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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE

DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

 

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment:

CENTRE CANADIEN D'ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)

 

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   ENTRE:                               MONSIEUR PATRICK BÉGIN

 

                                                                         (ci-après désigné « le Bénéficiaire »)

 

 

                                                LES CONSTRUCTIONS S.P.R. POULIOT INC.

 

                                                                          (ci-après désignée « l'Entrepreneur »)

 

 

                                                LA GARANTIE DES MAISONS NEUVES DE L'APCHQ

 

                                                                        (ci-après désignée « l'Administrateur »)

 

 

 

   No dossier CCAC:  S09-191101-NP

 

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DÉCISION ARBITRALE

 

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   Arbitre:                                                       Me Reynald Poulin

 

   Pour le Bénéficiaire:                                  M. Patrick Bégin

 

   Pour l'Entrepreneur:                                  Me Clément Goulet

 

   Pour l'Administrateur:                               Me Patrick Marcoux

 

 

 

 

Identification complète des parties

 

 

Arbitre:                                                        Me Reynald Poulin

                                                                   79, boul. René-Lévesque Est

                                                                   Bureau 200

                                                                   C.P. 1000, Haute-Ville

                                                                   Québec (Québec)  G1R 4T4

 

 

Bénéficiaire:                                               Monsieur Patrick Bégin

1103, rue de Cassiopée

Saint-Jean-Chrysostome (Québec) G6Z 3R9

 

 

 

Entrepreneur:                                             Les Constructions S.P.R. Pouliot inc.

698, rue Félix-Leclerc

Pintendre (Québec)  G6C 1T5

Et son procureur:

Me Clément Goulet

Langlois Gagnon Therrien Goulet & associés

 

 

 

Administrateur:                                          La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APQHQ inc.

                                                                  5930, boul. Louis-H. Lafontaine

Anjou (Québec)  H1M 1S7

Et son procureur:

Me Patrick Marcoux

Savoie Fournier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DÉCISION ARBITRALE

 

 

INTRODUCTION

 

[1]        Par une lettre datée du 18 novembre 2009, l'Entrepreneur a demandé l'arbitrage d'une décision rendue en date du 26 octobre 2009 par l'inspecteur Yvan Gadbois, technologue professionnel, agissant alors pour l'Administrateur.

 

[2]        Tel que confirmé en cours d'audition, seul le point 1 intitulé «Dénivellation du plancher et mouvement à la fondation» est visé par la demande d'arbitrage de l'Entrepreneur.

 

[3]        Cette demande est fondée principalement sur trois (3) motifs. Le premier consiste à prétendre que le problème dénoncé par le Bénéficiaire ne constitue pas un vice caché. Dans un deuxième temps, si tant est que le problème dénoncé par le Bénéficiaire constituerait un vice caché, ce que l'Entrepreneur nie, ce dernier prétend que l'Administrateur a omis de tenir compte que le problème n'a pas été dénoncé par écrit à l'Entrepreneur et à l'Administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte ou de la survenance du vice. Enfin, l'Entrepreneur prétend que l'Administrateur a également omis, ce qui rendrait sa décision incorrecte, de tenir compte que l'Entrepreneur n'avait aucunement participé à l'achat du terrain par le Bénéficiaire.

 

[4]        Dans le cadre d'une audience préliminaire tenue par voie de conférence téléphonique le 11 janvier 2010, l'Entrepreneur a réitéré qu'il soulevait un moyen d'irrecevabilité basé sur le défaut de dénonciation écrite à l'Entrepreneur et à l'Administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne pouvait excéder six (6) mois de la découverte ou de la survenance du vice. Ainsi, toutes les parties ont consenti à ce que ce moyen préliminaire à l'encontre de la demande du Bénéficiaire soit décidé, dans un premier temps, dans le cadre d'une audience particulière.

 

[5]        Les procureurs de l'Entrepreneur et de l'Administrateur, de même que le Bénéficiaire personnellement se sont engagés à présenter leur preuve et faire valoir leurs moyens de droit au sujet de cette question particulière.

 

[6]        À noter que la décision de l'Administrateur ne traite pas directement de cette question d'irrecevabilité de la demande de réclamation du Bénéficiaire.

 

 

LA PREUVE

 

            A)        Les documents produits au dossier d'arbitrage

 

[7]        À l'audition, les parties ont convenu que les pièces identifiées A-1 à A-10 incluses au Cahier de pièces émis par l'Administrateur et transmis tant au Bénéficiaire qu'à l'Entrepreneur était déposé au dossier d'arbitrage. Ces pièces ont donc été valablement produites sous réserve évidemment de leur pertinence et leur force probante.

 

[8]                    De même, il fut également produit au dossier d'arbitrage des courriels datés du 29 septembre 2008, identifiés comme pièce B-1. Ces courriels provenaient du Bénéficiaire et d'une représentante de l'Entrepreneur. Sous réserve de leur pertinence et de leur force probante, ces courriels ont donc également été valablement produits en preuve.

 

            B)        Les témoignages

 

[9]        Étant demandeur en arbitrage, de même qu'en irrecevabilité, l'Entrepreneur a fait entendre, dans un premier temps, M. Serge Pouliot (ci-après désigné «M. Pouliot»), son représentant.

 

[10]      M. Pouliot a ainsi été interrogé par le procureur de l'Entrepreneur.

