ARBITRAGE EN VERTU DU
RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (Décret 841-98)
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)
Dossier no : GAMM : 2014-16-019
ABRITAT : 318331-2
ENTRE :
SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU 248 DU GÉRANIUM
(ci-après le « Bénéficiaire »)
ET :
HABITATIONS MICHEL PITRE INC.
(ci-après l’« Entrepreneur »)
ET :
LA GARANTIE ABRITAT INC.
(ci-après l’« Administrateur »)
DEVANT L’ARBITRE : Me Karine Poulin
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Camilie Pitre
Pour la Bénéficiaire : Madame Brigitte Pilon
Pour l’Administrateur : Me Julie Parenteau
Date d’audience : 31 mars 2015
Date de la sentence : 2 novembre 2015
SENTENCE ARBITRALE
I
LE RECOURS
[1] Le Bénéficiaire conteste, en vertu de l’article 35 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le « Règlement »), la décision de l’Administrateur rendue le 15 septembre 2014 rejetant la réclamation du Bénéficiaire en raison d’une dénonciation tardive. Les extraits suivants de la décision sont pertinents au présent recours :
Décision du 15 septembre 2014
Point 1 : Insonorisation déficiente;
Les faits
Dès la fin de l’année 2012, le syndicat a constaté que l’insonorisation était déficiente.
En effet, les copropriétaires ont mentionné entendre les bruits aériens provenant des unités voisines, notamment la musique, la télévision, les voix et jappements.
Point 2 : Isolation déficiente avec infiltrations d’air et de condensation à la surface des vitrages
Les faits
Dès l’hiver 2012-2013, le syndicat a constaté la présence de divers problèmes reliés à l’isolation ou à l’étanchéité du bâtiment.
Les copropriétaires ont indiqué ressentir des infiltrations d’air au pourtour des fenêtres et prises électriques, notamment lorsque les hottes fonctionnent. Il appert que les placards et les salles de lavage sont anormalement froids.
De plus, les copropriétaires ont mentionné avoir constaté de la condensation et de la glace sur le vitrage des fenêtres et dans les rails des portes fenêtres, rendant ces dernières impossibles à ouvrir, et ce, même si le taux d’humidité est contrôlé dans les paramètres recommandés.
Analyse et décision (points 1 et 2)
Les représentants du syndicat ont déclaré avoir découvert les situations décrites aux points 1 et 2 dès la fin de l’année 2012 pour le point 1 et au cours de la période hivernale 2012-2013 pour le point 2.
Quant à l’administrateur, il fut informé par écrit de l’existence de ces situations pour la première fois, le 20 février 2014.
En ce qui a trait au délai de dénonciation, le contrat de garantie stipule que les malfaçons, les vices cachés ou les vices majeurs, selon le cas, doivent être dénoncés par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de leur découverte ou survenance ou, en cas de vices ou de pertes graduels, de leur première manifestation.
Dans le cas présent, il appert que le délai de dénonciation excède le délai raisonnable qui a été établi par le législateur et par conséquent, l’administrateur ne peut donner suite à la demande de réclamation du syndicat à l’égard de ces points.
II
LES FAITS
[2] Le 27 juin 2012, une Déclaration de copropriété fut signée par l’Entrepreneur relativement à l’immeuble situé au [...] dans la ville de Saint-Constant (ci-après « Immeuble »), et ce, devant Me Michel Rivard sous le numéro 36145 de ses minutes.
[3] Le 9 juillet 2012, l’Entrepreneur a fait parvenir au Bénéficiaire un avis de fin des travaux quant aux parties communes et le 10 juillet 2012, le Bénéficiaire a reçu les parties communes de l’Immeuble tel que stipulé au formulaire pré-réception.
[4] L’Immeuble dont il est l’objet est constitué de 5 unités de condominium qui ont toutes été acquises entre juin 2012 et janvier 2013.
[5] Le Bénéficiaire se plaint d’un problème d’insonorisation ainsi que d’un problème d’isolation. La date de découverte desdits problèmes est contestée et constitue le principal désaccord entre les parties à ce stade-ci du dossier.
[6] De fait, chacun des copropriétaires se plaint desdits problèmes, à différents degrés, qu’ils ressentent dans leurs unités privatives.
