2011 et accepté par l’Entrepreneur le lendemain. En effet, le texte de cette « NOTE IMPORTANTE » accorde un délai de un (1) mois après la date de la livraison pour dénoncer les déficiences couvertes par la garantie et non observées lors de l’inspection et se lit comme suit :
NOTE IMPORTANTE
Toute entente, demande particulière, modification, promesse etc. devra être inscrite en détail sur ce document (INSPECTION DES UNITÉS). Ce document doit être signé par le représentant de l’entrepreneur ainsi que par le client. AUCUNE entente verbale ne sera valable et acceptée.
Nous vous invitons à consulter le site de Qualité Habitation afin d’obtenir plus de détails sur les garanties offertes. Suite à l’inspection pré livraison vous aurez un (1) mois après la date de livraison de votre unité pour prendre en note les déficiences couvertes par la garantie et non observés lors de l’Inspection et les déclarés par écrit seulement via l’adresse courriel : service@constructionsnomade.ca Ainsi par la suite nous pourrons prendre un rendez-vous afin d’apporter les correctifs. Ces déficiences ne couvrent pas les joints de gypse, joints de finition, murs et/ou planchers endommagés après la livraison.
Constructions Nomade Faubourg Boisbriand ne pourra être tenue responsable pour tous dommages et/ou problèmes occasionnés par une mauvaise installation, utilisation, négligence, manipulation de tout équipement et/ou appareil par le client et/ou toutes personnes autre que celles mandatées spécifiquement par Constructions Nomade Faubourg Boisbriand. Le client reconnait aussi avoir reçu lors de l’inspection, les instructions de base pour l’opération des équipements (mécanique du bâtiment). Il demeure de la responsabilité du client de s’informer adéquatement sur tout ce qui est essentiel de connaître pour un propriétaire sur les effets d’un mauvais contrôle de l’humidité dans son unité ou autres actions pertinentes.
Merci La Direction
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(Le texte, les soulignements et les caractères gras sont une reproduction intégrale de cette partie de la pièce A-5)
[17] Le 28 juin 2012 à 21h07, le Bénéficiaire transmet par courriel à l’Entrepreneur (service@constructionsnomade.ca) une liste de « …nouveaux ajustements et modifications qui devront être apporté (sic) … » à son unité dont le premier élément est « Le plancher craque à plusieurs endroits. »
[18] Le courriel du 28 juin mentionne de « nouveaux » ajustements et modifications à apporter à l’unité du Bénéficiaire parce que dès le 20 juin 2012 il avait transmis à l’Entrepreneur, également par courriel, une liste détaillée de « Choses à réparer ». Il n’est pas fait mention du craquement des planchers dans ce premier courriel.
[19] Le Bénéficiaire n’habite pas le Bâtiment avant la fin du mois de juin 2012 parce que les meubles essentiels à la vie sont livrés par un détaillant de meubles neufs progressivement durant ce mois.
[20] Durant les mois suivants, conformément aux représentations de St-Pierre,[4] président de l’Entrepreneur, les points mentionnés dans les courriels du 20 et du 28 juin sont réglés un à un. Par contre, à l’égard du problème de craquements, le Bénéficiaire a été patient parce qu’il s’était fait dire durant l’été 2012 par un représentant de l’Entrepreneur que les craquements étaient normaux et qu’ils se dissiperaient avec le temps. Constatant la persistance de ces craquements, à l’automne 2012, il insiste pour que l’Entrepreneur agisse.
b) La tentative de correction du problème
[21] C’est donc à compter du début de décembre 2012 que Réal Beaudoin représentant de la compagnie Centre du Plancher P.M. Inc. (ci-après « Plancher PM »), sous-contractant de l’Entrepreneur, ayant fait installé les planchers de bois franc par un de ses sous-traitants (un certain David Sauvageau qui n’a pas témoigné), s’est rendu chez le Bénéficiaire pour constater les craquements et mesurer le taux d’humidité à l’instar d’autres témoins qui ont également pris des mesures de taux d’humidité dans les mois qui ont suivi. La preuve non contredite révèle que les planchers de bois franc craquaient beaucoup et partout dans la maison. Certains témoins utilisent même la formule de craquements généralisés. Le témoin Pierre Brien précise que l’intensité du bruit est telle que la nuit lorsque quelqu’un circule il réveille les autres occupants. Par ailleurs, le taux d’humidité était normal dans la maison en décembre 2012 ainsi que lors de telles mesures par Beaudoin et d’autres témoins à des périodes différentes.
[22] Toutefois, de report de rendez-vous en report, des travaux correctifs ont finalement été entrepris seulement à la mi-février 2013 par Beaudoin qui était alors encore au service de Plancher PM. Il avait pour mission d’exécuter le travail de correction des craquements selon une méthode de collage qu’il avait déjà utilisée avec succès ailleurs, sur d’autres planchers qui craquaient également.
[23] La technique corrective utilisée consistait à percer de petits trous aux extrémités des planches, à injecter de la colle de type epoxy sous les planches de bois franc par ces trous et à les clouer avec des clous de finition pour les stabiliser et empêcher le plancher de bouger et de produire des craquements.
[24] Dans son témoignage, le témoin Beaudoin a expliqué au Tribunal qu’il a constaté qu’il fallait améliorer l’ancrage des planches au sol parce que certaines de ces planches de bois franc n’étaient pas adéquatement fixées au sous-plancher. D’ailleurs, il en a lui-même enlevées plusieurs à l’étage très facilement avec ses mains et ce, malgré que ces planches aient été munies d’agrafes.
[25] La preuve corroborée révèle que cette technique corrective s’est avérée totalement inefficace pour ce genre de problème. En effet, au fur et à mesure des injections d’epoxy, les craquements fuyaient et se déplaçaient d’un endroit à un autre sur le plancher. Même jumelée à des clous de finition à angle de 45 degrés, la colle n’a pas permis de régler le problème de craquement.
[26] À la lumière de l’échec de la technique corrective sur une première partie des planchers et des marques disgracieuses résultant des trous, de la colle et des têtes de clous apparentes, le Bénéficiaire a refusé que Beaudoin continue le travail de collage, le lendemain comme il était prévu qu’il le fasse.
[27] Durant les semaines qui suivent, le Bénéficiaire insiste auprès de Plancher PM et de l’Entrepreneur pour qu’ils trouvent une solution adéquate pour éliminer les craquements des planchers. Roy pose l’hypothèse que les craquements résultent de variations trop grandes dans le taux ambiant d’humidité. Il en attribue la responsabilité au Bénéficiaire.
c) Une première expertise
[28] Le 3 avril 2013, à la demande du fournisseur de matériaux de construction dont le OSB utilisé pour construire le sous-plancher du Bâtiment du Bénéficiaire, Matériaux Kott, S.E.N.C. (ci-après « Kott ») et le fabricant de produits agglomérés Norbord Inc. de Val-d’Or, un expert représentant l’APA (The Engineered Wood Association) de Lindsay en Ontario, David L. Birmingham s’est rendu chez le Bénéficiaire pour évaluer la situation.
[29] Lors de la visite de Birmingham plusieurs intervenants étaient présents et comme le précise Cheff lors de son témoignage, il y avait un réel problème de craquements qui était généralisé et dont ils ignoraient la cause. En plus du Bénéficiaire il y avait, Sylvain Roy et Réal Beaudoin de Plancher PM, Stéphane Cheff et Robert Chartier de Kott, Daniel Caron de la compagnie Goodfellow et Patrick Dufresne, représentant l’Entrepreneur. Pour des raisons qui n’ont pas été précisées, Birmingham n’a pas témoigné lors de l’Audience et en conséquence, son rapport ne fait pas partie de la preuve.
[30] À l’Audience, principalement Roy et Cheff et même St-Pierre ont témoigné à l’effet que des variations du taux de l’humidité ambiante, un mauvais contrôle de ce taux d’humidité qui devrait se situé à environ 40 à 50% pouvait être à l’origine de craquements parce que le bois est un matériau vivant qui réagit aux variations de l’humidité ambiante par effet de contraction et de dilatation désancrant les agrafes de l’OSB. Toutefois, tel que l’admet Roy, il n’a pas vérifié lui-même le taux d’humidité dans la maison et il ne peut pas affirmer que le Bénéficiaire a des habitudes de vie hors norme affectant le taux d’humidité recommandable à la stabilité du plancher. D’ailleurs, le Tribunal constate qu’il n’existe aucune preuve d’usage inadéquat des lieux par le Bénéficiaire.
[31] Les personnes présentes lors de la visite de Birmingham et qui ont témoigné lors de l’Audience ont constaté et rapporté que Birmingham avait fait une ouverture exploratoire dans le plancher du salon sous un meuble (ci-après le « Trou »). Ce Trou s’est avéré très révélateur et fort utile autant au conciliateur Massé lors de ses visites d’inspection en septembre 2013 qu’à l’expert Vitus, au printemps 2014.