 

[11]      Ce témoin réfère immédiatement à sa signature, en date du 24 novembre 2006, de la «Déclaration de réception du bâtiment» (pièce A-5). Il précise qu'à la deuxième page de ce document, soit à la section «Éléments à corriger et à réparer», il fut indiqué «Fissures dans la fondation (côté ouest) à réparer». M. Pouliot ajoute que, déjà à cette époque, une fissure était apparente au solage de la résidence unifamiliale neuve construite à la demande du Bénéficiaire. Durant son témoignage, M. Pouliot mentionne qu'à trois (3) reprises, des fissures ont été réparées par l'Entrepreneur à la résidence du Bénéficiaire. Il mentionne que la fissure identifiée à la «Déclaration de réception du bâtiment» (pièce A-5), comme étant l'une de celles apparaissant à la photographie # 4 se retrouvant à l'étude géotechnique réalisée par la firme LVM-Technisol inc. en octobre 2009 et produite au dossier d'arbitrage par l'Administrateur (pièce A-8) (ci-après désignée l'«étude géotechnique A-8»). Ce fait est contredit par le Bénéficiaire.

 

[12]      M. Pouliot témoigne par la suite au sujet de la deuxième fissure qui serait apparue sur le solage de la résidence du Bénéficiaire. Selon lui, la première fissure était demeurée stable et cette deuxième fissure, d'une largeur variant de 1/8" à 3/16" aurait été réparée un (1) an ou un an et demi (1 ½) après la première. Logiquement et suivant le témoignage de M. Pouliot, cette deuxième réparation aurait donc eu lieu durant la première moitié de l'année 2008.

 

[13]      De l'aveu même de M. Pouliot, la première fissure aurait été colmatée par l'extérieur et ne se rendait pas jusqu'à la fenêtre, comme l'expose la photographie # 4. Le Tribunal a compris que cette fissure était la plus petite et située au-dessus de la fenêtre. Cette fissure n'était pas «catastrophique» selon lui.

 

[14]      Il identifie la deuxième fissure comme étant celle apparaissant à la photographie # 5 de l'étude géotechnique A-8. Il précise que l'Entrepreneur a procédé à la réparation de cette deuxième fissure et qu'au même moment, il y aurait eu réparation de la fissure au bas de la fenêtre, cette fois, apparaissant à la photographie # 4 de cette même étude.

[15]      L'arbitre soussigné constate que les photographies # 4 et # 5 de l'étude géotechnique A-8 montrent la même fenêtre, soit celle située dans le solage du côté gauche à l'avant de la résidence. À la révision de la photographie # 1 et de l'endroit des forages apparaissant au dessin de localisation de cette même étude (Annexe 5 et photographies # 2 et # 3 situant les forages exécutés), une seule fenêtre est présente dans le solage à l'avant de la résidence du Bénéficiaire.

 

[16]      M. Pouliot ajoute qu'une troisième réparation de fissure aurait été exécutée au printemps 2009. Il précise que cette réparation avait été justifiée puisqu'une fissure s'était élargie depuis une précédente intervention.

 

[17]      Après ce témoignage, le Tribunal ignore quelle(s) fissure(s) fut(furent) précisément l'objet de réparations exécutées par l'Entrepreneur et à quelle(s) époque(s). Il se dégage néanmoins que ce dernier ne considérait pas la résidence du Bénéficiaire affectée d'un vice (du moins l'un de ceux visés au contrat de garantie) avant le printemps 2009.

 

[18]      Le Bénéficiaire Patrick Bégin a, par la suite, témoigné.

 

[19]      Il est apparu au soussigné que M. Bégin avait un meilleur souvenir des fissures étant apparues à la fondation de sa résidence et du moment de réparations de celles-ci. En effet, son témoignage fut précis et comportait des références détaillées aux photographies préalablement identifiées par M. Pouliot et que l'on retrouve à l'étude géotechnique A-8.

 

[20]      M. Bégin précise d'abord que la fissure identifiée à la «Déclaration de réception du bâtiment» signée par lui-même le 27 novembre 2006 était celle apparaissant à la photographie # 5 de l'étude géotechnique A-8. Tel que nous pouvons le remarquer, cette fissure apparaît (en octobre 2009 du moins) relativement large et similaire à celle se retrouvant en bas de la même fenêtre montrée à la photographie # 4 de cette étude. M. Bégin qualifie la fissure, au moment de la livraison, d'assez large. Le Tribunal précise immédiatement que cette première fissure, selon M. Bégin, n'est pas celle identifiée par M. Pouliot dans son témoignage.

 

[21]      La deuxième fissure qui serait apparue, selon M. Bégin, serait celle identifiée à la photographie # 4, soit en haut de la fenêtre située dans le solage du côté gauche à l'avant de la résidence. Approximativement six (6) mois après l'apparition de cette deuxième fissure, une autre fissure serait apparue en bas du côté gauche de cette même fenêtre, en direction du sol, soit celle identifiée à la photographie # 5. Ces deux (2) nouvelles fissures auraient été réparées un (1) an ou un an et demi (1 ½) après la Déclaration de réception du bâtiment, soit dans la première moitié de l'année 2008, ce qui concorde avec le témoignage de M. Pouliot.