[7] Le 17 décembre 2013, lors d’une visite de l’inspecteur-conciliateur Jocelyn Dubuc dans le cadre d’un autre dossier avec l’Administrateur, les problèmes sont dénoncés verbalement puis par écrit le 17 février 2014, à l’Entrepreneur ainsi qu’à l’Administrateur.
[8] Le 26 juin 2014, Madame Anne Delage, inspecteur-conciliateur chez l’Administrateur, procède à l’inspection de l’Immeuble afin de rendre une décision sur la réclamation du Bénéficiaire. Considérant que le problème d’isolation et d’insonorisation affecte la totalité de l’immeuble, la problématique a été traitée par l’Administrateur en vertu des dispositions du Règlement portant sur les parties communes de l’Immeuble.
[9] Le 15 septembre 2014, Madame Delage a rendu la décision reproduite ci-haut et le 20 octobre 2014, le Bénéficiaire en a appelé de cette décision.
III
LA PREUVE
Bénéficiaire
[10] Lors de l’audience, quatre (4) des copropriétaires étaient présents et ils ont tous témoigné. Pour l’essentiel, leurs témoignages sont tous au même effet, à savoir que la problématique du son a été découverte en octobre 2013 et que la problématique de l’isolation a été découverte au cours de l’hiver 2013-2014.
[11] Plus précisément, Madame Brigitte Pilon, propriétaire de l’unité [1] et représentante du Bénéficiaire, a témoigné avoir acquis son unité le 24 janvier 2013 et elle y a emménagé le même jour.
[12] Madame Pilon a acquis la dernière unité de condominium de l’Immeuble et est également la dernière copropriétaire à y avoir emménagé.
[13] Selon Madame Pilon, les dates retenues par l’Administrateur quant à la découverte des problèmes par le Bénéficiaire sont erronées.
[14] Le témoin appuie ses prétentions en un certain nombre de procès-verbaux d’assemblées des copropriétaires pour la période 2012-2013 (pièce B-1 en liasse) qu’elle dit être complets.
[15] Elle souligne avoir été non seulement présente lors de la visite par l’inspecteur-conciliateur le 26 juin 2014 mais que c’est dans son unité que la rencontre a eu lieu malgré le fait que la décision omette d’indiquer sa présence.
[16] Quant au point 1 de la réclamation du Bénéficiaire, soit l’insonorisation de l’Immeuble, le témoin affirme qu’elle n’a pas constaté le problème avant l’automne 2013 en raison du fait qu’elle n’avait pas le même horaire que ses voisins. De fait, elle quittait sa résidence très tôt le matin et y revenait très tard le soir de sorte qu’elle n’était pas debout en même temps que ses autres voisins. De plus, une situation personnelle l’affectait de sorte que, lors de ses congés, elle n’était pas souvent chez-elle.
[17] Le témoin dit avoir commencé à remarquer le problème d’insonorisation lorsque son horaire de travail est redevenu normal, soit à l’automne 2013, et que la situation personnelle qui l’affectait a changé, de sorte qu’elle était maintenant plus souvent chez elle.
[18] Selon elle, les bruits provenaient principalement de l’unité située juste au-dessus du sien, soit l’unité [2] appartenant à Sabrina Pelletier-Groulx.
[19] Elle indique en avoir parlé pour la première fois à l’inspecteur Jocelyn Dubuc le 17 décembre. Lors de la visite du 17 décembre 2013, tous ont indiqué avoir remarqué la présence abondante de givre dans leurs fenêtres. Dans les semaines qui ont suivi, les copropriétaires ont effectué des tests de son.
[20] Sur le problème d’isolation plus précisément, le témoin explique s’être rendu compte de cette déficience en décembre 2013, soit plus ou moins un (1) an après avoir emménagé dans son unité.
[21] Elle explique n’avoir rien remarqué de particulier l’hiver précédent, vu ses absences fréquentes, hormis la présence de condensation qu’elle qualifie de normale. À cette époque, il n’y avait pas de glace dans ses fenêtres ni sur sa porte patio. C’est au cours de son deuxième hiver, soit l’hiver 2013-2014, qu’elle aurait constaté qu’il y avait un problème d’isolation affectant son unité. De fait, les vitres sont givrées de même que la porte patio. Le problème de porte patio est tel qu’elle est incapable d’ouvrir sa porte vu la trop grande présence de glace.