[32] C’est au début du mois de mai 2013 que l’Entrepreneur reçoit le rapport Birmingham.
[33] Selon le Bénéficiaire Pépin-Bergeron et Beaudoin, c’est vers le 9 mai 2013, que ce dernier s’est rendu au domicile du Bénéficiaire pour prendre les mesures afin de commander la quantité de bois nécessaire pour refaire tous les planchers parce qu’ils craquaient partout.
[34] La preuve prépondérante est à l’effet que, en mai 2013, l’Entrepreneur et Plancher PM avaient décidé de refaire une grande partie des planchers ainsi que le sous-plancher du Bâtiment sur une base de contreplaqué (Plywood) pour s’assurer que les agrafes tiendraient solidement en place les planches de bois franc car ces agrafes ne tenaient pas adéquatement dans l’aggloméré OSB.
[35] Cependant, le 30 mai 2013 il y a apparemment un revirement de situation et l’Entrepreneur informe le Bénéficiaire que seuls les planchers d’une partie du salon, d’une partie de la salle à manger et du Trou seront changés. Le Bénéficiaire fort déçu, se fait alors plus insistant et veut obtenir copie du rapport Birmingham pour en connaître le contenu.
[36] Malgré ses multiples tentatives pour obtenir le rapport Birmingham qui devait être soumis par ce dernier environ deux (2) semaines après sa visite, ce n’est que le 10 juin 2013 que le Bénéficiaire en obtient copie par le biais de Kott et ce, bien que l’historique des transmissions et retransmissions électroniques démontrent qu’il avait été initialement reçu par un représentant de l’Entrepreneur, le 29 avril 2013.
[37] Le Bénéficiaire témoigne que c’est à la lecture du rapport Birmingham qu’il prend véritablement connaissance de l’ampleur, de l’étendue et de la gravité du problème de craquement des planchers. Ces craquements importants et généralisés ne sont donc pas le fruit d’un contrôle fautif de l’humidité ambiante comme le prétendaient vigoureusement les représentants de Plancher PM et de l’Entrepreneur. Ils sont anormaux et résultent d’une ou plusieurs autres causes n’ayant rien à voir avec des variations trop grandes du taux d’humidité ambiant dans le Bâtiment.
[38] Quelques jours plus tard le Bénéficiaire réclame l’intervention de la Garantie. En effet, c’est le 27 juin 2013, qu’il transmet par courriel à l’Administrateur sa demande de réclamation détaillée relativement aux craquements des planchers ainsi qu’à d’autres déficiences qui ne sont pas encore réglées.
d) La décision de l’Administrateur
[39] Le processus d’évaluation, d’analyse et de décision de l’Administrateur s’amorce. Il mandate comme conciliateur Richard Massé T.P. qui a été qualifié d’expert par le Tribunal lors de son témoignage. Massé a visité le Bâtiment au moins les 9 et 12 septembre 2013 selon le rapport de conciliation daté du 1er novembre 2013. La preuve est toutefois contradictoire à cet égard. Le Bénéficiaire prétend que Massé est venu une troisième fois pour reprendre des photographies parce que la carte mémoire contenant les photos prises lors d’une visite précédente avait disparu. Massé n’en a pas un souvenir clair.
[40] Dans la décision de l’Administrateur, Massé ne reconnaît pas le Point #5. Le Bénéficiaire conteste aussi cette décision dans le cadre du présent arbitrage. Le Tribunal tranchera cet aspect du différend plus loin.
[41] Par ailleurs, Massé reconnaît seulement en partie le Point #1 qui porte sur les craquements anormaux des planchers. Cependant, dans son analyse menant à cette décision, il commente l’un des constats de Birmingham quant à l’épaisseur du sous-plancher qui n’est pas conforme aux recommandations du manufacturier. Il y note que le guide d’installation « Mercier » recommande un contreplaqué (Plywood) ou un OSB d’un minimum de ¾ de pouce d’épaisseur alors qu’un OSB de 5/8 de pouce est installé. À l’Audience, il précise que le guide Mercier est utilisé comme standard de pose de plancher de bois franc pour l’Administrateur parce que ce guide rencontre les exigences du Code du bâtiment.
[42] Dans son rapport de conciliation il mentionne de nombreux endroits sur les trois niveaux du Bâtiment où il a entendu des craquements venant du plancher. Étonnamment, il n’y fait aucune mention de craquements devant la porte-fenêtre du salon située au rez-de-chaussée sauf, qu’il conclut (Texte complet de sa conclusion au Point #1 plus bas) à l’obligation de l’Entrepreneur de faire les vérifications nécessaires et les correctifs requis « …uniquement pour les craquements présents devant la porte-fenêtre et pour l’ouverture pratiquée dans le salon, ». (Le soulignement est nôtre)
« Par conséquent, l’entrepreneur devra, tel que mentionné au formulaire pré-réception, faire les vérifications nécessaires et les correctifs requis uniquement pour les craquements présents devant la porte-fenêtre et pour l’ouverture pratiquée dans le salon, selon les règles de l’art, et l’usage courant du marché. Ces travaux devront être exécutés avant le 20 décembre prochain. À défaut, La garantie Qualité Habitation, procédera par voie de soumission pour l’exécution des travaux. »
(Les caractères gras sont du conciliateur, Richard Massé)
[43] À l’Audience, Massé admet cependant avoir constaté que le problème de craquement des planchers était généralisé dans le Bâtiment du Bénéficiaire.
[44] Lorsqu’il est contre-interrogé par le Bénéficiaire, Massé justifie la décision de la Garantie de ne reconnaître que partiellement (uniquement pour les craquements présents devant la porte-fenêtre) l’application de celle-ci, en invoquant tel qu’il l’avait écrit dans le rapport de conciliation, la mention d’un craquement sur le formulaire d’inspection préréception (Pièce A-4).
[45] Or, cette pièce, tel que le Tribunal arbitral le notait plus haut, ne fait état de rien d’autre que de l’abréviation « N/A » et de la mention « Voir annexe » aux différents postes sans plus de précision sauf pour l’identification des Parties et leurs signatures.
[46] Quant à l’annexe (Pièce A-5) dont il est fait mention à la pièce A-4 (Formulaire préréception), le témoignage de Massé est plutôt flou et imprécis. Il manque d’assurance dans ses propos. Il croit que l’annexe (A-5) n’accompagnait pas le Formulaire de préréception que l’Administrateur a reçu de l’Entrepreneur suite à la livraison du Bâtiment. Il ignore quand cette annexe est parvenue à l’Administrateur.
[47] La preuve n’est pas limpide quant à savoir si Massé a pris connaissance de l’annexe (Pièce A-5) avant de rédiger la décision de l’Administrateur. Cependant, le Tribunal arbitral conclut qu’il a sûrement dû en prendre connaissance puisqu’il témoigne à l’effet qu’à la pièce A-5 à la section relative aux « Salon / Salle à manger » en marge du mot « Plancher » il y a la mention manuscrite « marque porte-patio » qui, selon le témoignage de Massé, pourrait faire référence aux craquements. Massé fait donc un lien étonnant entre plancher, marque et craquements.
[48] Il ajoute, par ailleurs, que la pièce A-5 ne constitue pas une dénonciation conforme à l’Administrateur de la Garantie parce qu’il ne s’agit pas d’un formulaire autorisé par l’Administrateur.
[49] À l’examen détaillé de la pièce A-5 (Annexe de A-4), le Tribunal arbitral constate qu’il n’y est fait aucune mention de craquements dans les planchers de bois franc.
[50] Massé témoigne que l’Administrateur, sous sa plume, a rejeté la majeure partie de la réclamation du Bénéficiaire quant aux craquements des planchers parce que la dénonciation écrite du Bénéficiaire à l’Entrepreneur et à l’Administrateur a été faite le 27 juin 2013 alors qu’il avait déjà connaissance de la situation le 28 juin 2012 soit douze (12) mois plus tôt, excédant ainsi le délai raisonnable établi par le législateur, lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte des vices et des malfaçons.
e) L’expertise Vitus
[51] Durant le cours de l’instance, le Bénéficiaire a jugé pertinent de retenir les services d’un expert pour obtenir son opinion sur la situation et ce, avant même que l’Entrepreneur n’informe les Parties qu’il ne se servirait pas du rapport Birmingham dans sa preuve.
[52] Lors de l’Audience, le Tribunal arbitral a reconnu Scott Vitus dont la place d’affaires est à Saint-Bruno, comme expert en mesure de l’éclairer relativement au problème de craquement des planchers du Bâtiment du Bénéficiaire. Il a essentiellement témoigné en anglais sauf pour quelques éléments sur lesquels il s’est exprimé en français.