 

[22]      À l'automne 2008, M. Bégin aurait constaté que l'un des joints de réparation, soit celui de la première fissure apparaissant à la photographie # 5, était anormal. Il précise avoir transmis un courriel à ce sujet à l'Entrepreneur. M. Bégin réfère ainsi aux courriels produits au dossier d'arbitrage comme pièce B-1. Il appert de ces courriels que M. Bégin avait détecté un problème à une fenêtre, soit celle située dans le solage du côté gauche à l'avant de la résidence. L'Entrepreneur, par l'entremise de M. Christian Vachon, a fait le suivi de cette demande. Voici ci-après le texte des courriels pertinents:

 

                        «Merci  Full Eric,

Tu me diras comment ça été avec Serge pour la fenêtre.

À bientôt

Patrick»

 

            (M. Bégin a admis qu'il s'était trompé de prénom et aurait dû appeler son interlocuteur Christian, voir courriels B-1)

 

«Salut Patrick,

Serge est passé voir et on va s'occuper de faire la réparation. Il y aurait effectivement eu un mouvement. Donc je te tiens au courant.

Bonne semaine!

Christian

Constructions Serge Pouliot inc.»

 

[23]                  M. Bégin ajoute également avoir mis en vente sa résidence en avril 2009. Dans le cadre d'une visite de la maison, les possibles acheteurs ont remarqué une dénivellation à l'intérieur de la résidence. Après avoir été avisé de ce qui précède par M. Bégin, M. Pouliot se serait déplacé très rapidement à la résidence et constaté, avec un instrument de type laser, qu'il y avait effectivement une dénivellation perceptible. Selon M. Bégin, M. Pouliot lui aurait alors indiqué que le poids de la neige pouvait venir affecter la stabilité de l'immeuble. À cette occasion, M. Pouliot lui aurait également dit avoir été informé, par quelqu'un, d'une certaine instabilité du sol à l'époque de la construction et que, malgré cela, la Ville de Saint-Jean-Chrysostome aurait néanmoins émis le permis de construction pour la résidence.

 

[24]                  Étant contre-interrogé à ce sujet par le procureur de l'Entrepreneur, M. Bégin précisa que c'était la première fois, à sa connaissance, qu'un tel problème survenait dans son secteur et qu'il n'avait été mis au courant, par son voisinage, d'aucune problématique de sol semblable.

 

[25]                  Selon M. Pouliot, la réparation n'aurait été exécutée qu'au printemps 2009, soit quelques mois après les échanges de courriels B-1.

 

[26]      À la suite du témoignage de M. Bégin, M. Pouliot fut réinterrogé par le procureur de l'Entrepreneur. M. Pouliot précise à nouveau que la dernière réparation a été exécutée au printemps 2009. Avant cette dernière réparation, la fissure était moins large et, au printemps 2009, lors de la réparation qui faisait suite aux courriels B-1, il qualifie alors cette fissure de «majeure» puisqu'elle s'était «élargie».

 

 

ARGUMENTATION DE L'ENTREPRENEUR

 

[27]      Le procureur de l'Entrepreneur souligne, en premier lieu, que lors de la signature de la Déclaration de réception du bâtiment en date du 27 novembre 2006, par le Bénéficiaire, il y avait déjà présence d'une fissure dans les fondations. Il souligne également qu'il y a eu des travaux de réparation à plus d'une reprise. Se référant aux courriels B-1, il soumet que la computation du délai de dénonciation écrite maximal de six (6) mois à l'Administrateur devrait débuter en septembre 2008.

 

[28]      Il réfère ensuite le Tribunal au passage suivant de la décision de l'Administrateur du 26 octobre 2009 (pièce A-9):

 

«Nous avons également été informé qu'une fissure à la fondation a été réparée en 2007 à l'aide d'un produit de scellement, situation qui semble indiquer un mouvement du sol sous les fondations

 

(Soulignement de l'arbitre)

 

[29]      Malgré que le représentant de l'Administrateur n'ait pas conclu au non-respect du délai de dénonciation maximal de six (6) mois dans la décision visée par l'arbitrage, le procureur de l'Entrepreneur prétend que la demande de réclamation du Bénéficiaire est irrecevable pour ce motif. En plus des courriels B-1 de septembre 2008, il s'appuie aussi sur l'hypothèse de mouvement de sol, se retrouvant à l'extrait cité précédemment, pour démontrer l'outrepassement du délai de dénonciation.

 

[30]      L'Entrepreneur dépose une série de cinq (5) décisions arbitrales, lesquelles se décrivent, en ordre chronologique, de la façon suivante:

 

1.      Syndicat de copropriété du 4570-4572 de Bréboeuf inc. c. Construction Précellence inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., Alcide Fournier, arbitre, 5 septembre 2005

 

2.      Fleurant c. 9054-4651 Québec inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., Claude Mérineau, arbitre, 7 juin 2006

 

3.      Gagnon et Saindon c. Les Constructions Levasseur inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., Marcel Chartier, arbitre, 12 décembre 2006

 

4.      Esmaeilzadeh Danesh c. Solico inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., Jean Philippe Ewart, arbitre, 5 mai 2008

 

5.      Syndicat de copropriété 7000 chemin Chambly c. Landry & Pépin construction inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., Michel A. Jeanniot, arbitre, 23 octobre 2008.

 

[31]      Le Tribunal traitera immédiatement de ces décisions.

