ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (Décret 841-98)
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM) |
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Dossier no : |
GAMM : 2009-10-003 |
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APCHQ : 096424-1 (08-327.1PM) |
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ENTRE : MYLAINE POULIOT ET JEAN-PHILIPPE RIVEST
(ci-après les « bénéficiaires »)
ET : LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.
(ci-après l’« administrateur »)
ET : GROUPE CFR INC. (ci-après l’« entrepreneur »)
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DEVANT L’ARBITRE : |
Me Johanne Despatis |
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Pour les bénéficiaires : |
Me Richard Letendre |
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Pour l’administrateur : |
Me Patrick Marcoux |
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Pour l’entrepreneur : |
Aucune |
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Date d’audience : |
23 octobre 2009 |
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Date de la sentence : |
9 novembre 2009 |
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SENTENCE ARBITRALE
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Adjudex inc.
0906-8336-GAMM
SA-8068
I
INTRODUCTION
[1] Madame Mylaine Pouliot et monsieur Jean-Philippe Rivest, les bénéficiaires, contestent en vertu de l’article 35 du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (décret 841-98), le Règlement, la décision suivante rendue le 15 avril 2009 par la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., l’administrateur :
Les faits
Dans le cadre du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, les bénéficiaires ont déposé une demande de remboursement d’acompte auprès de l’administrateur pour la somme de cinquante huit mille dollars (58 000$).
Cette somme de cinquante huit mille dollars (58 000$) aurait été versée par les bénéficiaires à l’entrepreneur pour l’achat d’un bâtiment sis au 892-C, boulevard Lafortune à l’Assomption.
Pour des raisons qui nous sont inconnues, la vente n’a pas eu lieu, d’où la présente demande de remboursement d’acompte.
ANALYSE ET DÉCISION
Dans le cas qui nous concerne, l’entreprise « Groupe CFR inc. » n’est pas en situation de faillite ni en situation d’insolvabilité.
Un remboursement d’acompte dans la situation actuelle signifierait l’annulation du contrat intervenu entre les bénéficiaires et l’entrepreneur.
Or, l’administrateur ne possède pas la juridiction de prononcer la nullité dudit contrat, laquelle juridiction relève plutôt d’un tribunal de droit commun.
Donc, pour permettre à l’administrateur d’intervenir dans le présent dossier, les bénéficiaires devront préalablement s’adresser à la Cour pour faire établir la nullité du contrat intervenu entre les parties.
En ce moment, pour les raisons mentionnées ci-dessus, l’administrateur n’est pas en mesure de donner suite à la demande de remboursement d’acompte des bénéficiaires.
[2] Groupe CFR inc., l’entrepreneur, dûment convoqué ne s’est pas présenté à l’audience. Mon bureau a fait des vérifications et communiqué avec monsieur Ian Ritchot, désigné comme administrateur, président, secrétaire ainsi qu’actionnaire majoritaire de l’entrepreneur selon le registre CIDREQ en vue la tenue d’une conférence téléphonique d’abord en juillet 2009. Lors de cette conversation monsieur Ritchot a fait savoir à mon bureau qu’il serait en vacances en juillet mais disponible en août. Par la suite, monsieur Ritchot n’a donné suite à aucun des appels de mon bureau en août et début septembre, et cela en dépit des messages laissés sur sa boite vocale. Ma correspondance transmise par la poste ordinaire à l’adresse apparaissant au registre CIDREQ l’informant de la tenue d’une conférence téléphonique le 11 septembre n’a pas été retournée à mon bureau. Monsieur Ritchot ne s’est toutefois pas joint à la conférence téléphonique ni manifesté par la suite.
[3] Mon bureau a, également vainement, tenté depuis de communiquer avec monsieur Ritchot pour l’informer oralement de la date d’audience mais ce dernier n’a retourné aucun appel. De plus, l’avis d’audience adressé par courrier enregistré le 17 septembre 2009 est revenu sans avoir été réclamé à la poste.
[4] Les dispositions pertinentes du Règlement sont les suivantes :
26. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:
1) dans le cas d'un contrat de vente:
a) soit les acomptes versés par le bénéficiaire;
[…]
30. La garantie d'un plan relative à un bâtiment détenu en copropriété divise est limitée aux montants suivants:
1) pour les acomptes, 30 000 $ par fraction prévue à la déclaration de copropriété; […]
35. Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur à moins que le bénéficiaire et l'entrepreneur ne s'entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d'en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l'arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation.
40. L'administrateur qui indemnise un bénéficiaire en vertu de la présente sous-section est subrogé dans ses droits jusqu'à concurrence des sommes qu'il a déboursées.