[53] Lors de son témoignage, Vitus a déposé son rapport daté du 12 mai 2014 suite à une visite d’inspection chez le Bénéficiaire, le 29 avril 2014.
[54] Vitus témoigne à l’effet qu’il a constaté notamment, des écarts apparents (interstices) entre les planches de bois franc dans l’entrée principale, à l’étage et sur la mezzanine. Ces interstices étaient plus apparents le long de certains murs dont le long d’un mur mitoyen. Il a également constaté du mouvement vertical (deflection) des planches (effet tremplin) et du bruit de craquement à plusieurs endroits dans le salon, la salle à manger, à l’étage ainsi que sur la mezzanine. Le mouvement des planches et le bruit est plus intense à certains endroits de la maison particulièrement où la circulation est plus fréquente comme autour du lit, d’une commode et au pied de l’escalier menant à la mezzanine. Cependant, il mentionne que les bruits de craquement provenant du plancher de la mezzanine, bien que présents, sont moins intenses qu’aux autres étages.
[55] Il a aussi constaté la présence de petits trous dans les planches à plusieurs endroits lui indiquant que quelqu’un avait injecté de la colle epoxy sous les planches à ces endroits. À l’Audience il mentionne qu’habituellement cette technique de collage résout le problème de craquements sauf que dans le cas des planchers du Bâtiment du Bénéficiaire, le collage par injection d’epoxy n’a fait que déplacer ailleurs les points de tension (Stress points).
[56] De plus, il précise que dans une des chambres à l’étage (celle identifiée comme étant la chambre de la visite) il n’y avait aucune agrafe sur toute la largeur de la pièce, que le craquement y était intense et que l’effet tremplin des planches était visible en marchant sur le plancher de cette chambre.
[57] C’est par le biais de billes magnétiques que Vitus a été en mesure de constater que les agrafes retenant les planches du plancher au sol étaient fixées à distances variables et irrégulières les unes des autres ou qu’elles étaient totalement absentes.
[58] Une douzaine de photographies annexées au rapport d’expertise Vitus confirment éloquemment les constats de l’expert.
[59] Quant au taux ambiant d’humidité relative dans le Bâtiment le jour de la visite de Vitus, il se situait entre 38,9% et 44,6% alors que la température intérieure variait entre 21,9º et 19,6º Celcius ce qui correspond essentiellement aux recommandations du manufacturier Silhouette, le fabricant des planches d’érable préfini qui sont installées chez le Bénéficiaire.
[60] En l’absence d’objections de la part de l’Administrateur et de l’Entrepreneur, Vitus a également produit en preuve des documents publics émanant du site Internet du manufacturier Silhouette [5] notamment, un Guide d’installation pour plancher massif, le texte de la Garantie résidentielle, les Règles d’entretien et directives de préservation pour plancher de bois franc ainsi qu’un texte relatif à la Responsabilité et devoir de l’installateur et du propriétaire.
[61] Le Trou (ouverture exploratoire) pratiqué par Birmingham dans le salon a permis à l’expert Vitus de constater comment le plancher avait été construit et quels matériaux avaient été utilisés notamment, l’épaisseur du sous-plancher.
[62] À l’analyse des faits observés, des normes d’installation de planchers de bois franc utilisées dans cette industrie et des recommandations d’installation du manufacturier Silhouette, Vitus en arrive à la conclusion que les craquements et les écarts apparents entre les planches de bois franc du plancher sont le résultat des causes suivantes :
1) L’utilisation de OSB de 5/8 de pouce (15 mm) sur des solives distancées de 19,2 pouces ne convient pas à l’installation d’un plancher de bois franc parce que l’épaisseur insuffisante de ce sous-plancher peut amener le fléchissement et le déplacement des planches causant ainsi du bruit. Lorsque les solives sont espacées de 19,2 pouces, il faut installer un sous-plancher de ¾ de pouce d’épais tel que le recommande le manufacturier Silhouette ;
2) L’espacement des agrafes et l’irrégularité dans leur pose créent des points de tension (Stress points) lorsqu’il y a expansion et contraction saisonnières pouvant désancrer les agrafes contribuant à causer des craquements et du bruit;
3) Considérant la nature vivante du matériau qui prend de l’expansion par l’effet de l’humidité et qui se contracte à la chaleur, l’absence d’un système de climatisation et de conditions normales de vie dans la maison lors de l’installation des planchers de bois franc et dans les trois (3) mois qui ont suivis et l’ouverture des fenêtres pour ventiler la maison durant cette période ont pu créer des variations du taux d’humidité ambiant accélérant ainsi le déplacement des planches, les écartant les unes des autres, les désancrant et causant des craquements.
[63] Dans son témoignage, Vitus précise que lorsque des craquements dans les planchers de bois franc apparaissent peu de temps après l’installation, ils sont causés par une installation déficiente alors que lorsqu’ils apparaissent un an et demi plus tard ils sont le fruit d’un taux ambiant d’humidité trop élevé.
[64] À son avis, dans le présent cas, les craquements ne proviennent pas d’une mauvaise utilisation de la maison par le Bénéficiaire mais bien d’une installation déficiente.
[65] Selon Vitus, un non-expert ne pouvait pas arriver aux conclusions auxquelles il en est arrivé. Il fallait ouvrir le plancher pour constater que le sous-plancher était inadéquat. Le Trou s’est donc avéré très révélateur et fort utile à son expertise.
[66] Il témoigne aussi à l’effet que le Bénéficiaire ne pouvait pas se douter de la gravité et de l’étendue du problème de craquement des planchers avant de prendre connaissance des commentaires de Birmingham.
[67] Vitus mentionne aussi qu’un taux d’humidité trop élevé lors de la pose du plancher pourrait être à l’origine d’une partie du problème.
[68] Finalement, Vitus résume son témoignage en précisant que les bruits de craquement qu’il a entendu ne sont pas normaux, qu’ils sont hors normes et qu’ils ne se sont pas dissipés depuis qu’ils sont apparus. Selon lui, des craquements saisonniers par plaques sont normaux alors que des craquements à la grandeur des planchers, à l’année longue, sont anormaux.
f) Les conditions de pose des planchers et du maintien du taux d’humidité dans les semaines suivantes, avant la livraison
[69] Les planchers de bois franc ont été installés le 6 mars 2012 sans que le système de chauffage central de la maison ne soit en fonction, avant que le système de climatisation ne soit installé et avant que le terrassement extérieur ne soit fait.
[70] La preuve est imprécise quant au contrôle des conditions d’humidité relative dans la maison lors de la pose des planchers. Le Bénéficiaire Pépin-Bergeron témoigne avoir vu les fenêtres et les portes de la maison ouvertes durant la construction sans préciser à quels moments alors que l’Entrepreneur témoigne à l’effet qu’il utilise habituellement des chauffages d’appoint plutôt que le chauffage central de la maison pour éviter de salir les conduits. Toutefois, lors de son témoignage, il ajoute qu’il ne peut pas affirmer qu’il y avait un chauffage d’appoint chez le Bénéficiaire lors de la pose des planchers de bois franc, mais il suppose que si.
[71] Malgré la description de la procédure normale d’installation faite par Beaudoin qui n’était pas présent lors de la pose des planchers, personne n’a pu éclairer le Tribunal sur cet aspect précis, surtout que l’installateur Sauvageau n’a pas témoigné à l’Audience. Il n’y a donc aucune preuve que les conditions d’humidité et de température ambiantes étaient adéquates ou pas et conformes ou non aux normes du manufacturier et/ou aux règles de l’art le jour de la pose des planchers de bois franc. Le seul élément pouvant éclairer le Tribunal arbitral à cet égard est l’opinion de l’expert Vitus.
[72] Tout au moins, Roy le président de Plancher PM admet que les conditions d’humidité dans la maison peuvent avoir fluctué entre le 6 mars et le 1er juin 2012. Même s’il témoigne à l’effet que le taux d’humidité doit être vérifié et contrôlé régulièrement, il ignore s’il a été vérifié pendant les semaines et les mois suivant l’installation. À cet effet, pendant le témoignage de Vitus, l’Administrateur a admis que le taux d’humidité durant cette période était toujours supérieur aux normes du manufacturier Silhouette, établies à un taux d’humidité ambiante d’environ 40 à 50%.