 

[32]      Dans la décision Syndicat de copropriété du 4570-4572 de Bréboeuf inc. c. Construction Précellence inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., l'arbitre Alcide Fournier, après avoir conclu que ce n'était qu'à «l'été 2003 que les copropriétaires ont pris conscience de la gravité du problème», a décidé que la dénonciation écrite à l'administrateur, plus d'un an et demi après cette prise de conscience, était hors délai et qu'il ne pouvait prolonger le délai de six (6) mois prévu au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, (L.R.Q., c. B-1.1, r. 0.2). Au-delà de la qualification des pouvoirs de l'arbitre en matière de délai, nous pouvons faire certains rapprochements factuels avec le présent dossier.

 

[33]      Quant à l'affaire Fleurant c. 9054-4651 Québec inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., il semble que la découverte du désordre, soit un écoulement d'eau dans une salle de bain, avait eu lieu quatorze (14) mois avant la dénonciation écrite à l'administrateur. De plus, l'entrepreneur a collaboré à de nombreux travaux pour corriger des vices de construction affectant la résidence. Il n'y avait donc pas de problématique quant à la date de découverte du vice comme en l'instance.

 

[34]      Dans l'affaire Gagnon et Saindon c. Les Constructions Levasseur inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., l'arbitre Marcel Chartier, lequel semble appliquer les règles de l'équité, analyse les faits afin d'y déceler, puisqu'il était d'avis que le bénéficiaire devait en faire la preuve, de l'impossibilité ou la quasi-impossibilité de dénonciation à cause de pourparlers supposément dissuasifs avec l'administrateur. Ce qui distingue, notamment, cette décision de la présente affaire, se retrouve au paragraphe 31 où l'on peut lire que le bénéficiaire aurait admis:

 

Ÿ               avoir négligé de lire le contrat;

Ÿ               ne pas avoir respecté le délai de six (6) mois en attendant quatorze (14) mois;

Ÿ               avoir attendu délibérément les résultats pour le même problème chez ses voisins ou dans son secteur, et

Ÿ               ne pas s'être informé même tardivement sur le «Règlement ou sur le contrat».

 

Dans ces circonstances, le Tribunal d'arbitrage a rejeté, avec raison selon le soussigné, la demande des bénéficiaires.

 

[35]      Les deux (2) autres décisions qu'a citées le procureur de l'Entrepreneur sont des décisions de principe sur la qualification et les pouvoirs du Tribunal d'arbitrage eu égard au délai de dénonciation écrite à l'entrepreneur et à l'administrateur maximal de six (6) mois. La décision arbitrale Esmaeilzadeh Danesh c. Solico inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. est une décision de principe fréquemment citée par les arbitres ayant à appliquer le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, (L.R.Q., c. B-1.1, r. 0.2). Le passage suivant décrit les conclusions, auxquelles souscrits le soussigné, de l'arbitre Jean Philippe Ewart dans cette affaire:

 

«[64]   In conclusion, this Court is of the view that:

 

§         The notice in writing to be given to the Contractor and the Manager in accordance with section 10 of the Regulation is in effect a denunciation, it must be in writing, it is essential and imperative, and, as the Manager is concerned, is a substantive condition precedent to the respective rights of the Beneficiary to require the coverage of the Guarantee Plan and to require arbitration in connection thereto.

 

§         The six month delays under section 10 of the Regulation are each in the nature of a delay of forfeiture, delays of forfeiture are of public order and the failure by the Beneficiary to give notice to the Manager in writing within such delay of six months extinguish the respective rights of the Beneficiary to require the coverage of the Guarantee Plan and to require arbitration in connection thereto.

 

§         The foreclosure of the rights of the Beneficiary by the expiry of the six month delays under section 10, as the Manager is concerned, to have the Beneficiary require the coverage of the Guarantee Plan and to require arbitration respectively, are not subject to the provisions of suspension or interruption applicable in certain circumstances to delays of prescription.

 

§         The Court does not have discretion to extend the six month delays under section 10, including neither under 'an impossibility to act' concept nor any 'reasonable delay thereafter' element, both of which do not find application under section 10 of the Regulation.»

 

[36]      L'arbitre Michel A. Jeanniot, dans la décision Syndicat de copropriété 7000 chemin Chambly c. Landry & Pépin construction inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., a appliqué les principes se dégageant de l'affaire Danesh et a également cité l'affaire Niki Apollonatos & George Karounis c. Habitations Luxim inc. et La Garantie des maisons neuves de l'APCHQ inc. rendue, une fois de plus, par l'arbitre Jean Philippe Ewart, au sujet des caractéristiques de ce délai de dénonciation écrite maximal:

 

«[54]   En résumé, la dénonciation prévue à l'article 10 du Règlement se doit d'être par écrit, est impérative et essentielle, le délai de six mois prévu au même article emporte et est un délai de déchéance, et si ce délai n'est pas respecté, le droit des Bénéficiaires à la couverture du plan de garantie visé et au droit à l'arbitrage qui peut en découler sont respectivement éteints, forclos et ne peuvent être exercés.»

 

[37]      Ce qui précède apparaît être, au soussigné, l'état du droit actuel en matière d'arbitrage du Règlement quant au délai maximal de dénonciation écrite de six (6) mois.