106. Tout différend portant sur une décision de l'administrateur concernant une réclamation ou le refus ou l'annulation de l'adhésion d'un entrepreneur relève de la compétence exclusive de l'arbitre désigné en vertu de la présente section.
116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient.
118. L'arbitre donne aux parties intéressées et à l'administrateur ou à leurs représentants un avis écrit d'au moins 5 jours de la date, de l'heure et du lieu de l'audience et, le cas échéant, un avis de la date où il procédera à l'inspection des biens ou à la visite des lieux.
120. La décision arbitrale, dès qu'elle est rendue, lie les parties intéressées et l'administrateur.
La décision arbitrale est finale et sans appel.
123. Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.
[…]
II
DEMANDE DE REMISE
[5]
Lors de l’audience du 23 octobre, le procureur de l’administrateur a
demandé une remise au motif qu’un témoin qu’il avait convoqué pour l’occasion,
monsieur Francis Robitaille, présent à l’audience, venait de l’informer qu’il
n’était possiblement pas le bon témoin susceptible de témoigner au sujet de la
situation de l’entrepreneur mais plutôt monsieur Ian Ritchot que
Me Marcoux explique ne pas avoir assigné faute d’avoir su que ce
dernier était le représentant de l’entrepreneur. En effet, le procureur
affirme, selon une certaine documentation en sa possession, que monsieur
Ritchot n’aurait été que le banquier de l’entrepreneur d’où le fait de ne pas
l’avoir assigné.
[6] Le procureur des bénéficiaires s’est fermement opposé à la demande de remise. Il fait valoir l’importance de procéder sans plus de délai, rappelant que monsieur Ritchot avait été convoqué à l’audience à titre de représentant de l’entrepreneur et qu’il ne s’y est pas présenté. Le procureur ajoute que le nom de monsieur Ritchot, en outre de figurer au registre CIDREQ, une source d’information accessible à tous, comme étant le seul administrateur de l’entrepreneur, apparait même à quelques reprises à l’onglet 1 du cahier de pièces préparé par l’administrateur lui-même. Il ne peut donc, selon lui, s’agir d’une surprise pour l’administrateur de constater que cette personne puisse être un témoin potentiel. Il souligne également que ses clients sont présents et prêts à procéder ainsi qu’un témoin venu de Québec.
[7] Enfin, conclut Me Letendre, il n’y a aucune expectative raisonnable que monsieur Ritchot réponde à une éventuelle assignation si l’audience est remise, en outre que la nécessité de son témoignage demeurerait douteuse.
[8] J’ai, séance tenante, refusé la demande de remise pour des motifs exposés sommairement, en indiquant que j’allais, comme on me le demandait, élaborer à ce sujet dans ma sentence. Nous y sommes.
[9] L’arbitre est responsable du déroulement diligent des procédures dans le respect des droits de chacun. La remise d’une audience demandée séance tenante alors que chacun a été convoqué et prévenu des semaines d’avance de sa tenue, n’est pas banale ni sans conséquences. L’article 286 du Code de procédure civile dispose à ce sujet :
Si la partie justifie de sa diligence, jure que le témoin absent est nécessaire et que son absence n'est due à aucune manœuvre de sa part, la cause peut être ajournée.
[10] Il est raisonnable de s’inspirer de cette règle en arbitrage. Selon celle-ci un ajournement au motif de l’absence d’un témoin est possible, mais on le voit, n’est pas encouragé. La partie qui le demande doit justifier de sa diligence et jurer à la fois que le témoin absent est nécessaire, donc requis pour présenter un élément de preuve pertinent et que son absence ne résulte pas de quelque manœuvre.
[11] Concrètement, le 17 septembre 2009, monsieur Ritchot a, par mes soins, été convoqué à l’audience en qualité de représentant de l’entrepreneur dans un envoi unique adressé conjointement à celui-ci ainsi qu’aux deux autres parties, dont l’administrateur. Il l’a également été à la conférence téléphonique préalable à l’audience.
[12] En invoquant des mentions à son dossier, le procureur de l’administrateur affirme ne pas lui avoir transmis de citation à comparaitre au motif de l’avoir confondu avec le banquier de l’entrepreneur. Pourtant, l’avis d’audience était directement adressé à monsieur Ritchot dont au surplus le nom figure à la documentation reproduite à l’onglet 1 du cahier de pièce de l’administrateur ainsi qu’au registre CIDREQ.
