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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec :
LA SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DE CONFLITS INC. (SORECONI)
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ENTRE : SÉBASTIEN LEPAGE
(ci-après désigné « le Bénéficiaire »)
DELTEC CONSTRUCTION INC.
(ci-après désignée « l'Entrepreneur »)
LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.
(ci-après désignée « l'Administrateur »)
No dossier SORECONI : 170401001
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DÉCISION ARBITRALE
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Arbitre : Me Errol Payne
Pour les Bénéficiaires : Me Émilie Deschênes
Pour l'Entrepreneur : Me David Bernier
Pour l'Administrateur : Me François-Olivier Godin
Date de l'audition : Du 29 avril au 2 mai 2019
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Date de la décision : Le 7 juin 2019
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Identification complète des parties
Arbitre : Me Errol Payne 79, boul. René-Lévesque Est, bureau 200 Québec (Québec) G1R 5N5
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Bénéficiaire : M. Sébastien Lepage [...] Québec (Québec) [...]
Et sa procureure Me Émilie Deschênes 5600, boul. des Galeries, bureau 333 Québec (Québec) G2K 2H6 |
Entrepreneur : Deltec Construction inc. 193, avenue Ste-Brigitte Sainte-Brigitte-de-Laval (Québec) G0A 3K0
Et son procureur Me David Bernier 800, Place D’Youville, 18e étage Québec (Québec) G1R 3P4 |
Administrateur : La Garantie Habitation du Québec inc. 9200, boul. Métropolitain Est Montréal (Québec) H1K 4L2
Et son procureur Me François-Olivier Godin 9200, boul. Métropolitain Est Montréal (Québec) H1K 4L2
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LISTE DES PIÈCES PRODUITES PAR L’ADMINISTRATEUR
Pièce A-1 : Notification d’une demande d’arbitrage;
Pièce A-2 : Demande d’arbitrage;
Pièce A-3 : Rapport de conciliation No 91679-10577 en date du 13 septembre 2016;
Pièce A-4 : Contrat préliminaire de vente et contrat de garantie obligatoire de maison neuve;
Pièce A-5 : Formulaire d’inspection préréception.
LISTE DES PIÈCES PRODUITES PAR L’ENTREPRENEUR
Pièce E-1 : Étude géotechnique du prolongement des rues [...] et des [...];
Pièce E-2 : Facture de M&G Grenier Inc.;
Pièce E-3 : Facture Fondations Richard Bafaro Inc.;
Pièce E-4 : Certificat de localisation, approbation de la demande de permis de construction, plan du projet d’implantation, plan d’implantation, demande de permis de construction, permis de construction et plans de constructions, en liasse;
Pièce E-5 : Grille de spécifications;
Pièce E-6 : Élévation avant, levée topographique et extrait du site internet de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ);
Pièce E-7 : Rapport d’expertise de la firme Consultant Thomassin inc. en date du 5 septembre 2018.
LISTE DES PIÈCES PRODUITES PAR LE BÉNÉFICIAIRE
Pièce BL-1 : Acte de vente notarié entre 9012-6749 Québec inc, Sébastien Lepage et Myriam Villeneuve en date du 9 mai 2012;
Pièce BL-2 : Acte de cession entre Myriam Villeneuve et Sébastien Lepage en date du 28 mai 2014;
Pièce BL-3 : Copie du contrat de construction entre Deltec Construction et Sébastien Lepage et de la promesse d’achat du lot 4712447 entre Deltec Construction et Sébastien Lepage, en liasse;
Pièce BL-4 : Photographies prises par Sébastien Lepage à la suite de la découverte des infiltrations d’eau, en liasse;
Pièce BL-5 : Rapport d’expertise technique du Centre d’Expertise en Bâtiments du Québec;
Pièce BL-6 : Curriculums vitae des experts Martin Huot et Philippe Racine;
Pièce BL-7 : Copie des factures des frais déboursés par M. Lepage relativement aux inspections réalisées sur sa résidence, incluant les rapports d’inspection des drains par BilDrain 2010 Inc.;
Pièce BL-9 : Photographies du drain de M. Lepage en date du 29 octobre 2017, en liasse;
Pièce BL-10 : Photographies du drain de M. Lepage en date du 27 avril 2019, en liasse;
Pièce BL-11 : Demande d’information de M. Lepage faite à la Garantie Qualité habitation en date du 11 juillet 2016;
Pièce BL-12 : Photographies du drain de M. Lepage en date du 29 avril 2019, en liasse;
Pièce BL-13 : Plan du sous-sol de M. Lepage effectué à main levée.
ARBITRAGE
MANDAT
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 13 janvier 2017.
HISTORIQUE DU DOSSIER
21 mars 2012 Contrat de construction entre Deltech Construction inc. et M. Sébastien Lepage, le Bénéficiaire
9 mai 2012 Vente du terrain par acte notarié entre 9012-6749 Québec inc., M. Sébastien Lepage et Mme Myriam Villeneuve
20 juillet 2012 Réception de l’unité résidentielle
28 mai 2014 Cession par Mme Myriam Villeneuve de ses droits indivis dans l’immeuble en faveur de M. Sébastien Lepage
7 juillet 2016 Réclamation écrite du Bénéficiaire
21 septembre 2016 Visite des lieux et inspection par l’Administrateur
13 décembre 2016 Décision de l’Administrateur
21 décembre 2016 Demande d’arbitrage par le Bénéficiaire
21 juillet 2017 Expertise technique réalisée par M. Martin Huot et M. Philippe Racine
29 avril au 2 mai 2019 Audition devant le tribunal d’arbitrage
7 juin 2019 Décision
DÉCISION ARBITRALE
[1] Le Bénéficiaire transmet une demande d’arbitrage contestant la décision rendue par l’Administrateur le 13 décembre 2016, laquelle rejette sa réclamation en indiquant que la présence d’ocre ferreuse dans le sol constitue un contaminant et entraîne par le fait même l’exclusion de la Garantie Qualité Habitation (ci-après désignée « la Garantie »).
[2] À l’audience, la procureure du Bénéficiaire soulève d’emblée le manque de motifs appuyant la décision de l’Administrateur ainsi que le caractère erroné de son raisonnement, assimilant l’ocre ferreuse à l’existence d’un contaminant dans le sol.
[3] Le procureur de l’Entrepreneur, quant à lui, conteste vigoureusement la réclamation, mais non pour la même raison que celle avancée dans la décision de l’Administrateur. Il invoque plutôt la survenance d’un événement de force majeure excluant toute responsabilité de l’Entrepreneur. Subsidiairement, il soulève le fait qu’au moment de la construction, c’est le Bénéficiaire qui fournit à l’Entrepreneur le terrain destiné à l’implantation de la résidence. La source de la réclamation du Bénéficiaire découlant entièrement de problématiques reliées au sol, seul celui-ci doit en être tenu responsable et ne peut invoquer quelconque responsabilité de l’Entrepreneur. Ces arguments n’ont pas été traités par l’Administrateur.
[4] Le tribunal révisera donc la preuve étayée devant lui et les documents d’expertise afin de décider de la justesse des moyens soulevés par les parties.
LES TÉMOINS
[5] À l’audience, M. Sébastien Lepage témoigne de sa situation depuis la construction de sa résidence en 2012.
[6] M. Martin Huot témoigne à titre d’expert en faveur du Bénéficiaire.
[7] Bien qu’il témoigne à titre d’expert en faveur d’un autre bénéficiaire, lequel dossier a été entendu conjointement à la présente affaire et a fait l’objet d’une décision distincte, il est admis par les parties que le témoignage de l’ingénieur civil M. André Petitpas est aussi valable pour la réclamation du Bénéficiaire dans le présent dossier.
[8] M. Nick Tremblay représente l’Entrepreneur par son témoignage.
[9] Finalement, M. Yvon Thomassin témoigne à titre d’expert en faveur de l’Entrepreneur.