[22] De plus, le témoin affirme avoir également constaté qu’il y avait des infiltrations d’air en décembre 2013, problème qui n’existait pas lorsqu’elle a emménagé dans son unité en janvier 2013.
[23] En contre-interrogatoire, le témoin admet avoir mentionné à une reprise au cours de l’automne 2013 le problème d’insonorisation suite au fait qu’elle avait été réveillée par le cadran de sa voisine. Cette discussion informelle aurait eu lieu alors que les voisins se sont croisés sur leur balcon respectif. Elle situe la date de ladite discussion au mois d’octobre ou novembre 2013. Elle indique toutefois qu’elle n’a jamais entendu le cadran de sa voisine entre janvier 2013 et l’automne 2013. Elle indique avoir conclu que c’était en raison du changement d’horaire de sa voisine que le problème alors inconnu s’est fait connaître. Elle indique aussi la présence d’un trou dans son mur et dans son plafond lequel aurait été effectué en septembre ou octobre 2013.
[24] Madame Pilon souligne que le problème d’insonorisation est principalement présent dans sa salle à dîner, sa salle de bain et sa chambre à coucher.
[25] Madame Pilon témoigne à l’effet que ses factures d’Hydro-Québec étaient élevées, mais admet ne pas s’être posée de questions puisqu’elle était nouvellement propriétaire et n’avait donc pas de points de repère.
[26] Lors du contre-interrogatoire mené par l’Entrepreneur, le témoin admet qu’avant d’envoyer la lettre de dénonciation, pièce A-4, elle n’a pas tenté de communiquer avec l’Entrepreneur pour tenter de corriger la situation. Elle indique qu’elle n’a pas pensé qu’il était utile d’informer l’Entrepreneur.
[27] Sur la question du délai écoulé entre la découverte du problème en octobre 2013 et la dénonciation en février 2014, le témoin indique que c’était une question de circonstances, notamment le temps des Fêtes.
[28] Le 26 juin 2014, monsieur Longtin, représentant et chargé de projet chez l’Entrepreneur ainsi que Madame Delage, inspecteur-conciliateur chez l’Administrateur, se sont présentés sur les lieux afin d’inspecter l’Immeuble et y constater les problèmes soulevés par le Bénéficiaire dans la lettre de dénonciation du 17 février 2014.
[29] Madame Marie-France Diaz, propriétaire de l’unité [3], témoigne ensuite pour le Bénéficiaire. Madame Diaz affirme avoir emménagé dans son unité le ou vers le 28 septembre 2012.
[30] Madame Diaz affirme travailler au sein d’une entreprise familiale d’entretien ménager et que son horaire de travail à l’époque des événements était de 15 h à 1 h.
[31] À l’instar de Madame Pilon, Madame Diaz affirme également ne pas avoir remarqué de problème d’insonorisation avant l’automne 2013 puisqu’elle aussi avait un horaire très différent de celui des autres copropriétaires.
[32] Elle affirme également qu’en novembre 2013, des tests de son ont été entrepris à la suite de discussions avec Madame Pilon concernant les récents problèmes d’insonorisation de l’Immeuble.
[33] Pour illustrer le tout, Madame Diaz a spécifié qu’en ce qui concerne sa voisine immédiate, elle a commencé à entendre tout ce qui se passait dans sa salle de bain à partir de l’automne 2013.
[34] Pour ce qui est du problème d’isolation, le témoin affirme qu’elle a constaté ce problème lors de son 2e hiver dans l’Immeuble à la suite d’apparition graduelle de glace et de l’impossibilité pour elle d’ouvrir sa porte patio, situation similaire à celle de Madame Pilon.
[35] Madame Diaz indique avoir parlé de ce problème à Monsieur Longtin, représentant de l’Entrepreneur, pour savoir si cette déficience était attribuable à l’Entrepreneur ou à son mode de vie. Ce dernier lui aurait suggéré certaines choses pour éviter la formation de glace, notamment de laisser les stores ouverts de même que l’utilisation d’un échangeur d’air, mais en vain.
[36] Le témoin explique qu’aucune expertise n’a été faite à l’époque relativement au problème d’isolation afin de découvrir l’origine du problème. Elle ajoute toutefois que Madame Delage a demandé à ce que lui soit fourni un tableau indiquant les taux d’humidité, et ce, afin de vérifier si le problème de condensation ne serait pas lié au mode de vie de l’occupant, ce qu’elle a fourni. Elle est demeurée sans nouvelle de Madame Delage sur ce point.