[73] Selon les documents émanant du manufacturier Silhouette lesquels font partie de la preuve, certaines conditions de chantier doivent être respectées pour assurer des conditions de pose adéquates notamment, le bâtiment doit être fermé (portes et fenêtres extérieures installées), le terrassement extérieur doit être terminé, un système permanent de climatisation et chauffage de l’air doit être installé et en état de service, la température ambiante doit être constante entre 16 et 24º Celcius et l’humidité à un taux de 37 à 50% pendant 14 jours avant la pose, pendant la pose et jusqu’à l’occupation. De plus, le niveau d’humidité du sous-plancher ne doit pas excéder 13%. Cependant, sans apporter de preuve corroborative, les témoins Roy, Cheff et St-Pierre ont témoigné que ces documents de recommandation d’installation ont été publiés en 2013 alors que le Bâtiment a été construit en 2012.
L’analyse et les motifs
a) Les arguments des Parties
[74] Le Bénéficiaire plaide qu’il lui était impossible de dénoncer des craquements de plancher le 1er juin 2012 parce qu’il n’en a pas entendu et qu’au surplus de tels craquements ne sont pas des malfaçons apparentes au sens du Règlement puisqu’ils ne sont pas visibles à l’œil comme une égratignure ou un élément non achevé.
[75] Selon le Bénéficiaire, il ne savait et ne pouvait pas savoir que l’annexe (Pièce A-5) au Formulaire de préréception (Pièce A-4) utilisée par l’Entrepreneur en complément au formulaire de Qualité Habitation n’était pas reconnue par la Garantie. Ce document avait une apparence d’officialité et il en a respecté rigoureusement les termes.
[76] En dénonçant les craquements des planchers par courriel le 28 juin 2012, le Bénéficiaire était convaincu que cette dénonciation écrite faisait partie intégrante du Formulaire de préréception et qu’en conséquence il bénéficiait pleinement de l’application de la Garantie.
[77] Il se prétend justifié de ne pas s’être inquiété de l’absence d’un représentant de la Garantie ou de l’absence de communication de la part de Qualité Habitation relativement à ses nombreuses réclamations dont celle relative aux craquements des planchers parce que l’Entrepreneur réglait un à un tous les problèmes y compris celui des craquements qu’il a entrepris de régler en décembre 2012 parce qu’ils ne s’étaient pas résorbés et persistaient.
[78] Le Bénéficiaire plaide également qu’il ne doit pas être victime d’une faute commise par l’Entrepreneur agissant comme mandataire de l’Administrateur lors de la préréception.
[79] Le Bénéficiaire plaide que la dénonciation écrite faite à l’Entrepreneur et à l’Administrateur le 27 juin 2013 est celle que le Tribunal arbitral doit retenir puisqu’elle a été faite moins d’un mois après qu’il ait eu acquis connaissance réelle que le problème de craquements des planchers résultait d’un vice caché.
[80] Le Bénéficiaire plaide donc que c’est uniquement à la suite de l’expertise et du rapport subséquent de Birmingham dont il a obtenu copie le 10 juin 2013 qu’il a eu connaissance de l’ampleur, de l’étendue et de la gravité de la situation qui cause les craquements des planchers du Bâtiment. Entre le 1er juin 2012 et le printemps 2013, il ne pouvait pas en soupçonner ni l’étendue ni la gravité.
[81] Finalement, le Bénéficiaire rappelle que la décision contestée de l’Administrateur de corriger partiellement le problème est fondée sur des faits qui n’existent pas.
[82] Au soutien de ses arguments, le Bénéficiaire soumet au Tribunal arbitral plusieurs décisions et de la doctrine.
[83] De son côté, l’Entrepreneur plaide que les craquements des planchers ne sont pas le fruit d’un vice caché parce que le problème n’existait pas lors de la prise de possession du Bâtiment et que ce problème est survenu en raison d’une mauvaise utilisation du Bâtiment par le Bénéficiaire qui l’a maintenu dans des conditions d’humidité excessive. L’entrepreneur plaidant qu’il ne peut être tenu responsable de l’utilisation faite par le Bénéficiaire du Bâtiment après la livraison.
[84] De plus, l’Entrepreneur plaide qu’il a respecté les règles de l’art dans la construction des planchers et qu’on ne saurait lui reprocher de ne pas avoir suivi les recommandations de Silhouette en 2012 car ces dernières n’auraient été publiées qu’en 2013.
[85] L’Administrateur fonde sa plaidoirie sur une dénonciation tardive du Bénéficiaire du problème de craquement des planchers du Bâtiment, sur l’absence d’opposabilité à l’Administrateur d’une clause nulle rédigée par l’Entrepreneur prolongeant un délai de la Garantie, une absence d’aggravation de la situation entre la découverte du problème et sa dénonciation privant ainsi le Bénéficiaire de l’application de la Garantie et demande au Tribunal arbitral de maintenir la décision de l’Administrateur sous la plume de Richard Massé.
[86] L’Administrateur maintient, à l’instar de Massé dans sa décision du 1er novembre 2013, que le Bénéficiaire a pris connaissance du problème de craquement des planchers au 28 juin 2012 et qu’il en a transmis une dénonciation écrite à l’Administrateur en date du 27 juin 2013 soit douze (12) mois plus tard excédant le délai raisonnable prévu dans le Règlement lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte des vices et des malfaçons. À cet égard, l’Administrateur soumet plusieurs décisions arbitrales traitant de la nature du délai de six (6) mois et des conséquences de son irrespect.
[87] Il plaide que le délai de trente (30) jours accordé par l’Entrepreneur dans un document privé (NOTE IMPORTANTE), non approuvé par l’Administrateur est nul et ne saurait lui être opposable en raison du texte de l’article 139 du Règlement [6] qui stipule comme suit.
« 139. Toute clause d’un contrat de garantie qui est inconciliable avec le présent règlement est nulle. »
[88] L’Administrateur ajoute qu’en conséquence de cette disposition, l’Entrepreneur en induisant en erreur le Bénéficiaire par le texte de la NOTE IMPORTANTE qui prolonge à trente (30) jours un délai que le Règlement fixe à trois (3) jours dans les circonstances qui étaient celles du Bénéficiaire, a engagé sa responsabilité civile à l’égard du Bénéficiaire. La Garantie ne saurait être tributaire de ce que l’Entrepreneur dit et fait.
[89] Il plaide également qu’il n’y a aucune preuve d’aggravation de la situation des craquements entre juin 2012 et juin 2013. Ils sont les mêmes depuis leur découverte en juin 2012. L’explication de la ou des causes des craquements dont le Bénéficiaire prend connaissance en début juin 2013 par le biais du rapport Birmingham ne constitue pas la découverte d’un nouveau problème. Il s’agit toujours du même problème de craquements découvert en juin 2012. Il ajoute que la Garantie n’a pas besoin de savoir pourquoi ça craque mais seulement que ça craque et que le délai de dénonciation commence à courir à la découverte des craquements.
[90] Pour l’Administrateur, la seule dénonciation valide set celle du 27 juin 2013 et elle est tardive.
[91] Quant aux frais de l’expert Vitus, l’Administrateur plaide que l’expert n’a pas éclairé le Tribunal d’arbitrage et ces frais pourraient être réclamés comme dépens par le Bénéficiaire dans le cadre d’un éventuel recours civil intenté contre l’Entrepreneur.
[92] À l’égard des frais de l’arbitrage, l’Administrateur laisse au Tribunal le soin de trancher selon les dispositions du Règlement et la jurisprudence constante à cet effet. Quant au quantum des frai d’arbitrage, considérant les circonstances et les spécificités du présent dossier, l’Administrateur a déclaré qu’il ne s’objecterait pas à un dépassement raisonnable des montants prévus pour un litige de plus de 45 000$.
b) Les motifs de la décision
[93] Afin de déterminer si la Garantie doit s’appliquer dans le cas sous étude, le Tribunal arbitral qualifiera la déficience, déterminera quel délai de dénonciation doit s’appliquer et examinera l’argument de tardivité de la dénonciation soumis par l’Administrateur après avoir déterminé le point de départ de la connaissance du problème le tout, selon les règles de droit applicables qui se trouvent à l’article 27 du Règlement qui correspond dans son essence à la clause 6.4.2 du contrat de garantie obligatoire [7] lequel est reproduit ci-bas.
« 27. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:
1° le parachèvement des travaux dénoncés, par écrit:
a) par le bénéficiaire, au moment de la réception de la partie privative ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;
b) par le professionnel du bâtiment, au moment de la réception des parties communes;
2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;
5° la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux des parties communes ou, lorsqu'il n'y a pas de parties communes faisant partie du bâtiment, de la partie privative et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation. »
(Les caractères gras sont nôtres)
i) La qualification
[94] Pour les fins de l’application de la Garantie, le problème des craquements des planchers du Bâtiment du Bénéficiaire est-il un vice caché au sens de l’article 1726 du Code civil du Québec, dont le texte est reproduit plus bas, tel que le prétend le Bénéficiaire entrainant l’application de l’article 27. 4º du Règlement tel qu’énoncé plus haut ou est-ce un vice ou une malfaçon apparente que le Bénéficiaire devait dénoncer par écrit à l’Administrateur dans les trois (3) jours suivant la réception puisqu’il n’avait pas encore emménagé dans le Bâtiment ?