 

 

ARGUMENTATION DE L'ADMINISTRATEUR

 

[38]      Essentiellement, le procureur de l'Administrateur a référé le Tribunal à l'affaire Esmaeilzadeh Danesh c. Solico inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. comme étant la décision applicable au moyen d'irrecevabilité soulevé par l'Entrepreneur.

 

[39]      De plus, le procureur de l'Administrateur a soumis que les courriels B-1, lesquels n'étaient pas en possession de l'Administrateur au moment de rendre sa décision datée du 26 octobre 2009, justifiaient minimalement le Tribunal de s'y attarder.

 

[40]      Le Tribunal soulève toutefois que l'Administrateur a souligné, à la page 3 de sa décision contestée en l'instance, que la réparation d'une fissure à la fondation en 2007 «semblait indiquer un mouvement du sol sous les fondations». Malgré ce qui précède, le Tribunal précise encore une fois que l'Administrateur n'a pas déclaré irrecevable la demande de réclamation du Bénéficiaire.

 

 

ARGUMENTATION DU BÉNÉFICIAIRE

 

[41]      M. Bégin précise d'abord que des fissures ont été effectivement constatées aux fondations de sa résidence, au fil des années, mais que jamais lui ou l'Entrepreneur, avant le printemps 2009, ne les avait associées à la présence d'un vice visé au Plan de garantie. Il ajoute ne pas être un expert dans le domaine et que si l'une ou l'autre de ces fissures étaient la manifestation d'un vice, l'Entrepreneur était beaucoup mieux placé que lui pour l'en avertir, ce qu'il n'a pas fait malgré qu'il en ait eu l'opportunité. Au contraire, l'Entrepreneur a même expliqué les manifestations du printemps 2009 par le poids de la neige sur la résidence.

 

[42]      Par conséquent, il prétend, par l'envoi de sa dénonciation datée du 19 avril 2009 et reçue par l'APCHQ le 6 mai 2009, avoir respecté le délai raisonnable prévu au Règlement et au contrat de garantie.

ANALYSE ET DÉCISION

 

[43]      Tel que précisé à la décision interlocutoire rendue en l'instance, le Tribunal doit décider du moyen préliminaire soumis par l'Entrepreneur à l'effet que le délai de dénonciation écrite n'aurait pas été respecté par le Bénéficiaire en ce que l'avis écrit à l'Entrepreneur et à l'Administrateur n'a pas été expédié dans un délai raisonnable, lequel ne doit pas excéder six (6) mois de la découverte ou de la survenance du vice.

 

[44]      Suivant la preuve documentaire, il appert que la demande de réclamation du Bénéficiaire, soit celle transmise par écrit en date du 19 avril 2009, tant à l'Entrepreneur qu'à l'Administrateur, l'a été dans la troisième année suivant la réception du bâtiment, de même que suivant la fin des travaux de construction de la résidence. Par conséquent, les garanties prévues au Règlement et au contrat de garantie (pièce A-4) visant la présence de vice caché ou de vice majeur pourraient possiblement trouver application en l'espèce.

 

[45]      Les alinéas 4 et 5 de l'article 10 du Règlement précisent ce qui suit:

 

«10.  La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

 

4o   La réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

 

5o      La réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation

 

(Soulignement de l'arbitre)

 

[46]      De même, les articles 3.3 et 3.4, de la section «Garantie relative aux bâtiments non détenus en copropriété divise» prévue au contrat de garantie (pièce A-4), prévoient ce qui suit:

 

«3.3    Vice caché

 

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. réparera les vices cachés qui sont découverts dans les trois (3) ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil du Québec.

 

3.4      Vice majeur

 

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. réparera les vices majeurs qui apparaissent dans les cinq (5) ans suivant la fin des travaux et qui sont dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte ou souvenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation

 

(Soulignement de l'arbitre)

 

[47]      Le moyen d'irrecevabilité soulevé par l'Entrepreneur nécessite, selon le soussigné, la détermination, par le Tribunal d'arbitrage, du début de computation du délai de dénonciation écrite maximal de six (6) mois bien plus que la prolongation, possible ou non, de ce délai.

 

[48]      En effet, le Bénéficiaire ne prétend pas à la possibilité de prolonger ce délai de dénonciation écrite (le délai pertinent au vice caché ou celui pertinent au vice majeur) mais prétend plutôt l'avoir respecté.

 

[49]      Ainsi, pour décider du moyen d'irrecevabilité, il faut déterminer si plus de six (6) mois se sont écoulés avant la réception par l'Administrateur et l'Entrepreneur de la demande de réclamation du 19 avril 2009 (pièce A-6), depuis la découverte du vice caché ou la découverte de la survenance d'un vice majeur ou en cas de vices ou pertes graduelles, de la première manifestation.

 

[50]      Rappelons maintenant la preuve testimoniale et documentaire pertinentes au sujet de la découverte de tels vices, tel que décrit au Règlement et au contrat de garantie (pièce A-4).

 

[51]      Le 24 septembre 2005, le Bénéficiaire acquiert, pour une somme de 38 500,00 $, en plus des taxes applicables, un terrain connu comme étant le 1103, rue Cassiopée, Saint-Jean-Chrysostome. Le 23 novembre 2005, l'Entrepreneur soumet au Bénéficiaire un devis descriptif (pièce A-2) pour la construction d'une résidence unifamiliale de deux (2) étages incluant, notamment, les travaux d'excavation, fondations et remblai pour une somme de 107 692,69 $, en plus des taxes applicables. Est incluse à cette soumission, la garantie des maisons neuves de l'APCHQ. Le Bénéficiaire a signé cette soumission et, considérant qu'il n'y a pas eu d'autre preuve d'un contrat entre les parties, cette soumission acceptée apparaît au Tribunal comme étant le contrat d'entreprise intervenu.