[37] En contre-interrogatoire, le témoin réitère n’avoir rien entendu de septembre 2012 à septembre-octobre 2013 et elle attribue cela aux horaires de travail qui divergeaient. Elle indique entendre les voix des voisins. Pour sa part, le problème est plus marqué dans sa salle de bain qui est adjacente à celle de sa voisine.
[38] Elle n’a rien remarqué en ce qui concerne le chauffage puisqu’elle est sur un plan budgétaire. Elle se dit surtout préoccupée par l’eau qui dégoutte sur les boiseries et les calorifères et le fait qu’elle soit incapable d’ouvrir sa porte patio en hiver.
[39] Le prochain témoin est Évelyne Plourde.
[40] Cette dernière habite l’unité [5], soit celle située au-dessus de celle appartenant à Marie-France Diaz, unité qu’elle a acquise le ou vers le 1er juillet 2012.
[41] Le témoin affirme être en accord avec les témoignages rendus par Madame Pilon et par Madame Diaz.
[42] Pour ce qui est de l’insonorisation, le témoignage de Madame Plourde est au même effet que celui des autres copropriétaires soit que les problèmes de bruit sont apparus avec le temps et qu’elle n’a rien constaté avant l’automne 2013.
[43] Elle a confirmé que différents tests ont été effectués en 2013 relativement aux problèmes d’insonorisation et d’isolation.
[44] Madame Plourde indique avoir attiré l’attention de Monsieur Jocelyn Dubuc sur le froid anormal de son plancher de sa salle de lavage.
[45] Elle a témoigné à l’effet que lors de son arrivée, elle n’a pas constaté de problème d’insonorisation puisqu’il y avait encore quelques unités qui étaient inhabitées. Au surplus, elle réitère le fait que son horaire n’est pas le même que celui des autres voisins.
[46] Quant au problème d’isolation, Madame Plourde affirme également qu’avant décembre 2013, elle n’avait pas relevé de problème d’isolation et que la condensation semblait normale. À l’hiver 2012-2013, il n’y avait pas de glace dans les fenêtres, contrairement à l’hiver 2013-2014. Néanmoins, elle a malgré tout vérifié le taux d’humidité avec un hygromètre et celui-ci indiquait un degré d’humidité normal. Elle a également utilisé un échangeur d’air.
[47] Toutefois, à l’hiver 2013-2014, de la glace est présente dans les fenêtres et dans la porte patio à un point tel qu’elle est incapable d’ouvrir sa porte, d’où la dénonciation faite en février 2014. Madame Plourde ajoute que les problèmes empirent avec le temps et que la situation est plus problématique au jour de l’audience que lors de la dénonciation en février 2014.
[48] Madame Plourde dit comprendre qu’elle doit tolérer le bruit normal qui existe dans un contexte de copropriété divise, mais qu’aujourd’hui, elle entend des bruits qui ne sont pas normaux et qui atteignent sa qualité de vie.
Administrateur
[49] Le seul témoin appelé à témoigner par l’Administrateur est Madame Anne Delage, inspecteur-conciliateur chez l’Administrateur. C’est elle qui a rendu la décision du 15 septembre 2014, pièce A-7, et qui fait aujourd’hui l’objet de la présente contestation du Bénéficiaire.
[50] Madame Delage confirme avoir inspecté l’Immeuble le 26 juin 2014 suite à la demande de réclamation du Bénéficiaire en date du 17 février 2014, pièce A-5.
[51] Elle confirme également que, lors de l’inspection, Brigitte Pilon était bel et bien présente contrairement à ce qui est indiqué dans la section « Présences » de la décision du 15 septembre 2014.
[52] Le témoin affirme qu’il était plutôt difficile d’observer l’existence ou non d’un problème d’isolation puisque l’inspection a eu lieu en plein été.
[53] Madame Delage se rappelle avoir discuté avec les différents copropriétaires présents à propos des problématiques soulevées. Selon son souvenir, elle aurait visité une unité, mais Madame Delage ne peut confirmer s’il s’agissait de l’unité [2] ou [3].
[54] Elle indique au Tribunal avoir pris beaucoup de notes puisqu’elle doit tenir compte de divers facteurs avant de rendre sa décision. Le témoin indique d’ailleurs qu’elle doit vérifier, entre autres, la question du délai de dénonciation.
