TRIBUNAL D’ARBITRAGE

Sous l’égide de

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL 

   Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

CCAC : S19-102801-NP

 

GARANTIE ABRITAT : 19-056MB

 

 

 

9269-1278 QUÉBEC INC.,

Entrepreneur

 

c.

 

SDC 237 DES COMMISSAIRES EST,

 

Bénéficiaire

 

ET

RAYMOND  CHABOT

ADMINISTRATEUR PROVISOIRE INC.

ÈS QUALITÉ D’ADMINISTRATEUR DE

GARANTIE  DE  LA  GARANTIE

ABRITAT INC.,

          

Administrateur

 

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE

GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

 

 

DÉCISION ARBITRALE RENDUE LE 31 JUILLET 2020

 

YVES FOURNIER ARBITRE

 

 

 

 

 

DÉCISION

 

 

[1] S’autorisant de son droit de recours à l’arbitrage en vertu de l’article 35 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (1), l’Entrepreneur contesta le 28 octobre 2019 la décision rendue par le conciliateur, Michel Hamel, datée du 9 septembre 2019 (reçue le 1er octobre 2019).

 

 

HISTORIQUE DES FAITS DOMINANTS ET PROCÉDURES

 

[2]               Le 2 octobre 2017, l’Administrateur livrait une première décision (A-4) qui retenait l’obligation de l’Entrepreneur d’effectuer des travaux correctifs en regard d’une infiltration d’eau dans la garde-robe de la chambre secondaire de l’unité 4 de l’immeuble situé au 237, rue des Commissaires Est, à Québec.

 

[3]               Par la même occasion monsieur Michel Hamel fixait la réception des parties communes au 15 juillet 2017.  Cette date n’a pas fait l’objet d’une contestation ultérieurement.  Le raisonnement développé par le conciliateur sur ce point est de toute façon incontestable.

 

[4]               Le 6 novembre 2017, le conciliateur rendait une seconde décision et donnait raison au Bénéficiaire quant aux 15 premiers points soumis par ce dernier.  Le

Tribunal se permet d’en relever deux (2) notamment et d’en rapporter les considérants :

 

1.- UNITÉ 2 – INFILTRATION D’EAU

 

Nous avons constaté que des infiltrations d’eau se sont produites dans la salle de bain du rez-de-chaussée de l’unité 2, laquelle eau s’est faufilée jusque dans la salle de bain du sous-sol, abîmant sur son passage les murs de la descente d’escalier.

 

L’infiltration d’eau était déjà présente avant même l’acquisition de l’unité et fut dénoncée dès la réception du bâtiment, après quoi d’autres infiltrations d’eau se sont produites au même endroit.

 

…..

 

10. – TOITURE

 

L’expert mandaté par l’entrepreneur a constaté que « la membrane est décollée de ses supports à quelques endroits, notamment sur certains parapets ou sur le pontage, vers l’arrière de l’unité 5 » et des bulles et des plis sont visibles sur la membrane.

 

Les joints de scellant au pourtour des évents ainsi que sur le parapet métallique doivent être vérifiés et corrigés puisque plusieurs joints sont déficients, particulièrement sur le parapet.

 

Aucune infiltration d’eau n’a été constatée à l’intérieur des unités en lien avec ces situations.

 

[5]            Entre le 11 et 21 mars 2019 les locataires de l’unité 3, dont Marine Dewailly est la propriétaire, constatent une infiltration d’eau.  Les photos B-15 et B-16 sont fort éloquentes.

 

[6]            Le 22 mars 2019, Marine Dewailly avise son assureur, lequel après avoir ouvert les murs du condo #3 constate que les infiltrations originent probablement des parties communes et plus particulièrement du toit.

 

[7]            Le 26 mars 2019, les Assurances Promutuel visitent les lieux et les compagnies Laffer et Frank Langevin entrent en jeu pour procéder notamment à l’asséchage des murs infiltrés.  Il est évoqué par l’une d’elles que l’eau prend sa source possiblement du balcon arrière de l’unité 5.  La photo B-10 qui nous instruit sur l’état au corridor de l’unité 3 est persuasive et démontre l’ouverture du mur qui est toujours dans cette apparence au jour de l’audience.  Les factures B-1 et B-2 en donnent un descriptif.

 

[8]            Le 13 mai 2019, un courriel est transmis par le président du syndicat, Nicolas Dubigny, dénonçant à l’Entrepreneur par courriel (B-37) la problématique.  Ce dernier ne donne pas suite à cet envoi.

 

[9]            De façon formelle une lettre datée du 26 juin 2019 (A-6) dénonçant les infiltrations d’eau est transmise à la Garantie et à l’Entrepreneur.  Le 9 juillet, l’Administrateur transmet l’avis de 15 jours à l’Entrepreneur suivi de la visite des lieux en date du 28 août 2019.  Ce dernier fait fi de s’y présenter.

 

[10]        La secrétaire du syndicat, Alexandrine Cardin-Dubé, transmet à monsieur Patrick Marois-Berthiaume, président de l’Entrepreneur, un courriel auquel sont jointes les factures des travaux tout en l’enjoignant de les payer.  Dans les minutes qui suivent ce dernier rétorque par courriel (B-30) :

 

Je ne paierai aucune facture.

 

Je suis allé sur place et rien ne peut relier les dégâts à un vice de construction.

 

Le problème vient du fait que M. Dubigny n’a jamais déneigé son balcon.  J’ai des photos à l’appui.

 

Je refuse donc votre demande.

 

Voyez avec M. Dubigny.

 

Patrick Marois-B.

                    Courtier immobilier

RE/MAX 1ER CHOIX INC.

 

[11]        L’Administrateur, sous la plume de Michel Hamel, rend sa décision (A-8) le

9 septembre 2019 et reconnaît la position du syndicat quant à l’infiltration d’eau dans l’unité 3 et ordonne à l’Entrepreneur de corriger celle-ci et de remettre les lieux à leur état d’origine.  Au surplus, ‘’il devra minimiser les différences des teintes et textures des nouveaux finis versus les surfaces adjacentes et ce, dans un délai de 45 jours’’.

 

[12]           La demande de l’arbitrage par l’Entrepreneur est formulée le 28 octobre 2019 (A-10).

 

[13]           Les 4 et 7 janvier 2020, de nouvelles infiltrations d’eau surviennent au niveau du corridor de l’unité 1 et dans le corridor de l’unité 3 (B-9 et B-10).  Le 11 janvier le secrétaire du syndicat notifie par courriel l’Entrepreneur quant à des mesures conservatoires urgentes et nécessaires.

 

[14]           Lors de la conférence téléphonique du 23 janvier, la présidente du syndicat, Eva Charlebois, indique que le Bénéficiaire produira des factures, devis et documents qui se rapportent aux mesures conservatoires.  Il est noté au procèsverbal :

 

Si les parties ne formulent pas d’objection, la production des factures ou documents vaudront comme témoignage.  Il appartiendra aux parties de requérir la présence des exécutants quant à ces documents ou factures. 

 

 

 

[15]           De fait, aucune partie n’a requis la présence d’un exécutant débouchant ainsi sur la reconnaissance des factures quant à leur montant et/ou quant à leur nécessité.

 

[16]           Les deux associés de l’Entrepreneur, Patrick Marois-Berthiaume et Christian Laflamme viennent le 14 février 2020 vérifier l’état des balcons de l’immeuble en l’absence du Bénéficiaire.

 

[17]           Le 15 février 2020, les toits, les balcons et les margelles sont déneigés par la firme SDM Construction et deux jours plus tard la compagnie Savard Construction entreprend des mesures conservatoires faisant suite au devis déjà approuvé par l’Administrateur, notamment la construction d’un toit temporaire suivie du retrait des matériaux mouillés (B-3 et B-4).

 

[18]           De nouvelles infiltrations d’eau se manifestent les 10, 13, 15 et 20 mars 2020 et ce, au dépend des mesures conservatoires.  Philippe Savard de Savard

Construction revient sur les lieux pour s’enquérir de la situation.

 

[19]           Après différentes conférences téléphoniques qui ont pris place ou qui ont dû être reportées vu l’absence de certains participants, l’arbitrage qui avait été fixé initialement au 24 et 26 mars 2020, a dû être reporté en raison du confinement imposé par suite de la pandémie de la COVID-19.

 

[20]           Savard Construction procède à une troisième étape des travaux le 1er avril 2020. Il est indiqué que les infiltrations pourraient parvenir du balcon et de la moue du toit (B-8).  Celle-ci aurait été installée à l’extérieur du revêtement (B-27).