 

[52]      Le 28 novembre 2005, un contrat de garantie (pièce A-4) conforme aux normes et critères établis au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q., c. B-1.1, r. 0.2) a été conclu entre les parties. Ce contrat garantit évidemment le parachèvement des travaux, les malfaçons, les vices cachés et les vices majeurs, tel que le Règlement le stipule.

 

[53]      En novembre 2006, les parties ont signé une Déclaration de réception du bâtiment (pièce A-5), laquelle apparaît être «sans réserve». Étonnamment, une «fissure dans la fondation (côté ouest) à réparer» apparaît à la section «éléments à corriger et à réparer». Comment peut-on signer une Déclaration de réception du bâtiment sans réserve en ayant cette mention si ce n'est que la fissure identifiée n'était pas, aux yeux du Bénéficiaire et de l'Entrepreneur, problématique ou résultant d'un vice quelconque ?

 

[54]      Tel que démontré à l'audition, quelques fissures sont apparues sur la fondation de la résidence du Bénéficiaire depuis la réception du bâtiment. L'Entrepreneur identifie la première fissure comme étant celle, plus petite, à la photographie # 4 de l'étude géotechnique A-8 alors que le Bénéficiaire, qui apparaît au Tribunal avoir un meilleur souvenir des constatations factuelles à cette époque, identifie cette première fissure à la photographe # 5 de l'étude géotechnique A-8. À noter que cette étude a été exécutée en octobre 2009 et que les photographies ont certainement été prises en septembre 2009, soit lors des visites décrites à ladite étude. Le Tribunal ignore donc si les fissures identifiées par les parties étaient aussi importantes au moment de la réception du bâtiment en novembre 2006. Bien plus, aucune photographie prise à une période contemporaine à la constatation des fissures n'a été déposée au dossier d'arbitrage. Cela ne simplifie évidemment pas le travail du Tribunal.

 

[55]      Il a été admis par les parties que certaines fissures ont été réparées durant la première moitié de l'année 2008. M. Pouliot, représentant l'Entrepreneur, a qualifié les fissures réparées durant la première moitié de 2008 comme n'étant pas «catastrophiques». Par contre, il a, sans hésitation, qualifié de «majeure» celle réparée au printemps 2009 puisque cette fissure se serait «élargie». Le Tribunal souligne également que les courriels B-1 échangés entre les parties à l'automne 2008 visaient d'abord une problématique à une fenêtre. Le représentant de l'Entrepreneur, M. Christian Vachon, a confirmé qu'une réparation allait être exécutée (dans les faits, cela a été fait au printemps 2009) et qu'il y aurait eu un «mouvement». De toute évidence, tant l'Entrepreneur que le Bénéficiaire ne soupçonnaient pas la gravité et l'étendue de cette manifestation à la fondation. La réparation ne s'est faite que plusieurs mois plus tard et M. Pouliot, représentant de l'Entrepreneur, au printemps 2009, a qualifié de «majeure» cette manifestation démontrant ainsi la reconnaissance, par celui-ci du moins, de la gravité de la situation.

 

[56]      Les procureurs de l'Entrepreneur et de l'Administrateur ont fait état du contenu des courriels B-1 échangés entre l'Entrepreneur et le Bénéficiaire à l'automne 2008. Même si ces documents n'étaient pas disponibles à l'Administrateur avant que celui-ci ne rende sa décision le 26 octobre 2009 (ces courriels n'étant pas dans le Cahier de pièces émis par l'Administrateur et communiqué aux parties en l'instance), il n'apparaît pas au Tribunal qu'il y a, dans ces courriels qui originent d'une problématique à une fenêtre, une démonstration que les parties considéraient les manifestations comme constituant un vice visé par le Règlement ou le contrat de garantie.

 

[57]      Le 19 avril 2009 (pièce A-6), le Bénéficiaire a transmis tant à l'Entrepreneur qu'à l'Administrateur une demande de réclamation après qu'il eut constaté, ce qu'il a décrit comme étant «une légère dénivellation du plancher», à l'intérieur de sa résidence, quelques jours auparavant, soit lors de la fin de semaine du 4 avril 2009.

 

[58]      Comme mentionné précédemment, le 6 avril 2009, M. Pouliot, représentant de l'Entrepreneur, se serait rendu sur place pour évaluer l'état du plancher et du solage. À cette occasion, M. Pouliot aurait constaté une dénivellation du plancher intérieur de la maison ainsi qu'un mouvement du solage. Même à cette occasion et selon le témoignage du Bénéficiaire, l'Entrepreneur a évoqué la possibilité que cette manifestation serait due à la présence de la neige sur la résidence durant l'hiver. Selon le Bénéficiaire, il aurait également été informé à ce moment par l'Entrepreneur que celui-ci avait été avisé, et on n'a pas la preuve à quelle époque, que le sol était possiblement instable au moment de la construction. De même, M. Pouliot aurait mentionné que certaines procédures auprès de l'Administrateur étaient nécessaires par les deux (2) parties.