LES FAITS
[10] Le 21 mars 2012, le Bénéficiaire conclut et signe un contrat pour la construction de sa résidence avec l’Entrepreneur. Ce contrat de construction indique le prix demandé pour la résidence seulement.
[11] Au même moment, le Bénéficiaire signe un document distinct qui lui est tendu, lequel s’intitule « promesse d’achat ». Celui-ci comporte un entête au nom et à l’adresse de l’Entrepreneur. La reproduction du passage suivant du document est pertinente :
Je nous soussigné(s) Sébastien Lepage, ci-après appelé l’acheteur, par la présente, promet d’acheter de Deltec Construction Inc. 193 Ave Ste-Brigitte-de-Laval (Québec), G0A 3K0, ci-après appelé le vendeur, un terrain connu et désigné comme le(s) numéro(s) 4 712 447 du cadastre officiel de la paroisse de Beauport circonscription foncière de Québec d’une superficie approximative de 390 mètres carrés.
[Nos soulignements]
[12] La promesse d’achat est signée par M. Nick Tremblay, représentant de l’Entrepreneur, et le Bénéficiaire. Le prix de vente du terrain y est établi à quatre-vingt-six mille deux cent trente-et-un et vingt-cinq dollars (86 231,25 $).
[13] Postérieurement à la signature de la promesse d’achat, l’Entrepreneur informe le Bénéficiaire d’une erreur relativement au lot suggéré au document et lui propose l’option alternative d’acheter un second lot désigné sous le numéro 4 712 448. Effectivement, le lot numéro 4 712 447 avait alors déjà fait l’objet d’une promesse d’achat antérieure le 28 février 2012, signée par Mme Marianick Boudreault et M. Yvan Brault. Le Bénéficiaire accepte ce changement.
[14]
En
date du 9 mai 2012, le Bénéficiaire officialise la vente du terrain par la
signature d’un acte notarié chez le notaire Me Jaky Lévesque. Il est
indiqué à l’acte que le Bénéficiaire se porte acquéreur du terrain désigné sous
le lot
4 712 448 et vendu par 9012-6749 Québec inc. À ce moment, aucune mention
n’est faite par le notaire à l’effet que le vendeur du terrain n’est pas
l’Entrepreneur, mais une compagnie à numéro jusqu’alors inconnue des acheteurs.
[15] Le Bénéficiaire procède alors à la rencontre de l’Entrepreneur, lequel lui présente les plans envisagés pour la construction de la résidence. Tous les plans sont réalisés et dessinés en fonction de l’implantation d’une résidence sur le terrain numéro 4 712 448.
[16] Le 20 juillet 2012, le Bénéficiaire prend possession de sa résidence.
[17] Dans la quatrième année suivant la réception du bâtiment, soit en 2016, le Bénéficiaire se plaint d’un niveau d’eau très élevé sous la maison. Disposant de la possibilité d’accéder au drain sanitaire de sa résidence, celui-ci procède à vidanger l’eau de manière régulière pour éviter les infiltrations.
[18] Alarmé par l’anormalité de la situation, le Bénéficiaire fait procéder à l’inspection du drain agricole de sa résidence par une équipe de nettoyage spécialisée qui constate une présence importante d’ocre ferreuse bouchant le drain à quatre-vingts pour cent (80 %).
[19] Le 7 juillet 2016, le Bénéficiaire réclame l’ouverture d’un dossier auprès de la Garantie. De manière subséquente, un conciliateur représentant de l’Administrateur se déplace sur les lieux afin de procéder à une inspection détaillée de la problématique.
[20] Ce n’est que le 13 décembre 2016, soit près de trois mois à la suite de son inspection, que le conciliateur rend la décision rejetant la réclamation du Bénéficiaire. Son contenu substantif, faisant tout au plus une demie page, fait état que l’ocre ferreuse est un contaminant au sens de la clause 6.7.7 du contrat de garantie obligatoire de maison neuve. L’application de cette clause entraîne l’absence de couverture de la problématique par la Garantie. Nul ne va sans dire que la décision est très courte, peu étayée et non réellement appuyée.
[21] Cette décision fait l’objet de la présente demande d’arbitrage par le Bénéficiaire.
[22] Depuis ce temps, entre 2016 et 2019, six nettoyages sous pression du drain ont été effectués dans le but de minimiser la probabilité de dommages à la résidence visée. À ce jour, peu de dommages physiques sont survenus à la résidence du Bénéficiaire, en ce qu’il y a eu survenance d’une seule infiltration d’eau non majeure causée par l’obstruction du drain agricole.
[23] En vue de procéder au présent arbitrage et d’obtenir une opinion scientifique objectivement fiable relativement à l’état du sol sous sa résidence, le Bénéficiaire fait appel à M. Martin Huot, expert spécialisé dans la structure des petits bâtiments, lequel procède à trois visites sur les lieux en date des 3 avril, 12 avril et 27 juin 2017. Le rapport d’expertise de M. Huot est appuyé d’un rapport de l’ingénieur M. Philippe Racine, lequel est responsable de la prise des données piézométriques nécessaires à l’établissement de la hauteur de la nappe phréatique sous la résidence. Le rapport est également appuyé d’une analyse en laboratoire effectuée par la firme EnvironneX relativement aux composantes du sol sous la résidence. Le rapport d’expertise, livré en date du 21 juillet 2017, porte comme conclusion principale l’implantation trop profonde des fondations de la résidence dans la nappe phréatique sans que l’Entrepreneur n’ait pris en compte la condition problématique préalable du sol, soit la présence de la bactérie ferreuse.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[24] Afin de trancher la présente demande d’arbitrage, le tribunal doit répondre aux trois questions suivantes :
1) Quelle est la portée du plan de garantie relativement aux faits d’espèce?
2) L’arbitre a-t-il le pouvoir d’imposer une méthode corrective spécifique?
3) Le cas échéant, quelle est la méthode corrective à privilégier relativement aux faits d’espèce?
ANALYSE DE LA PREUVE
La portée du plan de garantie
[25] La procureure du Bénéficiaire soumet devant le tribunal que la présence d’ocre ferreuse dans le sol représente une situation couverte par l’application de la Garantie. Elle met en lumière les clauses pertinentes du contrat de garantie obligatoire de maison neuve qui méritent d’être reproduites ci-dessous :
6.1.2 « Bâtiment » : Le bâtiment lui-même y compris les installations et les équipements nécessaires à son utilisation soit le puits artésien, les raccordements aux services municipaux ou gouvernementaux, la fosse septique et son champ d’épuration et le drain français.
6.2 BÂTIMENTS VISÉS
6.2.1. Les bâtiments neufs ci-dessous mentionnés lorsque ceux-ci sont destinés à des fins principalement résidentielles et non détenus en copropriété divise par le Bénéficiaire de la garantie :
6.2.1.1 Une maison unifamiliale isolée, jumelée ou en rangée.
[…]
6.4.2 La garantie dans le cas de manquement de l’Entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles APRÈS LA RÉCEPTION COUVRE :
[…]
6.4.2.5 La réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les cinq (5) ans suivant la fin des travaux du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l’Entrepreneur et à Qualité Habitation dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.
[Nos soulignements]
[26] Comme le vice a été découvert par le Bénéficiaire dans la quatrième année suivant la réception de la résidence, celui-ci doit mettre en preuve la présence des trois éléments cumulatifs suivants, tel que mentionné dans la clause 6.4.2.5 ci-haut reproduite :
1) Un vice de conception, de construction ou de réalisation ou un vice du sol tel que défini par l’article 2118 du Code civil du Québec;
2) La survenance de ce vice dans les cinq ans suivant la fin des travaux;
3) La dénonciation écrite de ce vice à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans les six mois de sa découverte.