« 1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert. »[8]
(Les caractères gras sont nôtres)
[95] La doctrine [9], identifie quatre (4) conditions pour conclure à l’existence d’un vice caché. Il s’agit de la gravité du défaut, il doit être ignoré de l’acheteur, il ne doit pas être apparent et enfin, il doit être antérieur à la vente.
[96] Dans le cas qui nous occupe, la preuve a démontré sans l’ombre d’un doute que le défaut est grave. Plusieurs témoins affirment que les craquements sont intenses et généralisés. La preuve vidéo du Bénéficiaire le confirme.
[97] Le vice n’était pas connu de l’acheteur au moment de l’achat puisqu’il ne le constate que durant le cours du mois de juin 2012 lors de ses visites d’installation ne vivant pas encore dans le Bâtiment avant les derniers jours de juin.
[98] Le vice n’était manifestement pas apparent parce que pour le constater, le Bénéficiaire a bénéficié du recours à un expert qui a même dû pratiquer une ouverture exploratoire dans le plancher du salon.
[99] Malgré que la preuve ne révèle pas la date exacte de la signature de l’acte de vente de la propriété, le Tribunal arbitral présume que la vente notariée est contemporaine à la signature du Formulaire de préréception, le 1er juin 2012.
[100] De plus, selon son rapport d’expert et le témoignage de Vitus, le vice origine d’un agrafage irrégulier des planches de bois franc formant le revêtement du plancher, sur un sous-plancher trop mince, dans des conditions de pose très probablement déficientes. Ces éléments suffisent au Tribunal arbitral pour considérer par présomption de faits que le vice existait antérieurement à la vente au Bénéficiaire car il s’agit clairement d’une déficience d’installation tout comme l’a aussi déterminé Me Albert Zoltowski, agissant comme arbitre dans une décision arbitrale de 2010 en vertu du Règlement [10], s’exprimant comme suit :
« [84] Then the next question is whether or not the above described problems constitute poor workmanship.
[85] The Beneficiaries’ expert, Mr. Deschamps testified that the level of the creaking noise was medium to loud during his inspection visit. Mrs. Khafagi, in her testimony, stated that its loudness is sufficient to disturb their son’s sleep pattern. The undersigned, during his visit at the Building prior to the hearing, also noticed that walking on the flooring causes unusual creaking noises. Such a situation is certainly abnormal.
[86] The gaps between the strips of flooring of up to 4mm are also too wide and abnormal according to expert Mr. Deschamps’s testimony and as stated in his report. In his testimony, Mr. Bondaz himself admitted that in his experience he never saw such wide gaps in hardwood floors.
[87] As far as the probable cause or causes of these problems are concerned, the evidence based on Mr. Voyer’s testimony shows that the installation of the flooring took place one day following its delivery to the Building, This is contrary to the acclimatation of 4 to 5 days prescribed by the majority of the floor manufacturers who are listed in expert Janidlo’s report (Exhibit B-3).
[88] To refute the Beneficiaries’ argument, the Contractor or the Manager would have had to show to the Court that a one day acclimatation period was sufficient for the type of flooring that was installed in the Building or in view of the then prevailing high (80%) humidity level in it resulting from the then recently completed painting operations.
[89] Uncontradicted expert evidence presented by the Beneficiaries also shows that some strips of their flooring show either a total absence or insufficiency of nails or staples.
[90] For these reasons, the Court has no difficulty to conclude that the installation of the hardwood floors in the Beneficiaries’ home suffered from poor workmanship and is covered by the guarantee. »
(Les caractères gras sont nôtres)
[101] De plus, comme le précisait Me Jeffrey Edwards agissant comme arbitre dans une récente décision arbitrale en vertu du Règlement [11], le Tribunal arbitral conclut, avec respect pour l’opinion contraire, que les écarts apparents (interstices) entre les planches du plancher et les craquements résultant d’une installation déficiente constituent un vice caché au sens de l’article 1726 du C.c.Q.
« [16] Considérant tout ce qui précède, le Tribunal d’arbitrage vient à la conclusion que le trop grand espacement des lattes de bois du plancher de la Propriété des Bénéficiaires, résulte d’un problème d’installation et constitue donc un vice caché au sens de l’Article 1726 du Code civil du Québec qui se lit … »
(Les caractères gras sont nôtres)
ii) La notion de découverte du vice
[102] Dans le cadre d’un vice caché qui apparaît graduellement, le législateur, dans sa sagesse, a précisé quand le délai de dénonciation commençait à courir.
« 1739. L'acheteur qui constate que le bien est atteint d'un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l'acheteur a pu en soupçonner la gravité et l'étendue.
Le vendeur ne peut se prévaloir d'une dénonciation tardive de l'acheteur s'il connaissait ou ne pouvait ignorer le vice. » [12]
(Les caractères gras sont nôtres)
[103] Le Tribunal arbitral considère que le vice caché dans les planchers de bois franc du Bâtiment du Bénéficiaire est effectivement apparu graduellement. En effet, les premiers craquements se sont manifestés en juin 2012. L’Entrepreneur a alors représenté au Bénéficiaire que ces craquements étaient normaux et qu’ils s’estomperaient avec le temps. Comme ils persistaient à l’automne 2012, à la demande du Bénéficiaire, l’Entrepreneur a fait procéder à une tentative de correction à l’hiver 2013 qui n’a pas réussi et finalement une expertise faite en avril 2013 a permis au Bénéficiaire de prendre connaissance de la gravité et de l’étendue du vice lorsqu’il a finalement obtenu une copie du rapport de l’expert Birmingham, en début juin 2013.
[104] En conséquence, avec respect également pour l’opinion contraire, le Tribunal arbitral établit la découverte du vice et le départ du calcul du délai de dénonciation au jour où le Bénéficiaire a pu soupçonner la gravité et l’étendue du vice, soit au 10 juin 2013 tel que l’a fait en semblable matière, Me Jean Philippe Ewart, agissant comme arbitre dans une décision arbitrale de 2009 en vertu du Règlement [13] après avoir analysé les commentaires d’un auteur dans un ouvrage de doctrine précisant la notion de « découverte » du vice caché.
« [37] La doctrine, sous la plume en 2008 de Me J. Edwards dans son ouvrage La garantie de qualité du vendeur en droit québécois analyse en grand détail le choix du mot «découverte» à l’article 1739 C.c.Q. :
« La première partie de l’article tient pour acquis que la connaissance du vice s’acquiert dès la première manifestation de celui-ci. Or, le vice peut apparaître de manière progressive. Ses premières manifestations paraissent alors anodines et peuvent tout autant être imputées à des phénomènes normaux. L’existence du vice ne se confirme qu’après des signes plus révélateurs. …. Le législateur a consacré cette règle [que la connaissance déterminante était celle de «l’étendue et de la gravité du vice] dans l’article 1739 C.c.Q. qui prévoit expressément que, lorsque le vice «apparaît graduellement», le délai ne court que du «jour où l’acheteur a pu en soupçonner la gravité et l’étendue». Cette précision confirme à la fois que le véritable élément déclencheur du délai est la connaissance du vice par l’acheteur et que celle-ci doit être évaluée de manière objective. Le délai court dès que l’acheteur « a pu » soupçonner l’existence du vice et non depuis la découverte ou la connaissance réelle de celui-ci. …» »
(Les soulignements sont de Me Ewart)
iii) Le calcul du délai de dénonciation
[105] Préalablement au 10 juin 2013, le Bénéficiaire ignorait l’étendue et la gravité du vice qui affecte les planchers de son Bâtiment ainsi que l’ampleur des remèdes et correctifs nécessaires pour corriger ce vice. En conséquence, la dénonciation faite le 27 juin 2013 l’a été avec célérité, à l’intérieur du délai raisonnable prévu au Règlement.
[106] En effet, le vice était caché au sens de l’article 1726 du C.c.Q., il a été découvert dans les trois (3) ans suivant la réception du Bâtiment et dénoncé par écrit, à l'Entrepreneur et à l'Administrateur dans un délai raisonnable (17 jours), lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil du Québec.
[107] La dénonciation du 27 juin 2013 est donc valide et donne ouverture à l’application de la Garantie à l’égard du Point #1 tel que le prévoit l’article 27. 4º du Règlement, et la clause 6.4.2.4 du contrat de garantie obligatoire [14] qui en découle.
c) La décision et l’étendue des correctifs
[108] L’analyse de la preuve permettra au Tribunal arbitral de trancher quant à la manière dont la Garantie doit s’appliquer en l’espèce. À cet effet, des pistes lui sont données autant par l’Administrateur dans sa décision du 1er novembre 2013 que par l’expert Vitus.