 

[21]           Une première estimation des coûts pour les mesures conservatoires est transmise au Bénéficiaire (B-34, B-5, B-18 et B-36).

 

[22]           Le Bénéficiaire formule une dénonciation amendée le 28 mai 2020 couvrant toutes les infiltrations et ce, à la suggestion du conciliateur

 

[23]           Le 22 mai 2020, une autre conférence téléphonique confirme que l’audience se tiendra les 22 et 23 juin 2020.

 

 

 

LA PREUVE

 

PREUVE DE L’ENTREPRENEUR

 

PATRICK MAROIS-BERTHIAUME

 

[24]       Monsieur Patrick Marois-Berthiaume est le président de la compagnie appelante.  Actionnaire, et ce conjointement avec Christian Laflamme, il sera le relais entre le syndicat, les copropriétaires et le gérant de projet tout comme avec les sous-contractants.  Il est avant tout un agent d’immobilier, un prometteur immobilier, un homme d’affaires, un investisseur et il administre un hôtel.  Il n’a aucune expérience en construction et le projet du 237 des Commissaires Est, à Québec sera l’unique construction initiée et complétée par la compagnie à numéro.  Il était le détenteur d’une licence d’entrepreneur, laquelle fut délaissée après la construction du bâtiment.

 

[25]       Il engage monsieur André Lemire comme gestionnaire de chantier en 2015 après que la charpente fut dressée.  Il soutient être allé sur le chantier de construction « pratiquement tous les jours jusqu’à la fin de la construction et si j’étais pas là André (Lemire) était là aussi ».

 

[26]       Le bâtiment a fait l’objet d’une subvention de la Ville de Québec entraînant ainsi des inspections à différentes étapes.  Il avancera que le syndicat est devenu majoritaire en 2015, mais l’Entrepreneur a fait parvenir l’avis de fin des travaux qu’en 2017.

 

[27]       Pour le témoin « l’infiltration d’eau n’est pas un vice de construction, mais un manque d’entretien et que l’eau s’est infiltrée à cause de l’accumulation de glace et non pas parce que le bâtiment est mal fait ».  Cet énoncé représente succinctement l’argumentaire de l’Entrepreneur.

 

[28]       Il explique ainsi. Le Tribunal en rapporte le verbatim :

 

Entre le centre de la porte-patio et l’extrémité droite, l’eau s’infiltre de là.  Le porte patio … il y a la ‘’tenace’’ de bois, c’est un endroit où le toit-terrasse, veut, veut pas, il y a un écoulement matériel qui se fait vers les gouttières.  Mais c’est sûr que c’est arrivé cette année alors qu’il y a eu la plus haute accumulation de neige depuis 2008.  Il y a des gels et des dégels puis l’eau s’écoule pas aussi rapidement sur une terrasse que sur un toit en pente et avec la glace et la neige il y a peut-être eu obstruction et elle a cherché à se faire un chemin et l’eau a sans doute monté par-dessus la membrane.

 

[29]       Monsieur Marois-Berthiaume soumet que si cette situation ne représente pas un vice de construction car elle aurait dû se manifester dès la première année.

 

[30]       Questionné par le Tribunal, il apporte la définition suivante du vice caché.

 

Un vice caché ça fait en sorte qu’on découvre quelque chose qui s’est passé ou qui a été mal fait. C’est une situation existante. Oui ça peut être un vice caché mais le vice caché est dû à quoi.  Si c’est entretenu on n’a pas de problème.  On croit normal qu’il faut entretenir et déneiger au minimum le patio et la glace s’infiltrera pas sous le revêtement ou en dépasser la membrane pour s’infiltrer.

 

[31]       Monsieur Marois explique que lui et son associé n’avaient pas d’expérience ou d’expertise en construction et c’est pour cette raison qu’ils ont retenu les services de monsieur Lemire et de poursuivre: « Le but était de faire un projet immobilier au niveau investissement ».

 

[32]       Il n’a pas donné suite au courriel du 13 mai 2019, émanant du Bénéficiaire et traitant d’infiltration parce qu’il était à l’extérieur. (Il faut croire qu’il est revenu à un certain moment, si tel était le cas!)

 

 

ANDRÉ LEMIRE

 

[33]       Monsieur André Lemire fut entrepreneur en construction jusqu’en 2011, date à laquelle il a pris sa retraite.  Il fut à une certaine époque technologue professionnel.

 

[34]       Son arrivée sur le chantier remonterait au début de 2015.  Il fut rémunéré au taux horaire.

 

[35]       Il traite dans un premier temps de la porte-patio ainsi :

 

En principe la porte-patio, comme telle, a été scellée de l’extérieur et tous les contours des ouvertures ont été scellés à l’uréthane giclé.

 

[36]       Monsieur Lemire affirme que le problème n’origine pas de la toiture tout en précisant qu’il y a de l’entretien à faire au niveau de celle-ci.  Il y a lieu d’inspecter les scellants périodiquement et peut-être de sceller alors davantage.  Aussi, le déneigement se veut une précaution au niveau de l’entretien.  Il a observé des membranes endommagées sur le toit (il en sera traité autrement, plus loin, par monsieur Fillion).  Il a noté que trois endroits ont été retouchés et que des solins sont surélevés, notamment en façade.

 

[37]       Il admet que son analyse n’est appuyée que sur un constat visuel de la situation sans quelconque expertise et ce constat est lié uniquement à la visite préalable des lieux au matin de l’audience.

 

[38]       Interrogé par le procureur de l’Administrateur, Me Marc Baillargeon, il concède ne pas avoir donné quelque information que ce soit aux copropriétaires et/ou au syndicat quant aux mesures à prendre quant à l’entretient du bâtiment.

 

[39]       Le représentant du Bénéficiaire lui fait reconnaître qu’il a reçu en copie un courriel concernant un dégât d’eau venant du syndicat.  Monsieur Lemire explique qu’il n’avait pas reçu d’instructions de l’Entrepreneur pour aller constater le point soulevé.

 

[40]       Il concède que s’il avait été l’entrepreneur il se serait présenté sur les lieux pour minimalement en faire le constat.

 

[41]       A ce stade, monsieur Patrick Marois-Berthiaume intervient pour faire valoir que :

 

Monsieur Lemire était un employé, c’est pas son rôle de revenir sur place.  Il n’était plus à notre emploi et notre licence n’était plus en vigueur (à la fin des travaux). On n’était plus en droit de mandater quelqu’un pour s’exécuter.

 

 

FRÉDÉRICK FILLION

 

[42]       Monsieur Frédérick Fillion est entrepreneur général et est spécialisé en toiture.  Sa compagnie Toiture XLS Québec existe depuis 2014.  Antérieurement, il a travaillé au sein de l’entreprise de son père qui œuvrait dans le même champ de compétence.

 

[43]       Il fut mandaté pour faire la toiture de l’immeuble en cause.

 

[44]       Le témoin n’a procédé qu’à une inspection sommaire et visuelle lors de la visite préalable au matin de l’audience.  Il reprendra à quelques reprises qu’il ne s’agissait que d’un « visuel ».

 

[45]       Il a détecté qu’il y avait eu du déneigement sur la toiture et qu’en s’exécutant les déneigeurs ont dû gratter la surface. Toutefois, il n’y avait pas de coups de pelle apparents qui auraient laissé croire que cela aurait pu causer une infiltration.  La toiture ne semble pas avoir été endommagée, précise-t-il en bout de piste.

 

[46]       Il a constaté qu’une ‘’membrane fut posée par-dessus la membrane’’ pour ce qui est du toit vert et que l’eau se trouve retenue. Il explique :

 

Il y a une sortie du côté gauche, sauf qu’il y a un patio par-dessus qui a été installé directement sur la membrane. S’il n’y a pas trop de va et vient, c’est pas ça qui cause le problème. Moi je pense que « l’eau doit » monter, la glace monte, ça dégèle, on n’a pas de sortie, l’eau passe à quelque part, et se faufile dans la porte-patio et c’est la partie du coin arrière du patio qui peut laisser entrer l’eau.  Où estce que le joint s’est descellé et l’eau entre par-là? J’avais suggéré de faire un test d’eau ce matin.

 

[47]       Monsieur Fillion n’a jamais été mandaté par l’Entrepreneur pour procéder à une expertise ou pour venir sur place antérieurement à l’audience.

 

[48]       Il reconnaît qu’il n’a pas de carte de compétence comme couvreur.

 

[49]       Contre-interrogé par Me Marc Baillargeon, il reconnaît qu’à l’endroit où l’eau aurait pu s’infiltrer (dans le coin au niveau de la porte-patio) rien ne montre quelque chose d’anormal, et d’ajouter :

 

Je ne sais pas comment ils ont viré les membranes en arrière.  J’étais pas là quand ils ont fait ça.