[55] En ce qui concerne plus particulièrement le problème d’insonorisation, Madame Delage dit avoir conclu que la déficience avait été constatée à la fin de l’année 2012 par le Bénéficiaire.
[56] Pour en arriver à cette conclusion, Madame Delage indique avoir posé 2 questions à chacun des copropriétaires présents, à savoir la date de leur déménagement et la date à laquelle ils ont entendu des bruits pour la première fois.
[57] Pour ce qui est de l’unité [4] appartenant à Nicolas Thibert, il y aurait emménagé en juillet 2012 et le problème aurait été constaté peu après cet emménagement puisque Monsieur Thibert aurait commencé à entendre les discussions de son voisin de palier.
[58] Quant à l’unité [1], soit l’unité de Brigitte Pilon, Madame Delage confirme que Brigitte Pilon lui a mentionné avoir déménagé dans son unité en janvier 2013 et qu’elle a constaté le problème d’insonorisation aux environs de septembre 2013. Madame Pilon lui rapporte entendre les voix. Madame Delage confirme que des tests de son ont été faits sur place. Toutefois, il lui est impossible de se souvenir s’il s’agissait de bruits aériens ou de bruits d’impact. À tout événement, elle n’a aucune note à ce sujet.
[59] En ce qui concerne les unités [2] et [3], appartenant respectivement à Sabrina Pelletier-Groulx, qui a emménagé en août 2012, et à Marie-France Diaz, qui a emménagé en septembre 2012, les premières constatations auraient eu lieu en septembre 2012, soit environ 1 an avant la date alléguée par le Bénéficiaire.
[60] Pour ce qui est du problème d’isolation, Madame Delage, à la suite des discussions avec les copropriétaires présents lors de l’inspection, a conclu que les copropriétaires avaient découvert le vice à l’hiver 2012-2013.
[61] Selon les discussions entre Madame Delage et les copropriétaires, elle établit que le problème a été découvert à l’hiver 2012-2013 pour ce qui est de l’unité [2]. Le propriétaire aurait indiqué que la porte gèle, qu’il y a présence de condensation et que le taux d’humidité est à 30 %.
[62] Quant à l’unité [1], elle établit la date de découverte à l’hiver 2012-2013. Elle rapporte que la propriétaire lui aurait indiqué que la neige entre par la hotte de cuisine, que les fenêtres sont gelées et que le taux d’humidité est de 40 %. Cette dernière aurait indiqué que le problème se serait manifesté entre les mois de décembre 2012 et mars 2013.
[63] Dans l’unité [3], la date de découverte a également été établie à l’hiver 2012-2013, la propriétaire lui ayant indiqué qu’il y avait infiltration d’air froid par les prises électriques lorsque la hotte de cuisine est allumée. Le problème serait apparu dès le premier hiver.
[64] Enfin, en ce qui concerne l’unité [4], elle indique qu’aucun taux d’humidité n’a été relevé mais que le propriétaire aurait rapporté que le plancher est très froid près de la porte patio et qu’il y a du frimas près de la sécheuse.
[65] Selon son témoignage, elle n’aurait aucune note concernant l’unité [5].
[66] Madame Delage indique donc que les problèmes ont tous été découverts lors de l’hiver 2012-2013. Vu la dénonciation faite en février 2014, elle a conclu à une dénonciation tardive.
[67] Appelée à commenter les propos tenus par les Bénéficiaires à l’effet que ses notes soient incomplètes et erronées, elle indique qu’il est impossible qu’elle se soit trompée sur toutes les dates, d’autant plus qu’il s’agit là d’un élément essentiel.
[68] De plus, elle affirme qu’il serait très surprenant qu’une année et demie se soit écoulées avant que les bruits ne se fassent entendre.
[69] Sur la théorie voulant qu’un tassement de laine se soit produit au fil du temps, rendant ainsi l’insonorisation moins efficace, elle affirme n’avoir jamais vu cela.
[70] En contre-interrogatoire, elle est appelée à justifier l’absence de toute mention des tests de son dans ses notes d’inspection. Elle indique qu’elle n’indique pas les éléments qui ne sont pas pertinents. En l’espèce, le délai de six (6) mois étant largement dépassé, elle n’a rien indiqué au sujet des tests de son.