[27] Comme la présence des deux derniers critères est admise par les parties, seul le premier critère concernant l’existence d’un vice de sol au sens de l’article 2118 C.c.Q. sera évalué par le tribunal. Il s’agit donc de déterminer si cet élément a été mis en preuve par le Bénéficiaire, permettant de conclure à la couverture de la Garantie.
[28] D’emblée, puisque la définition de vice du sol contenue au contrat de garantie obligatoire de maison neuve réfère spécifiquement au texte de l’article 2118 C.c.Q., il est pertinent d’en reproduire la teneur ci-bas :
2118. À moins qu’ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l’entrepreneur, l’architecte et l’ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu’il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l’ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d’un vice de conception, de construction ou de réalisation de l’ouvrage, ou, encore, d’un vice du sol.
[29] La question à savoir si la présence de la bactérie responsable de l’ocre ferreuse dans le sol au moment de la construction d’une résidence constitue un vice de sol aux termes des paramètres de l’article 2118 C.c.Q. s’est déjà posée.
[30] Notamment, l’honorable Suzanne Villeneuve, J.C.Q., a antérieurement tranché cette question dans la décision Promutuel Lévisienne Orléans, société mutuelle d’assurances générales c. Fondations du St-Laurent (1998) inc.[1], laquelle fut confirmée par la Cour d’appel du Québec[2]. Cette affaire pose une trame factuelle relativement similaire à celle qui nous occupe, en ce que les clients, ayant retenu les services d’un entrepreneur pour la construction de leur résidence, se sont retrouvés aux prises avec une problématique d’ocre ferreuse conjuguée à la présence d’une nappe phréatique haute. Certains extraits de la décision éclairent le présent tribunal quant au sens à donner au vice de sol :
[44] Me Claude Coursol, conférencier pour le Service de formation continue du Barreau du Québec en 2007, envisage « très sérieusement l’hypothèse voulant que la présence d’ocre ferreuse ne puisse, à elle seule, constituer un vice caché soumis au régime de garantie de l’article 1726 C.c.Q. »
[45] Il poursuit son exposé avec ce qui suit :
« Une telle position ne saurait toutefois libérer l’entrepreneur ou le particulier « auto-constructeur » de leurs obligations. Pour nous, ceux-ci demeurent responsables de la qualité du sol où se trouve le bâtiment qu’ils construisent envers leurs acheteurs même s’il s’agit d’un problème d’ocre ferreuse. Pour reprendre les propos de la Cour d’appel alors qu’elle rendait jugement dans Ruel c. Lavoie:
[4] Le sol est ce qu’il est, c’est exact. Mais la bâtisse qu’on y place doit tenir compte de cette composition. »
[46] Selon l’opinion émise par les experts du Centre d’inspection et d’expertise en bâtiment du Québec :
« L’ocre ferreuse est un phénomène naturel qui consiste en une réaction chimique et/ou bactérienne qui, encouragée par un milieu propice, un sol qui contient du fer, prend l’apparence d’une boue orangée (bien qu’il en existe d’autres couleurs, l’orangée est la plus présente) qui se durcit avec le temps. Or, le milieu le plus propice à sa prolifération est justement celui du drain français qui lui offre de l’eau et de l’oxygène en abondance. Plus l’eau est abondante et présente, plus la réaction sera importante si la bactérie en cause se trouve dans le sol. »
[47] Suivant cette opinion, il serait difficile de conclure que la seule présence de la bactérie dans un sol sablonneux ne constitue pas un vice du sol en matière de construction résidentielle incluant un drain français.
[48] Retenant l’opinion de l’ingénieur Drouin affirmant que la bactérie de l’ocre ferreuse était présente dans le sol au moment de la construction en novembre 2002, il y a lieu de répondre par l’affirmative à la première question en litige et conclure que la présence de la bactérie dans le sol en 2002 constitue un vice du sol couvert par la garantie de l’article 2118 du Code civil du Québec.
[Nos soulignements]
[31] En appliquant ce raisonnement aux faits mis en preuve à l’audience, le tribunal n’a pas de difficulté à affirmer que le terrain de la résidence du Bénéficiaire est affecté d’un vice de sol au sens de l’article 2118 C.c.Q.
[32] Tous les experts au dossier ayant témoigné en l’instance s’entendent quant à la présence effective de la bactérie ferreuse dans le sol du terrain sur lequel repose la résidence du Bénéficiaire.
[33] Les résultats d’analyses du sol effectuées par le Groupe EnvironeX concluent à un potentiel de colmatage du système de drainage de moyen à élevé en raison d’une forte présence de la bactérie ferreuse. L’expert M. Huot, ayant notamment basé son expertise sur ces données, témoigne que cette condition naturelle du sol, conjuguée à la présence de la nappe phréatique, est responsable de la création d’une boue ferreuse obstruant le drain agricole.
[34]
L’installation
par M. Philippe Racine de trois piézomètres sur le terrain du Bénéficiaire a
effectivement permis d’établir la hauteur problématique existante de la nappe
phréatique présente sous la résidence. Les résultats recueillis sur près
de deux mois ont établi que la nappe phréatique variait entre 0,24 mètre à
1,5 mètre
au-dessus des semelles de fondation de la résidence. Il est pertinent de
produire le témoignage de M. Huot qui éclaire le tribunal quant à cette
problématique :
La nappe phréatique est plus haute que les assises de la propriété, surtout dans une triangulation semblable, cela nous amène à croire que l’on est implanté trop bas. Si les tests avaient été faits au préalable de la construction on aurait déjà pensé que l’on aurait du lever le niveau d’excavation. On l’aurait déjà établi. Ce sont des tests préparatoires que l’on fait de manière préalable à la construction lorsque l'on se préoccupe de la nappe phréatique.
[35] Le procureur de l’Entrepreneur ainsi que l’expert ayant témoigné en faveur de ce dernier, M. Thomassin, font une admission de la gravité de l’état actuel de la résidence du Bénéficiaire. Ce dernier témoigne que les empâtements de la résidence sont dans l’eau puis que la situation n’est pas niée, qu’elle doit absolument être rectifiée et qu’elle est présentement inacceptable.
[36] De surcroît, les photographies documentant le tout, pièce BL-4, font clairement état de cette boue ferreuse obstruant le drain agricole de la résidence. Cause de tous les maux, cette matière visqueuse empêche couramment le drain de faire son travail dans les moments où il se trouve sollicité.
[37] En plus de constituer un vice de sol au sens de l’article 2118 C.c.Q., la problématique soulevée doit être plus importante qu’une simple malfaçon. Déposée par la procureure du Bénéficiaire, la décision Boudreau c. Association provinciale des constructeurs d’habitation du Québec[3] traite de la notion de perte nécessairement engendrée par un vice au sens de 2118 C.c.Q. :
24 Comme on a pu le constater à la lecture des extraits de l'article 2 de la garantie P-4, le vice de construction se distingue clairement de la malfaçon eu égard aux obligations souscrites par la défenderesse.
25 Si la Cour conclut à une malfaçon, la réclamation de la demanderesse est irrecevable vu les dispositions de l'article 2.1.2 du certificat P-4. Dans le second cas, s'il s'agit d'un vice de construction, l'article 2.1.3 doit recevoir application et la réclamation doit être considérée comme découlant d'un vice de construction apparu dans les cinq ans de la date de parachèvement et de la prise de possession de l'unité de construction.
26 Dans l'ouvrage La construction au Québec: perspectives juridiques, on y lit à la page 434:
Pour se prévaloir de l'article 2118 C.c.Q., il n'est nécessaire d'établir ni le fait que l'ouvrage a péri ni le moment auquel il va s'écrouler. Il suffit de démontrer la présence des inconvénients ou d'un danger sérieux qui pourrait entraîner une perte de l'ouvrage, c'est-à-dire une perte potentielle. La seule menace de destruction engage donc la responsabilité. La simple menace de perte d'un ouvrage constitue déjà un préjudice né et actuel, car elle entraîne, de manière immédiate, une diminution importante de sa valeur marchande et de son utilité.