 

[50]       Il indique que ce n’est pas Toiture XLS Québec qui a procédé aux travaux de réfection sur la toiture en 2017.

 

[51]       Le passage suivant du contre-interrogatoire de l’Administrateur mérite d’être rapporté :

 

Q.                        Vous avez dit tantôt que l’eau monte sur le toit et la glace se forme et elle est emprisonnée et elle ne peut s’écouter, elle est emprisonnée là.  On n’est pas supposé de prévoir ça l’écoulement d’eau sur la toiture par une gargouille, un canal ?

 

R.                        Si la pente est négative. Vers le côté-là, grosse de même (montrant un petit cercle avec sa main /doigts en parlant du canal) pour un patio au complet.

 

Q.    C’est pas assez ?

 

R.     Ben non.  Il a un petit parapet au pourtour.  C’est pas suffisant.

 

Q.    Quels seraient les travaux correctifs?

 

R.     Les travaux correctifs requis.  Il faudrait enlever le toit vert de là, ça va aider pas mal la cause.  L’eau va avoir une facilité de s’enlever de là. Là, elle est prise en U avec un patio qui est directement sur la membrane, le toit vert amène une rétention d’eau.

 

[52]       Monsieur Marois-Berthiaume se défend alors pour indiquer que le toit vert était une condition à l’émission du permis de la Ville et pour l’obtention de la subvention.

 

 

PREUVE DU BÉNÉFICIAIRE

 

EVA CHARLEBOIS

 

[53]           Madame Eva Charlebois est la secrétaire actuelle du syndicat de copropriété. Antérieurement, et pour une certaine période, elle fut la présidente.  Elle habite depuis les débuts dans l’unité 2.

 

[54]           Son récit servit au rappel chronologique des principaux faits qui furent décrits au titre « Historique des faits dominants et procédures ».  Elle s’est appliquée à mettre les références quant aux pièces produites dont plusieurs photos en couleur et courriels.

 

 

 

 

[55]           Elle s’est attaquée également aux dégâts d’eau à son unité en 2017, tentant aussi de démontrer l’inertie de l’Entrepreneur, les reports constants de ses engagements et ses absences de réponse.

 

[56]           Le Tribunal ne peut en tenir compte puisque son argumentation ou les faits rapportés n’ont pas d’incidence sur le litige.

 

MARINE DEWAILLY

 

[57]           Madame Marine Dewailly est propriétaire de l’unité 3 qu’elle a habitée au tout début pour ensuite le mettre en location.  De fait, le condo est actuellement occupé par des colocataires.

 

[58]           Elle raconte que la problématique d’infiltration d’eau s’est manifestée d’abord le 11 mars 2019.  Ces infiltrations se retrouvent dans le « bureau » et dans la « petite chambre ».  Elle en est avisée par un message texte en date du 19 mars 2019 par Samuel Carrier qui habite l’unité 1, laquelle se situe au niveau inférieur.  Monsieur Carrier lui suggère de vérifier son condominium car l’eau semble couler sur 2 pans de mur près de la porte arrière, provenant du ‘’bureau’’ (Photo B-15).

 

[59]           Son locataire l’informera que l’eau a coulé pendant près de cinq (5) minutes et ce, au-dessus du cadre de porte près du vestibule (Photo B-17), qu’il a asséché lui-même l’eau et qu’il n’avait alors pas cru bon de l’informer.

 

[60]           Une bulle d’eau au mur était apparue après la prise de possession du condo.  De plus, une craque de 6 pouces est apparue au mur.

 

[61]           Quant à la seconde infiltration de mars 2019, elle décide de s’adresser à son assureur.  L’experte en sinistre, Kim Métivier, l’avise qu’elle prend charge du dossier et qu’elle devra initialement connaitre l’origine et la cause des infiltrations pour déterminer si sa demande est recevable.

 

[62]           Elle conclut que l’infiltration provient probablement du toit et qu’il appartiendra à l’assureur du syndicat de couvrir la réclamation.  Ce dernier se présente le 26 mars 2019 en présence de Frank Langevin, expert en sinistre.  L’assureur Promutuel représenté par madame Dassylva entend s’exécuter.

 

 

 

[63]           Le 12 avril 2019, on procède à l’ouverture du mur et depuis (15 mois se sont écoulés). l’Entrepreneur ne s’est jamais pointé ou informé.  Cette situation, notamment les infiltrations, le mur à découvert, la pourriture, l’humidité sont fort préjudiciables pour madame Dewailly et ses locataires.

 

[64]           Le 4 janvier 2020, elle est à nouveau avisée par ses locataires que l’eau coule dans le corridor.  Le 11 janvier, c’est la cascade.  L’eau coule du plafond à 4 endroits et ça coule le long des murs. Une craque se forme au plafond tout près de la sortie de lumière du plafond.  L’eau coule dans l’unité 1 (Photo B-9) et dans le couloir de l’unité 3 (Photo B-10).  Elle en informe aussitôt le syndicat.

 

[65]           Qui plus est, elle ajoute que depuis ces infiltrations ont provoqué l’arrivée de fourmis charpentières (insectes qui s’attaquent au bois).

 

[66]           Le 17 février 2020, début des travaux de conservation du bâtiment, lesquels sont approuvés par Abritat et exécutés par Savard Construction.

 

[67]           Le 19 février 2020 se veut le début des travaux de démolition des murs endommagés par les infiltrations.  Le gypse et l’isolant sont retirés puisque l’eau les a dénaturés (Photos B-19, B-20, B-21 et B-22).

 

[68]           Le 10 mars 2020, ça coule toujours dans le passage.  Le syndicat en est de nouveau informé.  Trois jours plus tard, des infiltrations d’eau se manifestent au niveau des lumières murales dans la salle de bain.

 

[69]           Le 19 mars 2020, c’est le confinement général provoqué par la COVID-19.  Le lendemain d’autres infiltrations surviennent. Une bulle prend forme en haut du cadre de porte de la chambre et l’eau coule également des plafonniers (Photos B12, B-13 et B-14).

 

[70]           Madame Marine Dewailly fait état du stress, des inconvénients et des problèmes rattachés à la situation d’infiltration d’eau qui peut déboucher possiblement sur des ennuis de santé compte tenu de l’état des lieux.

 

[71]           Elle décrit monsieur Marois-Berthiaume comme un homme qui n’est pas conséquent avec ses paroles ou ses écrits et qui repousse et repousse ses engagements, lesquels en bout de piste n’aboutiront pas.

 

 

NICOLAS DUBIGNY

 

[72]       Monsieur Nicolas Dubigny habite l’unité 5.  Il rappelle l’infiltration du 11 mars 2019 qui a affecté particulièrement l’unité 3.  Le 19 mars, Marine Dewailly le contacte et il l’avise qu’il n’a aucune infiltration au niveau de son condo.

 

[73]       L’assureur du syndicat est rejoint le 26 mars 2019.

 

[74]       Les experts se présentent pour constater les dégâts.  On prend des photos de l’infiltration au niveau des autres condos et aussi du balcon rattaché à son unité 5.

 

[75]       Le 9 avril 2019, l’assureur procède à l’ouverture d’un mur de l’unité 5 et analyse les infiltrations dans les autres unités (1 et 3).  Une hypothèse est avancée : le balcon de l’unité 5 a un défaut de construction ou de conception.

 

[76]       Patrick Marois-Berthiaume est dans les jours qui suivent notifié des infiltrations d’eau aux condos 4 et 2.  L’Entrepreneur décline à plusieurs reprises une visite des lieux prétextant des conflits d’horaires.

 

 

LOUIS PHILIPPE SAVARD

 

[77]           Monsieur Louis Philippe Savard est un entrepreneur général en rénovation depuis 5 ans.  Il possède sa licence d’entrepreneur.  À la base, il est charpentiermenuisier et détient sa carte de compétence.  Antérieurement, il a travaillé pendant 6 ans au sein d’une compagnie qui opérait en rénovation après sinistre.

 

[78]           Il est contacté par le syndicat le 5 janvier 2020. Il se présente sur les lieux.  Il y avait une « grosse pluie et il n’y avait pas de vent. »  L’eau dans l’unité 3 « rentrait et on voyait de bonnes coulisses qui coulaient en continu sur le mur qui donne sur le voisin ».

 

[79]           Il se rend par la suite à l’étage supérieur, soit l’unité 5.  Il s’amène sur la terrasse.  Il n’y avait pratiquement rien pour faire sortir l’eau ou la faire dévier et d’ajouter : « L’eau montait et montait ».