[13] Sans douter que sa demande ne soit nullement le fruit de quelque manœuvre, il reste qu’au-delà de qualifier la présence de monsieur Ritchot d’essentiel, l’administrateur n’a pas dit en quoi ce témoignage aurait été nécessaire n’ayant pas indiqué quel en aurait été l’objet. En somme, l’administrateur a tout simplement laissé sous-entendre que le représentant de l’entrepreneur aurait pu éclairer certains faits mais sans plus.
[14] Pour tous ces motifs, la demande de remise a donc été refusée.
III
LA RÉCLAMATION
[1] Les bénéficiaires signent avec l’entrepreneur le 20 mars 2006 un contrat préliminaire en vue de la construction d’une unité située dans un projet de copropriété construit par l’entrepreneur.
[2] Le contrat prévoit le versement d’acomptes de 50 000$. Deux premiers versements totalisant la somme de 30 000$ sont faits le 27 mars 2006 et un troisième de 20 000$ le 8 mai suivant. Le contrat prévoit que l’unité des bénéficiaires leur sera livrée pour le 1er mai 2006.
[3] À l’échéance prévue, la construction n’est pas terminée mais les bénéficiaires en prennent quand même possession à la fin du mois après avoir convenu avec l’entrepreneur que les parties ne procéderaient à la signature de l’acte de vente qu’une fois les travaux terminés.
[4] Dans les faits, pour des raisons qui n’ont pas été mises en preuve, les bénéficiaires, malgré leurs tentatives en ce sens, ne passeront jamais acte. Les bénéficiaires apprendront à leur grande surprise en janvier 2008 que l’entrepreneur a même vendu à un tiers, et sans les en prévenir, l’unité qu’ils occupaient depuis mai 2006. L’entrepreneur n’a par ailleurs jamais remis aux bénéficiaires qui les lui ont réclamées les sommes versées à titre d’acompte.
IV
PLAIDOIRIES
Bénéficiaires
[15] Le procureur rappelle que les bénéficiaires ont signé un contrat préliminaire qui n’a jamais abouti à une vente, l’unité ayant été vendue à un tiers et ce, sans que l’entrepreneur ne leur rembourse leurs acomptes.
[16] Invoquant l’article 26 du Règlement, le procureur des bénéficiaires soutient qu’en agissant de la sorte, l’entrepreneur a clairement manqué à ses obligations conventionnelles, avant la réception du bâtiment au sens du Règlement, de sorte que les bénéficiaires ont droit au remboursement par l’administrateur des acomptes versés à l’entrepreneur et ce jusqu’à hauteur de 30 000$. Pour le procureur, ce droit est acquis aux bénéficiaires sans qu’il soit nécessaire pour eux d’obtenir l’annulation du contrat préliminaire contrairement à ce qu’a prétendu l’administrateur dans sa décision. Selon Me Letendre, l’obligation principale de l’entrepreneur était de livrer l’unité aux bénéficiaires et en la vendant à un tiers, l’entrepreneur a contrevenu à ses obligations.
Administrateur
[17] Le procureur de l’administrateur n’a pas répondu à l’argumentation de son vis-à-vis, se contentant en pratique de s’en remettre à la décision du tribunal.
[18] Cela dit, invoquant l’article 116 du Règlement, le procureur a toutefois demandé au tribunal si celui-ci jugeait en faveur des bénéficiaires, d’ajouter les conclusions suivantes à celles qu’il est d’usage de voir en pareils cas :
Constate et déclare, que l’administrateur est subrogé dans les droits des bénéficiaires à l’encontre de l’entrepreneur, Groupe CFR inc., jusqu’à concurrence de ladite somme de 30 000,00$ conformément à l’article 40 du Règlement […].
Ordonne à l’entrepreneur, Groupe CFR inc., de rembourser à l’administrateur, […], ladite somme de 30 000,00$ et les frais du présent arbitrage.
[19] Cette demande n’a pas été communiquée à l’entrepreneur ni aux bénéficiaires ni à l’arbitre avant l’audience.
[20] Le procureur de l’administrateur a fait valoir que la conclusion qu’il recherchait contre l’entrepreneur découle de l’article 40 du Règlement et que l’arbitre a compétence pour y faire droit.
V
ANALYSE ET DÉCISION
[21] La question de fond à décider est celle du bien fondé ou non de la décision de l’administrateur rendue le 15 avril 2009 de rejeter la demande de remboursement des acomptes présentée par les bénéficiaires.
[22] L’article 26 du Règlement garantit dans certaines circonstances le remboursement aux bénéficiaires des acomptes versés à un entrepreneur. C’est le cas lorsqu’il y a manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception du bâtiment par un bénéficiaire. En somme, pour qu’il y ait droit à un remboursement, il doit y avoir manquement de l’entrepreneur avant la réception de l’ouvrage par un bénéficiaire.