La notion de «perte» au sens de l'article 2118 C.c.Q. doit donc, tout comme la notion analogue de ce terme au sens de l'article 1688 C.c.B.C., recevoir une interprétation large, et s'étendre notamment à tout dommage sérieux subi par l'ouvrage immobilier.
Il est également possible que la simple perte de l'usage normal des lieux tombe sous le coup de cette disposition. De fait, certains tribunaux ont décidé, en vertu des règles de l'ancien Code, que la présence de troubles graves, nuisant à l'utilisation de l'immeuble, constituait une perte. La responsabilité quinquennale a notamment été retenue lorsque les vices empêchaient l'ouvrage de servir à sa destination normale ou limitaient, de manière importante, l'usage normal de l'ouvrage.
[Nos soulignements]
[38] La preuve révèle que depuis 2016, une menace sérieuse de perte de l’ouvrage pèse sur les épaules du Bénéficiaire. Depuis ce temps, celui-ci a dû effectuer six nettoyages sous pression du drain afin d’éviter des infiltrations d’eau. Il a aussi procédé quotidiennement à la vidange de l’eau accumulée à partir de l’accès à son drain sanitaire. Les efforts fournis et sa constante surveillance du niveau de l’eau sous sa résidence ont fait en sorte de mitiger les dommages reliés à l’infiltration d’eau. On ne saurait reprocher au Bénéficiaire sa propre diligence.
[39] Bien que les dommages à la résidence ne soient pas majeurs en présente date, il demeure que le risque de perte de la résidence existe bel et bien. Selon le témoignage de M. Petitpas, il arrivera nécessairement un temps où les nettoyages sous pression du drain ne seront plus efficaces en raison de son trop important pourcentage de colmatage. Les infiltrations d’eau s’imposeront alors comme inévitable évidence. Le tribunal considère qu’il s’agit là d’un danger sérieux de perte de l’ouvrage.
[40] Considérant la preuve qui précède, le tribunal réitère que la présence de la bactérie ferreuse dans le sol sous la résidence du bénéficiaire constitue effectivement un vice de sol au sens de l’article 2118 du C.c.Q., lequel a été aggravé par l’implantation trop basse des fondations de la résidence dans la nappe phréatique.
[41] En défense, le procureur de l’Entrepreneur allègue principalement l’application de la clause d’exclusion 6.7.5 du contrat de garantie obligatoire de maison neuve, laquelle se lit comme suit :
6.7 Sont EXCLUS de la garantie :
6.7.5 L’obligation de relogement, de déménagement et d’entreposage des biens du Bénéficiaire et les réparations rendues nécessaires à la suite d’événements de force majeure tels les tremblements de terre, les inondations, les conditions climatiques exceptionnelles, la grève ou le lock-out.
[Nos soulignements]
[42] Il plaide devant le tribunal que la hauteur actuelle de la nappe ne peut être due qu’à sa hausse soudaine et inhabituelle, et ce, en raison de l’absence de toute trace d’eau au moment de l’excavation préalable à la construction de la résidence en 2012. La clause 6.7.5 n’étant pas une énumération exhaustive, un tel événement doit être assimilable à un cas fortuit de force majeure, puisqu’il est imprévisible, inévitable et irrésistible et qu’il provient d’une cause étrangère à l'Entrepreneur. Néanmoins, le procureur de l’Entrepreneur ne dépose aucune jurisprudence antérieure faisant état d’un tel raisonnement juridique dans un cas d’application du contrat de garantie obligatoire de maison neuve, en appui à ses propos.
[43] Avec égard pour l’opinion contraire, le tribunal ne peut souscrire à cet argumentaire pour les raisons suivantes.
[44] Tel que mentionné précédemment, le tribunal considère la présence d’ocre ferreuse comme étant caractérielle d’un vice de sol entrainant la couverture de la Garantie.
[45] Pour reprendre le texte de la clause, les réparations ne sont pas rendues nécessaires par la seule hausse de la nappe phréatique, mais plutôt par le développement d’ocre ferreuse dans le sol. Il n’a pas été mis en preuve que même sans la présence de la bactérie ferreuse dans le sol, le drain n’aurait pas bien rempli la vocation à laquelle il est destiné. Ainsi, il n’y a pas de preuve à l’effet que la prétendue hausse de la nappe phréatique serait la seule cause des infiltrations d’eau dans la résidence du Bénéficiaire.
[46] Conséquemment, si le procureur de l’Entrepreneur croit l’exclusion de la clause 6.7.5 applicable aux faits d’espèce, il doit nécessairement démontrer que c’est le vice de sol initial, soit la présence d’ocre ferreuse, qui constitue un événement de force majeure imprévisible, inévitable, irrésistible et dû à une cause étrangère.
[47] Force est d’admettre qu’une telle preuve n’a pas été faite à l’audience.
[48] D’ailleurs, l’expert M. Huot témoigne quant aux signes physiques avant-coureurs devant sonner l’alarme d’une possible présence de la bactérie ferreuse dans un sol excavé :
Au départ, on doit vérifier la tranchée d’excavation. On a souvent une trace horizontale grise ou noirâtre qui nous donne le niveau de la nappe phréatique si jamais elle a déjà dépassé notre fond d’excavation. On va également voir des strates, des lignes horizontales de couleur rouille. Ce sont des signes d’accumulation d’eau avec de l’ocre ferreuse sur le sol, comme il est permis de voir dans le fond des fossés ou de certains champs agricoles aussi. Puis lorsqu’il y a beaucoup de fer il se peut que les lignes soient verticales, il s’agit directement de l’écoulement de l’eau dans le sol, qui fait des belles lignes dans le milieu de la tranchée. Quand on voit cela, c’est certain qu’il faut que ça allume une petite lumière. Cela nous laisse penser que la nappe est à telle hauteur.
[49] Dans l’esprit du tribunal, de tels signes physiques ne peuvent tromper. La preuve est à l’effet qu’il soit effectivement possible de déceler la présence d’une telle bactérie dans le sol au moment de l’excavation. Partant de cette conjoncture, le développement de la bactérie ferreuse dans le terrain du Bénéficiaire ne peut être raisonnablement assimilé à un événement de force majeure complètement imprévisible, inévitable, irrésistible et extérieur.
[50] Dans tous les cas, même si le tribunal avait à déterminer si la hausse soudaine de la nappe phréatique constitue un événement de force majeure, il en viendrait à la même conclusion. L’expert M. Huot témoigne également à l’égard des signes physiques précurseurs indiquant la montée antérieure d’une nappe phréatique dans le sol. L’expert M. Petitpas abonde clairement dans ce sens :
Normalement, si vous examinez comme il faut la paroi, généralement on va voir la hauteur de la nappe phréatique et généralement cela va laisser une trace sur les parois excavées. Quelqu’un qui connait ça va le voir. Ce n’est pas parce que je n’ai pas d’eau dans le trou que nous ne sommes pas situés dans la nappe.
[Nos soulignements]
[51] Subsidiairement, le procureur de l’Entrepreneur allègue qu’il est possible pour celui-ci d’exonérer sa responsabilité en vertu de l’article 2119 C.c.Q. en ce que le vice ne pouvait être décelé par un examen attentif du sol et la montée soudaine de la nappe phréatique, de son côté, ne pouvait être raisonnablement prévue. L’Entrepreneur n’aurait donc commis aucune faute dans l’exécution de sa prestation. La disposition invoquée est reproduite ci-dessous :
2119. L’architecte ou l’ingénieur ne sera dégagé de sa responsabilité qu’en prouvant que les vices de l’ouvrage ou de la partie qu’il a réalisée ne résultent ni d’une erreur ou d’un défaut dans les expertises ou les plans qu’il a pu fournir, ni d’un manquement dans la direction ou dans la surveillance des travaux.