 

[80]           Le bas de la porte-patio se situe à environ 4 pouces de la sous couche de la membrane du toit vert.  Sur le toit il y avait un « petit peu de glace, il n’y avait pas de neige encore, juste une couche de glace », précise-il.

 

[81]           Présumant que l’eau pouvait parvenir de cet endroit il a eu l’idée de mettre un toit temporaire pour amener l’eau au-delà du balcon et ainsi limiter l’entrée d’eau.  Il s’exécutera dans ce sens un peu plus tard.

 

[82]           Il a retiré le gypse endommagé et a constaté les dégâts dont la laine qui était passablement imbibée.  Il a percé le polythène pour retirer l’eau.  Il a alors fait valoir qu’au printemps il faudrait procéder à des tests d’eau.  Dans un premier temps la laine devra être retirée et il y a lieu de s’assurer qu’il n’y a pas de pourriture dans les murs avant de les refermer.  Le plafond de la chambre de l’ordinateur a été retiré. En retirant le gypse, il a observé la présence de moisissure.

 

[83]           En avril 2020 les lattes de plancher de l’unité 5 et à l’étage inférieur commençaient à gondoler.

 

[84]           Le Tribunal l’interroge quant à savoir ce qu’il peut dire quant à la position avancée par l’Entrepreneur.  Monsieur Savard suggère qu’il s’agit d’un problème de construction. Notamment pour le toit terrasse pour lequel il dira que « l’eau sort difficilement de là ». La porte-patio est trop rapprochée de la membrane et il y a toute la portion que l’on ne peut voir derrière les revêtements qui peut être problématique.  Il y a aussi la possibilité que des clous furent mis dans le Tyvek.

 

[85]           L’infiltration d’eau dans la salle de bain est difficilement explicable selon monsieur Savard.  Elle pourrait provenir d’un autre endroit que le balcon. Il en est de même pour la plinthe derrière la douche (mur de la salle de bain) qui avait pris l’eau.

 

[86]           Questionné par l’Entrepreneur relativement au fait que les infiltrations ne se sont pas produites dans les premières années, il répond que cela peut dépendre de plusieurs choses à savoir des joints non performants avec le temps, une sous couche non étanche, entre autres.

 

 

PREUVE DE L’ADMINISTRATEUR

 

MICHEL HAMEL

 

[87]       Monsieur Michel Hamel agit comme conciliateur auprès d’Abritat depuis de nombreuses années et son expérience en construction remonte au-delà de ces années.

 

[88]       D’entrée de jeu, monsieur Hamel indique qu’il ne peut dire exactement d’où proviennent ou provenaient les infiltrations d’eau mais qu’il a pu remarquer que l’eau entrait en quantité importante qui ne peut provenir uniquement du fait que le balcon n’aurait pas été déneigé.

 

[89]       Pour le conciliateur ce sont les membranes, les solins qui sont les principaux acteurs au niveau des infiltrations.  La durée de vie des joints est variable.  On peut parler même d’une seule année dépendamment de sa qualité et de la pose. 

Les joints peuvent céder et cela peut déboucher sur des infiltrations.  C’est probablement ce qui s’est produit sachant que l’eau est entrée en qualité appréciable.

 

[90]       Il explique pourquoi il réfute la théorie de la porte-patio :

 

L’eau qui s’est infiltrée ne peut provenir uniquement par le fait qu’elle se serait introduite par la porte patio.  Faudrait que l’eau monte et monte, quelle finisse par atteindre le seuil de la porte, passe pardessus, entre en dedans, attaque le plancher, les planches.  Le propriétaire de l’unité aurait dû voir de l’eau sur le plancher en quantité très importante et il aurait surement fait de quoi pour ne pas que ça se propage partout.  Les infiltrations se sont produites à plusieurs reprises.

 

[91]       Il note que l’Entrepreneur n’est jamais intervenu.  Le défaut de se faire permettait, en vertu du Plan de garantie, au Bénéficiaire de procéder à des réparations urgentes, nécessaires et conservatoires.  Il ajoute qu’il faut protéger le bâtiment et prendre des mesures conservatoires pour empêcher l’eau d’entrer. Il ne faudrait pas que la pourriture attaque la structure ou la moisissure prennent assise partout.

 

[92]       Contre-interrogé par le président du syndicat quant à la décision du 6 novembre 2017 (A-5), particulièrement à son point 10 (toiture), monsieur Hamel fait savoir que la personne qui avait fait l’inspection des parties communes pour le syndicat avait mentionné qu’il existait des problèmes avec la toiture.  Les parties ont pu alors également constater l’existence de ces problèmes.  

 

[93]       Monsieur André Lemire est intervenu en mentionnant qu’un ruban rouge de bonne qualité fut appliqué au contour des ouvertures et que l’architecte s’est présenté sur les lieux à plusieurs reprises.

 

[94]       En réponse à cette assertion, le représentant de l’Administrateur a répliqué :

 

Je ne dis pas que ce ne sont pas des bons matériaux, mais ça dépend comment ils furent installés.  Un simple manquement fait en sorte que l’on brise l’étanchéité.

 

[95]       Il informe que la municipalité a accepté la construction avant même qu’elle soit livrée et ce, selon les documents qu’il a consultés, ce qui ne fut pas contredit. [96]   Monsieur Marois-Berthiaume s’est alors défendu que l’architecte a surveillé les travaux.  L’arbitre a répliqué que sa pièce E-1 n’est pas soutenue par le témoignage de l’architecte, alors qu’on l’avait annoncé comme témoin potentiel et qu’au surplus les termes de son document laissent place à plusieurs interprétations.

 

 

CONTRE PREUVE

 

PATRICK MAROIS-BERTHIAUME

 

[97]       Le président de l’Entrepreneur explique ainsi le pourquoi il ne retournait pas l’appel qui concluait que le syndicat allait poursuivre s’il ne recevait pas de retour :

 

 Comme ils veulent poursuivre alors on laisse aller le dossier. Je   suis développeur immobilier mais pas entrepreneur, on n’a pas de licence pour le faire.

 

[98]       Le même témoin reprend sa thèse initiale :

 

On a la certitude que l’eau provient du balcon de l’unité 5 et du fait que le déneigement ne se faisait pas.  La glace fait une pression et elle fait un chemin quelque part.  Selon l’assureur il y avait une épaisse couche de glace et cela a créé une pression.  La glace peut briser plusieurs endroits au niveau du bâtiment. Il y a des bâtiments qui sont tombés l’an passé.  Des problèmes de toiture également. À toutes les fois qu’on a passé, il y avait de la neige.

 

 

 

CHRISTIAN LAFLAMME

 

 

[99]           Curieusement monsieur Laflamme semble contredire son associé et explique qu’il n’a pas répondu à l’avis des mesures conservatoires puisque leur demande d’arbitrage était déjà initiée.

 

[100]      Finalement, en réplique à la prétention de l’Entrepreneur le représentant du Bénéficiaire a indiqué que « Nicolas faisait le déneigement ».  Nicolas Dubigny étant le copropriétaire de l’unité 5.

 

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

 

[101]         1.- Les infiltrations d’eau constituent-elles un vice caché ?

 

[102]         2.- Les réparations entreprises constituent-elles des réparations conservatoires nécessaires et urgentes au sens des paragraphes 5 et 6 de l’article 34 du Règlement?

 

 

ANALYSE 

 

VICE-CACHÉ

 

POSITION DE L’ENTREPRENEUR

 

[103]            Personne n’a discuté du côté de l’Entrepreneur s’il y avait vice-caché dans le présent cas, à l’exception de monsieur Patrick Marois-Berthiaume qui reconnaît lui-même qu’il n’a pas de connaissance en construction, si ce n’est que comme ‘’monsieur tout le monde’’.

 

[104]            Pour l’Entrepreneur, il dira dans un premier temps, que ce n’est pas un vice. La problématique vient d’un manque d’entretien.

 

[105]            Mais sur quels faits prouvés s’appuie-t-il pour conclure ainsi.  Il dit être allé plusieurs fois et c’est ce qu’il a constaté : la neige qui n’était pas enlevée.  Ce n’est pas crédible aux yeux du Tribunal.  Il aurait alors, en toute logique, pris des photos avec son cellulaire ou autrement et il aurait avisé le syndicat car à quoi bon servaient ces visites. Pour la glace, sa preuve repose sur un texte qu’il rapporte émanant de l’assureur de madame Marine Dewailly qui fait état de glace sur le balcon.  De là à en déduire qu’elle constitue le problème et qu’elle a engendré cette situation, cela m’apparaît superficiel et évidé.