[23] La réception est une étape précise du processus d’acquisition. En l’espèce, personne ne soutient qu’il y aurait eu réception du bâtiment au sens du Règlement, l’entrepreneur ayant même vendu l’unité à un tiers. Il n’est pas contesté que l’entrepreneur a ainsi manqué à ses obligations contractuelles et, fatalement, avant la réception puisque celle-ci n’a jamais eu lieu.
[24] En effet, la preuve révèle que les bénéficiaires ont signé avec l’entrepreneur un contrat préliminaire le 20 mars 2006 en vue de la construction d’une unité donnée et qu’en janvier 2008, l’entrepreneur a vendu ladite unité à un tiers sans jamais avoir passé titre en faveur des bénéficiaires.
[25] Dès lors, il devenait évident que les bénéficiaires ne pouvaient plus acquérir cette unité de l’entrepreneur auquel ils avaient pourtant versé à cette fin des acomptes de 50 000$.
[26] Aucune preuve n’a été présentée des circonstances expliquant pourquoi les bénéficiaires et l’entrepreneur n’ont pas passé acte malgré le fait qu’ils aient pris possession des lieux, inachevés, à la fin mai 2006. Au moment de présenter sa demande de remise en ouverture de séance, l’administrateur a laissé sous-entendre que le représentant de l’entrepreneur aurait pu éclairer ces faits. Il n’a cependant pas indiqué quels étaient ces faits, ni plus tard interrogé l’autre personne qu’il avait assignée.
[27] J’ai déjà eu l’occasion dans la sentence Jobiko et Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ rendue dans un contexte qui n’est pas sans similitude avec celui-ci, de me pencher sur la question de l’incidence éventuelle de quelque geste imputable à un bénéficiaire, comme motif susceptible d’avoir empêché un entrepreneur de rencontrer ses propres obligations en vertu du Règlement. Malgré qu’en l’espèce cette prétention n’ait pas été soulevée, je crois néanmoins utile de rappeler ce que disait cette sentence en pareil cas :
Le litige porté devant moi a uniquement trait à une demande de remboursement d’acomptes ordonné en vertu du Règlement. La question de savoir si certains agissements et omissions des bénéficiaires, ou de représentants ou conseillers de ceux-ci auraient empêché l’entrepreneur de rencontrer ses propres obligations au sens du Règlement n’est pas pertinente à ce litige.
La question est simple : en vertu du Règlement, l’administrateur est ultimement obligé de cautionner auprès d’acheteurs d’immeubles en construction certaines obligations des entrepreneurs adhérant au Règlement. L’arbitrage prévu à ce Règlement porte toujours sur, et seulement sur, la résolution des différends nés des décisions rendues en vertu du Règlement, au sujet de réclamations présentées également en vertu du Règlement.
En effet, on l’a vu, l’article 35 du Règlement confère pour toute compétence à l’arbitre celle de réviser les décisions prises par l’administrateur. Son rôle est donc très étroit; il se limite à déterminer s’il y a eu ou non décision de l’administrateur conforme au Règlement.
Avec égards, sans aucunement vouloir suggérer que la responsabilité civile des bénéficiaires envers l’entrepreneur aurait pu être engagée dans les circonstances de ce dossier, je constate que la sanction civile d’une pareille responsabilité, si elle existait, ne relèverait pas du Règlement et ne serait donc pas de la compétence de l’administrateur. Il s’ensuit qu’elle ne serait pas non plus de celle de l’arbitre. Mon examen des dossiers indique que d’ailleurs l’administrateur ne s’est pas saisi de la question des soi-disant fautes commises par les bénéficiaires allégués par l’entrepreneur et qu’il s’en est tenu au Règlement. L’entrepreneur a vraisemblablement compris qu’il en était ainsi puisqu’il a entrepris d’engager un recours en dommages contre les bénéficiaires non pas devant l’administrateur mais bien en Cour supérieure.
[…]
Que l’entrepreneur invoque des fautes des bénéficiaires commises sous forme de soumission à des conseils juridiques erronés ou de dommages matériels constatés ou non par huissier, ou de manquement des bénéficiaires de leurs obligations prévus au contrat préliminaire, il reste qu’à tort ou à raison, le législateur n’a pas voulu que ces questions ressortissent du Règlement.
A cet égard, je souscris aux propos de l’arbitre Alcide Fournier dans Provençal, Bilodeau et Pérusse et Les Maisons Zibeline inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., SA, 20 août 2007 :
[40] Finalement, le refus de rembourser les acomptes parce que l’entrepreneur a subi des dommages dus au refus des bénéficiaires de signer le contrat ne peut être retenu.