L’entrepreneur n’en sera dégagé qu’en prouvant que ces vices résultent d’une erreur ou d’un défaut dans les expertises ou les plans de l’architecte ou de l’ingénieur choisi par le client. Le sous-entrepreneur n’en sera dégagé qu’en prouvant que ces vices résultent des décisions de l’entrepreneur ou des expertises ou plans de l’architecte ou de l’ingénieur.
Chacun pourra encore se dégager de sa responsabilité en prouvant que ces vices résultent de décisions imposées par le client dans le choix du sol ou des matériaux, ou dans le choix des sous-entrepreneurs, des experts ou des méthodes de construction.
[Nos soulignements]
[52] D’autre part, le procureur soulève également l’application de l’article 2104 C.c.Q. permettant l’exonération de la responsabilité de l’Entrepreneur lorsque le bien vicié est fourni par les clients. Encore une fois, le texte de la disposition est reproduit ci-dessous :
2104. Lorsque les biens sont fournis par le client, l’entrepreneur ou le prestataire de services est tenu d’en user avec soin et de rendre compte de cette utilisation; si les biens sont manifestement impropres à l’utilisation à laquelle ils sont destinés ou s’ils sont affectés d’un vice apparent ou d’un vice caché qu’il devait connaître, l’entrepreneur ou le prestataire de services est tenu d’en informer immédiatement le client, à défaut de quoi il est responsable du préjudice qui peut résulter de l’utilisation des biens.
[Nos soulignements]
[53] Toujours selon l’argumentaire du procureur de l’Entrepreneur, le terrain étant un bien fourni par le Bénéficiaire à l’Entrepreneur préalablement à la construction de la résidence, ce dernier devrait être déchargé de toute responsabilité quant au vice de sol déclaré. Il soulève l’existence de l’acte notarié de vente du terrain qui indique que le Bénéficiaire, l’acheteur, a acheté ledit lot de 9012-6749 Québec inc., le vendeur, et non de l’Entrepreneur. Selon lui, cet élément révèlerait que le sol a en réalité été acheté d’un tiers par le Bénéficiaire, qui l’aurait ensuite fourni à l’Entrepreneur pour la construction de sa résidence. Il invoque que l’Entrepreneur ne peut alors être tenu responsable du préjudice découlant du terrain fourni par le Bénéficiaire puisque celui-ci est affecté d’un vice caché qu’il lui était impossible de connaître.
[54] Une fois de plus, le tribunal doit respectueusement rejeter les prétentions du procureur de l’Entrepreneur.
[55] D’abord, il est reconnu que l’Entrepreneur, lequel est tenu à une obligation de résultat, ne peut invoquer sa diligence et son absence de faute dans l’exécution des travaux afin d’exonérer toute responsabilité de sa part[4]. Il ne peut invoquer comme défense le fait qu’il ait procédé à des travaux d’excavation dans les règles de l’art puisqu’il n’a vu aucune présence d’eau à ce moment dans le fond excavé. Ces arguments n’apportent rien au présent débat.
[56] Ensuite, le procureur de l’Entrepreneur tente de faire rejeter la responsabilité de ce dernier en invoquant la prétendue imposition du choix du sol par le Bénéficiaire. À l’issue de la preuve présentée devant lui, le tribunal ne peut confirmer cette prétention.
[57] En 2012, l’Entrepreneur fait la publicité d’un projet clé en main. La construction de la résidence et la vente du terrain sont présentés comme un tout au Bénéficiaire. Les plans et devis sont fournis par l’Entrepreneur qui les a spécifiquement conçus pour être adaptés au terrain offert au Bénéficiaire. Au moment où il signe le contrat de construction, le Bénéficiaire signe également un document distinct qui lui est tendu, lequel s’intitule « promesse d’achat ». Celui-ci comporte un entête au nom et à l’adresse de l’Entrepreneur. La reproduction du passage suivant du document est pertinente :
Je nous soussigné(s) Sébastien Lepage, ci-après appelé l’acheteur, par la présente, promet d’acheter de Deltec Construction Inc. 193 Ave Ste-Brigitte-de-Laval (Québec), G0A 3K0, ci-après appelé le vendeur, un terrain connu et désigné comme le(s) numéro(s) 4 712 447 du cadastre officiel de la paroisse de Beauport circonscription foncière de Québec d’une superficie approximative de 390 mètres carrés.
[Nos soulignements]
[58] La promesse d’achat est signée par M. Nick Tremblay, représentant de l’Entrepreneur. Il y appose ses initiales au-dessus de la ligne identifiée à l’intention du « vendeur ». On peut également y lire que l’acte de vente subséquent à la promesse devra être notarié devant le notaire Me Jaky Lévesque au plus tard le 31 mai 2012.
[59] Postérieurement à la signature de la promesse d’achat, l’Entrepreneur informe le Bénéficiaire d’une erreur relativement au lot suggéré au document, et lui propose l’option alternative d’acheter un second lot désigné sous le numéro 4 712 448. Le Bénéficiaire accepte ce changement.
[60] La preuve étayée devant le tribunal est claire. Le Bénéficiaire cherchait un projet de type clé en main, lequel lui a été offert par l’Entrepreneur. Ce dernier s’est occupé de fournir les contrats nécessaires, les plans, le terrain, et d’ériger la résidence. En aucune façon le Bénéficiaire n’a imposé un choix de terrain à l’Entrepreneur. Il s’agit plutôt du cas contraire.
[61] Il est vrai que l’acte de vente notarié du terrain indique que dans les faits, le lot a été acheté d’un tiers vendeur, soit 9012-6749 Québec inc. Le tribunal ne met pas en cause la validité de l’acte authentique. Néanmoins, ce n’est pas parce que l’Entrepreneur n’est pas le vendeur réel aux termes de l’acte de vente qu’il n’a pas fourni le terrain en question au Bénéficiaire.
[62] Cela amène à faire la distinction qui s’impose avec la jurisprudence déposée par le procureur de l’Entrepreneur. Premièrement, la décision Promutuel Lévisienne-Orléans, société mutuelle d’assurances générales c. Fondations du St-Laurent (1998) inc.[5], précédemment citée dans les présentes, fait état d’une trame factuelle bien différente de celle qui nous occupe. Après avoir conclu à la présence d’un vice de sol, la Cour d’appel considère l’absence de responsabilité de l’entrepreneur puisque le terrain avait été fourni par les clients. En résumant les faits, la Cour écrit :
[6] Décidant d'agir comme maîtres d'œuvre pour la construction de leur maison, les acquéreurs du terrain font appel à divers professionnels pour la confection des plans et la réalisation des divers travaux. C'est ainsi qu’ils font appel à Modulex pour la conception des plans, à Tomtech Construction pour qu’elle agisse comme entrepreneur général et à l'intimée, Fondations du St-Laurent (1998) Inc., pour les travaux de fondations, incluant l'installation du drain périphérique.
[7] Les assurés de l’appelante et l’intimée conviennent, à cette fin, d'un contrat d'entreprise, lequel comporte, entre autres, les clauses suivantes :
1. Le client s'engage à fournir à Fondations du Saint-Laurent (1998) Inc. un plan et devis dans les dix (10) jours avant le début des travaux.
2. Fondations du Saint-Laurent s'engage envers le client à exécuter les travaux suivant le plan et devis fournis par le client et suivant les dimensions et quantités prévues au recto du contrat.
3. Le client déclare que le terrain sur lequel Fondations du St-Laurent (1998) Inc. exécutera ses travaux (solage, semelle, etc.) est prêt à recevoir cesdits travaux.
[Nos soulignements]
[63] La trame factuelle de la seconde décision déposée par le procureur de l’Entrepreneur, Guérette c. RN Fondations inc[6]., est sensiblement la même :
[3] Le demandeur reproche à R.N. Fondations d'avoir effectué la construction des semelles de la fondation dans la nappe phréatique de son terrain le tout, en contravention des règles de l'art.
