TRIBUNAL D’ARBITRAGE
Sous l’égide de
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC SDC CAMOMILLE, PHASE 2, BLOC 4
CCAC : S18-050101-NP 9677, rue de la Camomille,
Q. H. : 103382-11590 Québec (Québec) G2B 0N9
Bénéficiaire
c.
MILLÉNUM CONSTRUCTION INC.
2500, Beaurevoir, Québec, G2C 0M4
Entrepreneur
et
PRICEWATERHOUSECOOPERS INC. ÈS QUALITÉ D’ADMINISTRATRICE PROVISOIRE DE LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC., une société par actions ayant sa place d’affaires au 1250, boulevard René-Lévesque Ouest, Montréal, Québec, H3B 4Y1
Administratrice (Mise en cause)
ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE
GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(RLRQ, Chapitre B-1.1, r.8)
DÉCISION ARBITRALE RENDUE LE 7 JANVIER 2019
YVES FOURNIER ARBITRE
DÉCISION
HISTORIQUE DES PROCÉDURES
[1] Le 5 décembre 2017, le bénéficiaire, à savoir le Syndicat de copropriété Camomille, dénonçait à la garantie Qualité Habitation et à l’entrepreneur Millénum Construction Inc. le fait que le plancher de l’unité [...] vibrait. Le 27 mars 2018, le conciliateur, Yvan Gadbois, rendait une décision rejetant le recours du bénéficiaire.
[2] Le 1er mai 2018, le syndicat de copropriété portait la décision de l’administrateur en arbitrage. Le 3 mai 2018, le soussigné était nommé arbitre dans le présent dossier.
FAITS NON CONTESTÉS
[3] La date de la fin des travaux quant au bâtiment se situe au 28 juillet 2014. La date de la réception des parties communes remonte au 11 juillet 2015. La vibration de plancher n’apparaîtrait, selon la preuve, que dans l’unité [...], habitée actuellement par madame Marie Brindamour-Racine et son conjoint, Jean-Claude Racine.
[4] L’unité en cause fut achetée initialement par Carole Paquin en octobre 2014. Celle-ci aurait mentionné à la présidente du syndicat, madame Lyz Lapierre quelques mois après la prise de possession de son unité qu’elle avait ressenti des vibrations au niveau de son plancher. Aucune démarche auprès de la garantie ne fut alors entreprise. L’unité fut vendue à madame Marie Brindamour-Racine le 20 mars 2017. Elle et son conjoint ont emménagé dans l’unité [...] le 7 juin 2017.
[5] Peu de temps après la réception de son unité, des vibrations importantes du plancher sont ressenties par les occupants lors de leur déplacement et ce, principalement dans la pièce centrale (cuisine, salle à manger, salon). Au périmètre de ladite pièce les vibrations n’apparaissent pas.
[6] L’administrateur et l’entrepreneur reconnaissent l’existence des vibrations du plancher. L’arbitre a pu constater sans difficulté cette situation.
DÉCISION DE L’AMINISTRATEUR
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[7] Le Tribunal rapporte les considérants et la conclusion de la décision de l’administrateur :
Considérant que l’attestation du manufacturier des poutrelles de planchers se limite à la conception des poutrelles seulement sans pouvoir établir qu’elles ont été installées selon leurs spécifications;
Considérant qu’une firme de consultants en ingénierie a validé la conformité de la conception du bâtiment sans pouvoir confirmer que le bâtiment a été érigé selon les plans et devis;
Considérant qu’aucune visite chantier n’a été faite par un ingénieur pour vérifier la conformité de l’assemblage des poutrelles de planchers;
Considérant qu’aucune modification n’a été apportée au bâtiment depuis l’occupation de l’unité [...] en octobre 2014;
Considérant que les vibrations au plancher de l’aire de séjour de l’unité ont été perçues par les nouveaux copropriétaires peu de temps après leur emménagement en juin 2017;
Nous pouvons établir que les vibrations étaient présentes lors de la réception des parties communes en juin 2015;
N’ayant pas été constaté dans l’année suivante la réception des parties communes et dénoncé par écrit à l’entrepreneur et à la Garantie Qualité Habitation dans les délais prescrits, nous devons nous prononcer dans le cadre d’un vice caché au sens de l’article 2103 du Code civil du Québec (article 6.4.2.4 du texte de garantie).
La Garantie Qualité Habitation considère que la situation observée à ce point lors de l’inspection ne rencontre pas tous les critères du vice caché.