[41] Selon le Petit Larousse Illustré, édition 2007, un acompte est un paiement partiel à valoir sur le montant d’une somme à payer.
[42] En aucun cas, on ne peut considérer dans le présent litige que l’acompte serait le montant de dommages liquidés en cas de refus des bénéficiaires de signer le contrat définitif devant notaire.
[43] Par ailleurs, un principe de justice naturelle énonce que : « Nul ne peut se faire justice à soi-même ».
[44] En conservant les acomptes, l’entrepreneur décide arbitrairement que ses dommages s’établissent à 5000 $ sans qu’il ait besoin de les quantifier ni de les prouver.
[45] Une telle situation est totalement inéquitable pour les consommateurs, qui, pour obtenir justice, devraient avoir recours aux tribunaux civils alors que le législateur a voulu que les litiges en vertu du règlement soient entendus par un tribunal d’arbitrage.
[46] Compte tenu de la preuve prépondérante quant au défaut de l’entrepreneur de respecter ses obligations légales et contractuelles, l’arbitre soussigné en tenant compte de l’équité et des dispositions du règlement, estime que l’entrepreneur doit rembourser les acomptes versés par les bénéficiaires.
[28] Vu la preuve et le Règlement, j’accueille le recours des bénéficiaires et renverse la décision de l’administrateur rendue le 15 avril 2009.
[29] Qu’en est-il maintenant des conclusions que recherche l’administrateur à l’encontre de l’entrepreneur, i.e. qu’il soit ordonné à celui-ci de rembourser l’administrateur, de la somme de 30 000$ ainsi que les frais d’arbitrage advenant le défaut de l’entrepreneur de donner suite dans le délai à ma sentence qui le lui ordonnerait.
[30] Selon le Règlement, l’entrepreneur qui ne donne pas suite à une ordonnance de l’administrateur ou, le cas échéant, de l’arbitre, il revient alors à l’administrateur de le faire à sa place en tant que caution diligente, et cela, jusqu’à hauteur de 30 000$. Selon l’article 40 du Règlement, l’administrateur qui indemnise un bénéficiaire est alors subrogé dans ses droits. La question précise est de voir si l’arbitre peut dans le contexte d’un recours d’un bénéficiaire porté en vertu de l’article 35 du Règlement anticiper que, l’entrepreneur ne payant pas, l’administrateur sera donc tenu de le faire, et, du coup, faire droit à une conclusion à l’encontre de l’entrepreneur et en faveur de l’administrateur.
[31] D’abord il y a lieu de signaler qu’en l’espèce la conclusion recherchée n’a jamais été communiquée à l’entrepreneur, non présent ni représenté à l’audience et qu’à elle seule cette circonstance m’empêcherait d’y faire droit.
[32] Cela dit, la juridiction de l’arbitre désigné pour entendre un litige comme celui-ci découle de l’article 35 du Règlement qui stipule que le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage [...]. Ainsi, un bénéficiaire ou un entrepreneur estimant qu’une décision de l’administrateur n’est pas conforme au Règlement ont la faculté d’en saisir l’arbitre qui peut intervenir dans la mesure prévue.
[33] La compétence de l’arbitre - comme je le disais dans l’affaire Jobiko - est d’assurer et de sanctionner le cas échéant, la conformité d’une décision rendue par l’administrateur aux exigences et termes du Règlement. C’est en effet ce qui ressort des articles 106 et suivants du Règlement reproduits plus haut.
[34] Or, ici, la demande portée devant moi, par les bénéficiaires seulement, concerne la conformité de la décision prise par l’administrateur le 15 avril 2009 à l’effet de leur nier le droit au remboursement de certains acomptes. Même si le Règlement reconnait que l’administrateur peut dans certaines circonstances être subrogé à certains égards contre l’entrepreneur, sans en décider, le Règlement ne semble pas conférer à l’arbitre l’autorité de sanctionner pareille subrogation à l’encontre d’un entrepreneur.
VI
CONCLUSION ET DISPOSITIF
[35] Pour tous ces motifs, j’accueille le recours des bénéficiaires à l’égard de la décision de l’administrateur rendue le 15 avril 2009 et condamne l’entrepreneur à rembourser aux bénéficiaires la somme de 30 000$ dans les 30 jours des présentes et, à défaut, à l’administrateur de le faire dans les 15 jours suivants.
[36] En conformité de l’article 123 du Règlement, les coûts du présent arbitrage sont à la charge de l’administrateur.
Montréal, le 9 novembre 2009
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__________________________________ Johanne Despatis, avocate Arbitre
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Adjudex inc.
0906-8336-GAMM
SA-8068