 

[59]      Le 2 juin 2009 (pièce A-7), l'Administrateur avise l'Entrepreneur qu'il doit intervenir dans ce dossier et l'informer, dans les quinze (15) jours suivant la réception de cet avis, des mesures qu'il entendait prendre pour remédier à la situation dénoncée par le Bénéficiaire.

 

[60]      Le 18 août 2009, une visite a eu lieu à la résidence du Bénéficiaire. M. Yvan Gadbois, représentant de l'Administrateur, et M. Pouliot, représentant de l'Entrepreneur, y étaient présents (pièce A-9, décision de l'Administrateur p. 1). À cette occasion, M. Gadbois aurait constaté un dénivelé de 90mm (vue de la rue) du plancher du rez-de-chaussée de la résidence du Bénéficiaire. Il fut également constaté certaines problématiques à l'intérieur de la résidence qui correspondaient à deux (2) déchirements de placoplâtre ainsi que des lézardes au coin supérieur de trois (3) portes dans la résidence. Suite à ces constatations, l'Administrateur a décidé de mandater un expert.

 

[61]      Le 14 septembre 2009, une proposition de service à être signée par l'Administrateur et portant le numéro 09-0367-126 a été formulée par LVM-Technisol inc. Cette proposition visait la préparation d'une étude géotechnique relativement à des dommages survenus à la résidence du Bénéficiaire. Le passage suivant, de l'étude, décrit le mandat qui a été consenti à LVM-Technisol inc. par l'Administrateur:

 

«Cette étude géotechnique avait pour buts de prendre connaissance de l'état des lieux, de préciser la nature et quelques propriétés des sols en place, de mesurer le niveau de l'eau souterraine, d'établir la ou les causes des dommages et de fournir des commentaires et des recommandations sur la ou les solutions de réparation.» (p. 1, étude géotechnique A-8)

 

[62]      Le 22 septembre 2009, Mme Marie-Hélène Fillion, ing. jr. M. Sc., aurait visité la résidence du Bénéficiaire, accompagnée de celui-ci et de M. Yvan Gadbois, représentant de l'Administrateur, afin de «prendre connaissance des dommages» (p. 2, étude géotechnique A-8).

 

[63]      Les 28 et 29 septembre 2009, des forages ont été exécutés par LVM-Tecnisol inc. à la résidence du Bénéficiaire.

 

[64]      Le Tribunal a analysé le contenu de l'étude géotechnique A-8, et relevé à la section 5.1.2 Dommages observés, les propos suivants de l'expert:

 

«Selon les informations obtenues, les premiers dommages ont été observés au printemps 2009.»

 

            Ces propos font suite à la visite des lieux, en date du 22 septembre 2009, en compagnie de M. Yvan Gadbois, représentant de l'Administrateur, et du Bénéficiaire. Il n'est pas en preuve que l'Entrepreneur était présent à ce moment mais le Tribunal ne peut ignorer les propos mêmes de l'expert mandaté par l'Administrateur à l'effet que l'observation des premiers dommages a eu lieu au printemps 2009.

 

[65]      Le 22 octobre 2009, LVM-Technisol inc. a  produit le rapport d'expertise connu comme étant l'étude géotechnique A-8, laquelle a été signée par Mme Marie-Hélène Fillion, ing. jr., M. Sc.

 

[66]      Peu après, soit le 26 octobre 2009, l'Administrateur a rendu la décision visée par la demande d'arbitrage. Dans cette décision, l'Administrateur a accueilli la demande de réclamation concernant la problématique «dénivellation du plancher et mouvement à la fondation» et ordonné à l'Entrepreneur d'effectuer les travaux correctifs dans certains délais.

 

[67]      Ce qui précède constitue la trame factuelle pertinente, selon le Tribunal, à la problématique soulevée quant au moyen de non-recevabilité de la demande de réclamation pour non-respect du délai maximal de dénonciation écrite de six (6) mois prévu au Règlement et au contrat de garantie.

 

[68]      Le soussigné n'a pas à déterminer, dans le cadre de la présente décision, laquelle de la garantie de réparation des vices cachés ou des vices majeurs s'applique à la demande de réclamation du Bénéficiaire. Par contre, pour accueillir le moyen d'irrecevabilité, il faut que le Tribunal soit convaincu du non-respect de l'un ou l'autre des délais prévus pour ces types de garantie.

 

[69]      Ainsi, l'avis écrit à l'Entrepreneur et à l'Administrateur, en cas de vices cachés, ne peut excéder six (6) mois de la découverte de ceux-ci au sens de l'article 1739 du Code civil du Québec. Or, il appert que la(les) manifestation(s) n'est(ne sont) apparue(s) que graduellement. Ainsi, lorsqu'une telle situation se présente, l'article 1739 du Code civil du Québec prévoit que le délai de dénonciation ne commence à courir que du jour où «l'acheteur (le Bénéficiaire en l'instance) a pu en soupçonner la gravité et l'étendue».