 

[106]            Messieurs Marois-Berthiaume et Lemire ont fait valoir que le manque d’entretien serait aussi la cause des infiltrations d’eau. Si c’était le cas il aurait fallu cibler les endroits où les infiltrations prenaient naissance en rapport avec cette prétention. Un vice caché, comme la doctrine et la jurisprudence l’enseigne est forcément caché et il prend son existence avant la vente.

 

[107]            Il ajoute « … sur un toit en pente et avec la glace et la neige il y a peut-être eu obstruction ».  Il spécule, rien de tel n’a été vérifié.  Lorsque questionné par le Tribunal il admet du bout des lèvres le vice caché :

 

Oui, ça peut être un vice caché, mais le vice caché est dû à quoi.

 

[108]            Les témoignages de messieurs André Lemire, Christian Laflamme n’ont aucunement positionné une négation d’un vice caché.  Il en est tout autant pour monsieur Frédérick Fillion.  Il s’est questionné sur la pose des membranes. Son analyse repose uniquement sur un constat visuel.  Faut-il se souvenir du contreinterrogatoire de l’Administrateur à l’intérieur duquel il dénonce l’exiguïté ou l’imperfection du parapet du balcon ou du conduit de sortie d’eau qui ne peut suffire à sa tâche pour ainsi emprisonner l’eau et par voie de conséquence la glace.

 

[109]            Monsieur Fillion formule la recommandation d’enlever le toit vert ce qui « va aider pas mal la cause … le toit amène une rétention d’eau ». Cela m’apparaît peut-être l’une des solutions.

 

[110]            Le Tribunal se permet de ramener le témoignage de monsieur Louis-

Philippe Savard lorsqu’il discutait du toit terrasse :

 

L’eau sort difficilement de là.  La porte-patio est trop rapprochée de la membrane et il y a toute une portion que l’on ne peut voir derrière les revêtements … l’infiltration d’eau dans la salle de bain est difficilement explicable.  Elle pourrait prévenir d’un autre endroit que le balcon. 

 

[111]            Cette dernière hypothèse quant à un questionnement pour la première fois soulevé au cours de l’audience n’a pas été contredite ou attaquée.

 

[112]            Je me permets d’ajouter que de façon contemporaine aux infiltrations aucune preuve n’a été recueillie par l’Entrepreneur puisqu’il n’a pas daigné se déplacer ou n’a pas mandaté quelqu’un pour traduire les constats.

 

 

POSITION DU BÉNÉFICIAIRE

 

[113]      Trois étages ont subi des infiltrations d’eau, soit à l’intérieur et au périmètre extérieur du bâtiment.  Il s’agit précisément des unités # 5, #3 et #1.  Vingt-deux (22) photographies ont été déposées en preuve pour étoffer les endroits et les conséquences de ces infiltrations :

 

B-7, B-8, B-27 :  Mur extérieur mitoyen côté est, (troisième étage). B-9 :  Cadre de porte à l’entrée Unité 1 (première

étage).

B-10  :       Couloir unité 3 (deuxième étage).

B-11  :     Porte-patio du balcon unité 5 (troisième étage).

B-12  :   Coin cadre de porte unité 3 dans la chambre

(130,3 pieds carrés) (deuxième étage).

B-13  :     Plancher couloir unité 3 (deuxième étage). B-14 :   Plafond couloir unité 3, coin cadre porte entre les

chambres (130,3 pieds carrés) et chambre principale (deuxième étage).

B-15  :  Corridor menant à la cour arrière, mur extérieur unité 1 (premier étage).

B-16  :   Couloir unité 3 avant ouverture des murs

(deuxième étage).

B-17  :  Cadre de porte de la pièce Bureau/Chambre menant au couloir unité 3 (deuxième étage)

B-18  :   Plancher chambre principale unité 5 (troisième étage)

B-19, B-20, B-21,

 B-22, B-23, B-28 :  Plafond du corridor unité 3 (deuxième étage).

 B-24, B-26 :    Couloir unité 3 (deuxième étage)

 B-25 :   État du plancher couloir unité 3 (deuxième étage).

 

[114]      Les 11 et 21 mars 2019, les locataires de l’unité 3 et la copropriétaire de celle-ci constatent une première et seconde infiltration d’eau.

 

[115]      Les 4, 7 et 11 janvier 2020, nouvelles infiltrations dont le cadre de porte d’entrée de l’unité 1 et le couloir de l’unité 3.

 

[116]      Les 10, 13, 15 et 20 mars 2020, de nouvelles infiltrations d’eau et ce, après les mesures conservatoires acceptées par l’Administrateur.

 

[117]      Bref, au total neuf (9) infiltrations d’eau qui s’attaquent à trois unités ou à ses abords.

 

[118]      Au niveau 1, les deux infiltrations se situent, pour l’une au centre de l’immeuble et l’autre davantage à l’avant, donc très éloignées du balcon-terrasse de l’unité 5.

 

[119]      Au niveau de l’unité 3, deux infiltrations, l’une près de la « petite chambre » et du couloir menant à la cuisine et l’autre près de la porte coulissante limitrophe à la chambre qui est au-delà de la première moitié au condo en partant de l’arrière du bâtiment.  Les écarts des endroits de chute peuvent difficilement s’expliquer uniquement par des infiltrations prenant naissance à partir de la terrasse-patio.

 

[120]      Au dernier niveau, soit à l’unité 5, on parle de deux endroits jouxtant le balcon terrasse.

 

[121]      Deux copropriétaires ont dénoncé la présence de fourmis charpentières, d’humidité, de pourriture et de moisissure.  Ce dernier point également sera repris par l’Administrateur et le Tribunal devra en tenir compte

 

[122]      Le témoignage des copropriétaires étaient étoffés, précis et concordants.  On ne parle certes pas ici d’improvisation ou de spéculations.  La visite des lieux servie à supporter et confirmer ce que la preuve de la preuve testimoniale et documentaire a livré.  Je rappelle que l’un d’eux a nié le fait que la copropriétaire de l’unité 5 ne dégageait pas la neige du balcon-terrasse ou en faisait un mauvais entretien.

 

 

POSITION DE L’ADMINISTRATEUR

 

[123]      Le procureur de l’Administrateur fait valoir que le conciliateur, monsieur Michel Hamel, s’est rendu sur les lieux pour analyser la situation.  Sa première affirmation basée notamment sur les nombreuses infiltrations à différents endroits le persuadent à conclure qu’il ne peut pas y avoir qu’une seule source d’infiltration.

 

[124]      Il l’explique aussi par le fait que la durée de vie des joints en rapport aux membranes et aux solins est variable et peut être parfois de courte durée.

 

[125]      Il repousse la proposition voulant que la porte-patio de l’unité 5 soit la problématique en regard à la glace et la neige.  La quantité d’eau ou de glace devant atteindre le dessus de la base de la porte-patio lui paraît impossible et les infiltrations auraient dû être indéniablement constatées par le propriétaire de l’unité 5.

 

[126]      À l’argument de l’Entrepreneur et de son gérant de chantier que les plans furent respectés, il répondra que l’inspecteur qui a préparé un rapport d’inspection de 33 pages pour le Bénéficiaire a relevé une vingtaine de malfaçons. Et ce, tout comme la Ville de Québec qui en avait ciblées d’autres.

 

 

FARDEAU DE PREUVE

 

[127]       Puisque l’Entrepreneur conteste le bien-fondé des décisions de l’Administrateur, le fardeau de preuve repose sur ses épaules.  Quel niveau de preuve doit-il présenter? À l’article 2803 du Code civil du Québec, le législateur indique :

 

2803 – Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

 

[128]       L’article 2804 C.c.Q. définit ainsi la preuve prépondérante.

 

2804 – La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante.

 

[129]       La Cour d’appel énonçait, dans Boiler Inspection and Insurance Company of Canada c. Moody Industries Inc. (2) : 

 

[57] La première juge a attentivement examiné les divers éléments de preuve, à la fois de nature profane et technique, pour déterminer où se situe la vérité.  Cette vérité demeure relative plutôt qu’absolue, sans avoir à atteindre un niveau de certitude, puisque s’applique la norme de prépondérance de preuve fondée sur la probabilité (art. 2804 C.c.Q.), soit celle qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence, laquelle excède la simple possibilité.