[109] Selon le rapport de l’Administrateur, sous la plume de Massé, il est indiqué que :
« Nous avons également consulté le rapport de monsieur Birmingham concernant le sous plancher (sic) et les agrafes ainsi que le guide d’installation pour le planchers Mercier. » [15]
[110] En plus de faire mention dans les termes qui suivent à l’une des conclusions du rapport Birmingham :
« Dans son rapport, monsieur Birmingham mentionne que le sous-plancher est de 5/8 ˮ d’épaisseur plutôt qu’un 3/4ˮ d’épaisseur, tel que recommandé par le manufacturier. » [16]
[110] Et d’ajouter, avant de citer un passage du guide Mercier à cet effet,
« Après une vérification, le guide d’installation de « Mercier » recommande un contreplaqué ou bien un OSB d’un minimum de 3/4ˮ d’épaisseur, pour des solives espacées au 19.2 pouces. » [17]
[111] Confirmant son opinion lors de son témoignage, tel que mentionné plus haut, en précisant que le guide Mercier est utilisé comme standard de pose de plancher de bois franc pour l’Administrateur parce que ce guide rencontre les exigences du Code du bâtiment.
[112] De son côté, Vitus conclut, tel que mentionné plus haut également, que les craquements et les écarts apparents (interstices) entre les planches de bois franc du plancher sont le résultat, entre autres causes, de l’utilisation de OSB de 5/8 de pouce (15 mm) sur des solives distancées de 19,2 pouces ce qui ne convient pas à l’installation d’un plancher de bois franc parce que l’épaisseur insuffisante de ce sous-plancher peut amener le fléchissement et le déplacement des planches, cet effet tremplin causant ainsi du bruit.
[113] Il a opiné dans son témoignage que lorsque les solives sont espacées de 19,2 pouces, il faut installer un sous-plancher de ¾ de pouce d’épais tel que le recommande le manufacturier Silhouette.
[114] Le premier type de sous-plancher mentionné par Massé dans le rapport de l’Administrateur et dans sa citation du guide Mercier, est un sous-plancher fait de panneaux de « contreplaqué » et en second lieu, fait de panneaux de OSB. Le guide d’installation du manufacturier Silhouette mentionne également le contreplaqué comme premier matériau dans sa liste.
[115] De plus, dans son témoignage fort sincère, Beaudoin bien que témoin ordinaire au sens de la Loi, réparateur de planchers de bois franc pendant plus de dix (10) ans à l’emploi de plancher PM, mentionne que les agrafes n’ont pas tenues dans l’aggloméré chez le Bénéficiaire et qu’il faudrait du « plywood » sous le revêtement de bois franc pour que les agrafes tiennent correctement. Aucune objection n’ayant été formulée à l’égard de cette opinion, le Tribunal arbitral la reçoit comme provenant de l’expérience du réparateur et d’une logique implacable.
d) Le choix des moyens correctifs et l’obligation de résultat
[116] Le Bénéficiaire demande que tous les planchers de bois franc de son Bâtiment et tous les sous-planchers soient entièrement refaits.
[117] L’Entrepreneur et l’Administrateur plaident que dans l’éventualité où le Tribunal arbitral en viendrait à la conclusion que des correctifs sont requis pour faire cesser les bruits de craquement et éliminer les écarts apparents entre les planches de bois franc, l’Entrepreneur ou toute entreprise mandatée par l’Administrateur pour exécuter des travaux correctifs, aurait le choix des moyens correctifs en vertu de l’article 2099 du Code civil du Québec qui prévoit le libre choix des moyens et des méthodes correctives.
« 2099. L'entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d'exécution du contrat et il n'existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution. » [18]
[118] Or, l’exécutant des travaux correctifs doit livrer un résultat précis. Cette obligation de résultat s’impose comme corollaire au libre choix des moyens tel que l’article suivant du C.c.Q. en fait état.
« 2100. L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.
Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure. » [19]
[119] À cet égard, Me France Desjardins, agissant comme arbitre dans une décision arbitrale de 2013 en vertu du Règlement, [20] écrivait que :
« [66] Certes, le principe de l'autonomie de l'Entrepreneur dans le choix des méthodes doit recevoir une application rigoureuse lors de la construction d'une résidence, à défaut de quoi l'Entrepreneur serait entièrement soumis aux exigences, voire aux caprices de son client en regard des moyens d'exécution de son contrat.
[67] Toutefois, le Tribunal croit que des nuances doivent être apportées quand il s'agit d'effectuer des travaux correctifs requis à la suite de la découverte d'une malfaçon ou d'un vice caché reconnu par l'Administrateur, comme c'est le cas en l'espèce. Ainsi, lorsque le Tribunal est appelé à se prononcer sur les travaux correctifs appropriés pour répondre aux exigences des règles de l'art, il doit analyser la situation dans son ensemble considérant les droits et obligations de chacune des parties.
[68] La question à laquelle le Tribunal doit répondre pour chacun des points en litige est donc la suivante: considérant la preuve offerte de part et d'autre, est-ce que les moyens envisagés par l'Entrepreneur pour corriger la situation permettront d'atteindre la performance attendue dans le respect du droit, du contrat, des règles de l'art et des usages du marché? »
(Les caractères gras sont nôtres)
[120] Me Johanne Despatis, agissant elle aussi comme arbitre dans une décision rendue en juillet 2008 en vertu du Règlement, [21] dans un cas où le Bénéficiaire demandait également le changement complet du plancher de bois franc dont la pose n’avait pas été exécutée selon les règles de l’art et qui présentait des craquements excessifs et un effet tremplin à certains endroits, a estimé que la preuve prépondérante favorisait le remplacement complet du plancher pour le rendre conforme.
« [19] A l’examen, j’estime que la preuve prépondérante favorise le remplacement complet du plancher. En effet, bien que le témoin Forcier reconnaisse qu’il soit théoriquement possible de se contenter de réparer un plancher présentant les anomalies comme celles affectant celui de la bénéficiaire, il reste qu’en l’espèce, en raison de l’étendue considérable de ces anomalies, cela nécessiterait le remplacement de 70% de la surface. Or, ajoute cet expert, en cela non contredit, il est préférable de procéder au remplacement de toute la surface, notamment en raison des risques que présentent son remplacement partiel en outre des effets sur sa durée de vie d’un ponçage supplémentaire. En outre, toujours selon les propos non contredits du témoin Forcier, cette solution aurait la vertu d’être plus efficace et plus simple, avantages non négligeables.
[20] Pour ces raisons, le recours de la bénéficiaire est accueilli. L’entrepreneur devra donc procéder au remplacement complet du plancher de bois franc afin de le rendre conforme. »
(Les caractères gras sont nôtres)
[121] Dans le présent dossier, le Tribunal arbitral estime aussi que la preuve prépondérante impose les correctifs précis sur les trois (3) niveaux et ce, malgré que les craquements soient moins intenses sur la mezzanine.
[122] En conséquence de ce qui précède, il apparaît donc évident au Tribunal qu’un sous-plancher d’une épaisseur de ¾ de pouce doit remplacer le sous-plancher actuel qui est trop mince et que la pose du plancher de bois franc doit se faire de façon à ancrer les agrafes dans un matériau suffisamment solide pour éviter que les planches bougent, craquent, se déplacent et fléchissent dans un effet tremplin.
[123] Dans les circonstances spécifiques du présent dossier, selon la preuve présentée, considérant l’obligation de résultat de l’Entrepreneur et malgré son droit au choix des moyens correctifs, le Tribunal arbitral conclut que le sous-plancher du Bâtiment doit être refait en contreplaqué de ¾ de pouce d’épaisseur ce qui emporte que le revêtement de bois franc doit également être refait toutefois, exactement dans le même bois d’érable préfini de qualité supérieure et de couleur charcoal qu’à l’origine (Silhouette), le tout selon les recommandations d’installation du manufacturier Silhouette et les règles de l’art applicables en telle matière.
e) Le lien entre l’Entrepreneur et l’Administrateur
[124] Toutes les Parties, chacune à leur manière durant l’Audience, ont fait état que l’Entrepreneur ne possédait plus l’autorisation de l’Administrateur de vendre des Garanties. D’ailleurs, une réserve à cet égard est inscrite en introduction de la décision de l’Administrateur, dont voici le texte :
« Considérant que « Constructions Nomade Faubourg Boisbriand S.E.N.C » ne possède plus la licence appropriée, La Garantie Qualité Habitation Inc. procédera par voie de soumission pour l’exécution des travaux prévus aux points 1 à 3 reconnus ci-après, le tout conformément au texte de garantie.