Selon les constatations réalisées sur les lieux et les informations obtenues de la part des parties impliquées, la situation était présente lors de la réception du bâtiment à un point tel que le premier acheteur aurait dû constater sa présence et la dénoncer au syndicat.
Par conséquent, La Garantie Qualité Habitation ne peut reconnaître ce point dans le cadre de son mandat.
[8] Ces considérants furent repris et confirmés lors de l’arbitrage.
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DISCUSSION ET ANALYSE
[9] La représentante du bénéficiaire a reconnu que le bâtiment n’avait pas fait l’objet de réparations ou de modifications depuis la réception en 2014.
[10] Les décisions (1) soumises par le bénéficiaire ne peuvent s’appliquer en l’espèce puisqu’il s’agit avant tout de déterminer si la problématique soulevée par ce dernier a été dénoncée dans les délais prescrits par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (2).
[11] Ce même Règlement traite de la garantie d’un plan dans le cas de manquement par l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes, à son article 27. La garantie du plan doit couvrir :
1o le parachèvement des travaux dénoncés, par écrit :
a) Par le bénéficiaire, au moment de la réception de la partie privative ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;
b) Par le professionnel du bâtiment, au moment de la réception des parties communes;
2o la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;
3o la réception des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons.
_______________________
(1) René et Louis Beaupré c. Constructions Robin Inc. et Garantie Qualité Habitation, SORECONI 040914001, 7 octobre 2004, Me Marcel Chartier, arbitre;
9050-2014 Québec Inc. c. SDC du Super 8 et Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, GAMM 2008-12-013, 20 avril 2009, Me Johanne Despatis, arbitre;
(2) Décret 841-98, 17 juin 1998, chapitre B-1.1, r.8
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4o la réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil;
5o la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux des parties communes ou, lorsqu’il n’y a pas de parties communes faisant partie du bâtiment de la partie privative et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.
(Je souligne)
[12] Même si le Tribunal qualifiait la problématique de malfaçons apparentes ou non apparentes, ou de vice caché, ou même de vice de conception, de construction ou de réalisation, il n’en demeure pas moins qu’à la limite le délai maximal de six (6) mois de la découverte n’a pas été respecté par le bénéficiaire.
[13] La preuve a révélé que madame Carole Paquin avait avisé la représentante du syndicat dans les premiers mois de la prise de possession de son unité [...]. Le syndicat ne s’est pas exécuté alors ou dans les six (6) mois à partir du moment où madame Paquin a pris connaissance de la problématique.
[14] Me François-Olivier Godin, procureur de l’administrateur, a soumis la décision de Me Jean Morissette dans l’affaire SDC Lot 3977437 (3) où l’arbitre écrit :
[25] à la première question soulevée, je décide que l’effet du Règlement ne pouvant être rétroactif, je dois examiner l’irrecevabilité de la demande d’arbitrage en fonction du texte en vigueur à la date de cette décision. Ainsi la disposition de la dénonciation dans un délai raisonnable, ne pouvant excéder 6 mois s’applique en l’espèce;
[26] Les principes afférents à cette disposition ont été maintes fois exprimés dans des décisions d’arbitrage ou par les tribunaux de droit commun. Le procureur de l’Entrepreneur a résumé ces divers principes de la façon suivante, jurisprudences à l’appui :
_____________________
(3) SDC Lot 3977437 c. Gestion Mikalin Ltée et Garantie Abritat Inc., GAMM 2013-15-011, Me Jean Morisette
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[a] Le délai de 6 mois est de rigueur;
[b] Il s’agit d’un délai de déchéance qui ne peut être ni suspendu ni prorogé;
[c] Le pouvoir d’agir en équité de l’arbitre ne lui permet pas de passer outre à ce délai en le suspendant ou en le prorogeant;
[d] L’ignorance du bénéficiaire ou sa bonne foi ne peuvent justifier qu’il soit passé outre à ce délai;
[e] Il en est de même des représentations et des promesses de l’entrepreneur et même des travaux de correction qu’il aurait entrepris et/ou effectués;
[f] Ce délai commence au moment où le bénéficiaire a connaissance d’un problème même s’il n’en connaît pas la cause;
[g] Dans ce délai, une dénonciation écrite doit être reçue de l’entrepreneur et de l’administrateur;
[h] Il est impératif que cette dénonciation soit reçue par l’entrepreneur et par l’administrateur dans ce délai de 6 mois;
[27] Voici quelques citations des textes de jurisprudence soumis qui font état des principes résumés :
…
(Je souligne)
[15] En l’espèce, le bénéficiaire n’avait pas à connaître le vice il n’avait qu’à dénoncer le problème lorsque madame Vachon en a pris connaissance.