 

Lorsque la preuve offerte de part et d’autre est contradictoire, le juge ne doit pas s’empresser de faire succomber celui sur qui reposait la charge de la preuve mais il doit chercher d’abord à découvrir où se situe la vérité en passant au crible tous les éléments de conviction qui lui ont été fournis et c’est seulement lorsque cet examen s’avère infructueux qu’il doit décider en fonction de la charge de la preuve. »

                                      (Je souligne)  

[130]       En 2008, le plus haut tribunal du pays traitait ainsi de la norme applicable en matière civile laquelle se veut similaire à celle en matière réglementaire (3) : 

 

[48]                   Un fait allégué peut être improbable, un autre moins.  Il ne saurait y avoir de règle permettant de déterminer dans quelles circonstances et jusqu’à quel point le juge du procès doit tenir compte de l’improbabilité intrinsèque.  Dans l’arrêt In re B, lord Hoffmann fait remarquer ce qui suit (par.15) :

 

[traduction] Le sens commun – et non le droit – exige, pour trancher à cet égard, qu’on tienne compte, dans la mesure où cela est indiqué, de la probabilité intrinsèque.

 

Il revient au juge du procès de décider dans quelle mesure, le cas échéant, les circonstances donnent à penser que le fait allégué est intrinsèquement improbable et, s’il l’estime indiqué, il peut en tenir compte pour déterminer si la preuve établit que, selon toute vraisemblance, l’événement s’est produit.  Or, aucune règle de droit ne saurait le lui imposer.

 

(5)  Conclusion sur la norme de preuve

 

[49]                   En conséquence, je suis d’avis de confirmer que dans une instance civile, une seule norme de prévue s’applique, celle de la prépondérance des probabilités.  Dans toute affaire civile, le juge du procès doit examiner la preuve pertinente attentivement pour déterminer si, selon toute vraisemblance, le fait allégué a eu lieu (…).

                                                           (Je souligne)

 

[131]       Les tribunaux doivent souvent agir en pesant les probabilités.  Rien ne peut être mathématiquement prouvé (4).  La décision doit être rendue judiciairement, par conséquent, en conformité des règles de preuve généralement admises devant les tribunaux.

 

[132]       Le rôle de l’arbitre est d’analyser la preuve soumise quant à un différend découlant d‘une décision du conciliateur (Administrateur) touchant une dénonciation et, par conséquent, de reconnaître ou pas si ce dernier a correctement analysé la dénonciation dans le cadre de la Garantie et du Règlement et par voie de conséquence, si l’Entrepreneur a manqué à ses obligations tant contractuelles que légales. Bref, le conciliateur a-t-il erré en faits et en droit? L’Entrepreneur doit en faire la preuve.

 

 

JURISPRUDENCE ET DOCTRINE

 

ORIGINE DU VICE  ET OBLIGATION DE RÉSULTAT

 

[133]      Le point de départ de la garantie en l’espèce doit s’établir à la date du rapport du professionnel du bâtiment lequel fut émis le 15 juillet 2017, le tout faisant suite à l’avis de fin des travaux par l’Entrepreneur en date du 1er mars 2017.

 

[134]      L’arbitre Guy Pelletier, dans SDC 670 Manoir Masson et Développent c. Magma Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de L’APCHQ, (5) statua que le professionnel du bâtiment doit être désigné par le syndicat pour pouvoir déclarer la date de fin des travaux.  De plus, il est impératif que le mécanisme de réception des parties communes ait été mis en place et enclenché par l’avis de fin des travaux de l’entrepreneur transmis au syndicat et aux copropriétaires connus.

 

[135]      Ainsi donc la garantie contre la malfaçon ou le vice caché prend naissance le 15 juillet 2017.

 

[136]      L’article pertinent du Règlement qui s’applique aux réparations de vices cachés est le 27 (4) qui prévoit ce qui suit :

 

27 La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir :

                    ……

 

4- La réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil. 

 

[137]      Quatre critères doivent prendre place pour qu’un problème puisse être qualifié de « vice caché ».  Dans un premier temps, il doit évidemment s’agir d’un vice.  La doctrine, sous la plume des auteurs Baudoin et Deslauriers, donne une définition à cette notion :

 

 La notion de vice du produit est essentiellement liée au déficit d’usage du bien (6).

 

 

Ainsi, n’est pas qualifié de vice, un défaut qui n’a aucun lien avec l’usage auquel on destine le bien ( ).  C’est donc le mauvais fonctionnement du bien par rapport à l’usage auquel il est destiné () qu’il suffit de prouver et non la cause même du vice en question qui diminue cet usage ( ).  N’est pas aussi considéré comme un vice, une simple lacune par rapport aux normes actuelles du bâtiment ou celles en vigueur au moment de la construction, telles qu’on les retrouve notamment dans le Code national du bâtiment, si cette lacune n’est pas accompagnée d’une perte d’usage (  ). (7)

 

                         (Je souligne et accentue le caractère)

 

[138]        Ces mêmes auteurs réfèrent aux trois autres critères d’un vice caché :

 

Comme la jurisprudence et la doctrine l’avaient établi depuis longtemps, l’acheteur doit, pour invoquer la garantie, démontrer     que le vice est grave, caché et antérieur à la vente. (8)

 

[139]        Le deuxième critère est donc le caractère grave du vice. Selon ces auteurs :

 

Un vice mineur ne peut suffire à entrainer la responsabilité du vendeur.  Le vice doit être de nature à rendre le bien impropre à l’usage auquel on le destine, ou à diminuer tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné un si haut

prix, s’il l’avait connu (9).

 

[140]        Le troisième critère d’un vice caché est qu’il ne soit pas apparent, i.e. qu’il ne puisse pas être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert, selon 2e alinéa de l’article 1726 C.c.Q. Selon ce critère, le vice qui est caché mais qui est connu de l’acheteur, par exemple, parce qu’il lui a été révélé ou dénoncé, n’est pas un vice caché.

 

[141]        Le dernier critère réfère à l’existence du vice avant la vente.

 

[142]        L’on ne doit pas confondre un déficit d’usage (difficulté d’opération d’une fenêtre et/ou infiltration d’air) à une condition de gravité qui rend l’immeuble « impropre à l’usage auquel il est destiné ». Il ne peut s’agir d’un inconfort et il doit y avoir des effets négatifs sur les matériaux du bâtiment.  Et on ne parle pas ici de perte du bâtiment lequel critère est attribuable au vice de construction.

 

[143]        Ajoutons que l’entrepreneur a une obligation de bonne exécution des travaux.  Il se doit d’être soucieux et au surplus, il a une obligation de résultat.  La juge Thérèse Rousseau-Houle l’expliquait ainsi : (10)

 

De fait l’entrepreneur étant normalement considéré comme un expert en construction, il est généralement tenu à une obligation de résultat. 

                               (Je souligne) 

[144]        L’auteur Vincent Karim confirmait ainsi cette notion : (11)

 

En d’autres termes, pour remplir son engagement, l’entrepreneur doit donc, conformément à l’article 2100 C.c.Q., rendre un ouvrage conforme à l’ensemble des documents contractuels et aux obligations pouvant découler explicitement ou implicitement de la loi, des usages et des règles de l’art.  En effet, il n’est pas inutile de rappeler que l’obligation de délivrer un ouvrage conforme aux règles de l’art est une obligation de résultat.

 

 

DISCUSSION ET DÉCISION

 

[145]      Certaines remarques préliminaires méritent d’être apportées avant d’entreprendre les notions de droit en cause et leur application en l’espèce.

 

1- L’ARGUMENT DU DÉLAISSEMENT DE LA LICENCE D’ENTREPRENEUR

 

[146]      Le Tribunal retient de l’aveu répété de monsieur Patrick Marois-Berthiaume qu’il n’a pas de compétence en construction ou comme entrepreneur.  Le verbatim rapporté est incontestable.  Toutefois, il soutient qu’il a la « certitude » que l’infiltration origine du balcon de l’unité 5 et de la porte-patio. Aucune espèce de preuve vérifiable, ou prédominante, ou prépondérante ne soutient une telle proposition.

 

[147]      Il se défend à répétition qu’il ne peut s’exécuter car il n’est plus détenteur d’une licence d’entrepreneur depuis la fin des travaux, semble-t-il.  Il invoque ainsi sa propre turpitude, négligence, insouciance ou incompétence.  Pourquoi a-t-il délaissé sa licence d’entrepreneur? Poser la question c’est y répondre. 

 

2- RAPPORT DE CONFORMITÉ ET VISITES DE CHANTIER (E-1)

 

[148]      Le Tribunal rappelle que la production d’une déclaration signée ou d’une expertise ou de factures doit être normalement suivie du témoignage du signataire lors de l’audience à moins d’une reconnaissance tacite ou explicite des autres parties.  En l’espèce, le rapport de conformité est inadmissible n’ayant pu entendre l’auteur pour en discuter devant le Tribunal et être contre-interrogé.