Il est important de noter que les entreprises liées, affiliées ou autrement contrôlées par l’entrepreneur « Constructions Nomade Faubourg Boisbriand S.E.N.C » ou son répondant, pourraient être appelées à soumissionner pour l’exécution des travaux.
Advenant que ces travaux soient pris en charge par l’entrepreneur ou par une entreprise liées, affiliées ou autrement contrôlées (sic) par l’entrepreneur « Constructions Nomade Faubourg Boisbriand S.E.N.C, (sic) ces travaux devront être exécutés avant le 20 décembre prochain. » [22]
(Note du Tribunal : À comprendre, avant le 20 décembre 2013)
[125] Le Bénéficiaire a mis en preuve que la rédaction de ce paragraphe avait été faite par le « département légal » de l’Administrateur tel que l’a admis Massé lors de son témoignage et non pas par lui-même comme le reste de la décision.
[126] Dans cette perspective, le Tribunal rappelle que la présente décision arbitrale est rendue uniquement et strictement dans le cadre de l’application du Règlement et qu’en conséquence elle est sans préjudice et sous toutes réserves des droits d’une Partie.
[127] Dans les circonstances, le Tribunal arbitral modifiera la conclusion relative au Point #1 du rapport de conciliation du 1er novembre 2013, ordonnera à l’Entrepreneur d’exécuter les travaux correctifs de la manière précisée plus haut et à défaut, ordonnera à l’Administrateur de la Garantie d’y procéder par voie de soumission le tout, dans des délais définis. En considération de cette possibilité, le Tribunal arbitral réservera les droits de l’Administrateur d’intenter à l’encontre de l’Entrepreneur tous les recours appropriés devant les tribunaux civils ayant compétence, sujet bien entendu, aux règles de droit commun et de prescription civile, le cas échéant.
f) Les frais d’expertise
[128] Le Bénéficiaire demande également au Tribunal arbitral d’ordonner le remboursement par l’Administrateur de ses frais d’expertise relativement au travail et au témoignage de Scott Vitus.
[129] Le Règlement oblige le Tribunal arbitral à statuer sur le remboursement au Bénéficiaire des frais raisonnables d’expertises pertinentes et ce, en vertu de l’article 124, dont voici le texte :
« 124. L’arbitre doit statuer, s’l y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.
Le présent article ne s’applique pas à un différend portant sur l’adhésion d’un entrepreneur. » [23]
(Les caractères gras sont nôtres)
[130] En plus de son obligation de statuer sur ces frais, le Tribunal arbitral doit en établir le quantum raisonnable dans le cas où le Bénéficiaire a au moins gain de cause partiel.
[131] Les factures de l’expert Vitus soumises par le Bénéficiaire sont respectivement de 432$ pour le déplacement chez le Bénéficiaire, le travail d’inspection et de rédaction de rapport fait en avril et mai et de 604$ pour le déplacement, le stationnement et le temps de présence au Palais de justice de Laval, le 15 septembre 2014. Sa réclamation totale s’élève donc à 1 036$ hors taxes puisque Vitus n’en a pas chargées.
[132] De toute évidence, le Bénéficiaire a gain de cause partiel puisqu’il a gain de cause relativement à sa demande d’arbitrage à l’égard du Point #1.
[133] Le Tribunal arbitral doit donc déterminer le montant des frais qui sont raisonnables. La preuve a révélé que le tarif horaire de Vitus était de 90$, ce qui en soi n’est pas déraisonnable. Son témoignage a beaucoup éclairé le Tribunal, il était clair, net, précis et crédible. De plus, considérant qu’il était, dans les circonstances, très important qu’un expert apporte son éclairage, le Tribunal ne voit aucun motif pouvant justifier de refuser ce remboursement ou d’en diminuer le quantum. En conséquence, il accordera au Bénéficiaire le remboursement total des frais facturés par Vitus, soit la somme de 1 036$.
Le Point # 5
Les faits pertinents
a) La situation
[134] Lors de la livraison du Bâtiment, le 1er juin 2012, quand le FORMULAIRE D’INSPECTION PRÉRÉCEPTION de Qualité Habitation (Pièce A-4) a été complété avec son annexe (Pièce A-5), il a été noté par l’Entrepreneur et le Bénéficiaire qu’il y avait plusieurs déficiences sur la céramique de la douche à l’étage, notamment des taches et des fissures.
[135] L’Entrepreneur et le Bénéficiaire se sont entendus pour que l’Entrepreneur fasse les réparations nécessaires.
[136] Or, ces réparations ont été plus importantes que prévu parce que la céramique utilisée durant la construction en 2012 n’était plus disponible sur le marché, le 15 mai 2013, quand l’Entrepreneur a été disposé à exécuter les réparations.
[137] Les Parties ont donc convenu du remplacement complet de toute la céramique de la douche par un autre modèle.
[138] La preuve prépondérante révèle qu’il y a eu un manque de diligence sinon de la négligence de la part des employés de l’Entrepreneur qui ont effectué le travail. Ils ont peu ou mal protégé la robinetterie de la douche. Il en a résulté que cette robinetterie a reçu une certaine quantité de mortier et de coulis.
[139] Le Bénéficiaire Pépin-Bergeron a tenté lui-même de nettoyer le dégât qui avait séché sur le fini chrome de la robinetterie. Il s’est arrêté après en avoir nettoyé une petite partie lorsqu’il a constaté que son nettoyage causait des égratignures.
[140] Quelques jours plus tard, un employé de l’Entrepreneur se présente pour nettoyer le reste de la robinetterie avec un produit dit « spécial », mais avec le même résultat. La robinetterie est égratignée au complet.
b) La dénonciation à l’Entrepreneur et à l’Administrateur
[141] C’est le 27 juin 2013 que le Bénéficiaire inclut la mention de remplacer la robinetterie de la douche du premier étage dans la même dénonciation écrite à l’Entrepreneur et à l’Administrateur que celle dont il a été fait amplement état plus haut dans la présente décision.
[142] Ce point est à l’étude par Massé lors de ses visites d’inspection en septembre 2013. Il confirme avoir constaté les égratignures sur toute la robinetterie. Dans le rapport de conciliation, la Garantie ne reconnaît pas ce point sur la base d’une dénonciation tardive.
[143] Toutefois, à l’Audience, Massé explique sa décision d’une manière un peu différente. En effet, il témoigne que les égratignures sur la robinetterie se sont produites à la suite d’une réparation issue d’une entente externe à la Garantie, faite entre l’Entrepreneur et le Bénéficiaire postérieurement à la livraison du Bâtiment. Entente à laquelle la Garantie n’est pas partie.
[144] Il ajoute que de toute façon ces égratignures constituent une malfaçon visible au sens du Règlement qui aurait dû être dénoncée au plus tard dans les trois (3) jours de la livraison puisque le Bénéficiaire n’avait pas encore emménagé.
L’analyse et les motifs
a) Les arguments des Parties
[145] Le Bénéficiaire plaide que les égratignures sur la robinetterie ont été faites parce que l’Entrepreneur a été négligent en réparant des déficiences (Fissures et taches sur la céramique de la douche) qui avaient été dénoncées par écrit dans son premier courriel énumérant les « Choses à réparer » en date du 20 juin 2012. Ce courriel étant consécutif à la visite de livraison, le 1er juin 2012 et transmis de manière rigoureusement conforme aux instructions de l’Entrepreneur dans l’annexe (Pièce A-5) du FORMULAIRE D’INSPECTION PRÉRÉCEPTION de Qualité Habitation (Pièce A-4).
[146] L’Entrepreneur de manière plutôt laconique plaide qu’il n’existe pas de preuve d’égratignure sur la robinetterie de la douche à l’étage du Bâtiment.
[147] Quant à l’Administrateur, par la voix de son procureur, il reprend essentiellement les mêmes arguments que Massé a avancés durant son témoignage c’est-à-dire que les dommages à la robinetterie ne sont pas couverts par la Garantie, qu’il s’agit d’une malfaçon apparente causée lors de l’exécution d’une entente de réparation entre le Bénéficiaire et l’Entrepreneur à laquelle n’est pas partie la Garantie. De plus, il ajoute que ces dommages font partie d’une exclusion de la Garantie mentionnée à l’article 29. 6º du Règlement, reprise dans le contrat de garantie à la clause 6.7.6.
« 29. Sont exclus de la garantie :
1º […]
6º la réparation des dommages découlant de la responsabilité civile extracontractuelle de l’entrepreneur;
[…] » [24]
[148] L’Administrateur conclut qu’à l’égard de ces dommages, le Bénéficiaire peut faire valoir ses droits dans un autre forum.
b) Les motifs de la décision
[149] La preuve a démontré que les dommages causés à la robinetterie l’ont été dans la foulée d’une réparation faite à un mur de céramique de la douche par des employés de l’Entrepreneur qui ont agi avec peu de diligence sinon avec négligence en ne couvrant pas adéquatement la robinetterie qui pouvait facilement se faire éclabousser de mortier et de coulis pendant l’opération.