[4] Le demandeur indique que cette situation et la présence d'ocre ferreuse dans son terrain ont entraîné des infiltrations d'eau dans son sous-sol. Il précise que le drain français installé par la défenderesse a été complètement obstrué par l'ocre ferreuse. Il a donc subi de nombreux dommages qui l'ont obligé à réaliser des travaux importants, incluant le changement du drain français.
[5] Le demandeur réclame maintenant à R.N. Fondations les coûts du nouveau drain installé en 2006 ainsi que les frais de nettoyage passés et futurs de celui-ci. Ces frais ne sont pas assumés pas son assureur. Il précise que l'importante quantité d'ocre ferreuse l'obligera à nettoyer plus d'une fois par année le nouveau drain. Il mentionne également plusieurs autres ennuis et inconvénients découlant de cette situation.
[6] La preuve révèle que monsieur Guérette a agi à titre de maître d'œuvre pour la construction de sa résidence.
[7] Il confirme avoir retenu les services des professionnels requis pour la préparation des plans et devis.
[8] Une fois les plans et devis complétés, il retient les services d'un sous-traitant qui procède, en sa présence, à l'excavation du sol. C'est un lundi. Aucun fait particulier n'est relaté par monsieur Guérette concernant les travaux d'excavation réalisés au début décembre 2003.
[Nos soulignements]
[64] Il est bien évident qu’il existe une différence notoire lorsqu’un client qui agit à titre de maître d’œuvre dans la construction de sa maison fait affaire avec les sous-traitants qu’il sélectionne personnellement, impose le terrain qu’il possède alors et fournit lui-même les plans et devis. Toute l’immixtion des clients survenue dans ces affaires se trouve à l’opposé de la situation du présent Bénéficiaire ayant retenu les services de l’Entrepreneur pour bénéficier du côté commode d’un projet clé en main.
[65] Au surplus, même si la preuve est à l’effet que le client n’a pas fourni à l’Entrepreneur le terrain affecté du vice, dans l’hypothèse où cela avait été le cas, il est intéressant de mettre en lumière l’existence d’un jugement récent sur la question. L’honorable Claude Dallaire, J.C.S., s’est effectivement attardée à un tel cas dans la décision Ferme Coulée Douce inc. c. Silos Roy-Larouche inc.[7] en évaluant la responsabilité d’un Entrepreneur ayant construit un silo sur un terrain ayant été préalablement fourni par le client :
[284] Il faut d’abord vérifier si Ferme a satisfait son fardeau de démontrer toutes les conditions d’application édictées par cet article.
[285] Ce n’est qu’une fois cela fait qu’elle peut bénéficier des effets de la présomption de responsabilité de cet article.
[286] Pour réfuter les effets de cette présomption, l’entrepreneur doit ensuite démontrer que le problème avec l’ouvrage résulte d’une force majeure ou d’une autre source que de lui-même.
[287] C’est précisément pour les raisons exposées précédemment que les clauses exonérant l’entrepreneur face au sol sont jugées illégales et qu’elles ne lui sont d’aucun secours pour faire rejeter un recours, lorsque l’article 2118 C.c.Q. s’applique.
[288] En effet, comme il est question de solidité d’immeubles et de sécurité du public, le législateur a mis en place une protection d’ordre public de direction en matière de construction d’ouvrages importants. Ainsi, lorsque l’ouvrage est affecté d’un vice de conception ou de construction, ce qui inclut un vice de sol, cela ouvre la porte à l’application de la présomption de 2118 C.c.Q., sous certaines conditions, lorsqu’un recours en responsabilité est entrepris contre l’entrepreneur.
[289] En l’espèce, nous sommes d’avis que toutes les conditions de 2118 C.c.Q. sont satisfaites. Les travaux ont été réalisés par SRL, un entrepreneur. SRL a conçu les plans du silo et a supervisé tous les travaux. Il y a eu perte de l’ouvrage, en ce que le silo s’enfonçait depuis quelques années, les expertises en demande démontrant qu’il était dangereux et qu’il aurait pu éventuellement tomber, car le sol sur lequel il est construit n’avait pas la capacité portante requise pour en assurer la stabilité, ce dernier élément étant confirmé également par l’expert de SRL. Il y a donc à la fois vice de conception de l’ouvrage et vice de sol, ainsi que perte en résultant, dans les cinq ans de la construction de l’immeuble.
[290] Pour échapper à cette présomption de responsabilité, l’entrepreneur devait démontrer que le problème du silo a été causé par un cas de force majeure ou par une cause extérieure, mais il n’a pas réussi.
[291] SRL devait donc s’assurer que le sol pouvait recevoir le silo, mais elle a omis de prendre les moyens raisonnables pour y arriver, et ce, même après que son client ait brandi le drapeau jaune, à ce sujet.
[Nos soulignements]
[66] En l’occurrence, le Bénéficiaire est un profane ayant fait le choix de retenir les services de l’Entrepreneur pour sa spécialisation dans la construction résidentielle. Même si le terrain avait réellement été fourni par le Bénéficiaire à l’Entrepreneur, le tribunal n’aurait d’autre choix que d’appliquer le raisonnement ci-haut reproduit et conclurait tout autant à la responsabilité de l’Entrepreneur.
Le pouvoir de l’arbitre d’imposer une méthode corrective spécifique
[67] Maintenant que le tribunal a statué eu égard à la couverture de la Garantie, demeure la question concernant l’imposition d’une méthode corrective spécifique.
[68] Notamment, la sentence arbitrale Syndicat de copropriété 4767 à 4827 8e avenue et 3189 rue Claude-Jodoin[8] traite de ce pouvoir d’imposition d’une mesure corrective par l’arbitre en reprenant les motifs invoqués dans la décision Lisa Rae et Michael Nutter[9] :
[88] La seule décision soumise dans le cadre de l’audition qui émane d’un tribunal civil et qui traite des pouvoirs du tribunal d’arbitrage d’ordonner des travaux correctifs en vertu du Règlement, est la décision de l’Honorable Jacques Dufresne J.C.S.
[89] Au paragraphe 91 de sa décision, le juge Dufresne écrit ceci :
91… L’arbitre a-t-il, toutefois, excédé sa compétence en imposant à l’entrepreneur de vérifier certaines composantes de la structure avant de procéder au relèvement du plancher de bois franc? Le tribunal ne le croit pas.
92 Après avoir constaté, à la lumière de la preuve entendue, dont la preuve d’expert présentée par les parties, l’existence et la nature du vice, l’Arbitre agit à l’intérieur de sa compétence lorsqu’il fixe les conditions de correction ou de réfection du plancher. Il détermine les travaux que l’Entrepreneur devra effectuer en vertu de la loi, et en définit les modalités d’exécution. En ce faisant, l’Arbitre accomplit son mandat à l’intérieur de la compétence que lui accorde la loi.
[90] En ce qui concerne les décisions arbitrales à ce sujet, ce tribunal d’arbitrage préfère suivre le raisonnement de l’arbitre Me Johanne Despatis qu’elle expose dans la cause Lisa Rae et Michael Nutter. Malgré le fait que cette décision a fait l’objet d’une révision judiciaire et d’un jugement de l’Honorable Kirkland Casgrain, J.C.S. et que ce jugement a été porté en appel devant la Cour d’appel du Québec, la partie de la décision de l’arbitre Johanne Despatis qui nous intéresse n’est pas affectée par le jugement de la Cour supérieure.
[91] Dans sa décision, l’arbitre Despatis cite avec approbation l’extrait suivant d’une décision de l’arbitre Jean Morrissette dans la cause Ménard et Les Entreprises Christian Dionne et Fils inc. :
[…]
Et l’arbitre Despatis continue :
(116) Je souscris à ces propos. L’administrateur a l’autorité pour paraphraser Me Morrissette de statuer sur les travaux que doit faire l’entrepreneur assujetti au Plan.