 

[70]      Les auteurs Jean-Louis Baudouin et Patrice Deslauriers, dans le traité La Responsabilité civile, 7e Édition, vol. II, Responsabilité professionnelle, s'exprime comme suit au sujet de cet article:

 

«Cette expression laisse libre cours à la discrétion judiciaire de s'adapter aux circonstances de chaque espèce, comme c'était d'ailleurs le cas sous l'article 1530 C.c.B.-C. Que le vice soit immédiat, tardif ou graduel, le moment de sa connaissance par l'acheteur (le Bénéficiaire en l'instance) constitue la référence de base permettant de calculer le délai raisonnable de dénonciation.»

 

                        (les mots entre parenthèses sont de l'arbitre)

 

[71]      De plus, Me Jeffrey Edwards, dans son ouvrage La Garantie de qualité du vendeur en droit québécois, ajoute ce qui suit au sujet de ce même délai:

 

«Le législateur a consacré cette règle à l'article 1739 C.c.Q., qui prévoit expressément que lorsque le vice «apparaît graduellement», le délai ne court que du «jour où l'acheteur a pu en soupçonner la gravité et l'étendue», ce qui est appliqué par la jurisprudence. Cette précision confirme à la fois que le véritable élément déclencheur du délai est la connaissance du vice par l'acheteur et que celle-ci doit être évaluée de manière objective.» (p. 227)

 

[72]      En l'instance, le Tribunal est d'avis que tant le Bénéficiaire que l'Entrepreneur ont pu soupçonner la gravité et l'étendue de la manifestation problématique en cause qu'au printemps 2009. Bien plus, l'Administrateur lui-même a eu recours à un expert pour analyser les dommages à la résidence du Bénéficiaire.

 

[73]      Mais, il y a plus.

 

[74]      Si la manifestation décrite par le Bénéficiaire à sa demande de réclamation était visée par la garantie contre les vices majeurs prévue au Règlement et au contrat de garantie (pièce A-4), alors, le délai des dénonciations à l'Entrepreneur et à l'Administrateur ne pouvait excéder six (6) mois de la découverte ou survenance de ce vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation. Dans le cadre de cette garantie, le Tribunal voit, en cas de vices ou de pertes graduelles, un rapprochement évident avec les dispositions de l'article 2926 du Code civil du Québec, au chapitre de la prescription extinctive. Cet article prévoit ce qui suit:

 

«Art. 2926.      Lorsque le droit d'action résulte d'un préjudice moral, corporel ou matériel qui se manifeste graduellement ou tardivement, le délai court à compter du jour où il se manifeste pour la première fois.»

 

[75]      Bien que les termes utilisés par le législateur au Règlement soient différents, quant au début de computation du délai de six (6) mois en cas de vice majeur, il n'en demeure pas moins que pour identifier une première manifestation d'un vice, le Bénéficiaire doit également pouvoir en soupçonner la gravité et l'étendue.

 

[76]      Me Jeffrey Edwards, dans son ouvrage La Garantie de qualité du vendeur en droit québécois, s'exprime comme suit à ce sujet:

 

«À vrai dire, les tribunaux québécois reconnaissent, depuis déjà longtemps, que le droit d'action ne peut naître avant que le préjudice qu'il vise à réparer ne soit certain. En droit nouveau, la règle est formellement reconnue aux termes de l'article 2926 C.c.Q. Même si sa formulation laisse à désirer, l'article précise que lorsque le préjudice «se manifeste graduellement ou tardivement», le délai de prescription «court à compter du jour où il se manifeste [de manière importante] pour la première fois».» (p. 227)

 

[77]      Or, en l'instance, la première manifestation objective de la problématique dans le présent dossier, tant pour le Bénéficiaire que pour l'Entrepreneur, si situe au printemps 2009. C'est ce que semble avoir également reconnu l'expert LVM-Technisol inc. lorsque l'auteur de l'étude géotechnique A-8, Marie-Hélène Fillon, ing. jr., M. Sc., a confirmé que selon les informations qu'elle avait obtenues, sur place à la résidence du Bénéficiaire, les premiers dommages auraient été observés au printemps 2009.

 

[78]      Ainsi, usant de la discrétion dont jouit l'arbitre soussigné dans le cadre du présent arbitrage quant à la détermination du début de computation du délai de six (6) mois, le moyen d'irrecevabilité de l'Entrepreneur doit être rejeté. Évidemment, ceci ne constitue qu'une décision interlocutoire portant sur le moyen d'irrecevabilité que les parties ont convenu de plaider de façon distincte dans le cadre d'une audition séparée.

 

[79]      Par conséquent, l'arbitre demeure saisi du présent dossier afin qu'une audition de la demande d'arbitrage de l'Entrepreneur soit tenue à une date à être déterminée.

 

[80]      Quant aux coûts d'arbitrage occasionnés à ce jour, ceux-ci seront déterminés dans le cadre de l'arbitrage de la demande de l'Entrepreneur à être fixé.

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D'ARBITRAGE:

 

[81]      REJETTE le moyen d'irrecevabilité soulevé par l'Entrepreneur;

 

[82]      CONSERVE juridiction quant à la demande d'arbitrage formulée par l'Entrepreneur;

 

[83]      DÉCLARE que les coûts de l'arbitrage, jusqu'à ce jour, seront décidés dans le cadre de l'audition de la demande d'arbitrage de l'Entrepreneur.

 

 

 

Québec, le 15 avril 2010

 

 

 

                                                                     ____________________________________

                                                                     Me Reynald Poulin

                                                                     Arbitre / Centre canadien d'arbitrage commercial (CCAC)