[71] Le Bénéficiaire demande qu’une copie des notes d’inspection de Madame Delage lui soit remise, ce à quoi le procureur de l’Administrateur s’est objectée, alléguant que le Bénéficiaire peut consulter les notes puisque le témoin les utilise pour rendre son témoignage mais qu’ils n’ont pas le droit d’exiger une copie. Le Bénéficiaire est satisfait de pouvoir consulter les notes et le Tribunal n’a pas à trancher cette objection.
[72] Surpris du peu de notes, le Bénéficiaire demande au témoin s’il s’agit là de la totalité de ses notes prises lors de l’inspection, ce à quoi elle répond par l’affirmative. Elle confirme que seule la mention « + 6 mois » a été ajoutée dans la marge au moment de rendre sa décision.
[73] L’Entrepreneur ne procède à aucun contre-interrogatoire et ne produit aucun témoin de sorte que les parties déclarent la preuve close de part et d’autre.
IV
PLAIDOIRIES
Bénéficiaire
[74] La représentante du Bénéficiaire rappelle que Madame Delage a refusé de considérer la réclamation au motif que le délai de dénonciation de six (6) mois était expiré. Elle soutient que la preuve démontre le contraire et réitère que les copropriétaires ont constaté le problème d’insonorisation à l’automne 2013 et celui d’isolation à la fin de l’année 2013.
[75] Elle rappelle que la décision rendue omet de mentionner sa présence alors qu’à l’audition, Madame Delage a admis son erreur et confirmé que Madame Pilon était bel et bien présente lors de l’inspection du 26 juin.
[76] La décision ne fait également aucune mention des tests de son effectués le jour de la visite et les notes de Madame Delage sont également muettes à ce sujet.
[77] Le Bénéficiaire soutient que le témoignage de Madame Delage n’a pas de force probante puisque ses souvenirs sont vagues et ses notes incomplètes. Elle rappelle que Madame Delage ne semble pas se souvenir avec certitude de ce qui s’est passé lors de l’inspection du 26 juin 2014. Elle n’a également rien indiqué dans ses notes de ce qui a été fait le jour de la visite, dont les tests d’insonorisation. Même si après coup Madame Delage rend une décision à l’effet que le délai de six (6) mois est expiré, elle se devait de prendre des notes complètes, quitte à ne retenir que les éléments pertinents pour argumenter la décision rendue.
[78] Compte tenu des erreurs et des informations manquantes, le Bénéficiaire soumet au Tribunal que Madame Delage a manqué de rigueur dans le cadre de son mandat et qu’il est plus que probable que Madame Delage ait commis une erreur quant aux dates notées pour situer la découverte des problèmes.
[79] À l’inverse, le Bénéficiaire soumet que le Tribunal ne peut remettre en question la crédibilité des témoins du Bénéficiaire.
[80] En effet, les témoignages entendus se corroborent quant aux dates de découverte des problèmes, quant aux relations entre les différents copropriétaires, quant aux horaires de tous et chacun et quant aux mesures prises par les différents acteurs pour découvrir l’origine des problèmes.
[81] Le Bénéficiaire souligne que les témoignages entendus lors de sa preuve sont dépourvus de toute ambiguïté, contrairement au témoignage de Madame Delage, lequel manque de fiabilité.
[82] En conséquence, le Bénéficiaire soumet que la dénonciation faite le 17 février 2014 respectait le délai de six (6) mois imposé par le Règlement et demande à ce que la décision de l’Administrateur soit infirmée.
[83] Quant aux frais du présent arbitrage, le Bénéficiaire souligne que le Tribunal doit condamner l’Entrepreneur à payer lesdits frais.
Administrateur
[84] L’Administrateur rappelle au Tribunal que les unités de l’Immeuble ont toutes commencé à être occupées plus ou moins en même temps, soit entre juin et septembre 2012, à l’exception de Madame Brigitte Pilon qui a emménagé dans l’unité [1] en janvier 2013.
[85] Elle soutient que le témoignage de Madame Delage est clair et non équivoque et doit être retenu par le Tribunal. Même si la décision omet de faire mention de la présence de Madame Pilon, les notes en font mention. Il s’agit simplement d’une erreur cléricale puisque la décision rendue a été transcrite par une tierce personne.
[86] Elle soutient qu’au contraire, les témoignages des copropriétaires ne peuvent être retenus par le Tribunal.