(117) Cet énoncé, avec égards, ne contredit pas celui de l’argument de l’administrateur voulant que l’entrepreneur ait le libre choix des méthodes correctives. En effet, puisque l’administrateur a le pouvoir de statuer sur la malfaçon, il a aussi, selon la jurisprudence, celui de choisi les travaux (à faire) pour corriger la malfaçon. En cela, le choix des travaux et méthodes d’exécution, renvoie à des réalités distinctes, la première désignant l’objet à faire et la seconde la façon d’y arriver.
(118) De nier en l’espèce à l’administrateur cette faculté reviendrait à lui permettre de contester sa propre décision en affirmant qu’à part de faire un constat de malfaçon ou de vice, l’administrateur serait inhabile à ordonner tels ou tels travaux correctifs. Ce serait là une interprétation absurde de la législation et contraire à l’esprit du plan.
(119) Il est de commune renommée qu’une sentence arbitrale à l’instar de tout jugement doit être exécutable. Or, des conclusions arbitrales qui ne porteraient que sur des formulations générales, susceptibles faute de précision de toutes les applications où les interprétations ne seraient pas conformes à ce principe fondamental qu’un jugement doit être exécutable. Cela signifie que si l’administrateur peut suivant le Plan indiquer les travaux à faire, l’arbitre susceptible de réviser la décision de l’administrateur peut donc également le faire lorsque l’administrateur ne l’a pas fait en conformité du Plan.
[…]
[93] En adoptant les motifs invoqués par l’arbitre Despatis et cités ci-haut dans la cause Lisa Rae et Michael Nutter et conformément à la décision précitée de l’Honorable Jacques Dufresne J.C.S. dans la Garantie Habitation du Québec et Sotramont inc., le tribunal d’arbitrage conclut que dans la présente cause, il possède la compétence d’ordonner à l’Entrepreneur d’effectuer des mesures correctives spécifiques. Cela signifie que la compétence du tribunal d’arbitrage, lorsque le vice ou la malfaçon sont prouvés, ne se limite pas à rendre une ordonnance de mesures correctives qui sont laissées au libre choix de l’Entrepreneur en autant que le résultat final soit satisfaisant.
[Nos soulignements]
[69] Le tribunal souscrit entièrement aux motifs invoqués précédemment et considère qu’il est de sa compétence d’imposer la méthode corrective appropriée à l’Entrepreneur.
La détermination de la méthode corrective appropriée
[70] En plaidoirie, le procureur de l’Administrateur invoque que le rôle du tribunal dans l’évaluation d’une méthode est de s’assurer de la conformité de la solution. Il ne s’agit pas de choisir la solution parfaite ni celle qui paraîtrait partiellement satisfaisante. Au final, les corrections doivent être conformes aux règles de l’art.
[71] Le tribunal n’hésite pas à adopter ce raisonnement juridique. D’ailleurs, la Cour d’appel s’est prononcée dans l’affaire Construction Réal Landry inc. c. Rae[10] en jugeant que le juge de première instance[11] avait substitué son opinion à celle de l’arbitre en retenant une méthode corrective qui lui paraissait plus satisfaisante que l’autre :
[27] Peut-on dire que, du point de vue d’une personne raisonnable, la solution adoptée par la Garantie et contestée par les intimés devant l’arbitre ne suffit pas à garantir « la réparation des malfaçons, etc. » dont est affligée la résidence des intimés - soit le manque d’étanchéité du radier? Je ne vois pas comment on pourrait tirer cette conclusion du dossier tel qu’il est constitué. Bien que la solution qu’ils critiquent ne soit pas celle que préfèrent les intimés, il s’agit de mesures correctives importantes et coûteuses; l’expert des intimés le reconnaît lui-même dans son expertise écrite, où il signale qu’il faudra travailler en sous-œuvre pour les mettre à exécution. L’arbitre motive explicitement sa conclusion sur ce point, les raisons qu’elle livre sont non seulement intelligibles mais cohérentes, et elles sont à vrai dire considérablement plus substantielles que les motifs contenus dans le jugement de la Cour supérieure.
[…]
[32] Le juge de première instance, on l’a vu, exprime en trois paragraphes les raisons pour lesquelles il en vient à la conclusion inverse. Les raisons qu’il invoque concernent uniquement le fond de la question débattue devant l’arbitre. Il appert de son jugement qu’il s’est limité à substituer son appréciation de la preuve (dont il a demandé et obtenu la transcription) à celle de l’arbitre, et qu’il a préféré à la solution que l’administrateur et l’arbitre jugeaient appropriée celle proposée par l’expert Rodrigue. Tel n’est pas le rôle de la Cour supérieure en révision judiciaire lorsqu’elle doit se prononcer sur le caractère raisonnable d’une sentence rendue en vertu du Règlement.
[33] Pour ces motifs, j’accueillerais l’appel avec dépens et je rétablirais la sentence arbitrale prononcée le 10 juin 2008.
[Nos soulignements]
[72] Respectueusement, le tribunal entre en désaccord avec le procureur de l’Administrateur en ce que bien qu’il n’ait pas à choisir la solution parfaite, il se doit cependant d’indiquer aux parties la solution qui permette effectivement la réparation de la malfaçon. En citant encore une fois la Cour d’appel[12] à ce propos :
[20] Enfin, elle (l’arbitre) rappelle quel est son rôle dans le cadre d’un arbitrage comme celui-ci, régi par le Règlement :
[135] La question, selon le Plan, à l’examen, n’est pas pour l’administrateur de retenir la solution qui serait idéale, qu’on l’appelle permanente ou autrement, mais bien de s’assurer de la conformité au Plan de la solution retenue, i.e. celle qui réparera la malfaçon ou le vice. Concrètement, il ne s’agit donc pas de rechercher et de choisir la solution parfaite ni celle qui paraîtrait parfaitement satisfaisante mais plutôt celle qui assurera la réparation de la malfaçon ou du vice décelé. C’est là le sens et la portée de la garantie offerte par le Plan contre les malfaçons et les vices.
[136] Ainsi, ce que les bénéficiaires devaient démontrer est que les solutions retenues par l’administrateur ne rencontrent pas ces attentes du Plan.
[137] J’ai indiqué déjà que le rôle de l’arbitre est d’assurer la conformité des décisions de l’administrateur, non de s’y substituer. Pour intervenir, l’arbitre doit dans un premier temps avoir été convaincue de l’à-propos en vertu du Plan d’écarter comme mal fondée la décision de l’administrateur.
[138] Concrètement ici, cela signifie que l’arbitre doit être convaincu au moyen d’une preuve prépondérante que les solutions retenues par l’administrateur, ne sont pas conformes au Plan en ce qu’elles ne débarrasseront pas l’immeuble du vice ou de la malfaçon l’affligeant.
Rien dans ce qui précède ne peut être qualifié d’interprétation déraisonnable du Contrat ou du Règlement; au contraire, ces propos s’inscrivent dans le courant de la jurisprudence arbitrale rendue en application du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[Nos soulignements]
[73] Le tribunal ne prétend pas avoir à choisir entre la meilleure des deux méthodes correctives présentées. Néanmoins, il est de son devoir d’imposer celle qui permette la réparation du vice si aux termes de la preuve, il est établi que l’autre méthode ne le permette pas.
[74] À l’issue de la preuve présentée à l’audience, le tribunal ne peut que faire le constat qui s’impose : seule la méthode corrective proposée par l’expert du Bénéficiaire peut être retenue car c’est la seule qui puisse répondre aux exigences du plan de garantie, soit la correction de la malfaçon.