[16] Le procureur de l’administrateur rappelle sur ce point la décision Hélène Parent c. Construction Yvon Loiselle et Garantie du bâtiment résidentiel neufs de l’APCHQ (4)
[41] Le procureur de la Bénéficiaire soulève un argument de texte à l’effet que l’article 10 stipule que ce sont les malfaçons, les vices cachés et les vices de construction qui doivent être dénoncés. Cette disposition ne stipule aucunement que le bénéficiaire doit dénoncer à l’Administrateur « un problème ». Sa prétention est à l’effet que la Bénéficiaire devait identifier le vice avant de le connaître et de pouvoir valablement le dénoncer à l’Administrateur conformément au Règlement. La simple dénonciation d’un problème sans en connaître la cause ne satisfait pas à l’obligation de dénoncer le vice.
_________________________
(4) GAMM 2012-11-007, 23 juillet 2012, Me Karine Poulin, arbitre
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[42] Avec égards, il s’agit d’une interprétation littérale de l’article 10 du Règlement qui omet de tenir compte de l’article 18 du même Règlement qui stipule que c’est le défaut de construction qui doit être dénoncé. Les dispositions législatives doivent s’interpréter les unes par les autres et tenir compte du contexte.
[43] Dans le cas du Règlement sous étude, il s’agit d’un règlement d’ordre public de protection. Les dispositions du Règlement sont impératives et applicables à tous. Les parties ne peuvent contractuellement y déroger.
[44] Le défaut de construction, tel que mentionné à l’article 18 du Règlement, réfère à la même réalité juridique : soit la malfaçon, le vice caché et le vice de construction, chacun à des degrés divers de gravité. L’article 18 est rédigé dans des termes suffisamment larges pour permettre d’englober ces 3 réalités.
[45] La jurisprudence est constante à l’effet que c’est la connaissance de l’existence d’un problème qui déclenche l’obligation de dénonciation. Prétendre que la Bénéficiaire devait connaître la nature du vice, i.e. procéder à toutes les analyses avant de le dénoncer à l’Entrepreneur avec copie à l’Administrateur serait lui imposer un trop lourd fardeau.
[46] D’ailleurs, si tel devait être l’interprétation du Règlement, il y a longtemps que l’Administrateur aurait soulevé ce point afin de faire échec à des dénonciations qui pourraient être considérées comme prématurées.
[47] Par conséquent, j’estime que ce que devait dénoncer la Bénéficiaire à l’Entrepreneur avec copie à l’Administrateur c’est l’existence d’un problème, quel qu’il soit.
[17] Bien que la position du bénéficiaire soit fort sympathique et que madame Racine a montré une préparation soignée pour l’arbitrage, le Tribunal doit juger selon le texte du Règlement et en fonction de l’enseignement de la jurisprudence applicable en l’espèce.
[18] Le Tribunal conclut que la décision de l’administrateur est bien fondée et qu’elle doit être maintenue.
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POUR CES MOTIF, LE TRIBUNAL :
DÉCLARE que la décision du conciliateur Yvan Gadbois est bien fondée en faits et en droit;
REJETTE l’appel du bénéficiaire;
CONDAMNE le bénéficiaire à payer la somme de 50$ dollars au Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC) et ce, dans les trente (30) jours des présentes, avec intérêts au taux légal, majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code Civil du Québec, au-delà de ce délai;
CONDAMNE l’administrateur à payer les frais d’arbitrage, moins la somme de 50$ dollars payables par le syndicat avec intérêts au taux légal, majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de facturation émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de carence de 30 jours;
RÉSERVE à l’administrateur ses droits à être indemnisé par l’entrepreneur et/ou caution(s), pour toute somme versée, incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par.19 de l’annexe du Règlement) en ses lieux et place et ce, conformément à la convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.
MONTRÉAL, CE 7 JANVIER 2019
Yves Fournier
YVES FOURNIER
ARBITRE
Me François-Olivier Godin
Procureur pour la Garantie Habitation du Québec Inc.
Me Claude Lavoie
Procureur pour l’entrepreneur