 

[149]      J’en rapporte néanmoins le texte pour démontrer que monsieur Charles Garant, architecte, ne fait pas état des dates des visites ou de ses fréquences, de son constat, ni des ententes spécifiques avec le client.  Bref, des précisions qui auraient pu instruire possiblement le Tribunal :

 

                  À qui de droit,

Par la présente, nous confirmons la validité des travaux complétés selon les documents (plans de l’Architecte) soumis pour le projet.

 

La conformité des travaux a été établie sur la base des documents d’architecture fournis pour le projet et par la suite au suivi de chantier (occasionnel) réalisé conformément aux ententes établies avec le client au moment d’amorcer la construction de l’ouvrage.

 

Cela fait suite aux visites effectuées sur place pendant les travaux, dont la dernière en date du 22 décembre 2015, ainsi qu’aux ententes établies avec le client sur le dite conformité des travaux.

 

À Québec le 22 janvier 2016.

                     Charles Garant    Architecte     

                                      

 

3- LA NEIGE ET LA GLACE

 

[150]      L’Entrepreneur a souligné qu’à plusieurs reprises il s’est rendu sur place et qu’il aurait constaté que le balcon « n’avait pas été déneigé ».

 

[151]      La neige en soi ne débouche d’aucune façon sur des infiltrations d’eau, sinon bon nombre de bâtiments au Canada seraient sujets à des infiltrations d’eau.  Nos hivers regorgent de tempêtes de neige qui à l’occasion prennent appui aux fenêtres, portes-patio et autres ouvertures.  On peut avancer qu’à elle seule, la neige ne peut s’infiltrer dans un bâtiment.

 

[152]      La glace peut-elle soulever une porte-patio, comme le propose l’Entrepreneur? Une adhérence due au gel se produit lorsque le sol gèle à la surface d’une fondation.  Il est reconnu que les pressions de soulèvement qui se développent à la base de la zone de gel sont transmises aux fondations par le lien de l’adhérence due au gel et produisent des forces de soulèvement capables de déplacements verticaux appréciables.  Le sol doit être sensible au gel, il doit y avoir de l’eau en quantité suffisante et les conditions de refroidissement doivent entrainer le gel du sol et de l’eau. (12)

 

[153]      En l’espèce, la glace n’enveloppe pas le pourtour ou la base de la portepatio. Aucune espèce de preuve n’a été apportée démontrant que l’épaisseur de glace atteignait la lèvre de la porte-patio ou qu’elle l’embrassait jusqu’à sa base permettant ainsi un soulèvement.  La théorie de l’Entrepreneur non documentée en images minimalement et/ou par expert doit être délaissée.

 

[154]      Il faut se rappeler que le fardeau de preuve appartient à l’Entrepreneur dans le présent litige.

 

[155]      Il ne faut pas que le Tribunal soit convaincu hors de tout doute raisonnable pour accueillir ou rejeter l’appel de l’entrepreneur.  Il s’agit d’établir une preuve prépondérante.

 

[156]      La Cour supérieure dans la Garantie habitations du Québec Inc. c. Lebire (13) a légitimé qu’une « expertise plus poussée devrait être faite » si le problème n’est pas solutionné et a reconnu au tribunal d’arbitrage la compétence pour émettre une ordonnance à cet effet même si l’administrateur n’avait pas émis une telle ordonnance comme il l’avait fait en 2014.

 

93. Contrairement à ce que plaident les requérantes, l’Arbitre n’avait pas à se convaincre de l’existence d’un défaut de structure pour rendre sa décision.  Il pouvait ordonner l’exécution de travaux qui comprennent la vérification préalable de certains éléments de structure.

                                         (Je souligne) 

[157]      Le Tribunal souscrit aux arguments de l’Administrateur et du Bénéficiaire.  Le nombre d’infiltrations et leur distanciation dans le temps sont concluants.  Encore faut-il ajouter qu’elles ont endommagé trois niveaux de palier et à plusieurs endroits souvent espacés les uns des autres.

 

[158]      L’Entrepreneur ne s’est jamais présenté sur les lieux au terme des infiltrations, ni même lors de la visite des lieux (inspection) le 2 août 2019. Comment peut-il en disputer?

 

[159]      Les parties ont accepté tacitement ou implicitement que les infiltrations subséquentes au 3 juillet 2019 soient intégrées au processus d’arbitrage.

 

[160]      De l’ensemble de la preuve, le Tribunal conclut qu’il existe des présomptions graves, précises et concordantes (14) qu’un vice caché entache l’immeuble du 237 des Commissaires Est, à Québec. 

 

[161]      L’Entrepreneur devra s’exécuter pour corriger le vice de construction de manière décrite aux conclusions du présent jugement.

 

 

MESURES CONSERVATOIRES

 

 

[162]      Le Bénéficiaire s’est exécuté par l’entremise de Savard Construction à la suite des infiltrations d’eau qui endommageaient l’intérieur de trois unités de l’immeuble.  Tant l’Entrepreneur que l’Administrateur furent avisés que l’entreprise Savard Construction s’exécuterait.  L’Entrepreneur n’a jamais répondu ou contesté cette démarche, celle-ci fut même recommandée par l’Administrateur.

 

[163]      En vertu du Règlement le droit au remboursement de ces factures par l’Entrepreneur ou à défaut, par l’Administrateur comme caution, est régi par son article 34:

 

 

 

5o dans les 20 jours qui suivent l’inspection, l’administrateur doit produire un rapport écrit et détaillé constatant le règlement du dossier ou l’absence de règlement et en transmettre copie, par poste recommandée, aux parties impliquées. En l’absence de règlement, l’administrateur statue sur la demande de réclamation et ordonne, le cas échéant, à l’entrepreneur de rembourser au bénéficiaire le coût des réparations conservatoires nécessaires et urgentes et de parachever ou corriger les travaux dans le délai qu’il indique, convenu avec le bénéficiaire.

 

[164]      Aucune partie n’a contesté le caractère conservatoire, nécessaire ou urgent des réparations, ni les montants réclamés.

 

[165]      Le Tribunal acquiesce à chiffrier le coût des réparations à 5,980.14$ qui devront être supportées par l’Entrepreneur.  Quant au montant de 5,617.68$, cette dépense n’a pas encore été encourue à la date de l’audience.  La jurisprudence est unanime quant à cette nécessité que le travail soit déjà exécuté (15). Le Tribunal réservera au Bénéficiaire ses recours pour ce dernier montant.

 

 

MOISISURE ET FOURMIS CHARPENTIÈRES

 

 

[166]      La preuve a révélé l’apparition de moisissure et de fourmis charpentières.  Il est indéniable que la quantité d’eau qui s’est infiltrée notamment dans les murs, les plafonds et les planchers créent des problèmes importants aptes à rendre le bâtiment impropre à son usage.  De plus, ces infiltrations d’eau ont provoqué et provoquent notamment la détérioration du bois à l’ossature, à moyen ou long terme mais et surtout une situation de culture qui ne peut qu’avoir des conséquences néfastes sur la santé des personnes habitant notamment les unités #1, #2 et 5. Ceci doit être pris en considération.

 

[167]      Le Tribunal imposera l’obligation de retenir les services d’une entreprise professionnelle en décontamination et en extermination à s’exécuter notamment pour les unités 1, 3 et 5 dès lors que la portion des travaux de retrait des matériaux attaqués par l’eau ou la moisissure ou pourriture sera terminée. 