[87] Selon l’Administrateur, il est impossible que certains copropriétaires aient vécu dans l’Immeuble pendant près d’une année et demie sans jamais avoir constaté de problème d’insonorisation ou d’isolation. À en croire leur dénonciation, les murs sont en carton, ou presque. De plus, depuis la découverte desdits problèmes, ceux-ci empirent si on en croit les témoignages entendus. Comment est-ce possible que personne n’ait entendu quoi que ce soit pendant près d’une année et demie et que soudainement, dès lors que le problème est découvert, il se trouve aggravé de jour en jour?
[88] Comment est-ce possible que personne n’ait remarqué la présence de glace le premier hiver et que ce problème apparaisse tout d’un coup le deuxième hiver? Elle attire l’attention du Tribunal sur les relevés météorologiques produits au dossier démontrant des températures similaires pour les 2 hivers en question, soit les hivers 2012-2013 et 2013-2014.
[89] Le procureur soutient le manque de cohérence entre les témoignages rendus et les faits objectivés. S’il existe bel et bien un problème d’isolation ou d’insonorisation, il est présent depuis le début et le Bénéficiaire se devait de le dénoncer dans le délai prescrit. L’Administrateur réitère qu’il n’y a rien dans la preuve du Bénéficiaire qui fournit quelque explication que ce soit quant à la survenance de problèmes reliés à l’isolation ou d’insonorisation et que le tout serait apparu de manière inexpliquée et sans raison.
[90] L’Administrateur souligne au Tribunal que, contrairement à ce que prétendent les copropriétaires, les procès-verbaux de leurs assemblées sont incomplets. De fait, selon le témoignage rendu par Madame Pilon, elle aurait entendu des bruits en octobre-novembre 2013 et selon Madame Plourde, elle aurait pratiqué des tests de son en novembre 2013. Or, les procès-verbaux ne mentionnent aucunement ces éléments. Ce n’est qu’en décembre 2013 qu’il en est fait mention pour la première fois. Comment peuvent-ils prétendre que les procès-verbaux sont complets alors que, manifestement, ils ne le sont pas, et les utiliser au soutien de leurs prétentions?
[91] Elle rappelle le rôle de l’Administrateur qui agit en tiers impartial. Il n’a aucun intérêt à trafiquer une décision puisqu’ultimement, en cas de défaut de l’Entrepreneur, c’est l’Administrateur qui sera tenu d’effectuer lesdits travaux. Il est donc à l’avantage de l’Administrateur de requérir de l’Entrepreneur qu’il effectue les réparations requises pour corriger la situation le cas échéant.
[92] Elle rappelle également le rôle de caution de l’Administrateur ainsi que les limites dans lesquelles il cautionne certaines obligations de l’Entrepreneur et le délai de dénonciation est l’une d’elle. Passé ce délai, l’Administrateur n’est plus tenu de cautionner les obligations de l’Entrepreneur et ce n’est pas au niveau du Plan de garantie que le Bénéficiaire peut avoir gain de cause en l’espèce.
[93] Me Parenteau rappelle que le Règlement est d’ordre public[1] et qu’il est impossible de déroger au délai prescrit de six (6) mois pour dénoncer par écrit une situation à l’Entrepreneur et à l’Administrateur, ce délai étant de déchéance[2]. À ce titre, Me Parenteau rappelle que l’arbitre ne peut faire appel à l’équité pour déroger à ce principe ou pour relever le Bénéficiaire de son défaut de dénoncer en temps opportun[3].
[94] Enfin, Me Parenteau soutient que le fardeau de la preuve repose sur la partie qui a entrepris le recours en arbitrage et qu’en l’espèce, ce fardeau reposait sur les épaules du Bénéficiaire[4].
[95] L’Administrateur demande donc au Tribunal de constater que la dénonciation des problèmes d’isolation et d’insonorisation a été faite en dehors du délai prescrit de six (6) mois à compter de leur découverte par le Bénéficiaire et de déclarer que le Bénéficiaire n’a pas rempli son fardeau de preuve. En conséquence, elle demande le rejet de la demande d’arbitrage du Bénéficiaire.
[196] Quant aux frais de l’arbitrage, Me Parenteau soutient que le Bénéficiaire doit être condamné à payer une vaste portion de ces frais advenant le rejet de la demande.