[75] Tous les experts au dossier, y compris celui ayant témoigné en faveur de l’Entrepreneur, s’entendent sur le fait que le rehaussement des fondations de la résidence est la seule méthode susceptible d’apporter une correction permanente de la problématique. Tel que présenté par M. Petitpas et M. Huot, la présence d’ocre ferreuse étant naturelle, il est impossible d’éradiquer cet élément du sol. La création d’un fossé de drainage ou l’installation d’un autre drain ne sont pas susceptibles de régler la problématique, puisque la construction des semelles de fondation de la maison dans la nappe phréatique demeurerait alors dans le même état. En surélevant les assises de la propriété au-dessus de la nappe phréatique, l’élément nécessaire au développement de la bactérie ferreuse, soit l’eau, sera soustrait de l’addition. Il s’agit là, de la seule méthode permettant d’empêcher la prolifération du vice de sol.
[76] En raison d’un témoignage pour le peu confus, le tribunal peine à déterminer ce qui est concrètement proposé par l’expert de l’Entrepreneur en bout de ligne. À tout le moins, M. Thomassin semble suggérer le creusage d’une tranchée drainante parallèle à la résidence, le tout conjugué à l’installation d’un autre drain agricole plus approprié à la condition du sol. Le tribunal ne peut se résoudre à ordonner l’exécution de cette méthode corrective qui, tel qu’admis par l’expert lui-même, serait à recommencer près de cinq ans seulement après les travaux.
[77] En fait, il ressort du témoignage de ce dernier qu’il ne connait pas réellement les effets bénéfiques que peut amener la solution mise de l’avant. Ne l’ayant jamais testée antérieurement, l’expert suggère de procéder par méthodologie de type « essai-erreur ». Il ne dispose pas non plus de toutes les données nécessaires à la vérification de l’efficacité de sa méthode, indiquant au tribunal que celles-ci seront vérifiées en temps et lieu. Cela ne saurait sérieusement constituer une solution conforme aux règles de l’art et à l’esprit du plan de garantie.
[78] Il est à noter que la mesure corrective présentée devant le tribunal ne correspond pas à celle établie à l’écrit dans le rapport d’expertise déposé en pièce E-7. Quelques jours avant la tenue de l’audience, M. Thomassin a changé la teneur de son rapport quant à la mesure qu’il suggérait jusqu’alors en déposant un nouveau croquis. Ce changement substantiel subit témoigne de l’incertitude de l’expert lui-même quant à ses propres démarches.
[79] De manière supplétive, il importe de considérer l’aspect de la dangerosité des manœuvres hypothétiques suggérées par M. Thomassin. En effet, tel que témoigne M. Petitpas, comme les fondations de la résidence baignent présentement dans la nappe phréatique, excaver une tranchée drainante près de celles-ci comporte un énorme risque d’affaissement de la résidence dans la mesure où un sol gorgé d’eau est grandement malléable.
[80] Considérant ce qui précède et n’ayant aucune idée concrète de la capacité de la méthode proposée par M. Thomassin à régler la problématique permanente et naturelle, le tribunal doit sans équivoque rejeter celle-ci. Il n’a d’autre choix que d’ordonner le rehaussement des fondations de la résidence puisqu’il s’agit de la seule méthode mise en preuve devant lui étant conforme aux règles de l’art et à l’esprit du plan de garantie.
Conclusions supplémentaires
[81] Le tribunal termine en motivant son raisonnement sur le traitement réservé aux frais d’arbitrage encourus dans le présent dossier ainsi qu’aux frais d’expertise.
[82] En vertu de l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après désigné « Le Règlement »), lorsque le Bénéficiaire est demandeur, les frais d’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur, à moins que ce premier n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l’arbitre départage les coûts.
[83] Dans le présent dossier, le Bénéficiaire obtient gain de cause sur tous les aspects de sa réclamation. Les frais d’arbitrage sont donc à la charge de l’Administrateur.
[84] Également, l’article 124 du Règlement oblige l’arbitre à statuer, le cas échéant, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’Administrateur doit rembourser au Bénéficiaire lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.
[85] Dans le présent dossier, les frais relatifs à l’expertise du Centre d’expertise en bâtiments du Québec encourus en vue de la préparation à l’audience doivent être à la charge de l’Administrateur.
[86] Le Tribunal doit aussi faire droit à la demande de remboursement des factures de nettoyage sous pression du drain agricole de la résidence du Bénéficiaire, puisqu’il considère les frais de celles-ci couverts par la Garantie aux termes de l’article 18 (5) du Règlement. Ces frais ont été encourus pour l’exécution de travaux conservatoires, urgents et nécessaires à la préservation du bâtiment.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[87] ACCUEILLE la présente demande d’arbitrage;
[88] DÉCLARE que la demande du Bénéficiaire est couverte par le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs de La Garantie Qualité Habitation;
[89] ORDONNE à l’Entrepreneur ou à défaut à la Garantie de procéder aux mesures correctives qui s’imposent, soit le rehaussement des fondations de la résidence dans les quatre-vingt-dix (90) jours suivant la présente décision ou dans tout autre délai convenu par les parties;
[90] ORDONNE à l’Entrepreneur ou à défaut à la Garantie de remettre en état l’aménagement extérieur de la résidence dans les trente (30) jours suivant l’exécution des travaux;
[91] ORDONNE à l’Entrepreneur ou à défaut à la Garantie de remettre en état l’intérieur de la résidence affecté par les travaux, plus précisément mais non limitativement le sous-sol, dans les trente (30) jours suivant l’exécution des travaux;
[92] ORDONNE que les travaux soient supervisés par un ingénieur afin de déterminer la hauteur du rehaussement de la fondation, et ce, aux frais de l’Entrepreneur et/ou de la Garantie;
[93] ORDONNE à l’Entrepreneur ou à défaut à la Garantie de respecter le Code du bâtiment, les règlements de construction, les règles de l’art et les recommandations de l’ingénieur;
[94] ORDONNE à l’Entrepreneur ou à défaut à la Garantie d’obtenir les permis nécessaires à la Ville de Québec;
[95] ORDONNE à l’Entrepreneur ou à défaut à la Garantie d’obtenir à la fin des travaux une attestation de conformité de la Ville de Québec;
[96] RÉSERVE le droit du Bénéficiaire M. Sébastien Lepage de demander l’arbitrage s’il est insatisfait de la décision de l’Entrepreneur et/ou de l’Administrateur sur les travaux qu’ils s’apprêtent à exécuter;
[97] RÉSERVE les recours du Bénéficiaire M. Sébastien Lepage devant les tribunaux de droit commun;
[98] ORDONNE à la Garantie de procéder au paiement des frais d’arbitrage encourus jusqu’à la date de la présente décision;
[99] ORDONNE à la Garantie de rembourser au Bénéficiaire les frais d’expertise et de nettoyage du drain de fondation, et ce, dans un délai de trente (30) jours suivant la présente décision, selon les coûts ventilés comme suit :
- Factures de Bildrain |
1 381,76 $ |
- Factures du Centre d’expertise en bâtiments du Québec (M. Martin Huot) et de l’ingénieur M. Philippe Racine
|
4 627,26 $ |
TOTAL |
6 009,02 $ |
Québec, le 7 juin 2019
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Errol Payne, avocat
Arbitre / Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI)
[1] 2008 QCCQ 7060.
[2] 2010 QCCA 694.
[3] 1999 CanLII 10795 (QC CQ).
[4] Vincent KARIM, Contrats d'entreprise, contrat de prestation de services et l'hypothèque légale, 3e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2015, para. 1415.
[5] Supra, note 2.
[6] 2012 QCCQ 215.
[7] 2019 QCCS 1564.
[8] Syndicat de copropriété 4767 à 4827 8e Avenue et 3189 rue Claude-Jodoin et St-Luc Habitation inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.; Me Albert Zoltowski, arbitre, 27 avril 2010; dossier SORECONI : 2009-12-21.
[9] Lisa Rae et Michael Nutter et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. et Construction Réal Landry inc.; Me Johanne Despatis, arbitre, 10 juin 2008; Dossier GAMM : 2007-09-013.
[10] 2011 QCCA 1851.
[11] Rae c. Construction Réal Landry inc., 2009 QCCS 1913.
[12] Supra, note 10.