 

 

 

MÉTHODES ET MODES D’EXÉCUTION

 

[168]         L’arbitre, Me Jean Philippe Ewart, écrit dans l’affaire Syndicat de la Copropriété ELM c. Condominiums ELM 345 Inc. et Raymond Chabot administrateur provisoire Inc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie Abritat Inc. (16) :

 

[32] Tenant compte du principe de l’autonomie de l’entrepreneur et de son libre choix des moyens d’exécution des travaux (2099 C.c.Q.), une distinction se doit toutefois d’être entre d’une part le choix des méthodes ou modes d’exécution des travaux et, d’autre part, les type et qualité des travaux, de l’ouvrage lui-même – deux réalités distinctes qui font dire sous le Règlement à l’arbitre dans l’affaire Rae [6] (confirmé par notre Cour d’appel) :

 

« 117 […]  En cela le choix des travaux et méthodes d’exécution, renvoie à des réalités distinctes, la première désignant l’objet à faire et la seconde la façon d’y arriver. »

 

Le choix des travaux, et de même les conditions de correction sont de la compétence du Tribunal tel que souligné par la Cour supérieure sous la plume de l’Hon. Dufresne (maintenant de notre Cour d’appel) dans l’affaire Garantie Habitation et Sotramont [7] :

 

92. […] l’Arbitre agit à l’intérieur de sa compétence lorsqu’il fixe les conditions de correction ou de réfection du plancher.  En ce faisant, l’Arbitre accomplit son mandat à l’intérieur de la compétence que lui accorde la loi. »

 

[34] Notons finalement, de même, quant aux travaux de fermeture des Ouvertures, le corollaire sous lequel l’Entrepreneur s’est engagé (en conformité de l’Annexe II, paras 3 et 18 du Règlement découlant entre autres de l’article 78 (3) du Règlement) :

 

« 3o à respecter les règles de l’art et les normes en vigueur applicables au bâtiment; »

 

« 18, à mettre en place s’il y a lieu, toutes les mesures nécessaires pour assurer la conservation du bâtiment ou à rembourser le bénéficiaire lorsque de telles mesures ont dû être mises en place de façon urgente par ce dernier; … »

 

                              (Je souligne)

 

[169]         Le Tribunal ne peut qu’acquiescer à ce raisonnement et doit l’appliquer lorsque les circonstances l’exigent.  Qui plus est, je me permets de rappeler que ce dossier a subi un passage à vide à cause de la Covid-19.  Cela a certes causé un préjudice plus important au Bénéficiaire et pour d’autres raisons évidentes.

 

[170]         Devant cette situation, je rappelle les propos de notre Cour d’appel dans

Construction M.R. Canada Ltée c. Office Municipal d’habitation de Montréal. (17)

 

[18] […] Régime d’ordre public [5], le Règlement vise notamment à obliger que les réparations des bâtiments résidentiels neufs soient effectuées rapidement par l’entrepreneur ou prises en charge par l’administrateur de la garantie (Nos soulignés).

 

                         (Je souligne et renforcie certains caractères)

 

[171]         En bout de piste j’ajouterai que le Bénéficiaire n’a pas à souffrir du fait que l’Entrepreneur s’est départi de sa licence d’entrepreneur.

 

 

  POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

 

  REJETTE  la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur;

 

           MAINTIENT    la décision du conciliateur;

 

ORDONNE à l’Entrepreneur (s’il détient une licence), de concert avec l’Administrateur de retenir les services d’un expert en bâtiment et ce, dans les dix (10) jours de la présente décision, afin de déterminer les causes d’infiltration d’eau dans le bâtiment et les travaux à exécuter. A défaut d’entente, l’Administrateur tranchera au plus tard au terme du dixième jour;

 

ORDONNE que le rapport d’expert soit remis à l’Entrepreneur, à l’Administrateur et au Bénéficiaire d’ici le 28 août 2020;

 

ORDONNE à l’Entrepreneur d’utiliser uniquement des matériaux et produits neufs pour l’entière exécution des travaux;

 

ORDONNE à l’Entrepreneur, et à défaut l’Administrateur, de payer les frais de l’expert, dans les 10 jours de sa facturation, à défaut de quoi ils porteront intérêts au taux légal, plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec;

 

ORDONNE à l’Entrepreneur de pourvoir selon les règles de l’art, les règlements et codes en vigueur à son obligation de résultat en coordination avec la gestion de projet de l’Administrateur attitré au bâtiment aux travaux correctifs permettant de régler définitivement               toute               infiltration               d’eau               ou               tout               vice endommageant le bâtiment tout en respectant les directives émises par l’expert. Il devra initialement retirer tous les matériaux               endommagés               ou               empreints               de               possible contamination. Cette dernière détermination sera faite de concert avec l’Administrateur;

 

ORDONNE à l’Entrepreneur et/ou les sous-traitants à s’exécuter sans

interruption pendant les jours ouvrables jusqu’à ce que les travaux soient terminés, à moins de réelle force majeure;

 

ORDONNE à l’Entrepreneur de payer au Bénéficiaire la somme de 5,979.78$ dans les 10 jours des présentes et avec intérêts au taux légal majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code Civil du Québec à compter du 11ième jour des présentes. L’Administrateur devra assumer cette obligation dans les 30 jours suivant le premier délai de 10 jours si l’Entrepreneur a fait défaut de s’exécuter;

 

RÉSERVE au Bénéficiaire ses recours quant à toute somme additionnelle

qu’il pourrait encourir ou qu’il a encourus depuis l’audience relativement à des mesures conservatoires à être exécutées ou qui ont été exécutées;

 

ORDONNE que les travaux soient terminés au plus tard le 16 octobre 2020, ce délai étant de rigueur;

 

ORDONNE qu’une (ou des) firme(s) spécialisée(s) en dégarnissage, décontamination et d’extermination soi(en)t mandaté(s) pour effectuer               les               travaux               requis               de               dégarnissage               et décontamination               (avec               confirmation               écrite               d’une décontamination complète selon les règles de l’art) et ce, aux frais de l’Entrepreneur. Ces frais devront être payables dans les 30 jours de leur réception. Au-delà de ce terme, ils porteront intérêts au taux légal plus l’indemnité prévue à l’article 1619 du Code Civil du Québec;

 

ORDONNE à l’Entrepreneur de pourvoir, en coordination avec l’Administrateur aux travaux correctifs requis pour une remise en état des lieux visés par la présente, incluant, de façon non limitative les finitions, la peinture, le remplacement des matériaux endommagés ou non conformes;

 

ORDONNE à l’Administrateur de prendre faits et cause et ce, sans délai advenant le refus et/ou la négligence et/ou le retard et/ou l’incapacité d’agir de l’Entrepreneur avec les mêmes

obligations et délais d’exécution (mutandis mutatis) découlant des ordonnances rendues ci-haut, conformément aux termes et conditions de l’alinéa 6 de l’article 34 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs;

 

ORDONNE à l’Administrateur d’assurer la surveillance des travaux, tant

ceux devant être exécutés par l’Entrepreneur ou par un soustraitant ou un tier entrepreneur choisi par l’Administrateur;

 

 

PERMET

 

que soit présent, si le Bénéficiaire le requiert, à ses frais et sans que cela ne retarde indûment l’intervention de l’Entrepreneur ou l’exécutant dans les délais qui lui sont imposés par le Tribunal, un représentant (du Bénéficiaire) ou tout tier expert s’il le juge à propos;

RÉSERVE

 

à la Garantie Abritat. (l’Administrateur) tous ses droits et recours à être indemnisé par l’Entrepreneur et/ou ses cautions, pour toute somme versée ou exigibles pour l’exécution de la présente décision, incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par. 19 de l’annexe du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement;

LE TOUT

 

 

avec les frais de l’arbitrage à charge en parts égales entre l’Entrepreneur et l’Administrateur conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facturation émise par l’organisme d’arbitrage après un délai de grâce de trente (30) jours;

 

 

           LAVAL, CE 31 JUILLET 2020

 

 

Yves   Fournier

______________________________

YVES FOURNIER

Arbitre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1.       Chapitre B-1.1, r.8.

2.       (2006) QCCA 887.

3.       (2008) 3 R.C.S. 41.

4.       Rousseau c. Bennett, [1956] R.C.S. 89.

5.       SORECONI, 090304001, 15 mars 2010

6.       BAUDOIN, J.L. et DESLAURIERS, P., La Responsabilité civile, 7e Edition, Éditions Yvon Blais, para. 2-378

7.       Id, para 2-380 8. Id, para 2-379

9.         Id, para 2-380

10.     LES CONTRATS DE CONSTRUCTION EN DROIT PRIVÉ ET PUBLIC, Montréal, Wilson et Lafleur / Sorej, 1982, p. 194-195

11.     CONTRATS D’ENTREPRISE, CONTRAT DE PRESTATION DE SERVICE, Montréal, Wilson et Lafleur, 2e Ed., 2011, para 248

12.     Digeste de la Construction au Canada, Congélation du sol et soulèvements dus au gel, CNRC, E. Penner, 1964-01

13.     [2002] J. Qc, no 3230 (C.S.) Juge Jacques Dufresne

14.     C. c. Q. art 2803 et 2804

15.     B. Evangelista et M. Lamolirata c. Construction Trilikon Inc. et Garantie Abritat, CCAC, S15101101-NP, 19 avril 2017, Me Rolland-Yves Gagné; Vincenzo Pamperra et La Garantie des

Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ et Habitations André Taillon Inc.,

      GAMM 2013-13-001, 6 avril 2014, Me Johanne Despaties

16.     SORECONI, 191005001, 19 novembre 2019

17.     2013 QCCA 1211