Entrepreneur
[197] L’Entrepreneur a essentiellement fait sien les arguments avancés par le procureur de l’Administrateur et demande, en conséquence, de rejeter la demande du Bénéficiaire et de confirmer la décision de l’Administrateur rendue le 15 septembre 2014.
[198] Il demande également que le Bénéficiaire soit condamné aux frais de l’arbitrage.
Réplique du Bénéficiaire
[199] En réplique aux plaidoiries de l’Administrateur et de l’Entrepreneur, le Bénéficiaire rappelle qu’à ce stade-ci du dossier, il n’a pas à fournir de preuve quant aux raisons de l’apparition soudaine des problèmes, le débat ne portant que sur le délai de dénonciation. Par ailleurs, le Bénéficiaire soutient avoir en sa possession un rapport d’expertise qui pourra étayer sa position au mérite advenant le maintien de la demande.
V
ANALYSE ET DÉCISION
[96] La question dont doit décider le Tribunal est celle de savoir si la dénonciation faite le 17 février 2014 l’a été dans le délai prescrit de six (6) mois conformément au Règlement. Le tribunal doit décider de la question à la lumière du droit applicable et, parfois, lorsque les circonstances le justifient, en fonction de l’équité.
[97] En l’espèce, le Tribunal fait sien les fondements juridiques avancés par le procureur de l’Administrateur quant à l’obligation du Bénéficiaire de dénoncer les problèmes dans un délai de six (6) mois suivant leur découverte, ce délai étant de déchéance. Également, le Tribunal n’entend pas remettre en question le principe selon lequel le Tribunal ne peut, sur cette question, trancher le différend en fonction de l’équité.
[98] De plus, le Tribunal abonde dans le sens de l’Administrateur quant au fardeau de la preuve, à savoir qu’il appartient au Bénéficiaire de me convaincre que la décision de l’Administrateur est erronée.
[99] En l’espèce, le Tribunal est d’avis que le Bénéficiaire s’est acquitté de son fardeau.
[100] Le Tribunal rappelle que tout ce dont il doit décider aujourd’hui c’est de la question du délai de dénonciation. Tous les témoignages rendus ont semblé sincères et de bonne foi.
[101] Néanmoins, le témoignage de Madame Delage à l’audience est à l’effet qu’elle a consigné dans ses notes d’inspection du 26 juin 2014 le fait que la propriétaire de l’unité [1], soit Madame Pilon, a déclaré que le problème d’isolation se serait manifesté pour la première fois au cours de l’hiver 2012-2013, soit entre les mois de décembre 2012 et mars 2013. Or, cette dernière ayant acquis son unité le 24 janvier 2013, cela suffit à me convaincre qu’il y a manifestement eu une erreur de date et que cette erreur, certes de bonne foi, a entaché le dossier au point que je doive infirmer la décision rendue par l’Administrateur.
[102] Quant aux frais du présent arbitrage, conformément à l’article 123 du Règlement, le Tribunal déclare que ceux-ci seront à la charge de l’Administrateur.
EN CONSÉQUENCE, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire;
RETOURNE le dossier à l’Administrateur afin que décision soit rendue sur le mérite du dossier;
RETIENT compétence pour statuer sur la décision au mérite, le cas échéant;
CONDAMNE l’Administrateur à payer tous les frais du présent arbitrage.
Montréal, ce 2 novembre 2015.
Me Karine Poulin, arbitre
[1] Roll c. Groupe maltais (97) inc., SORECONI, 6 juin 2006, Me Michel A. Jeanniot, par. 6; La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Desindes et Blanchet, C.A. Montréal, no 500-09-013349-030, 15 décembre 2004, jj. Rousseau-Houle, Morin, Rayle J.C.S., par. 11.
[2] Gille Domaine & Jean-Claude Bellerive c. Construction Robert Garceau inc. et La Garantie Québec Habitation, Me Michel A. Jeanniot, CCAC S13-091201-NP, par. 50-51, 55-56.
[3] Ibid., par. 58.
[4] Picard c. Berthiaume constructif inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de L’APCHQ inc., CCAC, 30 août 2006, Jean Royer, arbitre; Les entreprises Chapam ltée c. SDC condo « SO » phase 2, et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., CCAC, 10 décembre 2010, Me Roland Yves Gagné, par. 77.