[150] Les égratignures constatées sur la robinetterie constituent manifestement un vice apparent ou une malfaçon apparente dont le Règlement et le contrat de garantie obligatoire [25] prévoient la dénonciation par écrit uniquement au moment de la réception ou dans les trois (3) jours de cette réception quand le Bénéficiaire n’a pas encore emménagé.
[151] Or, il eut été impossible au Bénéficiaire de les dénoncer à l’époque de la réception du Bâtiment au 1er juin 2012, parce qu’elles n’existaient tout simplement pas, ayant été causées en fin mai 2013.
[152] Aucune disposition du Règlement ni du contrat de garantie obligatoire qui en découle ne prévoit une telle situation.
[153] Même si l’exclusion invoquée par l’Administrateur est boiteuse dans les circonstances parce qu’il ne s’agit pas juridiquement d’une responsabilité civile extracontractuelle s’agissant plutôt d’une entente contractuelle de réparation entre le Bénéficiaire et l’Entrepreneur, le Tribunal arbitral excèderait sa juridiction en tranchant autrement et rejettera donc la réclamation du Bénéficiaire sur le Point #5.
[154] Enfin, le Tribunal arbitral souligne également que la décision arbitrale rendue à l’égard du Point #5 l’est uniquement et strictement dans le cadre de l’application du Règlement et qu’en conséquence elle est sans préjudice et sous toutes réserves des droits du Bénéficiaire d’intenter tout recours approprié devant les tribunaux civils ayant compétence, sujet bien entendu, aux règles de droit commun et de prescription civile, le cas échéant.
Les généralités
[155] Le Tribunal arbitral rappelle aux Parties que l’arbitre désigné est autorisé par la Régie du bâtiment du Québec à trancher tout différend découlant des plans de Garantie existant en vertu du Règlement, que sa décision lie les Parties et qu’elle est finale et sans appel.
« 120. La décision arbitrale, dès qu’elle est rendue, lie les parties intéressées et l’administrateur.
La décision arbitrale est finale et sans appel. » [26]
[156] Conformément à l’article 122 du Règlement, Les Parties lors de l’Audience avaient autorisé le Tribunal arbitral à rendre sa décision vers la fin du mois d’octobre 2014. Or, pour des raisons hors de son contrôle, le soussigné a demandé et obtenu le consentement des Parties à une prolongation de deux (2) autres semaines à ce délai.
« 122. La décision arbitrale écrite et motivée doit être transmise aux parties intéressées et à l’administrateur dans les 30 ou 15 jours de la date de la fin de l’audience selon que la décision porte sur une réclamation ou l’adhésion.
Les parties intéressées peuvent, de consentement, convenir d’un délai supplémentaire. » [27]
[157] L’application de l’alinéa 2 de l’article 123 du Règlement, impose à l’Administrateur de payer tous les frais et coûts de l’arbitrage puisque le Bénéficiaire a eu gain de cause sur un des points en litige, le Point #1.
« 123. […]
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l’administrateur à moins que le bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l’arbitre départage les coûts.
[…] » [28]
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire à l’égard du Point #1
MODIFIE la décision de l’Administrateur quant à l’étendue et à la nature des travaux correctifs à faire;
CONSTATE que tous les planchers de bois franc dans le Bâtiment du Bénéficiaire souffrent d’un vice d’installation;
DÉCLARE que l’Entrepreneur avait une obligation de résultat;
IMPOSE certaines balises dans la correction du vice d’installation des planchers de bois franc du Bâtiment du Bénéficiaire;
ORDONNE à l’Entrepreneur de refaire entièrement tous les planchers de bois franc du Bâtiment du Bénéficiaire dans exactement le même bois d’érable préfini neuf de qualité supérieure et de couleur charcoal de marque Silhouette que celui utilisé lors de la construction du Bâtiment sur un sous-plancher de panneaux de contreplaqué de ¾ de pouce d’épaisseur conformes aux exigences du manufacturier, le tout selon les recommandations d’installation du manufacturier Silhouette et les règles de l’art, dans un délai d’au plus soixante (60) jours de la date de la présente décision ou à une date fixée de consentement avec le Bénéficiaire;
À DÉFAUT par l’Entrepreneur de s’exécuter dans le délai imparti;
ORDONNE à l’Administrateur de la Garantie, à titre de garant de l’Entrepreneur en vertu du Règlement, d’effectuer les travaux requis de l’Entrepreneur par voie de soumission dans un délai d’au plus trente (30) jours du constat du défaut de l’Entrepreneur, le cas échéant, ou à une date fixée de consentement avec le Bénéficiaire;
DÉCLARE que les frais de 1 036$ encourus par le Bénéficiaire pour les services de l’expert Vitus seront à l’entière charge de l’Administrateur;
CONDAMNE l’Administrateur à rembourser au Bénéficiaire la somme de 1 036$ en frais d’expertise, de présence à l’Audience et frais accessoires;
RÉSERVE tous les droits de l’Administrateur à l’encontre de l’Entrepreneur;
REJETTE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire à l’égard du Point #5;
MAINTIENT la décision de l’Administrateur rendue le 1er novembre 2013 à l’égard du Point #5;
MAINTIENT les décisions de l’Administrateur rendues à l’égard de tous les autres points ayant fait l’objet d’une décision dans son rapport de conciliation du 1er novembre 2013;
CONDAMNE l’Administrateur à payer les entiers frais et dépens du présent arbitrage;
LE TOUT sans préjudice et sous toutes réserves des droits du Bénéficiaire et de l’Administrateur d’intenter tous les recours appropriés devant les tribunaux civils.
Longueuil, le 18 novembre 2014
(S) Jean Robert LeBlanc
__________________________
Me Jean Robert LeBlanc
Arbitre / CCAC
[1] Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (RLRQ, c. B-1.1, r. 8)
[2] Supra, note 1, art. 27. 1º a).
[3] Contrat original numéro 521703. Enregistrement portant le numéro 80117.
[4] L’utilisation des noms de famille a uniquement pour but d’alléger le texte et ne doit pas être considérée comme un manque de courtoisie envers les personnes concernées.
[6] Supra, note 1, art. 139.
[7] Supra, note 1, art. 27 et Supra, note 3, clause 6.4.2.
[8] Code civil du Québec, art. 1726.
[9] Obligations et contrats, Collection de droit 2013-2014, École du Barreau du Québec, vol. 5, 2013 Jacques DESLAURIERS, Les obligations du vendeur, La garantie de qualité, La garantie contre les vices cachés, EYB2013CDD139.
[10] Khafagi et al. c. Construction Voyer Inc.et al., Centre canadien d’arbitrage commercial (CCAC), S10-0401101-NP rendue le 26 octobre 2010 par Me Albert Zoltowski, arbitre.
[11] Kebir et al. c. Groupe Construction Rossi B2 Inc.et al., GAMM, 61854-3777, 2011-12-018 et 13 185-85, rendue le 4 juillet 2012 par Me Jeffrey Edwards, arbitre.
[12] Code civil du Québec, art. 1739.
[13] Colaccia et al. c. Trilikon Construction Inc. et al., Centre canadien d’arbitrage commercial (CCAC), S09-231001-NP, rendue le 30 juillet 2010, par Me Jean Philippe Ewart, arbitre.
[14] Supra, note 1, art. 27. 4º et Supra, note 3, clause 6.4.2.4.
[15] Pièce A-2, Rapport de conciliation, Qualité Habitation, par Richard Massé, le 1er novembre 2013, p. 7 sur 21.
[16] Id.
[17] Id.
[18] Code civil du Québec, art. 2099.
[19] Code civil du Québec, art. 2100.
[20] Dorsaint et al. c. Construction Voyer Inc. et al., Société pour la résolution des conflits Inc. (SORECONI), 122604001, rendue le 14 janvier 2013, par Me France Desjardins, arbitre.
[21] Spinelli c. Habitations Charlukanna Inc. et al., GAMM, 2007-12-012, rendue le 30 juillet 2008, par Me Johanne Despatis, arbitre.
[22] Supra, note 15, p. 5 sur 21.
[23] Supra, note 1, art. 124.
[24] Supra, note 1, art. 29. 6º et Supra, note 3, clause 6.7.6.
[25] Supra, note 1, art. 27 et Supra, note 3, clause 6.4.2.
[26] Supra, note 1, art. 120.
[27] Supra, note 1, art. 122.
[28] Supra, note 1, art. 123, alinéa 2.